The X-Mas Files : Trust no Onna
Chapitre 2 : J'entends le loup, le renard et la belette
3902 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 29/12/2024 20:47
LYCÉE DE SUSITNA VALLEY
Le lycée n’était pas en centre-ville mais à quelques kilomètres. Ils espéraient arriver juste avant la fin des cours pour rencontrer le proviseur Hart qui dirigeait l’établissement. C'était un grand homme au teint café au lait, couronné d’une impressionnante coiffure afro. Ses yeux légèrement écartés les considéraient avec curiosité, et son sourire éclairé par une très courte barbiche déjà blanche faisait oublier son long nez épaté. Il les invita aimablement à s’asseoir face à son bureau. Les lieux signaient l’amoureux de la nature, débordant de plantes vertes et de petites sculptures sur bois. En les voyant jeter un regard poli sur la décoration, il s’empressa de dire que c’était les élèves qui les réalisaient en retenue et les lui apportaient ensuite.
De sa bouche, ils apprirent que la police était déjà venue lui poser des questions et que Lenny Krassluk était un bon garçon, travailleur avec de très bonnes notes, possiblement le meilleur élève du lycée. Par contre, il était un peu timide et avait du mal à se socialiser. Le proviseur avoua qu’il était content que Leonard se soit fait des amis récemment mais un peu étonné par leur profil de « mauvaise graine en puissance ». Une fois ou deux, des surveillants lui avaient rapporté que Lenny était « chahuté » par ses nouveaux copains. Mulder mena l’interrogatoire.
— Précisément, que s’est-il passé ? questionna-t-il en lorgnant sur la petite soucoupe pleine de graines qui trônait près du pot à crayons.
— Oh, rien de bien méchant : des tapes dans le dos, des bourrades dans les côtes, des petites moqueries… C’est remonté jusqu’à moi parce que Lenny n’avait pas toujours l’air d’apprécier. Pourquoi vous me demandez ça ? Vous ne pensez tout de même pas que ses amis puissent être responsables de sa disparition ?
— Nous sommes sur une autre enquête, en réalité, celle de la mort de Presley Wendicott survenue en même temps que la disparition de votre élève. C’est probablement une simple coïncidence. Ils n’avaient aucun lien plus personnel ?
— Pas que je sache, mais dans une si petite ville, tout le monde se connaît un peu.
— Pensez-vous que Lenny puisse avoir des ennemis ? poursuivit Mulder, le nez sur un carnet où il griffonnait. Ou des camarades jaloux de ses bons résultats, par exemple ?
— Lenny ? Pas du tout. Par contre, j’y pense, il prenait des cours de soutien en chimie. C’est un de nos nouveaux résidents qui les lui donne, un ancien chercheur à la retraite. Il s’appelle Onayé, mais tous les gamins l’appellent « One eye » ou « Le Borgne ». Un type bizarre. Il travaillait dans la biologie moléculaire, ou je ne sais quoi. Si vous le cherchez, il est installé dans une ancienne ferme à deux ou trois kilomètres d’ici. Elle jouxte celle de Caspar Whitstraum qui s’occupe d’une réserve de caribous[1]. A Noël, beaucoup d’enfants des environs aiment aller les voir évidemment.
— Que voulez-vous dire par « bizarre » ?
— Bon, je vais être franc, Onayé ne m’a jamais plu. Il sort rarement de chez lui, donc j’admets que je le connais mal… Au début, je me disais que Lenny et lui s’entendaient peut-être bien parce qu’ils étaient tous les deux un peu solitaires. Mais ses cours de soutien ont brusquement cessé du jour au lendemain, et ensuite Leonard a commencé à traîner avec des jeunes de son âge.
— Il a donné des raisons ?
M. Hart sembla un peu embarrassé.
— Non mais ses parents ne sont pas riches. Payer les cours a pu être un souci... et comme je vous l’ai dit, Onayé est assez spécial. Les surveillants m’ont aussi dit que le gamin s’isolait souvent. Peut-être était-il harcelé à l’extérieur du lycée ? Je ne vois que cela pour qu’il préfère rester en compagnie de camarades qui le charriaient mais faisaient pourtant la route avec lui pour revenir en ville... Il y a beaucoup d’élèves. Je ne peux pas faire un suivi psychologique pour tous.
— Je comprends bien, M. Hart, mais est-ce que vous réalisez que vous parlez de cet élève au passé ?
