Au-delà des Mers

Chapitre 3 : Apprentissage

3622 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/05/2021 09:33

Une demi-heure plus tard, il reprit ses cheveux à présent secs en une petite natte qui maintenait proprement ceux-ci en arrière et dissimulant par la même occasion une grande partie de ses oreilles problématiques.

Et c’est à regret qu’il quittât le pont baigné de soleil pour se diriger vers l’endroit le plus probable où Mendoza pouvait se trouver à cette heure. La cabine du Capitaine Diaz, pour prendre son petit déjeuner. Sur le chemin, il croisa le Second du Capitaine, un gars à l’allure sèche et froide, les traits du visage coupés au couteau, Jimenez. Comme il se devait, en le croisant, l’Olmèque baissa la tête et celui-ci ne sembla même pas le remarquer.

L’instant d’après, il frappait à la porte de la cabine du Capitaine comme il l’avait fait à plusieurs reprises depuis le début du voyage. Un serviteur ventripotent vint ouvrir, faisant barrage.

-Est-ce que Don Mendoza est ici ? demanda Calmèque.

-Oui, répondit platement le bonhomme à la panse avinée.

-J’ai un pli à lui remettre, dit-il en brandissant la lettre.

La vision du pli aux allures officielles fit courber l’échine du portier qui consentit à laisser entrer l’Olmèque.

L’ouverture de la porte fit se taire les quatre hommes assis autour d’une table copieusement servie. Mendoza qui reconnu son Olmèque fronça les sourcils en guise de question. Calmèque regarda l’Espagnol et se ravisa à l’idée d’exhiber le pli devant tout le monde. Il préféra faire comprendre au Navigateur qu’il fallait qu’il lui parle. Et Mendoza craignant qu’il n’y ait un souci avec leur clandestine accompagna Calmèque hors de la cabine sans discuter.

-Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta vivement l’Espagnol.

-Pas de panique, Mendoza. C’est juste qu’on m’a demandé de vous remettre ceci et que j’ai jugé plus prudent de le faire discrètement. On ne sait jamais.

Mendoza se détendit instantanément et prit la lettre avec incrédulité. Il remarqua immédiatement le cachet aux armoiries compliquées qui scellait la missive.

-Qui t’a remis ça ? interrogea le Navigateur.

-Une femme, aristocrate, plutôt bien mise et… qui ne sentait pas mauvais, ce qui sur ce bateau est une preuve de savoir-vivre.

Et il renifla à l’attention de l’Espagnol qui comprit l’allusion.

-J’ai passé une nuit blanche sous une pluie battante à me démener contre l’Océan, se défendit-il.

Mendoza ne s’offusqua pas vraiment de la réflexion parce qu’il trouvait aussi qu’il devait se laver. Sur ce point, lui et l’Olmèque étaient d’accord la plupart du temps !

L’Espagnol décacheta le pli et le parcourut rapidement.

Il le replia une fois fini et le rendit à son « esclave » sans dire un mot, ce qui, il le savait, l’énerverait passablement. Il aimait bien l’asticoter quand il le pouvait.

-J’en déduis que vous ne me direz rien ?

Mendoza prit un air à la fois hautain et amusé.

-Pas un mot.

Mais tandis que l’Espagnol s’amusait à narguer « sa propriété », il commença à enlever patiemment le haut de ses vêtements pour finir torse-nu et à mesure qu’il enlevait ses frusques, il les tendait à l’Olmèque qui les attrapait de mauvaise grâce.

-T’as raison, ça sent vraiment pas bon. Va me les laver.

-J’ai une tête de blanchisseuse ? se vexa Calmèque.

Mendoza planta ses yeux dans ceux de son interlocuteur.

-A part de gargouille, t’as une tête de rien… alors démerde-toi, sois inventif !

Alors que le Navigateur s’en retournait à la cabine de Diaz, il lança encore à l’attention de l’Olmèque.

-Epate-moi !

Resté seul dans le couloir, il soupira très bruyamment  « gargouille… »  et faillit pester quand tout d’un coup une idée lui vint et cette seule pensée suffit à lui rendre le sourire.

