L'apprentie

Chapitre 9 : Balade à cheval.

4529 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2024 21:36

Les voici arrivés à l’écurie. Une fois les barrières du ranch franchies, une multitude d’aboiements les accueille depuis le chenil, ajoutant une note de chaos à leur arrivée. Le bâtiment forme un « U » avec, à l'avant, les locaux pour les réunions, les vestiaires et les salles de stockage pour le gibier rapporté. Sur la partie arrière se trouvent la sellerie commune, les allées de box et le chenil. Plus loin, il y a une grande grange où se trouvent les stocks de paille, de foin et les machines qui aident à la gestion de l'écurie. Toute la propriété est entourée de prairies où vont paître les chevaux. D’un côté, ceux des propriétaires ; de l’autre, les chevaux de l’écurie dressés. Plus loin, se trouvent les poulinières et leurs poulains, ainsi que quelques étalons maintenus en paddock.

Sarah observe le bâtiment avec fascination ; l’odeur du foin mélangée à celle des chevaux lui rappelle des souvenirs d’enfance. Il y a une fontaine au milieu de la cour pour faire boire les animaux. Un cheval est déjà attaché, attendant son propriétaire qui arrive justement avec plusieurs Foxhounds en liberté, bien énervés. À peine leurs regards se posent-ils sur Alastor et Sarah que le petit groupe de chiens se hâte de les saluer avec une énergie débordante.

Sarah, prête à les accueillir, entend alors pour la première fois Alastor jurer et se précipiter sur la fontaine pour se placer en hauteur !

 

— Par pitié Gérard, rappelle-les !

 

L’homme siffle, tout en riant pour rappeler les chiens qui humectent Sarah sous tous les angles. Elle n’est pas spécialement à l’aise d’être entourée par la meute, mais pas au point d’Alastor. Elle ignorait qu’il avait peur des chiens ! Elle essaie de ne pas sourire, de ne pas lui montrer qu’elle trouve la situation fortement drôle. Voir Alastor, toujours si confiant et sûr de lui, paniquer face aux chiens lui donne une perspective nouvelle sur lui, plus humaine. L’autre chasseur, lui, ne se retient absolument pas. Il éloigne les chiens et tend la main vers Alastor qui retrouve le plancher des vaches. Le brun salue son camarade qui se porte alors sur lui tout en venant lui mettre une tape dans le dos, si énergique qu’elle lui coupe la respiration !

 

— Allons mon cher ! Tu n’es toujours pas habitué aux chiens ? Tu en prends pourtant avec toi, ricane l’homme.

— Je préfère quand il n’y en a qu’un seul que je peux surveiller et empêcher de venir mettre ses pattes boueuses sur moi, réplique Alastor, le regard toujours méfiant sur les canins.

 

L’homme dévisage alors Sarah, soulevant son chapeau pour la saluer.

 

— Bonjour ma petite dame ! C’est bien la première fois que je te vois en si bonne compagnie, Alastor. Dis-moi, tu les aimes jeunes ? plaisante-t-il.

— Je te présente Sarah Martin, ma disciple à la station. Pour faciliter ses voyages depuis la Métairie, je lui offre le gîte le temps qu’elle prenne ses marques, explique Alastor.

 

Sarah incline poliment la tête, plutôt surprise qu’Alastor lui donne cette explication vague de sa présence.

 

— Oh, c’est donc toi que l’on a entendue la dernière fois ? J’écoute souvent les émissions de ce petit prétentieux. Prends garde à ne pas prendre la grosse tête toi aussi, miss, ricane l’homme. Et donc, tu l’emmènes faire un tour à cheval ?

— Je me suis dit que cela lui plairait et lui changerait les idées, répond Alastor, un sourire narquois au visage.

— Je ne te savais pas romantique, mon cher ! Je connais un très bel endroit près d’une cascade, si vous voulez un peu d’intimité, réplique l’homme, d’un clin d’œil.

 

Sarah tressaille, écarquillant les yeux, son visage devenant complètement rouge. Elle détourne la tête, consternée par les propos de l’homme ! Alastor, lui, se contente de fausser un rire tout en tapotant l’épaule de l’homme.

 

— Je connais la cascade, ne partez pas trop vite à notre recherche dans ce cas, rajoute Alastor.

 

L’homme rit, attrape les rênes de sa monture, monte sur son dos, siffle les chiens et s’en va. Alastor se retourne vers Sarah qui dévie les yeux, son visage complètement rouge. Le brun la dévisage avec un sourire satisfait et tapote sa tête.

 

— Pourquoi ces rougeurs, ma chère ? Il se penche à l’oreille de Sarah pour chuchoter : Attends encore quelques années pour ce genre de leçon.

 

Sarah se fige et le regarde avec de gros yeux, elle ne pourrait pas devenir plus rouge !

