Les liaisons épistellaires
Chapitre 3 : Un esprit sain dans un corps sain
4876 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 01/12/2024 21:28
3. Un esprit sain dans un corps sain
Mon cher Bones,
Je m’inquiète un peu de ne pas avoir reçu de réponse aux derniers messages hyper-ondes que je vous ai envoyés. Nous avons entendu parler de la mission Gal et du danger qu’ont couru là-bas certains vaisseaux de la Flotte. J’espère que le Constellation s’en sort et que vous n’avez subi aucune attaque. Cette guerre s’est déclenchée si subitement… ou peut-être pas. Spock prétend qu’elle couvait depuis longtemps dans la politique galactique agressive des Areviens, et à y bien réfléchir, je pense qu’il a raison. Nous aurions peut-être dû réagir plus fermement lorsqu’Arev a revendiqué les astéroïdes errants de Zuid. [1]
Dans un registre moins morose, j’ai une nouvelle extraordinaire à vous annoncer : l’Enterprise a été choisie pour une mission historique ! Il s’agit ni plus ni moins que de percer les mystères de la grande barrière galactique. Nous devrions avoir le feu vert du départ dans quelques semaines et entamer d’ici deux mois le périple qui nous mènera aux confins du quadrant Delta. Les officiers sont surexcités, comme vous l’imaginez. Gary trépigne – il vient d’achever de purger sa peine au recyclage des ordures et a réintégré sa place de pilote sur la passerelle, avec, je l’espère, un peu plus de plomb dans la cervelle – et moi-même, j’ai du mal à contenir mon impatience. Seul notre premier officier demeure imperturbable au milieu de la tempête d’émotions humaines qui agite le vaisseau, mais je suis certain qu’il éprouve, tout comme nous, l’appel du large et de l’inconnu.
Beaucoup de choses se sont passées en seulement dix jours. Spock a pris l’habitude de venir faire un tour, environ un soir sur deux, dans la salle de détente des officiers pour une partie d’échecs. Il en profite pour commenter les lectures des uns et des autres (il a tout lu, je crois) et il s’attarde parfois un peu plus que nécessaire pour écouter les petits concerts improvisés qui, parfois, se forment sans préambule, parce que tel ou tel membre de l’équipage a apporté sa guitare ou sa flûte (ou sa cornemuse, en ce qui concerne mon ingénieur en chef). Bref, il s’intègre petit à petit. Grande victoire pour moi : je l’ai battu une fois, au terme d’une partie acharnée, la plus longue de ma vie. Et j’entends bien recommencer. Nous nous retrouvons souvent dans ma cabine et nos rapports sur la passerelle s’en sont considérablement améliorés. Ce type est absolument incroyable. Les connaissances qu’il a engrangées sont tout simplement prodigieuses – j’hésite à dire surhumaines. Tout l’intéresse, semble-t-il. Il se défend d’éprouver la moindre émotion, mais qu’est-ce que la curiosité ? Nous n’en sommes pas encore à aborder ce sujet, mais il a petit à petit abaissé certaines barrières. Lorsque je l’ai taquiné (oui, je me le permets, sous couvert de lui enseigner l’ironie, qu’il a du mal à maîtriser) sur le fait qu’il me semble parfois être un pur esprit, il m’a assuré qu’il ne négligeait pas son corps et qu’il s’entraînait assidûment dans la salle de sport.
Seul, évidemment. Parce que Spock fait la plupart des choses seul.
Je lui ai fait valoir qu’une séance d’entraînement à deux lui permettrait de pratiquer différemment, notamment la lutte. Il a paru embarrassé et m’a rappelé que son peuple était éminemment pacifique. J’ai remarqué que lorsqu’il veut éviter un sujet délicat, il a tendance à se retrancher derrière des généralités : les Vulcains sont comme ci, les Vulcains font cela… mais ce que lui, Spock, premier officier de l’Enterprise, en pense, cela reste un mystère. Comme si s’écarter ne serait-ce que d’un millimètre du chemin tracé par son peuple, et que je l’ai entendu appeler « la voie vulcaine », était une hérésie punissable de mort. Je me suis permis de lui faire remarquer qu’en tant qu’officier de Starfleet, il lui était forcément déjà arrivé – et il lui arriverait certainement encore – de se trouver confronté à des situations dangereuses dans lesquelles ses capacités physiques seraient mobilisées. Il a dû reconnaître le bien-fondé de ma logique et a accepté de m’accompagner à la salle de sport, à une heure de peu d’affluence, au moment de la rotation des équipes.
