Le détective agonisant

Chapitre 16 : Whatever remains, however improbable…

Chapitre final

4075 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Chapitre 16 : Whatever remains, however improbable… [1]

 

 

SAMEDI


Le dîner tardif improvisé par John – du riz, de la sauce tomate, quelques morceaux de poulet rescapés des courses de la semaine précédente – se déroula dans un étrange silence. On aurait dit qu’aucun des deux colocataires n’osait prendre la parole. Il suffisait que le médecin lève les yeux de son assiette et regarde Sherlock pour que ce dernier se force à prendre une nouvelle bouchée, sans protester, comme un enfant à qui l’on vient de pardonner une très grosse bêtise, et qui sait qu’il ne doit pas se faire remarquer.

John, pour sa part, réfléchissait à ce que Sherlock lui avait dit : Tu aimes le danger, l’aventure, tu es accro à l’adrénaline. Quelle était la conclusion de tout cela ? Qu’il n’était peut-être pas beaucoup moins instable que son colocataire ? Mycroft avant parlé de « coup de foudre » amical et il n’avait peut-être pas tort. Mais avant de se pencher sur l’étrange lien qui le reliait à Sherlock, et qui l’avait ramené au 221B en moins d’une journée, il avait besoin de dormir.

John se leva, s’étira, et, laissant la vaisselle sale sur la table de la cuisine (sans espoir que son colocataire en fasse quoi que ce soit, mais il était juste trop fatigué), murmura un « Bonne nuit » à Sherlock, qui était retourné s’asseoir dans le canapé après avoir miraculeusement mangé les trois quarts de ce que le médecin avait mis dans son assiette. Le détective ne répondit pas. John poussa un soupir et se dirigea vers l’escalier.

– J’avais onze ans.

Sherlock avait parlé si bas que John avait failli ne pas l’entendre. Suspendant son geste, l’ancien soldat se retourna vers son ami, qui avait de nouveau fermé les yeux. Sa main droite étreignait fermement le bord du canapé.

– Mycroft en avait vingt, reprit Sherlock. Il faisait de brillantes études à la London School of Economics [2] et il avait déjà commencé à travailler pour le compte du gouvernement. Je suppose que tu sais qu’ils recrutent, dès l’université, les sujets les plus prometteurs, et, bien sûr, ils ont immédiatement repéré mon frère comme le plus prometteur de tous. Pendant les vacances scolaires, mes parents ont eu la merveilleuse idée de m’envoyer chez lui. Je m’ennuyais à la campagne, où nous vivions, mais ma mère n’a jamais aimé l’agitation des grandes villes. Me laisser chez Mycroft semblait un parfait compromis. J’imagine qu’il n’a pas été ravi de voir son petit frère débarquer chez lui alors qu’il s’occupait d’affaires tellement importantes, de politique internationale et de scandales financiers.

John reprit doucement sa place dans son fauteuil, en faisant le moins de bruit possible. Il avait l’impression qu’interrompre Sherlock à ce moment reviendrait à le tirer d’une transe particulièrement profonde.

– Tout le monde venait consulter Mycroft, il commençait à avoir un cercle de relations vraiment importantes et il n’avait pas de temps pour moi, mais il ne pouvait pas refuser ça à mes parents, qui lui payaient ses études et son appartement. Il m’a vaguement baladé à travers Londres, mais la plupart du temps, nous étions enfermés chez lui, où il recevait de mystérieux collègues, qui venaient lui demander son avis sur des affaires non moins mystérieuses. Des hommes politiques importants, parfois, qui connaissaient Mycroft pour son sérieux, son efficacité et sa discrétion, ne se souciaient pas de déballer leurs secrets d’Etat devant un petit garçon à l’air timide et renfermé – et, selon son grand frère, légèrement débile.

John ouvrit la bouche pour protester, puis la referma. Cela pouvait attendre.

– Un jour, fatigué d’écouter tous ces gens discuter de sujets qui ne m’intéressaient absolument pas et de lire l’admiration dans leurs yeux dès que Mycroft proposait une solution à leurs problèmes, j’ai décidé de me mêler à leur conversation. Il y avait chez mon frère deux hommes politiques que je ne nommerai pas, mais dont tu as probablement entendu parler. Ils m’ont regardé très bizarrement lorsque je suis intervenu pour leur proposer mon point de vue sur la question. Quand ils sont partis, Mycroft, qui m’avait déjà fait taire pendant l’entretien, m’a reproché – comme d’habitude – de m’être mêlé de ce qui ne me regardait pas pour prouver à quel point j’étais intelligent, et il a profité de cette occasion pour se plaindre de moi et me ramener chez mes parents. Deux jours plus tard, j’étais… enlevé.

