L'apprentie

Chapitre 13 : Partie de la famille.

2263 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2024 21:44

Sarah zieute les étalages, choisissant avec Elise les légumes pour la semaine selon les plats qu’elles comptent préparer. Sarah a noté plusieurs recettes en allant à la bibliothèque qu’elle serait bien tentée d’essayer. S’il y a bien une chose sur laquelle ils se sont trouvés, c’est bien la cuisine ! Cela fait maintenant presque un mois que Sarah vit avec Elise et Alastor, ses crises ont presque disparu, elle a même retrouvé un plus joli teint de peau. L’anxiété qui la traversait autrefois s’est tarie.

Si elle était nerveuse à chaque fois qu’Alastor la mettait au-devant de la scène, à présent, elle se mêle sans stress à ses émissions. Elle continue à développer ses sujets, prenant un réel plaisir à les montrer au brun avant qu’il ne lui laisse place à l’antenne pour se faire entendre. Elle parle un peu de tout, elle a pris l’habitude de parler de différents styles de romans, de les présenter au public, de donner son avis dessus, en somme une critique pour donner envie aux auditeurs de les lire. Son émission a même pris un petit succès, car quelques auditeurs appellent pour la remercier de ses découvertes et lui conseiller d’autres livres.

Alastor aime lire lui aussi, mais il apprécie plutôt les thrillers ou encore les comédies horrifiques. Sarah a un panel bien plus large et parle absolument de tout. La demande d’Alastor de devenir le tuteur légal de Sarah a été envoyée, ils attendent la réponse qui ne devrait plus tarder. Elise était plutôt surprise quand il le lui a annoncé, mais elle est ravie que Sarah reste avec eux.

Ils vérifient la liste des ingrédients pour les plats de la semaine, il ne leur reste plus que le poisson dont l’odeur insupporte un peu Sarah. Ils se dirigent vers l’étal, quand soudain, Sarah entend son nom être interpellé. Celle-ci se retourne, tout comme Alastor qui garde un œil sur elle, pour voir qui l’appelle ainsi, puis sourit et continue d’avancer avec sa mère en reconnaissant Angélique.

 

— Sarah ! Cela fait un moment, comment te portes-tu ? Je t’ai entendue à la radio, tu as donc repris ta formation ? demande la jeune femme tout en s’approchant d’elle, un homme la suivant sans se montrer intrusif dans leurs conversations.

— Angélique ? s’étonne la jeune fille : Je me sens mieux et j’ai repris ma formation, Alastor est un bon professeur.

— J’ai cru le comprendre, j’apprécie cette rubrique où tu parles de différents livres, j’ai une liste à ne plus savoir où en donner de la tête, ça désespère Henry, rit la jeune femme : Je suis ravie que tu te portes mieux, j’ai eu si peur en te trouvant inanimée ! Oh, tu n’es donc pas au courant, je te présente Henry, mon futur mari.

 

Angélique lui sourit bien que Sarah ait l’impression d’y voir une grimace. À tous les coups, il s’agit d’un mariage arrangé.

 

— Félicitations, Angélique, j’espère qu’il sera un homme aimant et qu’il prendra soin de toi, répond Sarah.

— Il est un peu bourru par moments, mais il essaie d’être touchant et je dois dire que sa maladresse a quelque chose de charmant, répond la jeune femme, ses joues rougissant.

 

Sarah lui sourit, peut-être veut-elle trop voir les hommes comme de mauvaises personnes. Elle a eu l’impression qu’Angélique n’était pas ravie, mais dans ce cas, elle ne rougirait pas, suppose-t-elle. Sarah est franchement surprise de voir Angélique aussi gentille avec elle, elle semble sincère dans ses paroles.

 

— Je te remercie d’être intervenue, Angélique, d’une certaine façon, mon malheur a entraîné quelque chose de positif, répond Sarah en se tournant vers Alastor et Elise.

La jeune femme suit son regard, elle reconnaît Alastor et suppose donc que la femme à ses côtés soit sa mère.

 

— Oui, tu sembles être tombée sur une perle rare, répond doucement la femme : dis-moi, est-ce que cela te plairait que je vous invite chez nous, ta nouvelle famille ?