Je vous le dis tout de suite, Bones, heureusement que les Vulcains sont éminemment pacifiques ! Spock ne m’a pas attaqué une seule fois, mais pas une seule fois je n’ai réussi à avoir le dessus sur lui. On aurait dit qu’il anticipait tous mes mouvements. Ce qui m’a rappelé que les Vulcains possèdent des facultés télépathiques… Impossible de le faire bouger de sa position. Si encore il s’agissait d’un colosse, mais non : s’il est grand, il est également très mince ! Quelques membres de l’équipage nous ont regardés de loin. Je ne les ai certainement pas impressionnés, si ce n’est peut-être par ma capacité à m’étaler au sol avec une grâce toute relative. Mon amour-propre en a pris un coup, mais je me suis aussitôt dit que mes hommes me verraient probablement en bien plus fâcheuse posture qu’allongé sur un tapis de gym. Autant m’entraîner dès à présent pour le jour où cela arrivera.
Cet homme… ou plutôt ce Vulcain… a l’étrange faculté de venir chercher le meilleur en moi. Moralement, intellectuellement, stratégiquement, physiquement, il me pousse à me surpasser dans tous les domaines. Pas nécessairement pour le supplanter, lui (bien que le battre aux échecs ait été un moment particulièrement appréciable, je le reconnais), mais pour repousser mes propres limites, comme il semble le faire sans cesse avec les siennes. Je crois qu’il me pousse aussi à devenir meilleur humainement, comme si je voulais lui prouver qu’il y a du bon et même parfois du très bon dans l’humanité qu’il semble fuir.
Je dis fuir, car M. Spock est très certainement mal à l’aise à l’idée d’être pris en flagrant délit d’humanité. Je n’en suis pas encore à lui faire remarquer ses propres contradictions, comme le fait qu’il use et abuse à tout va du mot « fascinant » pour désigner des situations inédites, surprenantes, nouvelles pour lui. Je pense qu’il y a derrière la fascination qu’il mentionne des émotions bien humaines, mais je n’ose pas (encore) lui en faire la remarque. Je me documente sur les Vulcains et leur façon de vivre et je suis à mon tour « fasciné » par la manière dont ils ont résolu les problèmes que rencontrait leur civilisation il y a sept mille ans : par la logique et la mise à l’écart des émotions. Je me demande comment la vie vaut la peine d’être vécue dans ces conditions, mais les Vulcains semblent pleinement satisfaits de leur sort. Une leçon de plus sur la tolérance et la relativité des points de vue.
Quoi qu’il en soit, je compte bien m’entraîner à la lutte très régulièrement avec mon invincible premier officier – et le vaincre, par la ruse et par l’effet de surprise, puisque la force et la technique ne me serviront de toute façon à rien. Il n’a pas l’air contre, mais je ne sais toujours pas ce qu’il pense réellement de moi ni de mes efforts pour l’intégrer au sein de l’équipage.
Prenez soin de vous et essayez au moins de m’envoyer un mot pour me rassurer sur votre sort.
Amitiés
Jim Kirk
…
PADD ENSEIGNE HIKARU SULU ∞ - Communication interne privée : Comment allez-vous aujourd’hui ? Vous ne vous ennuyez pas trop à l’infirmerie ?
PADD LIEUTENANT BARRY GIOTTO ♦ - Communication interne privée : Je sors demain. Plus de peur que de mal, mais sans M. Spock, j’y passais, c’est sûr.
∞ Vous n’avez rien à vous reprocher, Giotto. Vous avez fait votre devoir et défendu le capitaine, au péril de votre vie, ce qui a permis à M. Spock d’agir et de vous sauver tous les deux. Moi, je n’ai même pas eu le temps de comprendre ce qui se passait…
♦ Vous êtes mathématicien, pas responsable de la sécurité ! [2]
∞ Certes, mais la vitesse avec laquelle le tout s’est déroulé… Je suis impressionné. Par vous, par le capitaine et par notre premier officier.
♦ Je vous avoue que moi aussi. Je redoutais une intervention armée contre le capitaine Kirk et j’ai réagi dès que j’ai repéré le mouvement, mais seul, je n’aurais eu aucune chance de maîtriser les trois assaillants.