Des coups répétés et impérieux furent frappés à la porte du bureau. L’infirmière de l’établissement entrebâilla la porte et annonça d’un ton anxieux qu’il devait venir tout de suite car plusieurs élèves étaient tombés subitement malades, et tous pratiquement en même temps. Elle soupçonnait le repas de la cantine.
— Excusez-moi, dit le proviseur en quittant son siège d’un bond, c’est une urgence. Beth, prévenez tout de suite les familles.
— Quels sont les symptômes ? questionna Scully restée silencieuse jusque-là.
— Ceux d’un lendemain de cuite ! Pardon, je veux dire : nausées, vomissements, maux de tête et, certains sont agités et confus. Excusez-moi, je dois y aller.
La sonnerie retentit. Les deux agents tentèrent de gagner la sortie alors que tout un chacun refluait dans les couloirs, paniqué par la crainte d’être contaminé par on-ne-savait-quoi s’il restait une seule minute de plus. En regardant la pagaille, Mulder soupira.
— Un mardi soir comme les autres au lycée…
.
Puisqu’ils se trouvaient dans une impasse, et qu’il était un peu tard pour passer à l’improviste chez M. Onayé et son voisin, ils convinrent qu’ils allaient rentrer au lodge qu’ils avaient loué, la journée commençant à se faire longue avec le décalage horaire. Mais ils n’en eurent pas l’occasion.
Alors qu’ils manœuvraient pour sortir du parking de l’école, trois voitures de police firent leur entrée toutes sirènes hurlantes. Dérapant légèrement sur une plaque gelée, elles s’arrêtèrent pile devant eux dans un crissement de pneus.
Un grand homme musclé et énergique en jaillit – à cinq contre un – ancien militaire. Ses courts cheveux drus et cendrés par l'âge faisaient ressortir des yeux gris plutôt clairs. Il donna ses ordres à deux patrouilles qui l’avaient suivi, puis les scruta tous les deux. Grattant ses proéminentes rouflaquettes, il plissa les yeux, en fronçant le nez. Les poings sur les hanches, il les héla d’un signe de la main.
— Et vous êtes qui, vous ? Je ne vous connais pas ! Des touristes ?
— Monsieur et Madame FBI, répondit poliment Mulder en tendant son badge. Et vous ?
— Cool, des fédéraux ! On avait bien besoin de ça ! grogna-t-il un peu. Je suis le shérif Lupenstein. J’ai deux gamins à récupérer. L’un deux a avoué que c’était probablement à cause de la petite cuisine qu’il avait faite avec ses copains si tout le monde était malade. Ensuite, il faut que je passe vite fait chez Big Wendy. Je pourrai voir ce que vous voulez après. Ça urge ?
— Heu, dites, des gâteaux comment ? questionna Mulder en regardant le sachet kraft qu’il tenait à la main.
Le shérif haussa un coin de babine ironique sur ses dents légèrement pointues.
— Faites voir ? Bah, comme ceux-là… Si vous en avez besoin, les toilettes sont par-là !
Puis avec un reniflement, il se détourna pour accueillir les pompiers arrivés aussi sur ces entrefaites, et cela fait, il brailla qu’on aille lui chercher tout de suite le proviseur et l’infirmière, et qu’on lui appelle le bureau du maire.
Mulder et Scully s'entre-regardèrent avec le sentiment d’être sortis de l’œil du cyclone.
— Un mardi comme les autres, confirma-t-elle en soupirant. Comment tu te sens ?
— Pas comme un lendemain de cuite, si c’est ce que tu veux savoir.
— Tant mieux, parce que c’est l’occasion d’aller voir le domicile de la victime. Ensuite, je ferai ce que je pourrai pour obtenir l’autorisation de pratiquer l’autopsie demain.
Un peu à regret, Fox plaça les biscuits dans la boîte à gants de leur voiture de location. Si le problème était grave, Scully voudrait probablement autopsier aussi ces biscuits.
.°.
DOMICILE DE PRESLEY WENDICOTT
Scully surveillait encore Mulder pendant qu’ils se garaient derrière les voitures de police, dans la rue à proximité de la maison de la victime. Le croqueur de pain d’épices ne manifestait aucun symptôme suspect : pas de transpiration, pas de dilatation des pupilles, respiration normale…
— Je vais bien, Scully.... Regarde-moi plutôt ça. J’imagine la tête de Skinner s’il lisait le rapport… Le shérif n’est pas là pendant trois jours et tout reste en l’état ? Aucune fouille des lieux ni recherche de preuves ?
