The X-Mas Files : Trust no Onna
Chapitre 3 : Le grand livre des révélations
3164 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a 5 mois
COMMISSARIAT DE TALKEETNA, SALLES D’INTERROGATOIRE
Pour se rendre utiles, les agents du FBI tentèrent d’y voir plus clair sur la contamination bactériologique dont une bonne proportion des élèves, quelques parents et possiblement « l’ogre Wendy » avaient été victimes.
Scully avait choisi de parler avec le dénommé Tracker Popovici, surnommé Popovitch [1] ; et Mulder s’était chargé de Walpurgis Mendelson, surnommé parfois Wallie par ses parents qui regrettaient le choix de ce prénom, ou « Mental » [2] par ses amis, parce qu’il racontait toujours des trucs aberrants. En effet, c’était le fils du légiste conspirationniste.
Le garçon s’avéra être une mine de renseignements dégoupillée. Apprenti rédacteur dans les colonnes de la gazette du lycée, il aurait fait un merveilleux écrivain, débordant d’imagination. C’était donc à lui qu’on devait l’histoire des caribous enlevés par des aliens le soir de Noël et à l’occasion d’aurores boréales ou du passage de « ballons-sondes russes ». Le rusé renard ne put toutefois s’empêcher de dresser l’oreille quand le gamin réitéra qu’il était allé chez Tobias Le Borgne, parce que son copain Beaver avait dit qu’il avait des incubateurs et tout un matériel de laboratoire. Un matériel avec lequel il tentait d’améliorer par croisement génétique le cheptel des rennes qui dépérissaient depuis quelques temps. Beaver affirmait avoir aperçu brièvement dans la cave du vieux des fœtus très cool. Mendelson soupçonnait donc que les grands fours servaient à faire disparaître les nouveaux-nés non viables mais reconnaissait qu’il n’avait pas de preuve tangible – raison pour laquelle il avait accepté d’accompagner ses amis chez Onayé, afin de vérifier en son absence si c’était vraiment vrai.
Quand Mulder lui demanda s’il ne trouvait pas cela dangereux d’aller fouiner comme ça chez les gens, particulièrement ceux qui avaient des fours pour faire disparaître des preuves, Mendelson acquiesça mais expliqua qu’il faisait partie de la ligue de protection des animaux, dont le plus fervent défenseur local était… le proviseur Hart. Le gamin souligna qu’il n’agissait nullement à la demande du proviseur mais qu’il se sentait tout de même tenu de faire état de ses découvertes éventuelles au responsable de l’association, si jamais on pouvait trouver des preuves de maltraitance animale.
Et l’agent du FBI n’en sut pas davantage, parce que le jeune Popovici s’était mis à faire un raffut de tous les diables dans la pièce à côté. L’adolescent semblait en proie à un violent délire et avait dû être maîtrisé. L’infirmière de l’école avait été appelée en renfort car elle faisait sa déposition au même moment.
— C’est eux ! Je les ai vus ! Ils ont bougé, je vous jure qu’ils ont bougé !
— Qu’est-ce que tu as vu ? demandait doucement Scully alors qu’elle essayait d’user de son supposé talent pour retenir l’attention des jeunes geeks.
— Les lutins ! C’est incroyable ! Je vous jure qu’ils sont vivants ! Leurs yeux me regardaient…
— Tracker, est-ce que tu as commencé à voir ce que tu as vu avant ou après avoir consommé des cookies ?
Il s’arrêta de crier en faisant une pause pour réfléchir, se grattant les paumes sans pouvoir y résister, jusqu’au sang. Puis il se troubla et s’énerva à nouveau.
— Mais j’en ai pas mangé ! Beaver a refusé sous prétexte que si on commençait à en manger, on en vendrait moins !
Mendelson était resté tout près de Mulder, curieux et patient. Il n’avait sur le visage aucune trace de culpabilité, respirant l’honnêteté. Il intervint en voyant l’état de son ami :
— Ah ça je confirme, fallait pas y mettre un croc dedans… Mais qu’est-ce que t’as, mon vieux ?
— Bah, j’ai vu les lutins… les trucs débiles-là comme ceux de Disney, pour décorer dehors. Ils bougeaient et ils ont fait semblant que non quand ils ont vu que je les avais vus…
Scully allait poser une question quand Wallie leva une main.