∞ Vous en avez assommé un suffisamment rapidement pour que Spock intervienne à son tour. C’est ainsi que doit fonctionner une équipe de commandement. Vous vous êtes mutuellement sauvé la vie. Et la manière dont le capitaine a géré la situation après ça… j’étais bluffé. Il a retourné la situation à notre avantage en moins d’une demi-heure. Mais ce qui m’a le plus impressionné, je l’avoue, c’est la rapidité avec laquelle Spock a assommé les deux gars. Je ne l’ai même pas vu sortir son phaseur.
♦ Je ne crois pas qu’il l’ait utilisé. Il les a mis à terre en trois mouvements maîtrisés… Vous pratiquez l’escrime et les arts martiaux, vous n’avez pas pu voir comment il s’y est pris ?
∞ Tout s’est passé si vite, et puis c’était le chaos… mais j’ai entendu dire bien des choses sur les Vulcains et leurs techniques de combat. Je sais qu’ils sont pacifiques, mais ils ont été un peuple de féroces combattants.
♦ Ce que je trouve dingue, c’est que les assaillants n’ont même pas été blessés. M. Spock les a assommés aussi proprement qu’avec un phaseur. [3]
∞ Dites… Vous croyez qu’il accepterait de me montrer deux ou trois trucs vulcains ?
♦ Vous voulez dire des mouvements de combat ? Comme la manière de mettre deux types au tapis sans avoir l’air de devoir fournir le moindre effort ?
∞ Sans aller jusque-là, il pourrait accepter de nous consacrer un peu de temps. Il s’entraîne déjà avec le capitaine dans le petit gymnase.
♦ Ah bon ?
∞ Je les ai vus. Un très beau combat, soit dit en passant. Vous croyez que je peux tenter le coup ?
♦ Essayez. Au pire, qu’est-ce que vous risquez ? Un refus ? Ce n’est pas bien grave. Mais s’il vous dit oui, je veux en être aussi !
∞ Comment est-ce qu’on pourrait tourner la chose ? Parce qu’à part « Vous êtes trop fort, venez nous apprendre les techniques secrètes de votre peuple », ce qui est… comment dire… un peu cavalier… je ne vois pas bien comment lui envoyer une requête.
♦ Donc on abandonne parce qu’il n’acceptera jamais, c’est ça ?
∞ … Et si on envoyait plutôt la demande au capitaine ?
…
Ma chère Justine,
Tout va bien pour nous à bord de l’Enterprise et j’espère qu’il en est de même pour toi sur le Valiant. Des rumeurs circulent à propos d’une mission particulière qui se prépare et j’ai hâte de savoir de quoi il retourne, mais pour l’instant, je ne suis pas dans le secret des dieux. Nous venons de quitter Tixios IX, où notre capitaine a failli être assassiné par des terroristes religieux : incroyable qu’en 2265, ce genre de choses puisse encore exister ! Je sais bien que chaque planète et chaque civilisation évolue à son rythme et que nous ne pouvons pas forcer les choses, que la Première Directive est le fondement nécessaire de Starfleet, mais parfois je me demande si nous ne pourrions pas intervenir un peu…
Tout ça pour te raconter que ma deuxième mission au sol a été mouvementée. Nous étions nombreux à descendre sur la planète. Le double but de cette mission était d’échanger avec les Tixiens (ils sont indépendants et ne souhaitent pas faire partie de la Fédération, mais des échanges culturels et commerciaux ont parfois lieu) et d’essayer de les convaincre de ne pas laisser dépérir une partie de la population, les Xapt, un peuple vivant sur un archipel au large des continents dits « civilisés ». Les Xapt sont menacés d’extinction car les Tixiens les maintiennent, plus ou moins volontairement, dans un extrême dénuement. Leur île est dépourvue de certains produits de première nécessité mais ils refusent de traiter avec eux – je te le donne en mille – pour des raisons religieuses. Les Tixiens vénèrent le soleil, les Xapt vénèrent l’eau, et apparemment leurs religions sont incompatibles. Heureusement que, sur Terre, nous avons mis un terme à ce genre de conflits ridicules ! Starfleet a déjà essayé à plusieurs reprises d’inciter les Tixiens, au gré des échanges culturels, à venir en aide à leurs voisins immédiats, mais les Xapt sont des « intouchables » et le gouvernement de Tixios est resté sur ses positions.