— Continue comme ça et on va t’accuser d’être un fédéral méprisant envers les autorités locales, se moqua-t-elle. Mais je suis d’accord avec toi…
Ils emboitèrent le pas de la police quand elle investit les lieux pour procéder aux inspections d’usage. La maison était relativement propre et bien rangée. Mulder les rejoignit une minute après. Dans ses mains gantées, il portait une boite en carton, qui semblait constituer l’emballage flambant neuf d’un jeu vidéo.
— Shérif, j’ai trouvé ça près des buissons, sous la fenêtre là-bas. J’ai failli marcher dessus.
Ce dernier s’approcha pour examiner l’objet en fronçant les sourcils avec une petite grimace. Il alla chercher un sac transparent pour l’y insérer, en vue d’un examen ultérieur.
— Qu’est-ce qui vous dérange ? demanda Scully.
— M. Wendicott n’a pas d’enfant.
— Et pas de console de jeu près de sa télévision, souligna Mulder. Il aurait pu y jouer lui-même…
Lupenstein faisait la moue à cette simple idée et allait répondre qu’il n’en voyait pas l’intérêt quand, venue du fin fond du garage, une voix s’éleva étranglée par l’urgence :
— Shérif ! Rappliquez vite ! Oh mon Dieu !
Mulder adressa une œillade de connivence à sa coéquipière puis chuchota à son oreille :
— De mieux en mieux, j’adore ton cadeau de Noël. On ne s’ennuie pas une seule seconde. Cinq billets sur le congélateur.
— Tenu, s’entendit-elle répondre.
— Regardez ce que j’ai trouvé là-dedans, dit l’officier qui avait eu le malheur de vérifier.
Lupenstein, Mulder et Scully se penchèrent au-dessus du congélateur-coffre pour voir ce qui avait effrayé le bleu dont c’était la première journée sur le terrain. Parmi les boîtes de crème glacée et les pizzas bien empilées, reposaient plusieurs cuissots calés par des sachets de frites et de petits pois. Prestement, le shérif en attrapa deux pour les lever vers la lumière en les retournant sur toutes leurs faces.
— Mhh, ça doit venir de chez Whitstraum. Attendez voir, il marque sa viande. On devrait trouver son monogramme quelque part. Tenez : CW, il est là…
— Non, shérif, intervint Scully en pointant celui qui restait, je crois que votre officier parle de cela. Ce n’est pas du gibier, c’est un tronçon de cuisse humaine.
Lupenstein écarquilla les yeux, claqua la langue et inspira amplement. Il les planta là pour retourner dans le salon en criant à tous de revenir. La situation venait de changer complètement : le statut de Presley Wendicott venait de passer de victime… à celui de tueur potentiel.
— Okay, vous allez me boucler tout le périmètre, tonitrua-t-il avec un geste circulaire de l’index, et vous repassez tout au peigne fin. FBI, vous restez dans le jardin, j’arrive.
— Si on peut vous aider d’une quelconque façon… proposa Scully. Je peux décharger votre légiste de l’autopsie de M. Wendicott par exemple.
— Vous êtes qualifiée ?
— Oui, sinon je ne le proposerais pas.
— Pas faux. Écoutez, je devrais appeler le poste pour qu’ils vérifient vos numéros de badge et envoient une autre voiture pour emmener les gamins, mais avec ce bordel... Vous n’aurez qu’à les suivre, on discutera plus tard. Maintenant allez m’attendre dix minutes dehors, je reviens, j’ai un truc à vous donner. Allez, ne bloquez pas le passage, j’ai appelé une ambulance.
En sortant dans le jardin, Scully tapa sur la manche de son coéquipier pour lui glisser un billet plié de cinq dollars. Pendant qu’il le rangeait dans sa poche, un nouveau véhicule vint grossir le troupeau des voitures. Ils se reculèrent encore sur le gazon pour faire de la place aux ambulanciers remontant l’allée. Tout en les surveillant du coin de l’œil, le shérif finissait de distribuer ses ordres à tout ce petit monde.
Mulder jeta un regard alentour. De l’autre côté de la rue, il aperçut une femme brune, à la peau très pâle. Elle était enveloppée d’un anorak blanc et ses longs cheveux noirs dépassaient de sa capuche. C’était prévisible, avec le branle-bas de combat qui avait lieu ici, un petit attroupement de voisins venait jouer les curieux. Quoiqu’un peu distante, elle lui sourit quand elle vit qu’il la fixait.