— Excusez-moi madame, je pense que c’est mieux si c’est moi qui demande… Popovitch, moi je suis pas sûr d’avoir bien vu comme toi, tu peux me dire où c’était ? Je peux essayer d’y retourner pour photographier ; j’ai un jetable. Comme ça, il y aura une preuve. C’est bien après la ferme du père Whitstraum, quand on est revenus en ville, je crois ?
Tracker secoua sa tête bouclée, frisée comme un mouton, et se frotta les yeux, déjà rougis.
— Ouais, dans les jardins, je me tue à le dire ! Avec la barbe blanche, le bonnet, et la veste rouge.
— Le Père Noël ?
— Putain, dans les jardins !!! Il y a des Pères Noëls dans les jardins ?
— Popo, je veux pas dire, mais en ce moment, il y en a plein…
— Des nains de jardin ? suggéra Mulder.
— Voilà ! C’est ça ! Je savais plus le nom trop précis, j’ai du mal à réfléchir…
— Tracker, Tracker ! l’appela Scully. Montre-moi tes mains… Où t’es-tu fait ces plaques rouges qui cloquent ? Tu as touché à quelque chose de particulier ?
— Nan, on n’avait pas le temps de fouiner. On arrive, on fait les ingrédients, la pâte, on verse dans les moules – ça on les avait apportés. Fallait pas traîner.
— Infirmière Adine, appela-t-elle, il faut qu’il aille tout de suite à l’hôpital, il est entré en contact avec un produit toxique qui affecte son système nerveux. Tracker, on appelle tes parents, ne t’inquiète pas, ça va aller.
— Vous venez pas ? Ou Mental ?
— On suivra l’ambulance.
Popovitch se laissa emporter en tremblant. Et quand on le mit sur un fauteuil roulant pour le véhiculer à l’extérieur. Il tourna la tête vers eux, les yeux écarquillés et pleurant à moitié en raison de ses irritations.
— Ils fichaient sacrément la trouille !
.
Mendelson resta planté là, à regarder partir son ami d’un air très pensif. Scully vint plus près, inclinant la tête, et le sourire engageant.
— Tu as vu quelque chose, toi ?
— Vous fatiguez pas madame, je suis gay. Votre collègue aurait eu plus de chances que vous… Je suis inquiet. C’est pour ça que je suis là. C’est une semaine horrible ! On est maudits ou quoi ? Parce que d’après ce que j’ai compris, Popo est super malade, Lenny carrément mort et Beaver n’a pas refait surface. Alors, soit il hallucine tout seul en bavant par terre, soit se planque dans un coin parce qu’il sait qu’il a fait une très grosse connerie en envoyant Lenny en mission… Beaver, c’est lui qui décide de tout, précisa-t-il. Notamment du plan d’action pour les biscuits et d’envoyer Lenny chez Big Wendy…
Scully jeta un œil à Mulder qui hocha imperceptiblement la tête.
— Tu étais avec eux chez M. Onayé. Tu soupçonnes ton ami d’être malade lui aussi. Pourquoi lui et pas toi ? Qu’est-ce qu’il y a de différent ?
Mendelson opina en tirant sur les trois poils qu’il avait au menton. Il rajusta ses grosses lunettes.
— J’y pense depuis que votre collègue m’a interrogé. Et je me demande si c’est parce que je n’ai pas mis « la main à la pâte ».
— Parce que… ? interrogea « le collègue qui avait des chances ».
— Parce que Beaver est un peu chiant quand il veut. Il a décidé que je serais à la plonge et aux fours. J’ai nettoyé les grilles et les plaques pendant qu’ils préparaient. Elles étaient dégueu, on pouvait rien poser dessus. Ça puait. Du coup, j’ai mis des gants. Et pour enfourner les gâteaux, j’avais des maniques. Alors peut-être…
— Une question, si je peux me permettre, interrompit Mulder. Tu m’en as vendu de ces gâteaux, et j’ai rien du tout pour l’instant…
Wallie baissa les yeux, un peu gêné mais avec un petit sourire. Scully se rapprocha de lui.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que tu as fait ? Dis-nous, c’est important et je suis sûre que le shérif pourra se montrer plus indulgent si tu apportes des éléments utiles… On peut encore sauver ton autre ami si on intervient à temps et qu’il est malade lui aussi.
— Non ça, je sais, soupira-t-il. C’est juste que… Eh bah… j’avais plus de gâteaux, alors…
— Alors pour continuer à en vendre, tu en as pris ailleurs, et tu as continué ton petit commerce en gardant la cagnotte. C’est ça ?
Wallie sourit malgré lui, pas assez piteux qu’il l’aurait dû.