Un peu plus tard, il venait de franchir la porte des cuisines. Il tomba nez à nez avec le cuistot, un petit bonhomme plutôt jovial qui ne dessaoulait presque jamais.

Quand il vit entrer l’Olmèque dans sa cuisine il se fendit d’un sourire.

-Ha ! Tu tombes bien ! Tu vas m’aider à balancer les épluchures par-dessus-bord !

Calmèque lui rendit son sourire.

-Pas de souci, mais t’aurais pas quelques coquilles d’œufs de ce matin ? lui demanda-t-il en passant en revue les quelques denrées en partie cuisinées qui se trouvaient sur le billot. 

Le cuisinier s’étonna mais n’en fit pas une histoire.

-Bah si. Qu’est-ce que tu veux en faire ?

-Je les mange, lui répondit Calmèque en rigolant.

Le cuistot ne fit aucune réflexion, il en avait tellement vu au cours de sa vie en mer, plus rien ne pouvait le surprendre. Alors que ce personnage bizarre bouffe des coquilles d’œufs, pourquoi pas ? Du moment qu’il continuait tous les jours à venir lui filer un coup de main pour les ordures. Le petit bonhomme fit un petit tas dans un coin et sortit un petit baluchon de tissus blanc. Il noua le tout et le tendit à l’Olmèque.

-Tiens, comme d’habitude.

Calmèque prit son petit paquet qu’il planqua sous sa veste avant d’aider le cuistot à se débarrasser de ses poubelles. Une fois de retour en cuisine, les deux hommes se saluèrent et se souhaitèrent une bonne journée.

Il y a avait quelques chose que Calmèque avait appris au cours de sa vie, toujours ménager les « personnes ressources » et sur un bateau perdu en pleine mer, il n’y avait pas ressources plus vitales que l’eau et la nourriture. Aussi dès les premiers jours avait-il trouvé le moyen de s’assurer les bonnes grâces du cuisinier du navire, qui sait ce qui pouvait se passer.

Il regagna ensuite la cabine. Dans un coin de celle-ci, se trouvait une caisse bourrée à ras bord d’agrumes que Mendoza avait pris soin de faire livrer avant d’embarquer. Il connaissait les ravages du scorbut. L’Olmèque prit trois citrons qui commençaient à montrer des signes de moisissure mais qui feraient parfaitement l’affaire pour sa mission.

Quand L’Espagnol reparut, il découvrit son linge occupé à sécher dans la cabine dans une odeur d’agrumes.

Assis sur sa couche, son Olmèque était adossé à la paroi du navire, la lettre de l’inconnue à côté de lui et prenant des notes sur un bout de papier posé sur ses genoux.

-Votre système d’écriture semble n’être formé que d’un nombre de caractères restreint. J’en ai dénombré une trentaine sur cette lettre, mais peut-être en manque-t-il ? Quoi qu’il en soit, poursuivit-il, on dirait que chaque caractère représente un son. Ca paraît assez facile.

Et il leva la tête pour voir si Mendoza confirmait ses déductions.

Le Navigateur passa sa main sur la manche de sa chemise qui pendait et la porta à son nez.

-Citron ? se contenta-t-il de dire.

-Oui… citron et coquilles d’œufs dans de l’eau bien chaude. Ca dégraisse, blanchit et sent bon.

Mendoza fit une moue impressionnée.

-Tu vois que t’es blanchisseuse…

Visiblement de bonne humeur Calmèque s’en amusa et taquina l’Espagnol.

-Et oui… comme quoi… alors c’est d’accord ? Vous m’épousez ?

Mendoza accepta de se détendre et de ne pas plomber l’atmosphère. Après tout, essayer de maintenir un climat agréable était profitable pour tout le monde. En cette fin de journée en tous cas, il n’avait pas du tout envie de casser la bonne ambiance. La journée avait été bénéfique et il savait qu’il avait marqué des points auprès de l’équipage après sa prouesse remarquable de la nuit précédente. Du coup, il obtempéra et s’approcha de l’Olmèque.

-26. Nous avons 26 lettres.

Calmèque en fut visiblement étonné, il avait relevé bien plus de caractères que ça. Mais Mendoza répondit à sa question muette simplement.