— Bien sûr, je ne pense pas qu’Alastor et Elise seraient contre.

— Parfait ! Que dirais-tu de ce week-end ? Voici mon numéro de téléphone et confirme-moi si ce samedi après-midi vous convient à tous les trois, répond Angélique tout en notant le numéro sur une feuille. Passe une bonne journée et propose plus de romance dans ta rubrique, ce sont mes livres préférés.

 

La femme la salue et retourne vers son homme qui l’accueille en lui donnant son bras pour continuer leur emplette. Sarah, elle, rejoint Alastor et Elise tout en leur expliquant l’invitation de son… amie ? Bien sûr, Alastor et sa mère acceptent d’accompagner Sarah au domaine où vit à présent la jeune femme. Le poisson acheté, le trio retourne vers leur demeure. Alastor ouvre la boîte aux lettres, un recommandé s’y trouvant. Il le saisit, l’ouvre tout en entrant chez lui et se met à sourire tout en donnant le document à Sarah.

 

— C’est approuvé ! Tu fais désormais partie de la famille Landry, déclare Alastor dans un geste théâtral.

 

Sarah bondit de joie, lui sautant dans les bras, Alastor sursautant sur le coup, toujours pas familier à ce comportement.

 

— Nous allons fêter cela avec un bon repas, rétorque Elise.

 

La femme se hâte dans la cuisine, Sarah dévisage Alastor avec le sourire tout en reculant pour accompagner Elise, le brun suivant le mouvement. Sarah se sent bien, elle ne pensait pas un jour retrouver une véritable famille, même si dans ce contexte, l’un de ses membres devrait l’inquiéter, mais elle n’a pas envie d’y réfléchir. Dans l’esprit de la jeune fille, cela n’est plus si grave, voire pire, car elle commence à considérer les activités nocturnes d’Alastor comme quelque chose de normal.

En parlant de l’homme, celui-ci a réitéré son acte il y a deux jours. Il surveille ses proies, les prend en chasse, les élimine, puis trouve un moyen de dissimuler le corps le temps d’aller chercher son cheval pour transporter le corps hors de la ville dans la zone de chasse. Depuis que Sarah l’a rejoint dans le garage, Alastor a pris soin de toujours bien fermer la porte derrière lui. Même si elle ne semble plus perturbée et qu’elle pense les actions de l’homme justifiées, il refuse qu’elle fouille et ne trouve les paquets de viande qui reposent dans le cellier… Seulement, Alastor doit prendre garde, trouver une autre méthode de chasse, car ses dernières victimes sont des personnes haut placées, des aristocrates, des terriens, des personnes qui se pensent au-dessus des lois et qui se permettent de mépriser les autres, notamment les personnes de couleur, comme sa mère. Cet homme qui l’a insultée en a d’ailleurs payé le prix fort, car son agonie fut lente…

La nouvelle technique de chasse d’Alastor n’est pas spécialement différente, il surveille et écoute toujours avec attention, lorsqu’il repère une proie, il trouve toutes les infos sur celle-ci. Ses manies, sa demeure, son travail, les instants où il est seul… Et il agit au moment opportun.

Alastor ajuste sa cravate, nettoie son monocle et passe un dernier coup de peigne dans sa chevelure. Ceci fait, il retrouve les femmes dans le salon, ou tout du moins sa mère habillée d’une robe simple mais élégante dans les tons marron, comme la veste et le pantalon de son fils. Sarah tarde à arriver, elle se sent ridicule dans cette robe… Elle s’approche à pas mesurés, le visage rouge, absolument pas à l’aise. Elle a pour une fois coiffé ses cheveux d’une demi-queue de cheval, un chapeau simple comme celui d’Elise sur la tête.

 

— Tu vois, tu es toute jolie, réplique la mère d’Alastor.

 

Sarah grimace… Elle ne lui dirait pas le contraire et même si cela ne lui va pas, de toute façon, c’est ce que l’on attend d’une femme. Le trio sort, pour l’occasion Alastor a emprunté une voiture d’attelage à l’écurie pour les conduire lui et sa famille jusqu’au domaine où vit l’amie de Sarah.