– Enlevé ? répéta John, abasourdi, oubliant son intention première de rester absolument silencieux.

– Oui, je sais, répondit Sherlock avec un petit rire qui ne sonnait pas très juste. Assez incroyable et mélodramatique, n’est-ce-pas ? Mais c’est bel et bien arrivé, en plein milieu de la nuit, chez mes parents, pendant que je dormais. Il s’est avéré que les deux hommes politiques venus consulter Mycroft avaient eu… disons peur de moi. Mon point de vue sur leur question ne devait pas être trop stupide, j’imagine, et ils devaient craindre que je ne révèle leurs magouilles. Mon frère n’était pas encore vraiment familiarisé avec les hautes sphères du pouvoir et il n’a pas imaginé que je pourrais effrayer qui que ce soit, il n’avait donc pris aucune précaution particulière. L’enlèvement a été fait de manière très professionnelle, mes parents n’ont rien entendu et je me suis retrouvé au milieu de la nuit à l’arrière d’une voiture aux vitres teintées. Nous avons roulé pendant trois heures, puis nous sommes arrivés… dans un endroit qui ressemblait fortement à une clinique. Au début, je n’ai absolument pas eu peur.

– Tu n’as pas eu peur ? On te kidnappe à onze ans en plein milieu de la nuit pour t’emmener dans un endroit que tu ne connais pas, et tu n’as pas peur ?

– Ah, mais tu oublies que tu as affaire à un sociopathe de haut niveau. Les sociopathes de haut niveau n’ont pas peur qu’on les enlève au milieu de la nuit.

– C’est de là que vient ce diagnostic que tu ressors à tout bout de champ pour justifier le fait que tu te comportes comme un connard ?

John n’avait pas voulu dire les choses de cette façon, et la colère qu’il éprouvait n’était pas dirigée envers Sherlock (il aurait en revanche volontiers dit deux mots aux types qui avaient illégalement « testé » un enfant dans cette clinique), mais les mots étaient sortis, et il ne pouvait plus les récupérer. Son intervention ne sembla pas blesser Sherlock outre mesure.

– Oui, ça vient de là. Au début, ils m’ont fait faire quelques tests logiques et psy, rien de bien méchant. Puis ils m’ont posé des questions sur ce que j’avais entendu chez mon frère, en prétendant éprouver ma mémoire. A cette époque, je ne pratiquais pas encore la suppression d’informations, et j’étais aussi très naïf – et en quête d’approbation, j’imagine. J’ai voulu les impressionner. Très fier de moi, je leur ai déballé l’intégralité de ce qui s’était dit pendant ces quatre jours que j’avais passés chez Mycroft. C’est à ce moment qu’ils ont commencé à paniquer, je crois. Il faut croire qu’il y a des secrets d’Etat trop importants pour se trouver entre les mains d’un petit garçon sociopathe de onze ans.

– Tu m’étonnes, murmura John.

– D’un côté, il y avait ces deux hommes politiques qui crevaient de frousse et qui, je crois, auraient été ravis de me faire taire définitivement, et de l’autre, des médecins visiblement habitués aux personnes à haut potentiel intellectuel, qui étaient fascinés par la façon dont fonctionnait mon cerveau. Je n’ai jamais su si ce qui s’est passé après était intentionnel ou s’ils se sont juste laissé emporter par leur enthousiasme. Est-ce qu’ils ont vraiment voulu me tester dans des conditions… disons difficiles, pour voir de quoi était capable ce petit sociopathe à la mémoire eidétique, ou bien est-ce qu’ils ont cherché à effacer de mon esprit ce que j’avais vu et entendu chez mon frère ? Je n’en ai aucune idée, mais ce que je sais, c’est qu’on m’a emmené dans une autre pièce pour faire encore d’autres tests, en me disant que je pourrais dormir après, quand j’aurais tout résolu.

John ne put s’empêcher d’interrompre son colocataire.

– Sherlock, tu ne me racontes pas n’importe quoi pour m’attendrir ? Tu as vraiment vécu tout ça ? Parce que ça ressemble à un mauvais roman d’espionnage.

– Non, je ne te raconte pas n’importe quoi. J’ai compris hier que ce n’était pas une bonne idée de te mentir.

– Mais c’est absolument illégal ! s’écria le médecin, conscient que cette remarque était à la fois sans intérêt et d’une naïveté affligeante.

