Le détective agonisant

Chapitre 2 : The game is afoot

1122 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 21 jours

Chapitre 2 : The game is afoot [1]

 

LUNDI


Le téléphone de John vibra dans sa poche.

15h34. Pourquoi es-tu à Exeter déjà ?

15h34. Congrès médical.

15h34. Je m’ennuie.

15h34. Pas moi.

15h35. Rendez-vous avec une fille ?

15h35. Oui, ce soir.

15h35. Passe aux archives de la police avant.

15h35. Qu’est-ce que je chercherais si j’acceptais ?

15h35. Un dossier sur un certain Victor Savage.

15h36. OK.

15h36. Skype, ce soir, 23h.

15h36. Inutile, bien sûr, d’attendre un « merci » ?

Totalement inutile, pensa John avant de remettre dans sa veste son téléphone redevenu muet. Il se demandait comment s’y prenait Sherlock pour savoir exactement à quel moment avait lieu la pause entre les conférences. Peut-être juste un coup de bol. Et peut-être pas.

A 23h15, John poussait la porte de sa chambre en sifflotant. La journée avait été intéressante, avec plusieurs conférences vraiment passionnantes et Isabelle Leclerc, avec ses longs cheveux blonds et son accent français, était aussi intelligente que ravissante. La soirée en tête-à-tête avec elle au bar de l’hôtel avait donc été aussi intéressante que la journée, sinon davantage. [2] Le médecin posa sa veste, alla se laver les mains et sortit son téléphone. Six textos seulement. Sherlock se montrait plutôt patient.

23h01. John, où es-tu ?

23h05. John, il est 23h05.

23h08. John, qui que soit cette fille, laisse-là et viens me dire ce que tu as trouvé.

23h09. John.

23h11. John.

23h14. John.

Ledit John réprima un sourire et alluma son ordinateur.

– Sherlock ?

Un bruit de vaisselle brisée se fit entendre de l’autre côté de l’écran. Le médecin soupira pour la première fois de la journée. Etonnant comme une journée loin du 221B suffisait à descendre son niveau d’exaspération de +1000 à 0.

– Ne me dis pas que tu essayes de laver ou de ranger la cuisine, parce que je ne te croirai pas. Qu’est-ce que tu as encore cassé ?

Sherlock, enveloppé dans sa robe de chambre, apparut dans son champ de vision.

– Tu es en retard, dit-il sur un ton réprobateur.

– Oui, Sherlock, il se trouve que j’ai une vie en dehors de toi et de tes affaires criminelles. J’ai…

– Inintéressant. [3] Tu as trouvé quelque chose ?

John ne se formalisa pas de l’interruption. Il savait que lorsqu’il était sur une affaire, plus rien d’autre ne comptait pour Sherlock. Non pas que la vie personnelle de son colocataire compte le reste du temps non plus, mais sa concentration virait à l’obsession dès qu’il avait trouvé un cas qu’il estimait digne de son intérêt.

– Oui. C’est Mycroft qui a appelé le centre des archives de la police pour me faciliter l’accès aux dossiers ?

– Mycroft boude. J’ai demandé à Lestrade.

John se rendit compte que la voix de Sherlock sonnait étrangement, comme lointaine et légèrement voilée.

– Je t’entends mal.

– Haut-parleurs capricieux. Alors ? Victor Savage ?

– Inculpé pour effraction et vol à quatre reprises entre 2001 et 2004. Plus rien après. Mort il y a environ un an.

– Mort... commença Sherlock, mais une légère toux l’empêcha de poursuivre.

– Tu as pris froid ?

– Mort assassiné ? reprit le détective sans se préoccuper de répondre.

– Non, rien ne le précise.

– Je vois.

– Tu vois quoi ?

Il n’y eut pas de réponse. Sherlock avait baissé la tête et, visiblement, fermé les yeux.

– Sherlock ! Je te lis ce putain de rapport ou je vais me coucher ? La journée a été longue.

Le détective sursauta.

– Pardon, quoi ? Quel rapport ?

John resta un instant interdit. Respire, John, respire, ne t’énerve pas, ça n’en vaut pas la peine.

– Le rapport sur Victor Savage ! J’ai passé deux heures à rechercher ce truc dans les archives de la police et je suis arrivé en retard à mon rendez-vous avec Isabelle. Pour toi. Alors, tu veux que je te le lise ou non ?

– Sherlock se frotta les yeux, bâilla et fit jouer les muscles de son cou, comme s’ils étaient endoloris.

– Qu’est-ce qu’il y a ? Tu t’es fait mal ?

– C’est un faux rapport de police, John.

– Comment ça, un faux ?

– Visiblement, des faits ont été occultés. Notamment ceux qui concernant sa mort.

– Comment peux-tu savoir ça ?

– Je soupçonne Savage d’avoir fait partie des services secrets. Je pense qu’il a été éliminé parce qu’il en savait trop sur quelque chose et j’ai besoin de savoir quoi. Il faut que tu ailles interroger ses proches, sa veuve, son ancienne maîtresse et son frère, et que tu trouves le médecin qui a signé le permis d’inhumer.

– Sérieusement, Sherlock, tu crois que je n’ai que ça à faire ?

– Oui.

John prit de nouveau une longue inspiration.

– Je travaille. Je suis à un congrès médical. J’ai rencontré une fille. Je dois la revoir ce soir.

– Je suis après un type qui a probablement tué Savage et s’apprête à commettre un nouveau meurtre. J’ai besoin de savoir comment il fait pour l’empêcher, justement, de recommencer.

John ne trouva aucune réponse intelligente. Bien sûr qu’il était important d’arrêter des criminels, bien sûr que c’était plus important que la vie amoureuse de John Watson, mais de temps en temps, il aurait bien aimé pouvoir appuyer sur le bouton « pause » de la télécommande et profiter un peu de la vie. Sherlock savait que son colocataire ferait passer son devoir avant tout et il en profitait sans aucun scrupule.

– Tu es vraiment chiant, tu sais.

Un sourire apparut sur le visage du détective.

– On me l’a déjà dit, tu sais. Skype, demain, même heure.


[1] Je sais que dans la série, la citation anglaise est « the game is on », mais chez Conan Doyle, c’est « the game is afoot », désolée, c’est comme ça.

[2] Je trouve ça assez cool que la BBC nous montre un Watson dragueur, comme c’est le cas chez Conan Doyle (il dit lui-même qu’il a de l’expérience avec des femmes « venant de nombreuses nations sur trois continents »…).

[3] Le "boring" si caractéristique de la série est super dur à rendre. Je n'aime pas trop "ennuyeux"...

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