Le détective agonisant

Chapitre 1 : La routine monotone de l'existence

1265 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 22 jours

Cette fanfic est une réécriture version BBC de la nouvelle d'Arthur Conan Doyle, "L'aventure du détective agonisant". Je l'ai écrite il y a relativement longtemps, alors que la saison 4 de Sherlock n'était pas encore sortie (ce qui explique que les noms des personnages soient similaires à certains noms de l'épisode 2, "The lying detective"). Etant passablement obnubilée par Sherlock Holmes en ce moment, je reprends mes anciennes fics dans l'espoir que ça va me motiver à en écrire une nouvelle (mais située dans l'ère victorienne). Au cas où ça intéresse quelqu'un, bonne lecture !



Chapitre 1 : La routine monotone de l’existence [1]



DIMANCHE


– Sherlock, pour la dernière fois, réponds à ton frère ou je balance ton téléphone par la fenêtre.

Absorbé par la contemplation d’une éprouvette dont le contenu était en ébullition au-dessus d’un bec Bunsen, Sherlock Holmes ne daigna même pas jeter un regard à son colocataire.

– Sherlock, je suis sérieux. Ca fait cinquante fois qu’il essaye de t’appeler et je sais qu’il continuera jusqu’à ce que tu lui répondes. Ou jusqu’à ce que je balance ton téléphone par la fenêtre.

– Deux fonctionnaires prétendument assassinés. Ça ne m’intéresse pas. Il n’a qu’à s’en occuper lui-même.

– OK. D’accord. Très bien. Dis-le-lui.

– Tiens le téléphone pour moi, alors. Je ne veux pas interrompre mon expérience.

John soupira et s’empara du portable de son ami.

– Mycroft ? John à l’appareil. Je vous passe Sherlock.

Pourquoi cette situation ne lui paraissait-elle-même pas si étrange que ça ? Il était tellement habitué aux bizarreries et impolitesses du plus jeune des Holmes (et à l’insistance de l’aîné) que maintenir son téléphone près de son oreille droite pendant qu’il manipulait des produits probablement toxiques lui semblait presque naturel.

– Mycroft ? Que puis-je faire pour toi ? demanda Sherlock de son ton le plus agaçant, celui qu’il employait avec son frère avant de l’envoyer se faire voir.

– Tu sais très bien ce que tu peux faire pour moi. T’occuper de cette affaire avant qu’elle ne devienne ingérable !

– Je n’ai pas changé d’avis depuis jeudi.

– Il y a eu un nouveau mort.

– Inintéressant.

– Sherlock, ne m’oblige pas à...

– J’aimerais bien voir ça. Raccroche, John, ajouta le détective en s’écartant du téléphone.

Avec un nouveau soupir, John obtempéra, non sans une pensée compatissante pour Mycroft. Etre le grand frère d’un génie sociopathe comme Sherlock Holmes n’était pas de tout repos.

– Ce n’était pas précisément ce que j’avais en tête quand je t’ai demandé de lui répondre.

– De quoi tu te plains ? Je lui ai répondu. Inintéressant.

– Il y a tout de même eu trois meurtres.

– Trois morts, rectifia Sherlock.

– Pas de preuve qu’il s’agisse d’assassinats ?

– Non.

– Mais alors pourquoi Mycroft insiste-t-il à ce point ?

– Je ne sais pas et ça m’est égal. Je ne veux pas perdre mon temps à parler avec toi d’une affaire sans intérêt dont je ne vais de toute façon pas m’occuper. J’ai mieux à faire.

John prit une profonde inspiration et compta jusqu’à dix avant de relâcher l’air qu’il retenait dans ses poumons. La colère était un sentiment qui lui était familier, mais il ne l’avait jamais autant expérimentée que depuis qu’il partageait un appartement avec Sherlock. Ce genre de réponse, ces fins de non-recevoir, le mettaient hors de lui plus que tout le reste (le reste étant le violon à trois heures du matin, les coups de feu tirés dans le mur, le mutisme dans lequel Sherlock pouvait tout à coup s’enfermer, l’impolitesse dont il faisait preuve à tout moment). Il avait l’impression, dans des cas comme celui-ci, d’être un homme particulièrement obtus, stupide et inintéressant, de n’être rien par rapport à Sherlock et surtout de n’être rien pour lui.

Or, dans l’amitié, il faut un peu de considération de part et d’autre, sinon, eh bien, ce n’est plus de l’amitié, mais une relation embarrassante à sens unique qui risque de mal se terminer.

John se leva du fauteuil dans lequel il s’était tranquillement assis une vingtaine de minutes auparavant, avec l’agréable perspective de boire une tasse de thé bien chaud en regardant une émission télévisée. C’était compter sans l’odeur nauséabonde qui émanait de l’éprouvette de Sherlock, et le bruit de fond de son téléphone, qui avait sonné sans discontinuer depuis midi. C’était compter sans le don qu’avait son colocataire de le mettre hors de lui avec une seule phrase.

Son regard se posa sur le manteau de la cheminée, où Sherlock « rangeait » son courrier. [2] Le logo de sa banque attira son attention. Il attendait une réponse concernant un problème de carte bleue défectueuse, et s’approcha pour vérifier que l’enveloppe lui était bien adressée. Un peu surpris de constater que c’était le cas, et que le détective s’était occupé de ramasser le courrier, il tendit la main pour prendre la lettre qui lui était destinée.

– Je rêve ou, pour la première fois, tu as fait quelque chose concernant notre vie en commun dans cet appartement ?

– Quoi ? demanda Sherlock, sans lever les yeux de son expérience.

– Non, rien, répondit John en poussant une ou deux enveloppes pour voir s’il n’avait rien reçu d’autre. Je me demandais pourquoi tu avais pris le courrier.

Un hurlement de son colocataire le fit sursauter. Trois enveloppes tombèrent à terre.

– JOHN, NON !

– Tu es dingue ? Qu’est-ce qui te prend ? Tu m’as fait peur !

Une seconde après, Sherlock avait abandonné sur la table éprouvette et bec Bunsen. Deux secondes après, il était à côté de John, examinant fébrilement ses mains.

– Tu t’es coupé ?

– Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?

Le regard de John croisa celui de Sherlock et, pendant un instant, il vit dans les yeux de son ami une lueur proche de la panique absolue. Puis le détective fit un pas en arrière et haussa les épaules. John s’apprêtait à poser une question, mais l’abominable odeur qui s’élevait derrière eux l’amena à des considérations plus pragmatiques.

– Sherlock, soupira-t-il, je crois que ton expérience a fait fondre la table.


[1] Les titres des chapitres seront des citations de Conan Doyle. Ici, j'ai repris "I abhor the dull routine of existence", un passage du Signe des Quatre dans lequel Sherlock Holmes explique à Watson à quel point son esprit a besoin d'être stimulé, sans quoi il s'ennuie et a besoin de "stimulants artificiels".

[2] Ce que j'aime le plus dans la série, je crois, c'est à quel point (dans les saisons 1 et 2, du moins), l'esprit Conan Doyle est respecté. Dans ses nouvelles, Holmes "range" en effet son courrier en les plantant avec un couteau sur le manteau de la cheminée... On voit Sherlock faire ça dans la saison 1, quand John lui dit que le 221B serait très chouette une fois que la pièce serait rangée.

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