Comme il n’y avait presque plus de place dans le jardin, Scully recula pour laisser passer un caisson réfrigéré. Ce faisant, elle pesta quand elle se cogna sur un bac à fleurs qui n’avait rien à faire là. Elle dut s'accrocher de justesse au bras de son partenaire. Il l’aida aussitôt.
— Il y a des trous de taupe on dirait… Dis donc, tu n’entends rien ?
— A part les sirènes et les ordres du shérif ?
— C’est un bourdonnement… Ah non. Je ne l’entends plus.
Distrait par ce qui se passait de l’autre côté, Mulder hocha la tête et fit un geste du pouce pointant derrière son épaule en désignant la rue :
— Je crois que je vais aller poser quelques questions aux voisins. Comme ça je serai assez loin du « périmètre », j’imagine.
Scully le regarda sans comprendre, mais ce fut plus clair quand elle tomba sur le regard aigu d’une riveraine. La femme avait des paupières étirées, mais ses traits lui semblaient trop fins et son teint trop pâle pour qu’elle puisse être d’ascendance purement inuite. Cette dernière regardait son équipier d’un drôle d’air, déclenchant instantanément en elle un instinct protecteur qui la poussait à s’interposer. Mais pour dire la vérité, elle n’aimait aucune jolie femme qui le lorgnait. Ce grand idiot était incapable de résister à de beaux yeux.
A la faveur d’une accalmie dans le va-et-vient des ambulanciers (et des aboiements de Lupenstein), elle sursauta quand elle réentendit le bourdonnement, plus fort, ainsi qu’une petite mélodie aigrelette, comme si quelqu’un tapait sur des cloches. Elle chercha à s’orienter et fit attention en marchant car la terre s’avérait meuble. Il lui semblait que le son venait du sapin tout proche. Sans doute le destinataire final des décorations qui attendaient rangées dans des cartons ouverts au garage.
Le bourdonnement cessa.
Elle se retourna vers son comparse, désormais en grande conversation avec la voisine qui lui faisait du charme. Alarmée, Scully résolut d’intervenir car cette femme avait quelque chose de très déplaisant. Elle n’aurait su dire quoi : elle était pourtant vraiment jolie.
Le bourdonnement reprit, la laissant partagée un petit instant. Las, Mulder était un grand garçon : elle choisit de héler plutôt un officier de patrouille.
— Vous entendez ce bruit ?
Le bleu qui avait découvert le morceau de cuisse tendit l’oreille.
— Oui, on dirait une sonnerie. Un pager.
— Un pager ?
— Oui, un bipeur, si vous voulez. Tous les gamins ou presque en ont. Les conditions climatiques peuvent être difficiles comme vous vous en doutez, il y a des animaux sauvages qui s’éloignent de leur territoire… Disons que ça rassure surtout les parents.
Elle inclina la tête pour le regarder en clignant des yeux attendant manifestement qu’il percute, ce qui ne venait pas vite.
— Donc vous dites qu’il y a probablement un pager qui n’arrête pas de sonner, sous une terre fraîchement retournée ?
— Oh ! fit-il en réalisant où elle voulait en venir. Ok. Je vais chercher une pelle dans le garage de Big Wendy… de M. Wendicott.
Elle acquiesça et s’agenouilla pour écouter près du sol. Le shérif arriva pile à ce moment et la considéra d’un air où se mêlait l’étonnement et l’amusement.
— Qu’est-ce que vous faites ? On peut y aller, je laisse les autres finir de remballer... Où est votre collègue ?
— En train de faire du gringue à la brune de l’autre côté.
— La Onna ? Ouh là, vous feriez mieux d’aller le chercher tout de suite ! Enfin… Il y a quelque chose entre vous ?
— Non. On travaille ensemble, c’est tout.
Le shérif Lupenstein sourit en coin, tandis que son patrouilleur revenait avec une pelle.
— Je dis ça, c’est parce qu’elle a une réputation…
— Une réputation de quoi ?
— Euh, rien. C’est pour quoi la pelle ?
— Il y a un appareil qui sonne là-dessous. Votre homme me dit que c’est un pager et que tous les enfants en ont un…
Le chef de la police arrêta de sourire.
— Digger, va en chercher une autre pour toi, s’il-te-plaît.