Sherlock haussa les épaules.

– Bien sûr, mais c’est également absolument illégal d’être au courant de secrets d’Etat si on ne travaille pas pour le gouvernement. Après une série de tests de plus en plus difficiles, QI, logique, psy, ils ont aussi voulu savoir si j’étais physiquement normal. On m’a fait des scanners, une IRM, des prises de sang – et je vais passer les détails car je n’aime pas trop parler de ça. Je ne comprenais pas le pourquoi de tous ces tests, personne ne m’expliquait rien et je voulais juste rentrer chez moi et dormir.

– Ils t’ont gardé combien de temps ?

– Un peu moins d’une semaine. J’imagine que ce n’était pas si terrible que ça. Je veux dire, c’est ce qu’on fait dans les hôpitaux en temps normal, non ? Des tests, des… contrôles, des choses comme ça. Mais à l’époque, ça m’a semblé un véritable cauchemar.

– Je n’en doute pas un seul instant, répondit John, partagé entre l’indignation et la compassion. Et non, Sherlock, ce n’est absolument pas normal ! On ne peut pas forcer les gens à subir des test, quels qu’ils soient ! Encore moins en les empêchant de dormir !

– Ce que je veux dire, c’est qu’ils ne m’ont rien fait de vraiment douloureux ou horrible. Ils ont fini par me donner une chambre, mais c’est moi qui n’ai pas réussi à m’endormir. Je crois que j’avais peur qu’il m’arrive quelque chose si je relâchais ma garde. J’ai aussi refusé de manger et de boire ce qu’ils me donnaient parce que j’avais peur qu’ils veuillent m’empoisonner. Après trois jours à ce régime, je n’étais plus en état de réfléchir normalement. Je n’étais plus… je n’étais plus totalement là, si tu vois ce que je veux dire.

John acquiesça machinalement. Oui, il voyait très bien, surtout après l’explication que Mycroft lui avait fournie le matin même, de même qu’il voyait, presque physiquement, que Sherlock était en ce moment même très loin de lui, probablement calfeutré dans une chambre forte ou l’équivalent, afin de pouvoir se dissocier de l’événement et en parler sans la moindre trace d’émotion. Il n’imaginait que trop bien un jeune Sherlock Holmes se réfugiant dans un palais mental pas encore très solide, ni très étendu, pour échapper à une horde de médecins armés de seringues.

Surtout pas de morphine, pas de prise de sang s’il est réveillé, pas de test psychologique. Les mots prononcés par Mycroft sur son répondeur prenaient à présent tout leur sens, et John se demanda s’il n’aurait pas préféré rester dans l’ignorance. Toute cette histoire lui donnait la nausée. Il se força cependant à adopter la même voix neutre que son colocataire pour demander :

– Et tes parents ? Et Mycroft ?

– Mes parents ont immédiatement prévenu mon frère dès qu’ils ont vu que j’étais introuvable. Ils pensaient que j’étais peut-être allé le rejoindre à Londres, comme si j’aurais pu volontairement rechercher sa compagnie… Ce n’était pas ma première fugue, alors personne ne s’est inquiété trop sérieusement. Comme je te l’ai dit, Mycroft n’était pas encore entré trop avant dans les coulisses du pouvoir, et puis il me trouvait tellement stupide à l’époque… Comment aurait-il pu penser qu’on ait voulu m’enlever ? Il a été plutôt lent sur ce coup-là, mais il a fini par comprendre que je n’avais pas quitté la maison de mon plein gré et il a fait le lien avec ce qui s’était passé la semaine précédente. Il n’avait pas le pouvoir qu’il a maintenant, mais grâce aux quelques appuis qu’il s’était déjà faits au gouvernement, il a réussi à retrouver l’endroit où j’étais détenu. Mycroft a voulu m’emmener dans un autre hôpital pour me soigner – j’étais plus ou moins inconscient, mais je te l’ai dit, je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé. Je me suis réveillé aux urgences et j’ai… complètement pété un câble. Ca non plus, je ne vais pas en parler. Il y a toujours eu beaucoup de violence en moi, même lorsque j’étais enfant. Je me souviens juste que j’ai vomi sur mon frère. Ca a été un moment assez magique.

Les coins de la bouche de Sherlock tressautaient. John, pour sa part, aurait été incapable de lui rendre son sourire même si le détective avait eu les yeux ouverts. Comment pouvait-il plaisanter sur un tel sujet ?

