The drugs don't work
Chapitre 3 : Les parfums, les couleurs et les sons se répondent
3926 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a environ 2 mois
Chapitre 3: Les parfums, les couleurs et les sons se répondent [1]
Il était très rare que Mycroft Holmes ne sache pas comment réagir à une situation donnée, même lorsqu’il était soumis à une forte pression, même en cas d’urgence et / ou dans des conditions particulièrement critiques. Il analysait posément les faits, les traitait avec une rapidité qui effarait tous ses collaborateurs, et prenait une décision qui, neuf fois sur dix, était la bonne – et s’avérait, le dixième cas échéant, juste passablement satisfaisante.
Toutefois, dès qu’il était confronté à son frère, il devenait tout simplement inopérant, lent et stupide, et, neuf fois sur dix, prenait la mauvaise décision. La dixième fois, il lui sauvait la vie, mais après tout ce qui s’était passé entre eux et autour d’eux, il n’était plus bien sûr qu’un tel sauvetage pût être encore porté à son crédit.
Aujourd’hui, cependant, il n’avait pas le droit d’échouer. Sherlock avait décidé, sur un coup de tête et sous l’emprise de la drogue, de dévoiler à son frère une partie de lui-même qu’il n’avait jamais laissée (et ne laisserait probablement jamais plus) voir à qui que ce soit.
Seulement, comment percevoir ce qui n’existe pas ? Comment offrir les bonnes réponses alors que les questions elles-mêmes portaient sur un lieu imaginaire, invisible, impalpable ? Comment reconnaître le Royal Albert Hall, les couloirs de Cambridge, la salle de dissection de St Barts, lorsque ces lieux étaient emprisonnés dans le cerveau de son petit frère ? Il avait essayé de ne pas faire de faux pas, il s’était efforcé de réagir comme il aurait probablement réagi si ce fichu palais n’avait pas été mental mais réel, mais il était extrêmement difficile de faire comme s’il se déplaçait dans un espace à trois dimensions, alors qu’il était assis sur une chaise inconfortable, dans une chambre d’hôpital, et que la main de Sherlock l’empêchait presque de bouger.
Mycroft avait beaucoup de mal à détacher son regard de cette longue main, osseuse et blanche, qui serrait la sienne comme pour la broyer, ou comme pour se maintenir hors d’une eau tout aussi invisible que le palais. Ce contact donnait un certain sens à ce qu’il répondait à son frère, faisait en quelque sorte vivre et se déployer devant lui ce monde intérieur dont il ne soupçonnait pas l’existence, encore moins la richesse, dix minutes auparavant.
Il était surtout surpris de ces « gens » qui peuplaient apparemment l’imaginaire de son frère. Passe encore pour les « spectateurs » de l’Albert Hall, toutes ces personnes qu’il avait pu croiser au cours de son existence – mais Molly Hooper et Mrs Hudson, dont il n’avait jamais entendu parler auparavant, l’intriguaient. L’inquiétaient un peu, aussi. Ou peut-être était-ce tout bêtement de la jalousie.
Il devait garder le contrôle. Il ne devait surtout pas lâcher le fil, lâcher la main, lâcher son frère. Il s’était laissé emporter lorsque le jeune homme avait mentionné son « séjour » en Floride, qui avait eu lieu six mois auparavant à peu près. Sherlock avait quitté le pays sans prévenir personne et n’avait donné de signe de vie qu’à son retour, quinze jours après ; téléphone éteint et même laissé dans son appartement, injoignable – Mycroft avait même désespéré de jamais le revoir, l’avait présumé disparu, mort – et puis, tout à coup, il se pointait comme une fleur, l’air insupportablement fier de lui, et tombait des nues en apprenant que son frère avait remué ciel et terre pour le retrouver.
Jamais Mycroft n’avait eu autant envie de le frapper que ce jour-là.
Et pourtant, jamais Mycroft n’avait eu envie de frapper quelqu’un aussi souvent que son petit frère. Nigel Farage, Vladimir Poutine et l’ambassadeur français qui le désespérait par sa bêtise et son indécrottable accent arrivaient respectivement en deuxième, troisième et quatrième positions. [2]
– Elle m’a fait confiance, elle.
Ce « elle » particulièrement accentué était sans nul doute une réponse au « tu aides les gens, toi ? » qu’il avait prononcé spontanément (et de manière peu amène) une ou deux minutes auparavant, et qu’il regrettait déjà.