— Quoi ? C’était tentant. Beaver a un sens assez personnel du partage... Donc vous inquiétez pas, c’est ceux-là que vous avez eus. Et puis d’abord, je ne les ai pas « pris », je les ai achetés à la boulangerie. A la base, j’avais fini ma tournée, j’avais l’intention de manger les derniers. Mais je vous ai vu sur le parking, je vous ai trouvé canon, alors j’ai voulu engager la conversation…
— Ne te fatigue pas, Wallie, il est hétéro, répondit Scully avec un mince sourire.
— Bien, reprit Mulder qui considérait leur échange avec une impassibilité étudiée. Donc, reprenons, as-tu une idée d’un endroit où ton ami Beaver pourrait se cacher, le cas échéant ? Est-ce que vous avez une planque secrète ? Parce que sinon, là, on file quand même chez Onayé pour l’interroger, et tu viens avec nous pour nous montrer exactement ce que vous avez fait, avec quoi et où… Et pendant le trajet, tu en profites pour nous éclaircir l’histoire de « Lenny en mission ».
— Ah non ! s’agita le jeune homme soudain moins coopératif. Je suis grillé si j’y vais. Je retourne pas chez Le Borgne encadré par deux flics… Ou alors vous me menottez et je fais la gueule tout du long, genre le mec qui refuse de rien dire, même sous intimidation policière…
— Pourquoi ? Tu me trouves intimidant maintenant ? demanda-t-il avec un vague amusement.
— Non pas du tout ! Mais elle, oui ! dit-il en pointant Scully.
Et bizarrement, celle-ci apprécia fort cette réponse.
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Ils étaient en train de sortir du commissariat avec le petit bavard quand le shérif Lupenstein leur courut après. En grande forme, il les rattrapa très vite. Ses yeux fulminaient un peu, notamment en direction de la plus rouquine des deux.
— Hop hop, non mais vous allez où, vous, avec ce gamin ?
— Je l’ai interrogé et il a révélé que ses deux amis avaient probablement touché sans le savoir des produits toxiques quand ils sont allés chez M. Onayé.
— Quoi ? Effraction de domicile après mise en danger de la vie d’autrui ? Non mais tu vas voir la tête de tes parents quand je vais ajouter ça sur ton casier, toi ! FBI 1 et 2, vous n’allez nulle part, vous n’avez pas de mandat ! Si quelqu’un doit aller chez Onayé, c’est moi. Et pour m’assurer qu’il va bien. Compris ?
— Avez-vous pensé au fait que cet ancien chercheur n’a aucune bonne raison pour manipuler des produits dangereux, alors qu’il n’a même pas l’excuse de s’en servir comme herbicide ou insecticide dans ses champs ? Qu’allez-vous faire s’il vous attaque ?
— M’attaquer ? Onayé ? C’est un vieux débris ! Croyez-moi, si je le prends aux poings, il n’a aucune chance.
— Shérif Lupenstein, intervint Scully. Ces enfants sont malades, même si la contamination qu’ils ont subie est accidentelle, et je souhaite qu’elle le soit, M. Onayé est peut-être lui aussi très mal en point. Vous n’avez pas vu dans quel état était le jeune Popovici. Il vaudrait beaucoup mieux qu’un médecin vous accompagne, pendant que d’autres de vos collègues essaieraient de retrouver ce Beaver… souligna-t-elle patiemment.
Il s’approcha d’elle d’un peu trop près en la toisant, avec sur le visage une expression presque séductrice.
— En effet, mais vous ne viendrez quand même pas, ma jolie ! Je croyais que vous vouliez à tout prix m’arracher l’autopsie du cadavre de Big Wendy ? Il n’est pas très ragoutant à poil, mais s’il n’y a que ça, faites-vous plaisir ! Tenez !
Il leva un papier brusquement et le lui appuya à plat sur la poitrine d’un coup sec.
— Mais vous avez raison, poursuivit-il, je vais emmener l’infirmière Adine. Toi, Mendelson, je te colle en cellule. Vous, FBI, vous allez finir avec lui si vous ne restez pas tranquille, c’est compris ?
Sans dire un mot, Mulder leva les mains comme pour dire qu’il se rendait, mais hélas avec une tête moqueuse qui aurait pu lui valoir des ennuis.
— Beth ! s’époumona Lupenstein. Qu’est-ce qu’elle fout ? Quelqu’un a vu Beth ?