Notre capitaine était donc chargé de pousser un peu plus loin, d’essayer de trouver une voie médiane, d’obtenir une autorisation pour notre vaisseau de « commercer » avec les Xapt (entends par là leur fournir ce dont ils ont besoin), et les négociations duraient depuis deux jours. Kirk était sur le point d’aboutir à un début d’entente. Je sais que je me répète, mais il est vraiment très fort. Les négociations venaient de reprendre lorsque trois fanatiques se sont jetés sur la délégation. Nous étions dans une immense salle quasiment vide à ce moment. Il faut savoir que les Tixiens n’aiment pas les meubles mais créent des « sculptures de lumière » absolument magnifiques. Le capitaine était en train de discuter avec un des représentants du pouvoir, moi avec Tomlinson et Sulu en train de parler avec des Tixiens. Plusieurs groupes se promenaient dans la salle, lorsque trois hommes se sont détachés de l’un d’eux et se sont approchés du capitaine. Ils portaient un uniforme rouge et jaune caractéristique de la police locale, si bien que personne ne s’est méfié. A quelques mètres de Kirk, ils ont tiré de leur poche latérale d’étranges armes qui ressemblaient à des tire-bouchons géants. Giotto, le chef de la sécurité, a immédiatement réagi et s’est précipité au-devant du capitaine pour le pousser et recevoir le coup à sa place. De longs rubans de feu ont jailli des tire-bouchons. Deux de ces rubans ont atteint Giotto à la poitrine, un autre a effleuré le bras du capitaine avant de tomber à terre en se tortillant comme un serpent. On aurait dit que… que le feu était vivant, qu’il était capable de rechercher sa proie, car même au sol, il a changé de direction et s’est dirigé vers le capitaine, s’enroulant autour de son bras.
Avant de s’effondrer au sol, Giotto a eu le temps d’envoyer un coup de phaseur à l’un des assaillants, puis il s’est mis à convulser. Des flammes l’entouraient, comme elles entouraient le bras du capitaine. Ce dernier a tenté d’étouffer le feu qui semblait dévorer Giotto pendant que notre premier officier – je ne sais pas si je t’ai déjà parlé de lui, il s’appelle Spock et il est Vulcain – se précipitait vers les deux autres terroristes qui rechargeaient leurs armes. En moins de dix secondes, il les avait étendus à terre ; je ne sais pas comment il a fait, j’ai eu l’impression qu’il se contentait d’appuyer sur leur épaule pour les faire descendre jusqu’au sol. Pendant toute cette scène, les autres Tixiens sont restés comme pétrifiés. Le capitaine a sorti son communicateur et s’est fait téléporter sur le vaisseau avec Giotto pendant que Spock rassemblait le reste de l’équipe et s’assurait de notre sécurité.
Bilan de l’histoire : tout le monde s’en est sorti, Giotto avec des brûlures au second degré mais heureusement traitées à temps par le médecin de bord, le capitaine avec interdiction de se servir de son bras gauche pendant au moins une semaine, le temps que la cicatrisation se fasse, et nous autres intacts. Les Tixiens se sont confondus en excuses et nous ont assuré que les trois fanatiques religieux avaient agi de leur propre chef. Apparemment, l’idée que Starfleet puisse venir en aide aux Xapt leur était insupportable, et ils ont voulu régler le problème en éliminant Kirk. Le raisonnement est un peu primaire et stupide, mais cet événement s’est retourné en notre faveur car le gouvernement tixien s’est senti coupable et a autorisé Starfleet à commercer avec les îles. Tant mieux pour les Xapt, et heureusement, plus de peur que de mal.
Nous avons quitté Tixios hier, au terme de trois journées de négociations, et Robert Tomlinson [4] est venu me voir ce matin pour me demander de l’accompagner au premier cours de défense organisé par Sulu et Giotto, qui se sont enhardis jusqu’à demander à notre premier officier d’être instructeur. Je soupçonne le capitaine de l’avoir fortement incité à accepter, car Spock est un homme – enfin, un Vulcain – très discret, réservé, qui parle peu, ne se livre pas et ne semble pas avoir beaucoup d’amis au sein de l’équipage. Je crois qu’il n’aime pas être au centre de l’attention. Je ne sais pas comment le capitaine a réussi à le persuader, mais nous avons eu notre première « leçon » aujourd’hui. Je n’étais moi-même pas très motivée pour y aller, mais Robert a insisté. Et puis cette mission m’a fait réfléchir. J’ai été formée au combat, comme toi, loirs de nos années à l’Académie, mais je suis ingénieure technicienne spécialisée dans les torpilles à photon, pas dans le corps à corps… cependant, on ne sait jamais ce qui peut arriver lorsqu’on descend sur une planète inconnue, et je ne suis pas sûre que la formation de base que nous avons tous reçue suffise dans ce genre de cas. Alors, je me suis dit « pourquoi pas ? ». J’avoue que je me suis dit aussi que c’était l’occasion de faire quelque chose avec Robert.