La jeune fille attrape le panier-cadeau qu’elle a choisi pour l’occasion et monte sur la banquette arrière avec Elise, Alastor prenant place sur le siège conducteur et les voici partis pour quelques heures de balade avant d’arriver au domaine. Sarah maintient les pans de sa jupe, persuadée que le vent pourrait la soulever à tout moment, bien qu’en vérité, le tissu soit assez lourd pour ne pas être malmené par la petite brise matinale. Le domaine est un peu à l’écart de la Nouvelle-Orléans, ils devraient y arriver pour le début d’après-midi s’ils ne rencontrent pas d’imprévus en chemin, comme des ravisseurs, des ours, des loups ou des couguars… Dans le cas où cela pourrait arriver, Alastor a rangé dans le coffre sous son siège un fusil de chasse et une réserve de balles.

Elise, d’humeur chantante, accompagne le voyage de diverses cantines, Sarah l’accompagnant tout en essayant de ne pas rire aux éclats à cause d’Alastor qui modifie les paroles pour les tourner en dérision. Elise rit et en même temps essaie de rester sérieuse, disputant sans conviction son fils à chaque fois qu’il tord les paroles.

 

— À force de dire des bêtises, est-ce qu’il y en a au moins une que tu connais réellement ? rétorque Elise avec un petit sourire narquois.

 

Alastor sourit avidement tout en ouvrant la bouche :

 

— La belle Évangéline. D'après mon p'tit pays. La belle Évangéline. À son destin a dit :

Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi. Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi.

Un jour son p'tit ami. Un peu fâché lui dit : La belle Évangéline. Je crois qu'il vaudrait mieux.

Qu'on ne se revoie plus. Que je m'en aille loin d'ici. Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi. Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi.

 

Sa mère fronce les sourcils, affichant une expression lasse :

 

— Pourquoi ne suis-je pas surprise que tu aies choisi celle-ci…

— Au moins, je connais les bonnes paroles, ricane Alastor.

 

Sarah rit de bon cœur puis continue :

 

— Elle lui répond en pleurant : Qu'est-ce que tu dis là, mon amant ? Si tu t'en vas, je n’aurai plus rien. Si tu t'en vas, je n’aurai plus rien. Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi. Si tu veux pas de moi. Moi, je ne veux pas de toi.

 

Elise se tourne vers Sarah tout en lui pinçant doucement la joue :

 

— Ne l’encourage pas toi non plus !

— Mère, la cantine de La Belle Angéline est très connue, ricane Alastor.

— Tu ne pouvais pas en trouver une plus joviale ?

— Non ! rétorque Alastor en riant.

 

Sa mère se redresse pour lui tirer l’oreille, le brun se penchant sur le côté, son cheval résistant sans comprendre pourquoi il sent son mors lui indiquer d’aller dans les fourrés.

 

— Mère, je conduis ! Jazz va s’énerver si je tire dans sa bouche.

— Oh, pardon Jazz, je te donnerai un sucre à l’arrivée pour me faire pardonner, dit Elise d’une voix douce.

— Mère, vous savez qu’il ne comprend pas ?

— Bien sûr que si qu’il comprend ! Regarde, il est calme maintenant.

— Il est toujours calme…

— Je lui donnerai quand même un morceau de sucre pour le récompenser de nous tirer aussi loin, rétorque Elise.

— Oui, mère, mais attendez que l’on arrive, je n’ai pas envie de vous voir tomber de la charrette, dit Alastor, tout en attrapant le bras de celle-ci pour qu’elle retrouve le siège, Sarah la retenant également de son côté.

 

Ils ont quitté les champs, les voici dans les chemins traversant les bois, Alastor est vigilant, s’il y a le moindre animal sauvage, il le saura par le comportement de Jazz, mais celui-ci ne réagira pas à la présence d’hommes. À la limite, s’il sent ou entend d’autres chevaux, il hennira. Elise et Sarah sont calmes elles aussi, elles ont les yeux un peu partout de crainte que le pire n’arrive.

Enfin, ils sortent des bois pour arriver au domaine du mari d’Angélique. Ils peuvent souffler, à présent, il ne leur reste plus qu’à aller vers l’écurie pour confier Jazz et la voiture le temps qu’ils seront reçus.

Laisser un commentaire ?