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Wallie Mendelson fut donc emmené en cellule sans que ça le traumatise plus que ça. Mulder avait relevé le mot « encore » associé à « ton casier » dans la conversation qui précédait.
Désœuvré et un peu frustré d’être réduit à l’état de simple observateur, il résolut d’accompagner Scully et l’assister pendant qu’elle cherchait à percer à jour les raisons du décès de Presley Wendicott. Maintenant que tout le monde supposait qu’il était un horrible tueur en série, il devenait clair que l’élucidation de sa mort se faisait nettement moins prioritaire face au sauvetage d’enfants.
— Tout ça ne me dit rien qui vaille, Mulder, soupira-t-elle alors qu’ils retournaient à la morgue de l’hôpital. Le shérif est à cran. Presque ouvertement hostile. Est-ce qu’il se sent dépassé par cette situation et refuse notre aide par fierté ?
Son équipier gloussa en roulant prudemment pour quitter le parking du commissariat.
— Non.
— Non quoi ?
— Ce n’est pas ça. Tu lui plais, c’est tout.
— Ne dis pas n’importe quoi…
— Ce n’est pas « n’importe quoi ». Tu n’as pas vu comment depuis qu’il est arrivé, et chez Wendicott, il pisse partout pour marquer son territoire ? Une vraie caricature de mâle alpha dans la meute. Ce n’est pas envers toi qu’il est hostile, c’est envers moi. Je te parie que la première question qu’il t’a posée, c’était pour savoir si nous étions ensemble ?
Et comme le silence embarrassé de Scully était suffisamment éloquent, il ajouta :
— Il n’a pas arrêté de t’envoyer des perches qui sont devenues des piques pour essayer de te faire réagir. Et bien sûr, tu ne mordais pas à l’hameçon. C’est pour ça que je suis allée voir Yuki Onna. C’est la plus jolie du quartier. Je me suis dit que si je m’éloignais en ayant l’air de confirmer tes propos – car je suppose que tu lui as dit que nous n’étions « que » collègues – il y croirait bien davantage si j’avais l’air de m’intéresser à une autre… Nous sommes loin de Washington et pas en service, mais en vacances. Donc nous avons besoin de sa coopération, si on a envie de résoudre les mystères de cette ville !
Scully passa vite sur l’ambiguïté de sa formule « il y croirait si j’avais l’air de m’intéresser à une autre ». Cela sonnait bizarrement à ses oreilles, comme si implicitement, il avouait que non, il ne s’intéressait pas à une autre qu’elle… Elle cligna des yeux et commença à se dire que le manque de sommeil lui embrouillait l’esprit.
— Ah, mais je croyais avoir compris que j’étais au contraire très « intimidante » !
— Oui. Mais ça ne repousse pas tout le monde. Moi j’adore ça…
Elle déglutit.
— … on débarque quelque part, avec juste notre aplomb, notre bonne volonté, notre plaque et deux cerveaux. Un simple regard sur toi, et tout le monde reste frappé par ton autorité naturelle et ton côté pète-sec qui font subtilement sentir aux gens que, s’ils sont assez stupides pour t’empêcher de faire ton travail, il y aura « des conséquences » s’ils continuent, parce qu’il est important. Après, ils apprennent que tu es une vraie enquêtrice au FBI et pas mon assistante et qu’en plus tu es médecin légiste… Le combo ultime. L’aura de puissance de la science médicale, jumelée à l’effroi que la confrontation à la mort cause à tout un chacun. Imparable.
— Mulder, tu te paies ma tête ?
Sans répondre tout de suite, il esquissa un sourire qu’elle trouva moqueur, puis il se gara près de l’hôpital. Il finit par comprendre, quand elle sortit de la voiture en faisant la tête et en claquant fort la portière, qu’il l’avait probablement vraiment vexée. Ce qui n’avait jamais été son intention.
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[1] Pour les non familiers de l’italien, Popovici ne se lit pas « popovissi » mais « popovitchi » d’où le diminutif. Le choix du prénom de Tracker est entièrement dû à la signification secondaire de « Traqueur » en français, le jeune Popovitch n’étant pas le plus courageux du troupeau.
[2] Pour une meilleure compréhension, en anglais familier « Mental » signifie fou / taré / dingue. « La première nuit de Walpurgis » est une composition de Felix Mendelssohn. Doit-on en déduire que la conception du petit Wallie a eu lieu « la première nuit » ? L’enquête ne va pas jusque-là, je rappelle que c’était censé être un one-shot court.