– … elle m’a demandé de l’aide et je l’ai sauvée ! Elle avait besoin de moi.
L’aîné des Holmes dut faire appel à tout son sang-froid pour ne pas réagir. Les yeux de Sherlock étaient mouillés de larmes mal contenues, et sa voix avait dérapé sur les trois derniers mots. Mycroft savait bien que la principale cause de cette surprenante manifestation d’émotion n’était autre que la cocaïne encore présente dans les veines de Sherlock, cette substance honnie qui avait tout déréglé, corps, esprits, sentiments – mais qui lui permettait, à lui, d’entendre pour la première fois la souffrance bien véritable dans la voix de son frère.
– Je ne savais pas que c’était aussi important pour toi, murmura-t-il, désemparé.
– Ce n’est pas important ! rétorqua aussitôt Sherlock avec agressivité.
Il s’agissait là d’un terrain trop glissant pour que Mycroft prenne le risque d’emprunter ce chemin, et par là même de briser le lien, ténu mais bien réel, qui passait de sa main droite à la main gauche de son frère.
– Et donc, reprit-il d’une voix qu’il s’efforça de rendre à la fois plus forte et plus calme, cette… cette dame habite dans ton palais mental ?
– Oui, répondit le jeune homme avec un sourire, toute colère envolée (si les émotions affleuraient à cause de la drogue, elle semblaient également volatiles et aisément remplaçables par d’autres, ce qui était un des rares points positifs de la situation). Ou plutôt, j’ai emprunté l’entrée de son appartement pour le mettre dans mon palais mental, alors je me suis dit que je pouvais tout aussi bien la mettre avec. Viens, c’est par là.
Apparemment, la visite reprenait. Mycroft s’efforça d’imaginer les couloirs, les portes, les salles, au fur à mesure que Sherlock les évoquait, sans avoir conscience le moins du monde que son frère, aveugle et sourd, essayait de compenser son handicap sans y parvenir réellement, avec la crainte d’une erreur qui ferait se refermer à jamais les portes de ce lieu si étrange et fascinant qu’il ne pouvait percevoir autrement que par quelques mots éphémères.
– Ici, tu as la bibliothèque… là mon laboratoire… Cette pièce est entièrement consacrée aux armes et aux poisons… Celle-là à ce que j’appelle « les connaissances diverses »… Là, les annales criminelles…
Et Sherlock continuait, au fond de son esprit, d’ouvrir toujours plus de portes sur toujours plus de salles, des salles emplies de toutes ses connaissances, auxquelles Mycroft n’avait pas accès, mais qu’il se représentait sans trop de peine.
C’était brillant. Tout simplement.
Et tellement dangereux…
L’endroit qu’il découvrait avait l’air particulièrement agréable, confortable, accueillant. Pourquoi Sherlock éprouverait-il le besoin d’en ressortir, si c’était pour se confronter à une réalité qui ne l’avait jamais véritablement accepté ?
– Attention, il y a des marches.
– Oh. Un deuxième étage ?
– Oui, mais il n’y a que quelques pièces – dont le 221B.
– Le 221B ? répéta Mycroft assez bêtement.
– C’est là qu’habite Mrs Hudson depuis qu’elle est rentrée à Londres. A Baker Street, précisa Sherlock. Je suis allé lui rendre visite, c’est un appartement très agréable. Il y a six mois, elle a proposé de m’en louer une partie, parce que c’est trop grand pour elle, mais je n’ai pas saisi l’occasion.
Mycroft crut déceler une pointe de regret dans la voix de son frère, et il ne put s’empêcher de proposer :
– Si tu as envie de vivre dans cet appartement, je peux…
– Tu peux quoi ? l’interrompit Sherlock avec brusquerie. Virer le locataire actuel ? Le soudoyer ? Le menacer ? Le tuer ? Ou bien acheter Mrs Hudson pour qu’elle fasse le sale boulot à ta place ? Il n’en est pas question. Si je veux vivre dans cet appartement, j’attendrai qu’il soit de nouveau à louer. Je n’ai besoin ni de ton argent, ni du pouvoir que tu peux avoir sur les gens.