-Mais chacune de nos lettres peut s’écrire de quatre façons différentes. Et il faut ajouter à cela la ponctuation.

Mendoza s’assit à côté de l’Olmèque et prit la lettre à titre d’exemple.

-Ce pli est en caractères manuscrits puisqu’écrite à la main. Et il peut se composer de 26 lettres chacune écrite soit en majuscule soit en minuscule.

Mendoza pointa le début d’une phrase et le début de certains mots.

-En début de phrase, nous utilisons une majuscule, ainsi qu’au début des noms propres.

L’Olmèque fronça les sourcils en signe de concentration.

-Après il y a les caractères d’imprimerie, comme sur les cartes ou dans les livres. Les lettres sont sensiblement différentes de leur version manuscrite. Et il y a ensuite l’utilisation d’un certain nombre de signes qui forment la ponctuation, et l’association de certaines lettres qui forment de nouveaux sons.

Le cours se poursuivit jusque tard dans la soirée. Mendoza finit par se prendre au jeu et se découvrit des talents de pédagogue qu’il ne s’imaginait pas. En même temps, l’Olmèque était tout sauf un abruti, il assimilait vite et posait des questions pertinentes, ce qui ne rendait pas le cours rébarbatif. A l’heure du repas, Mendoza leur fit apporter le diner en cabine et pour la première fois il ne partit pas manger avec les officiers et partagea son repas avec son compagnon de voyage.

Tout en mangeant, Calmèque s’essayait à quelques exercices d’écriture. Formation des lettres, intervalles réguliers, domptage de la plume d’oie et de la juste quantité d’encre à utiliser,…

Il griffonna plusieurs mots avec autant d’application qu’il pouvait, mais à chaque fois qu’il rencontrait une résistance avec l’ustensile d’écriture, il pestait sans ménagement.

-Une plume d’oie ?!? Non mais sérieusement ! Ca fait peut-être très romantique mais j’ai jamais rien utilisé d’aussi archaïque… pourquoi pas des arrêtes de poissons tant qu’on y est ?!?

Mendoza s’amusait pas mal de le voir s’énerver comme ça. Calmèque avait beaucoup de mal à admettre qu’il n’arrivait pas à faire quelques chose du premier coup. C’est que ce petit machin était orgueilleux !

La nuit était calme, rien à voir avec celle de la veille et le Navigateur d’ordinaire plus prudent sur la boisson, s’était autorisé quelques verres de vin d’une excellente cuvée que le Capitaine gardait jalousement pour lui et ses proches officiers. L’alcool lui vissait un petit sourire taquin au coin des lèvres et le rendait beaucoup plus détendu qu’à son habitude. L’Olmèque s’en aperçu et se permit de le mettre gentiment en garde quand il le vit se servir pour la sixième fois.

-Si vous continuez, vous finirez votre nuit dans les bras de la première « syphilis » que vous aurez croisée et au petit matin, elle vous aura, en prime, détroussé du peu que vous possédez…

L’Espagnol le regarda en dodelinant de la tête.

-Tu es beaucoup trop sérieux Calmèque, lui reprocha-t-il d’un ton léger.

-On va dire ça, conclut l’Olmèque qui n’avait pas envie de batailler.

Après tout, le Navigateur était un grand garçon.

A cet instant, Calmèque grogna de désespoir devant la énième tache d’encre qui venait de ruiner ses efforts. Il invectiva alors l’Espagnol en brandissant la maudite plume.

-Vous savez ce que c’est ça ?

Mendoza arqua ses sourcils en signe d’ignorance.

-C’est une insulte à la bonne volonté !

L’Espagnol ne put que rire devant l’air dépité de son compagnon.

-Ca fait une heure que tu essayes, laisse-toi un peu de temps !

-Ouais, bah ça m’énerve… fit-il en boudant. Ca traverse des océans et c’est pas foutu d’inventer un stylo.

Pour essayer de dérider l’Olmèque et lui prouver que ses efforts n’étaient pas vains, Mendoza se mit en devoir de déchiffrer à voix haute ce qu’il avait essayé d’écrire, mais il trébucha misérablement sur les premières syllabes et écarquilla les yeux.