Jusqu’à présent, je dois avouer que j’avais un peu peur de M. Spock. Il est si… imposant ! Pas physiquement, mais… on dirait qu’il sait toujours tout sur tout, et qu’il va repérer la moindre erreur, même minime. Mais j’ai été très agréablement surprise. Gary m’avait dit que les Vulcains étaient durs, exigeants, froids, mais je pense qu’il a largement exagéré. Il disait que Spock était une machine inhumaine et qu’une seule chose intéressait : l’efficacité. Celui lui, peu lui importaient les dommages collatéraux. Je me dis que j’ai peut-être un peu trop pris pour argent comptant ce qu’il m’a raconté durant cette brève période de flirt entre nous. (Ne t’en fais pas, je suis bel et bien guérie, c’est fini, j’ai fini par comprendre que je n’étais qu’un passe-temps pour lui au début de notre mission, la petite Française qu’il est bon d’avoir dans son tableau de chasse.) Spock n’est pas du tout la personne insensible qu’il m’a décrite. C’est comme de dire que les Français sont râleurs, ou que sais-je encore. Les clichés finissent par tomber quand on commence à connaître vraiment les gens. Et M. Spock… gagne à être connu.
Pour la leçon, je ne m’attendais à rien, mais c’était vraiment très intéressant, très différent de ce que j’ai vécu sur Terre. Nous avons revu des mouvements de base d’arts martiaux, mais M. Spock nous a proposé une approche intéressante, basée sur des techniques vulcaines de combat. Le capitaine a fait tout un discours sur l’intérêt du pluriculturalisme sur un vaisseau – apprendre les uns des autres, dépasser nos préjugés, ce genre de choses. Et il est vrai que les Vulcains ont du combat une conception extrêmement différente des humains. Basée uniquement sur la défense, mais très efficace. Nous avons travaillé sur l’esquive, la façon d’utiliser son propre poids pour déstabiliser son adversaire, certaines clés permettant d’immobiliser un assaillant. Je me suis retrouvée trois fois contre Robert et j’ai réussi à le faire tomber une fois. J’étais assez fière de moi, même si je me suis demandé s’il ne m’avait pas laissé gagner… mais je ne crois pas.
Les garçons – Tomlinson, Sulu, Kelso [5] – semblaient attendre que M. Spock nous fasse une démonstration de ce truc incroyable dont il s’est servi pour mettre à terre son assaillant sur Tixios, mais nous n’avons reçu aucune explication à ce sujet, et personne n’a osé poser la question. Ils semblaient déçus, mais pour ce qu’on en sait, il faut être Vulcain pour réussir à mettre dans les pommes quelqu’un rien qu’en lui appuyant sur l’épaule. Personnellement, je suis à peu près certaine qu’un humain n’arrivera jamais au même résultat, mais Robert et les autres ont l’intention de revenir à la charge. Je leur ai dit ce que j’en pensais, à savoir que M. Spock est déjà bien gentil de prendre sur son temps personnel pour nous enseigner des techniques nouvelles. Il est en réalité très accessible, pas du tout comme Gary me l’avait décrit. Il est venu m’aider lorsque j’étais en difficulté, m’a remontré lentement certains mouvements, avec beaucoup de patience. J’ai peur de l’avoir injustement traité, et c’est ce que j’ai essayé d’expliquer à Robert à midi, au mess. J’ai eu l’impression que mes éloges de M. Spock l’agaçaient, ce qui est étrange, parce que lui-même l’admire beaucoup. Un peu comme si… tu vas dire que je me fais des idées, mais un peu comme s’il était jaloux. Il m’a même demandé, sur le ton de la plaisanterie, si Spock me plaisait, alors que j’ai juste dit que je le trouvais bien plus sympa que ce que je m’étais imaginé. Je l’ai un peu fait marcher, j’ai ajouté qu’il ne manquait pas de charme – de fait, il plaît à pas mal de membres de l’équipage, et pas seulement des femmes – mais en réalité, il m’intimide bien trop ! Robert n’a pas eu l’air d’apprécier. C’est drôle, je le connais depuis sept mois maintenant, je l’ai apprécié depuis le début, nous avons toujours très bien travaillé ensemble, et à y bien réfléchir, nous passons beaucoup de temps tous les deux, mais je ne l’avais jamais considéré autrement que comme un ami. Peut-être parce qu’au début de la mission, je pensais avoir une chance avec Gary, alors je n’ai pas vraiment prêté attention aux autres. Peut-être aussi que je me fais des films. Qu’en penses-tu ?