L’aîné des Holmes referma la bouche. Son petit frère ne comprenait pas que ce n’était ni sa (relative) richesse, ni son influence (quasi illimitée) qu’il lui offrait, mais simplement son aide…
Une minute. Sherlock n’employait pas les mots au hasard, même après avoir absorbé une dose de cocaïne qui aurait pu tuer un cheval. Ce n’était pas son aide qu’il refusait – du moins ne l’avait-il pas formulé de cette façon. C’était une idée réconfortante, mais comment Mycroft aurait-il pu l’aider ? Tout ce qu’il avait à offrir semblait se réduire à son argent et son pouvoir…
– On arrive dans ton bureau, grommela Sherlock.
Mycroft mit un certain temps à comprendre ce que signifiait cette phrase.
– Mon… mon bureau ? murmura-t-il.
– Tu t’es transformé en perroquet récemment ? Oui, ton bureau. Ou du moins cette pièce sombre, inconfortable et sinistre que tu appelles ton bureau, et où tu passes les trois quarts de ton temps.
Son bureau. Sherlock avait mis son bureau dans son palais mental.
Il n’aurait pas dû être bouleversé à ce point. Se sentir aussi profondément heureux de savoir qu’il avait une place dans l’esprit de son frère sonnait un peu trop comme un aveu de faiblesse à son goût. Mais il s’était tellement habitué, au fil des ans, à n’être plus pour Sherlock qu’un importun, un fâcheux qui avait remplacé auprès de lui une autorité parentale déplaisante…
Bien sûr, il ne montra rien de ce qu’il éprouvait.
– Je risque de croiser quelqu’un par ici, à part Mrs Hudson ? demanda-t-il d’un ton qu’il espérait anodin.
– Redbeard, peut-être.
Le cœur de Mycroft s’arrêta. Net, proprement, sans heurt, sans bavure – et pendant un très bref instant, il se demanda s’il allait repartir, ou bien si la crise cardiaque qui le menaçait depuis qu’il avait hérité, à la mort de l’oncle Rudy, de tous les problèmes familiaux, allait finalement le terrasser. Au moins, il était déjà à l’hôpital.
Bien sûr, l’avantage de ne pas avoir de cœur, c’est qu’on ne peut pas mourir de cette façon. La pulsation reprit, régulière et forte, et Mycroft respira. Il ignorait ce qui s’était passé dans l’esprit de son frère, ce qui l’avait amené à oublier son ami d’enfance pour le remplacer par le souvenir factice de ce chien et à chérir sa mémoire – il l’ignorait, et n’avait aucune envie d’aller creuser la question. Lorsqu’il pensait ainsi, il se trouvait lâche, et lâches tous les membres de sa famille qui connaissaient la vérité. Ils auraient dû traîner Sherlock chez un psy et le forcer à parler, le forcer à se souvenir, le forcer à regarder en face le passé qui l’avait forgé. [3]
Ils auraient dû. Ils ne l’avaient pas fait.
Comme l’esprit de Mycroft menaçait de se laisser submerger par les flots du souvenir, il les repoussa fermement et sans hésitation. Il avait un problème plus urgent à régler.
– Et il y a encore un étage ?
La question lui était venue naturellement, car il avait gardé en mémoire l’escalier menant « en bas », qu’il avait bien l’impression d’emprunter virtuellement pour voir ce qui se cachait dans ce mystérieux sous-sol.
– Oui, mais je ne suis pas sûr que…
Le ton hésitant de Sherlock ne fit qu’attiser les soupçons de son aîné.
– Pas sûr que quoi ?
– Pas sûr que tu aies très envie de voir ce qui s’y trouve.
Mycroft protesta avec sincérité.
– Je t’assure que j’en ai très envie.
– Alors, viens si tu veux. Je te préviens, c’est haut, tu risques d’avoir le vertige. On n’y restera pas longtemps, il n’y a… il n’y a qu’une seule pièce.
Au temps pour le sous-sol. Mais ce deuxième étage semblait tout aussi mystérieux.
La main de Sherlock se crispa légèrement dans celle de son frère. Mycroft se laissa guider vers ce dernier étage inconnu, légèrement nerveux en voyant le sourire béat qu’arborait à présent son cadet. Ce dernier se tourna vers lui et le fixa avec intensité, comme pour lui arracher une approbation. Mycroft opta pour un sourire relativement neutre, n’ayant absolument aucune idée de ce qu’il aurait dû avoir devant les yeux.