– Ne t’en fais pas, John, je vais bien. Etonnamment bien, même, compte tenu du fait que je suis en train de te raconter un des épisodes les plus personnels de toute ma vie. Après ça, Mycroft m’a gardé chez lui. Lorsque j’ai enfin repris connaissance, il était à côté de mon lit. Je crois que j’étais vraiment dans un sale état, étant donné la tête qu’il faisait. C’était tellement rare chez lui qu’il ait l’air content de me voir… Il m’a même pris dans ses bras. Quelle idée.

Sherlock fit une petite grimace.

– Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, je crois que mon cerveau s’est juste… débranché, et que j’ai perdu tout contrôle sur mon corps. Ajoute à ça que j’étais dénutri et déshydraté. Lorsque j’ai commencé à récupérer, mon frère m’a fait promettre de ne jamais parler de tout ça à mes parents. J’ai donc dû supporter les réprimandes de ma mère parce qu’elle croyait que j’avais encore fugué. L’un dans l’autre, Mycroft avait raison, c’était beaucoup mieux que de les inquiéter inutilement. La clinique a été fermée, les médecins jugés – mais pas condamnés, car couverts par les deux politiciens qui m’avaient enlevé. Mon frère a mis cinq ans à les déloger des postes à responsabilité qu’ils occupaient. Il a méthodiquement déterré tous les scandales les concernant, sans jamais apparaître nulle part, et leur carrière est à présent définitivement brisée. Je crois qu’il y a pris un certain plaisir.

Il y eut un léger silence, pendant lequel Sherlock ouvrit les yeux, jeta un rapide coup d’œil à son colocataire, puis détourna le regard.

– Voilà pourquoi je n’aime pas trop les hôpitaux, les prises de sang et tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à un test psychologique. Plus tard, ma mère a voulu me faire passer des tests, mais j’ai réussi à y échapper à chaque fois. [3]

– C’est pour ça que tu n’as jamais reçu d’autre diagnostic que cette histoire de « sociopathe de haut niveau » ?

– On dirait que tu n’es pas d’accord ?

John, qui s’était difficilement contenu, explosa.

– Sherlock, comment pourrais-je être d’accord avec un diagnostic posé par des médecins qui ont agi en toute illégalité, trahi le serment d’Hippocrate, violé la loi et retenu de force un petit garçon de onze ans pour lui faire subir tout un tas de tests inutiles ? Je suis… je suis… je ne trouve pas les mots pour te dire à quel point je suis désolé pour toi. Tu étais un enfant, tu as dû être terrifié.

– Sans doute, mais j’ai classé et rangé tout ça depuis, répondit Sherlock avec un nouveau haussement d’épaules. C’était il y a plus de vingt ans. J’en ai gardé un mauvais souvenir des hôpitaux, voilà tout. Ne t’inquiète pas pour moi, c’est du passé. Je te l’ai raconté parce que ça avait l’air important pour toi de savoir, c’est tout.

Le médecin acquiesça en silence, tout en repensant aux « bizarreries » de son colocataire, au fait qu’il avait du mal à dormir la nuit et faisait souvent des insomnies, que ses habitudes alimentaires étaient pour le moins irrégulières, et qu’il semblait porter comme un bouclier ce diagnostic débile pour éviter d’avoir à subir de nouveaux tests. [4]

– C’est pour ça que tu en veux autant à ton frère ?

– Non, c’est parce qu’il est vraiment insupportable.

John n’était pas convaincu, mais il n’insista pas.

– Et après ça, tu n’as jamais eu à retourner à l’hôpital ?

Il avait posé la question pour détourner la conversation de sujets potentiellement problématiques, mais il comprit qu’il avait fait une erreur en voyant la main de son colocataire se crisper un peu plus fort sur l’accoudoir du canapé.

– Je suis désolé. Je n’aurais pas dû poser la question, ça ne me regarde pas.

– Non, non, ça va. J’y suis retourné une fois, et ça ne s’est… pas très bien passé non plus. D’abord parce que j’ai paniqué. Ensuite parce que… parce que ce n’était pas la période la plus glorieuse de ma vie.

– Overdose ? suggéra simplement le médecin, en faisant attention à conserver un ton neutre.

Les yeux perçants de Sherlock se posèrent immédiatement sur lui avec suspicion.

– Comment le sais-tu ?

– En ce qui concerne le domaine médical, je peux moi aussi me risquer à certaines déductions.

Sherlock continuait à regarder John avec perplexité.

– Et… ça ne t’effraye pas ?