Le devoir m’appelle. Je te dirai si la situation évolue dans les semaines à venir. Envoie-moi de tes nouvelles dès que tu le peux ! Tu me manques. Si Maman se plaint de mon absence quand tu iras la voir, dis-lui qu’elle n’avait qu’à nous élever autrement si elle voulait deux filles bien sages qui s’installent dans une petite maison au fin fond de la Creuse ! [6]
Je t’embrasse, prends soin de toi
Angela
[1] Euh… Rien de canon, totalement inventé.
[2] Dans « Where no man has gone before », qui est chronologiquement le premier épisode de la série (même s’il n’est pas le premier à avoir été programmé à la télévision), on voit Sulu vêtu de bleu (aucun uniforme rouge dans cet épisode, qui était également le second pilote de la série), ce qui veut dire qu’il appartient à l’équipe scientifique. Il parle pour le département « astroscience », et bien qu’on connaisse l’intérêt de Sulu pour la botanique, je pense qu’il était plutôt mathématicien car c’est pour cela qu’il est sollicité dans l’épisode ; de plus, pour devenir pilote, il lui fallait être bon en calcul, et en calcul rapide (pour les coordonnées, la planification des trajets, le passage en vitesse de distorsion, ce genre de choses). Ce n’est que spéculation de ma part, car on ne sait pas quel poste précis occupait Sulu avant de devenir pilote et d’être présent sur la passerelle dans la plupart des épisodes. Quant à Giotto, c’est un personnage récurrent, il est responsable de la sécurité (on le voit notamment dans l’épisode avec la Horta, mais aussi dans plusieurs autres). Je me suis dit qu’il était logique de le mettre à ce poste dès le début de la mission. Les officiers supérieurs ne changent pas (sauf McCoy, ce que je vais expliquer dans une fic ultérieure), or Giotto est quand même un élément important en tant que chef de la sécurité.
[3] La première prise vulcaine arrive dans l’épisode « The enemy within », celui dans lequel Kirk se retrouve « coupé en deux ». Spock l’utilise au lieu de l’assommer. Pour ne pas faire mal à Jim ? On sait que c’est Leonard Nimoy qui a inventé la prise neurale vulcaine, arguant de la non-violence des Vulcains qui préfèrent « endormir » sans souffrance plutôt que d’assommer (ou d’utiliser un phaseur, j’imagine, même si Spock le fait parfois). Je pense que ce n’est pas très connu des humains ou du moins de l’équipage et que certains membres seraient ravis de l’apprendre… Kirk le premier (mais je réserve ça pour une autre fic, je pense).
[4] Robert Tomlinson et Angela Martine sont les deux membres de l’équipage que Kirk marie dans « Balance of terror », l’épisode où l’Enterprise rencontre les Romuliens pour la première fois. Ce sont des personnages secondaires qui viennent rajouter au dramatique de l’épisode, puisque Tomlinson meurt à la fin (Spock essaye de le sauver mais il n’y parvient pas). On revoit Angela Martine dans un ou deux autres épisodes, et je trouvais intéressant de parler d’elle, de montrer sa relation naissante avec Tomlinson (l’idée qu’elle ait pu flirter avec Gary au début de la mission n’est absolument pas canon ; je pense que Gary est un homme à femmes et qu’il a pu essayer de draguer un bon nombre de femmes sur l’Enterprise, mais ce n’est que pure spéculation de ma part). On pourra m’objecter qu’ils se marient rapidement (moins de deux ans après mon histoire), mais j’imagine que quand on risque sa vie tous les jours dans l’espace, on a envie de profiter au maximum de ce que la vie peut nous offrir, et que l’engagement fait partie de ces choses.
[5] Lee Kelso est un pilote et ingénieur qui est assassiné par Gary Mitchell dans « Where no man has gone before » (il est étranglé par des cordes ou des tuyaux animés par l’esprit superpuissant de Mitchell).
[6] Désolée pour les gens qui habitent dans la Creuse. J’aurais pu dire « au fin fond de l’Yonne », ça aurait été pareil (et je fais partie de ces gens-là, donc no offense), je voulais juste dire « dans une zone rurale », même si j’ignore si au XXIIIème siècle, la ruralité existe encore… J’aime bien imaginer qu’Angela a une sœur nommée Justine et qu’elles se sont toutes les deux engagées dans Starfleet, mais, encore une fois, ce n’est absolument pas canon !