– Ca ne te plaît pas, c’est ça ? demanda Sherlock, l’air embêté, presque triste.
– Ce n’est pas ça, mais…
Comment lui dire qu’ils n’étaient pas dans le même endroit ? Comment lui faire comprendre, sans le faire revenir totalement sur terre de manière brutale, que lui-même était resté dans cet hôpital blanc, lisse et froid, tandis que Sherlock arpentait son domaine immatériel ?
– Je me doutais bien que ça serait trop pour toi. Après tout, tu n’as jamais vraiment aimé… tout ça.
Tout ça ? Tout ça quoi ? Mycroft se creusait désespérément la cervelle pour comprendre où ils se trouvaient. La liste des « choses que Sherlock aimait et que son frère n’aimait pas » était trop longue pour pouvoir l’étudier de manière rationnelle en aussi peu de temps. Car il fallait bien répondre quelque chose. Une question neutre pourrait peut-être l’aiguiller.
– Tu as créé ça de toutes pièces ou tu as utilisé un modèle ?
– Je croyais que toi aussi, tu avais une mémoire photographique. Tu ne reconnais pas ?
– Non, je dois avouer que non.
– Les vacances à Paris avec les parents, tu ne t’en souviens pas ?
Mycroft leva les yeux au ciel et Sherlock sourit. Bien sûr qu’il s’en souvenait : il s’y était suffisamment ennuyé pour être capable de se le remémorer dans ses moindres détails. Une semaine à Paris, peu de temps après la « mort » d’Eurus, pour distraire un petit Sherlock âgé de huit ans, qui avait adoré le voyage. Mycroft, dix-sept ans, avait déjà quitté la maison familiale, sinon physiquement, du moins en esprit. Ce qui s’était passé l’avait éloigné de sa famille et il n’attendait plus qu’une chose : pouvoir partir et laisser tout cela derrière lui. Mais Sherlock avait adoré, particulièrement…
– Il y avait cet atelier d’artiste… oui, je me souviens maintenant.
Il laissa affluer en lui les souvenirs. Leurs parents les avaient traînés de musée en musée, et puis il y avait eu le loft de Gustave Moreau, qui avait marqué même Mycroft et fasciné Sherlock au-delà de toute mesure. [4] Un loft immense, ouvert sur le ciel, empli de toiles oniriques et colorées. Un endroit capable de vous donner le vertige, en effet. Sherlock avait voulu y revenir le lendemain. Et le surlendemain.
– Je reconnais, mentit-il. Pourquoi précisément Gustave Moreau ?
– Pour laisser une petite place à autre chose qu’à la science et à la logique.
– L’art ?
– Oui. C’est là que j’admire ma collection de tableaux, que j’écoute et que je compose de la musique. Tu voix cette petite porte ? chuchota Sherlock sur le ton de la confidence.
Mycroft hocha la tête dans un mouvement peu compromettant.
– Je t’ai menti. Il n’y a pas qu’une seule pièce ici. Il y a cette porte, et elle mène dans une salle magique.
– Ah.
L’aîné des Holmes doutait que son frère ait lu Harry Potter, et trouvait surprenant qu’il pût même envisager le simple concept de magie.
– C’est une salle emplie de couleurs à côté desquelles tous les tableaux des plus grands maîtres passent pour de ternes gribouillis, une salle emplie de sons et de mots qui feraient pâlir d’envie les plus grands musiciens et les plus grands poètes…
Mycroft découvrait, bouche bée, tout un pan de la personnalité de son frère, jusqu’ici inconnu. Bien sûr, il savait que Sherlock aimait lire William Blake, jouer du violon et contempler des tableaux symbolistes, mais c’était bien plus qu’un simple intérêt, c’était de l’exaltation qu’il percevait dans sa voix. La magie, la beauté, l’absolu : voilà ce qu’il cherchait lorsqu’il se droguait – tout ce qu’il ne pouvait trouver dans la pâle, grise et froide réalité où il ne se sentait pas à sa place.
– Et ce qui est extraordinaire, poursuivit Sherlock sans paraître se rendre compte du silence de son frère, c’est qu’après cette autre salle, il y en a encore une autre, un peu plus haute, avec des couleurs plus magnifiques encore, et puis une autre, et encore une autre, toujours un peu plus haut. Tu sais combien j’en ai exploré ?