– Quoi ? Que tu te sois drogué ? Que tu aies vécu des choses désagréables (il avait voulu dire « terribles », mais il savait que Sherlock l’aurait accusé de tomber dans le mélodrame) avant de me rencontrer ? Non, ça ne m’effraye pas particulièrement. Mon seul problème, c’est quand tu te comportes comme un parfait connard, comme hier, mais je ne vais pas revenir là-dessus.

Le détective semblait abasourdi.

– Sérieusement ? Ca ne te donne pas envie de partir en courant ?

– Sérieusement, Sherlock, tu t’es drogué, tu as fait une overdose, et alors ? Est-ce que ça fait de toi un colocataire plus insupportable que tu ne l’es déjà ? Non, c’est absolument impossible : tu es déjà le pire colocataire qui soit au monde. Alors, ne t’en fais pas trop pour ça, d’accord ?

Sherlock le regarda intensément, puis il détourna les yeux.

– Je n’ai pas l’habitude de… tout ça.

– Tout ça quoi ?

Il fit un geste vague de la main.

– Parler. Sentiments.

– J’avais remarqué, répondit John avec un petit rire. Tu ne crois pas qu’on a eu tous le deux notre compte d’émotions pour la journée et qu’il est l’heure d’aller dormir ?

Le détective s’empressa d’acquiescer et fila dans sa chambre avec un « bonne nuit ».

Deux minutes plus tard, John se glissait avec volupté dans son propre lit.

Trois minutes plus tard, il dormait.

Trois heures plus tard, son téléphone sonnait.

Après quelques secondes de flottement, John étendit la main vers sa table de chevet et jeta un coup d'œil sur l'écran de son portable.

3:45. Tu sais que je vais probablement à nouveau tout faire foirer.

John poussa un soupir et se força à se réveiller complètement. Peut-être que la discussion n'avait pas été assez claire, finalement.

3:48. Probablement. Bonne déduction.

Pour adoucir sa réponse, il ajouta :

3:49. Tu veux qu’on en parle de vive voix ?

3:53. Non. C’est plus facile quand je ne te vois pas.

3:55. OK. Ça tombe bien. J’aime mon lit.

3:57. Tu m’en veux encore ?

John, qui s’apprêtait à replonger dans les eaux bienfaisantes du sommeil, resta un instant face à son téléphone, se demandant ce qu’il pouvait bien répondre à cela, lorsqu’un nouveau texte arriva.

4:00. Oublie.

4:00. Je cherche une réponse appropriée.

4:01. Non, je ne t’en veux pas. J’ai compris certaines choses. Je sais que tu ne cherches pas à me blesser.

4:02. Non, mais je vais peut-être recommencer à le faire, sans le vouloir.

Le médecin ne put réprimer un sourire. Au moins, Sherlock était lucide.

4:03. Peut-être que tu avais raison.

John resta perplexe devant ce nouveau SMS.

4:03. Que j’avais raison pour quoi ?

4:03. Quand tu disais qu’il vaudrait mieux que tu déménages.

4:04. Tu veux que je parte ?

4:04. Bien sûr que non ! Mais pour toi, ce serait peut-être mieux.

4:05. Peut-être, mais il paraît que je suis accro à l’adrénaline, alors je vais prendre le risque.

4:08. Tu es sûr que tu ne vas pas le regretter ?

4:09. A cette heure-ci, mis à part que je suis mort de fatigue, je ne suis sûr que d’une chose.

4:09. Laquelle ?

4:10. Ma place est ici.



[1] Cette citation est en réalité beaucoup plus longue et il s’agit probablement de la citation la plus connue de Sherlock Holmes : « Quand on a éliminé l’impossible, ce qui reste, même improbable, doit être la vérité ». Je vous prie d’accepter mes excuses pour le caractère « improbable » de ce qui est arrivé à Sherlock et de la manière dont j’ai expliqué à la fois sa phobie des hôpitaux et le diagnostic de « sociopathe » qui déplaît tant à certain(e)s (cela dit, John n’a pas l’air non plus vraiment d’accord) …

[2] Complètement pas canon. Les frères Holmes ont un certain écart d'âge, mais on ne sait pas grand-chose sur la vie de Mycroft.

[3] J'ai repensé à Sheldon en écrivant cette ligne : "I'm not crazy, my mother had me tested" (Je ne suis pas fou, ma mère m'a fait passer des tests)...

[4] Tout en étant conscience du côté peu crédible de cette histoire, je voulais quelque chose qui explique certaines des excentricités de Sherlock, notamment en ce qui concerne son rythme de vie.

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