Les températures étant tout juste positives, le sol n’était pas difficile à creuser. Il n’était pas gelé mais la sensation de froid restait mordante, en raison de l’humidité. Lupenstein tomba presque tout de suite sur des doigts violacés. Il gratta la terre autour avec dextérité et célérité, dégageant une main, le poignet et une partie de l’avant-bras. La rigidité cadavérique lui rendit la chose un peu malaisée. Mais ils s’y mirent à plusieurs et bientôt, le visage d’un jeune garçon apparut. Les yeux clos, il aurait semblé seulement dormir si sa peau n’avait pas été aussi bleue.
— Okay, fit le shérif en se relevant. Eh bien, la journée n’est pas finie à ce qu’on dirait. Je ne sais pas si vous avez la poisse, mais les cadavres pleuvent. Vous les attirez ou quoi ?
Elle pinça les lèvres face à ce qu’elle percevait comme une tentative de détendre l’atmosphère, et jeta un coup d’œil ennuyé vers Mulder, en répondant distraitement :
— Fatalement oui. Ils finissent par venir à moi. Je vous l’ai dit, je suis médecin légiste.
Les yeux brillants, Hurley Lupenstein s’appuya sur le haut de sa pelle.
— Et de temps en temps, vous laissez approcher des vivants dans le lot ?
.
Elle marcha rapidement jusqu’à la petite barrière entourant le jardinet de la maison de « la Onna ». D’après ce qu’elle voyait, l’entreprenante voisine venait de l’inviter à entrer. Scully fonça plus vite en dépit de ses talons et de la neige.
— Mulder ! appela-t-elle. S’il te plait… on vient de retrouver Lenny Krassluk !
Aussitôt, il prit rapidement congé pour venir la rejoindre. Derrière lui, la séductrice évincée lançait des œillades noires à celle qui venait de lui souffler son quatre-heures.
— Oui, on dirait que le mystère de la disparition du jeune Lenny est résolu. Mais entre le contenu du congélateur et son corps retrouvé sous le sapin de Noël, ce n’était pas si simple qu’on le pensait. Et… je reconnais humblement que tu avais raison sur un point. Les deux affaires semblent liées.
— Tu veux que je te dise ce que je crois ?
— Tu en meurs d’envie…
— Je veux bien croire que Wendicott puisse pratiquer le cannibalisme, peut-être depuis des années. Je veux bien croire que trouver un gamin, opportunément enterré dans son jardin à côté d’un jeu vidéo, ressemble aussi à une manœuvre cousue de fil blanc pour nous laisser penser qu’il l’a attiré chez lui en se servant de ça. Mais… on a toujours deux problèmes.
Simplement attentive, elle le laissa finir sans l’interrompre.
— Un, si Presley Wendicott est le Hannibal Lecter du coin, que fait le petit agneau sous le sapin au lieu d’être lui aussi dans son congélateur ? Même si ce n’est pas un accident, pourquoi le cacher là ? Et deux, si ces cadavres correspondent à deux meurtres, ce qui n’est pas encore avéré, il est logique de supposer qu’il y a un tueur dans la nature. Qu’il soit responsable d’un seul ou bien des deux.
— Laissons Lenny au shérif et nous on reste sur l’affaire Wendicott. Quelqu’un ou quelque chose l’a tué et puis dévoré et ce n’est pas un poisson-Dracula. Malheureusement, vu ce qui se passe, je n’ai pas l’impression que le shérif Lupenstein va s’occuper des formalités administratives ce soir. Il est dix-neuf heures passées, il va avoir les parents sur le dos parce que les collégiens empoisonnés sont toujours : soit au commissariat pour faire leur déposition, soit à l’hôpital...
— Et ?
— Puisqu’il ne nous veut pas dans ses pattes, est-ce que ça ne vaut pas le coup d’aller voir tout de suite le garçon qui a avoué, sous couvert d’attendre sagement au poste ?
— Et pourquoi ferait-on cela ?
— Mulder, ce n’est pas parce que Wendicott a le corps de Lenny dans son jardin, que Lenny n’est pas venu lui vendre des gâteaux qu’il aurait moins bien tolérés que toi…
Il claqua des doigts, en s’égayant.
— D’accord. Tu veux invalider la possibilité qu’ils se soient volontairement, ou involontairement, entretués ? Allons-y ! Tu pourras jeter un œil au bilan toxicologique qui aurait quand même dû arriver.
— En pleine cambrousse ? On ne l’aura pas avant demain si on a de la chance. Et je ne te parle pas des analyses ADN pour retrouver à qui appartient la jambe humaine. Ils vont envoyer ça à Anchorage…
— Alors tu pourras cuisiner les pâtissiers et disséquer les gâteaux !
(à suivre)
Note
[1] L’autre nom des rennes.