« Cal-Hayan Ezran Nati Mek-Enzi Ori Na… Gros pâté qui rendait le dernier mot illisible»

-Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? balbutia le Navigateur

-Je sais pas, répondit l’autre ronchon. En secouant les quatre neurones encore à moitié sobres de votre cervelle, vous allez peut-être trouver…

Mendoza fit un effort de concentration en relisant attentivement la suite de mots sans signification. S’il n’avait pas bu, peut-être qu’il aurait compris, mais là… il devait admettre que le mystère restait complet. Il lui vint bien à l’idée que l’Olmèque n’avait finalement rien compris à leur système d’écriture, mais il préféra envisager une autre explication, sans quoi, il n’avait pas fini de l’entendre.

-C’est quoi ? implora le Navigateur après de longues minutes à se creuser la cervelle.

Calmèque soupira…

« L’alcool est une plaie. »

-C’est mon nom,… complet,… enfin presque, la fin est sous cette infâme tache noire, là…

-Merde… fit simplement l’Espagnol. Et moi qui trouvais nos noms ibériques compliqués.

Mais après un instant de stupéfaction, Mendoza revint à la charge.

-Mais… pourquoi on t’appelle « Calmèque » ? C’est le seul mot bizarre qu’il n’y a pas dans ta liste !

L’Olmèque fit claquer sa langue deux fois en signe de désapprobation, mais il n’était pas vraiment contrarié, c’était juste pour la forme, il se doutait bien que ces sonorités heurtaient les oreilles de l’Européen. Et c’est de bonne composition, profitant de l’excellente humeur de son « propriétaire » qu’il leva le voile sur ce mystère. Après tout, lui qui se plaignait d’un manque de communication avec l’Espagnol, pour une fois qu’il ne passait pas sa soirée à regarder le plafond… pendant que l’autre courait les jupons.

Il pointa donc du doit deux syllabes de la longue succession de noms : la première et une au milieu.

-Première syllabe de « l’ascendance », commença-il. Et première de la « branche d’origine ». On a coutume d’assembler les deux pour former le nom usuel. Ici c’est « Cal » et « Mek ».

Mendoza plissa les yeux pour faire lui-même l’association et vérifier les dires.

« Ah oui… »

-Mais en vrai, c’est quoi le prénom dans tout ça ?

-Au sens où vous l’entendez, ce serait « Calhayan », mais on ne s’en sert que pour l’énumération de l’ascendance, dans les registres et au moment des naissances,… c’est purement administratif.

Mendoza fit la moue. Une moue à la fois comique et circonspecte, que son absorption de vin rendait presque caricaturale.

-Bon là je suis trop éméché, mais faudra un jour que tu m’expliques comment un peuple stérile peut parler d’ascendance et de naissances…

Calmèque s’attendait à avoir un jour cette explication à donner. Fallait dire que ça lui pendait au nez, n’importe qui s’interrogeant cinq minutes à propos de son peuple finissait immanquablement par se poser des questions. Il était même étonnant que personne ne s’en soit jamais inquiété plus tôt. Ceci dit, si l’intérêt de l’Espagnol pouvait s’expliquer principalement par la boisson peut-être était-ce aussi le signe que leur « relation » évoluait.

Peut-être était-ce inévitable avec une telle promiscuité ?

Peut-être pas.

Quoi qu’il en soit, même s’il n’avait pas trop envie de rentrer dans les détails, il se sentait obligé de ne pas complètement fermer la porte. Il se fit alors la réflexion que l’ébriété de Mendoza pouvait peut-être l’aider.

-En fait, éméché ou pas, vous n’y comprendrez rien de toutes façons, lui assura-t-il en lui vidant le reste de la bouteille de vin dans son verre, alors autant que je vous explique maintenant. Comme ça ce sera fait.

En fait, il espérait que Mendoza n’oserait pas trop poser de questions embarrassantes à cause de son état second, comme si celui-ci le garderait confiné dans une sorte d’oisiveté cotonneuse de l’esprit.