Mycroft, comme enveloppé dans une ouate cotonneuse, s’entendit répondre de très loin.
– Non.
– Deux-cent-soixante-trois. Les sons, les couleurs, les mots communiquaient entre eux… Deux-cent-soixante-trois fois, j’ai cru que j’y arriverais, mais je n’ai encore jamais réussi.
– Réussi à quoi ? parvint à articuler Mycroft.
La réponse, il la connaissait. La symbolique lui paraissait aussi évidente que monstrueuse. Sherlock, emprisonné dans son délire, ne pouvait la voir, mais lui venait de la recevoir de plein fouet comme une barre de fer au niveau du crâne, une barre qui faisait comme un étau et lui broyait les tempes.
– A atteindre la dernière porte. J’ai toujours l’impression que c’est la dernière, mais il y en a toujours une nouvelle, avec de nouveaux sons et de nouvelles couleurs…
Mycroft avait beaucoup de mal à lutter contre la douleur qui l’empêchait de respirer correctement. Il sentit la main de son petit frère exercer sur la sienne une pression un peu plus forte.
– Mycroft ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Rien du tout, répondit-il avec une assurance qu’il était loin d’éprouver. Je te conseille juste de ne pas essayer d’ouvrir ces portes. Laisse-les tranquilles et contente-toi de celles que tu as déjà ouvertes.
Sherlock le regarda avec incompréhension.
– Tu es sourd ou quoi ? Je viens de t’expliquer que c’est la plus belle chose que j’aie jamais vue, la plus belle chose qui me soit arrivée – la seule chose qui vaille vraiment la peine !
Mycroft ferma les yeux et avala difficilement sa salive. Parler lui semblait impossible, et pourtant, il fallait bien le faire, puisque Sherlock, avec toute son intelligence, n’avait pas réussi à le comprendre lui-même.
– Tu sais ce qu’il y a derrière ta deux-cent-soixante-quatrième porte ? demanda-t-il avec douceur.
Haussement d’épaules agacé.
– Non. Bien sûr que non. C’est pour ça que je veux absolument l’ouvrir.
– Il y a la mort, Sherlock. [5]
[1] Extrait d’un des poèmes les plus connus de Baudelaire, « Correspondances » (je ne peux pas résister au plaisir de vous le donner en entier ici). Il y est question de la synesthésie, cette perception conjointe des différentes sensations (il y a plusieurs sens au mot « synesthésie », mais ce soir, j’ai un peu la flemme d’expliquer tout ça, désolée)…
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
[2] Nigel Farage est le fondateur du Parti Pour l’Indépendance du Royaume-Uni (UKIP). Je pense que je n’ai pas besoin de présenter Vladimir Poutine, et pour l’ambassadeur français, Mycroft n’a pas envie de se souvenir de son nom tellement il le saoule… Je suis désolée s’il y avait dans les années 2005 un ambassadeur français sympa qui parlait bien anglais.
[3] L’amnésie de Sherlock en ce qui concerne Eurus et surtout Victor Trevor me semble complètement tiré par les cheveux, mais je reste dans le canon : Sherlock est persuadé d’avoir eu un chien qui s’appelait Redbeard et ni Mycroft, ni ses parents, ni apparemment personne ne l’a détrompé (ce qui est assez flippant, mais bon, c’est pas moi, c’est la série).
[4] Si un jour vous en avez l’occasion (si ce n’est pas déjà fait), allez visiter cet incroyable demeure d’artiste, dans le 9ème arrondissement de Paris. C’est absolument magnifique. J’ai imaginé que cet endroit avait plu à Sherlock car je me représente un peu le personnage comme son alter ego créé par Conan Doyle, un homme « fin de siècle », sensible à l’art (c’est canon en ce qui concerne la musique, on ne sait pas trop pour la poésie et la peinture) et plus particulièrement aux œuvres de la seconde moitié du XIXème siècle (d’où Baudelaire et Gustave Moreau). C’est un canon tout personnel, bien sûr.
[5] C’est inutilement dramatique, bien sûr, mais pour moi, c’est ce que Holmes (et donc Sherlock) recherche dans la drogue : la sensation ultime, celle qui l’élèvera bien au-delà des réalités décevantes de ce monde. Avec le risque que ce soit en effet « ultime », dans le sens de « dernière »… Désolée si c’est un peu tiré par les cheveux.