C’était mal connaître Mendoza…

Calmèque se concentra un instant afin d’être le plus clair possible. L’idée était de l’assommer avec une succession de mots incompréhensible pour lui et de ne pas le laisser respirer, histoire de le perdre dans les nimbes de l’alcool et de ne plus avoir à revenir sur le sujet, même plus tard.

Il se racla le fond de la gorge avant de se lancer.

-Petit 1, on n’est pas stérile de fait, on est stérile de contexte.

« Ne pas laisser Mendoza l’interrompre avec des questions. »

Aussi quand il vit la bouche de l’Espagnol s’ouvrir pour l’interroger, il l’ignora et enchaîna rapidement.

-Quand les femmes ont commencé à diminuer en nombre dans notre peuple, nos ancêtres ont prélevé autant d’ovocytes que possible sur les femmes encore disponibles et ils ont été cryogénisés en vue de fécondations in-vitro futures. Depuis près de 400 ans, notre peuple survit de cette manière. Arrivé à un âge honorable où un Olmèque a rempli son devoir vis-à-vis de sa communauté, il « part en paternité ». En gros, un ovocyte lui est assigné en rapport avec son patrimoine génétique et on pratique une fécondation assistée en laboratoire. Dès que la mitose cellulaire commence, l’embryon est placé en incubateur et termine ses neuf mois de maturation jusqu’à sa naissance où il est pris en charge par son père. Et voilà ! C’est tout simple !

Mendoza lui lança un regard indéfinissable tandis qu’il finissait son verre de vin. Il prit son temps. Comme assimilant tant bien que mal cette débauche de jargon scientifique. Il soupçonnait d’ailleurs l’Olmèque de n’avoir fait aucun effort pour lui simplifier la vie, mais qu’à cela ne tienne.

« Tout se paye » se dit-il.

-Bon alors… je vais être franc Calmèque, je n’ai compris qu’une seule chose : vous baisez pas...

Calmèque se grata distraitement le crâne en jetant vers Mendoza un regard goguenard.

-C’est sûr que vous, vous pourriez pas… ,admit-il.

-Non mais… vous baisez pas ? insista l’Espagnol un peu lourdement.

-Je suis au-cou-rant, articula le petit homme avec fermeté, espérant que le Navigateur en resterait là.

-Non mais sans déconner, renchérit l’autre porté par l’alcool. Vous faites comment ? Vous… avez jamais envie ?

L’autre roula des yeux vers le plafond en inspirant bruyamment et en se laissant tomber sur le dossier de sa chaise.

Voilà LA discussion qu’il ne voulait pas aborder avec Mendoza. Pas avec ce Don Juan !

« Fais chier ! »

-On fait avec ! affirma-t-il sèchement.

Les yeux du Navigateur s’étrécirent jusqu’à ne devenir que de fines lignes sur son visage.

-J’en crois pas un mot… lâcha-t-il en dévisageant l’expression contrariée de son compagnon.

Au bout de quelques instants, Calmèque débraya un tout petit peu et obtempéra pour offrir un semblant d’explication. Obligé, sans quoi l’Espagnol ne l’aurait pas lâché.

-La nature est bien faite, affirma-t-il. Quatre cent ans sans nécessité de reproduction directe et notre libido est tombée à zéro. Ou quasiment.

Un silence gêné s’empara de la cabine accompagné de légères effluves de vin rouge et de viande fumée. Mendoza préféra ne pas préciser le fond de sa pensée tout haut puisque de toutes évidences ça crispait beaucoup son interlocuteur.

« Ou quasiment… »

Quelle taille pouvait avoir le fossé situé entre « zéro » et « quasiment zéro » ?

Mendoza continua de dévisager encore un instant le petit homme avant de se lever d’une traite et de sortir, le plantant là. Calmèque suivit des yeux la sortie précipitée de l’Espagnol et en demeura perplexe quelques instants avant de se concentrer sur son autre préoccupation.

Il frappa du pied deux fois sur le sol à l’attention des petits grattements qu’il percevait depuis plus d’une demi-heure.

-Y’a des planchers indiscrets par ici…, se plaignit-il tout haut.



Laisser un commentaire ?