 

— A-Alastor ! Enfin ! bégaie-t-elle.

 

L’homme se met à rire, puis fait un geste du bras dans le vide pour lui dire d’oublier.

 

— Je plaisante, Sarah ! Je plaisante ! Allons sortir les chevaux avant que d’autres idioties ne sortent de ma bouche.

 

Sarah hoche vivement la tête et lui emboîte le pas. Ils passent en premier lieu par les vestiaires pour se changer. Bien sûr, pas les mêmes, puis se rejoignent dans le couloir. Sarah se sent étrange dans cette tenue si ajustée ! Elle ne trouve pas le pantalon d’équitation très agréable à porter.

Quelques chevaux sont au box, ce sont ceux qui attendent d’être sortis pour la journée. Alastor se rend à l’écurie, attrape un licol et une longe pendus sous une selle et d’autres affaires. Sarah remarque alors que le nom de l’homme est inscrit sur l’écriteau ainsi que « Jazz ».

 

— Tu as ton propre cheval ? demande Sarah.

— Bien sûr ! Il vient de cet élevage, dit-il, comme si Sarah connaissait le milieu.

— Jazz, c’est son nom ? C’est toi qui lui as donné ? demande-t-elle en souriant.

— Quoi ? Tu n’apprécies pas ? rétorque Alastor narquois.

— Ah si, je me disais juste que cela ne me surprend pas, plaisante Sarah.

— Suis-je si prévisible ?

— Non, je sais que tu adores le jazz donc, c’est entendu, explique Sarah en grimaçant.

 

Ils arrivent à l’ouverture de la prairie, Alastor siffle. Une des cavales relève immédiatement la tête, ses oreilles se tournent vers lui, suivis d’un hennissement, et l’animal arrive au grand galop, suivi par quelques chevaux plus fougueux, voulant faire le trajet jusqu’à la barrière avec lui. L’équidé arrive, un cheval à la robe marron sombre et aux reflets rouges, à la crinière et aux extrémités noires, une robe dite baie cerise. Alastor entre dans le pré, Sarah restant à distance, trouvant le cheval impressionnant, bien que les Quarter Horse ne soient pas parmi les races les plus grandes. Mais ce sont de bons petits chevaux rapides, endurants et très maniables en main. Il passe le licol à la tête de l’animal, un élément qui permet le contrôle de la bête et qui sert essentiellement au déplacement du cheval à pied. La longe accrochée, nom donné à la corde, Alastor ramène le hongre, terme pour désigner un mâle castré, jusqu'à devant son box où il l’attache. Sarah le suit tout en gardant ses distances avec l’animal, tandis qu’Alastor part chercher un des chevaux présents dans les boxes. Il les passe tous sous son œil attentif avant de se décider à sortir un au pelage entièrement roux, dit alezan. Il s’agit aussi d’un hongre, un cheval plus vieux que le sien, mais surtout plus sage.

 

— Voici Pavot, il est calme, c’est celui que l’on confie aux cavaliers débutants, dévoile Alastor.

 

Il l’attache à côté du sien, part chercher le matériel, tandis que Sarah ose enfin caresser le chanfrein de la bête. Celui-ci se courbe, tout en fermant les yeux et en agitant la tête, profitant de la caresse pour se gratter. Sarah sourit, puis regarde Alastor revenir avec un bac de brosses. Il en sort une qu’il donne à la jeune fille.

 

— Tu le bouchonnes partout, n’aie pas peur de frotter, ils adorent ça, explique-t-il.

 

Elle acquiesce, regarde par où commence Alastor et s’occupe, elle aussi, de l’encolure de l’équidé, suivant minutieusement les gestes de l’homme pour aller sur son dos et son flanc, prenant garde une fois qu’elle arrive à l’arrière-main. Ceci fait, Alastor lui confie une autre brosse aux poils plus doux, dont elle ne connaît pas le nom, pour repasser sur le pelage de l’animal, ce qui lui donne un effet lustré. Il termine par une brosse comme celle pour les cheveux pour démêler la crinière et la queue.

Alastor s’occupe lui-même d’enlever la terre présente sous les sabots des chevaux. Sarah l’accompagne pour aller chercher les selles. Sarah remarque qu’elles ne ressemblent pas à celles des cavaliers qui travaillent avec le bétail ou ceux qui se déplacent simplement à cheval. C'est-à-dire, une selle large et profonde, avec un pommeau saillant et des décorations sur la selle. Celle-ci est simple, plus petite, avec une forme incurvée.

Elle ramène le matériel confié par Alastor jusqu’à Pavot et attend qu’il lui montre comment harnacher la monture. Elle place le tapis de selle, la selle, accroche la sangle et va la chercher de l’autre côté, n’osant pas trop resserrer cette dernière contre le ventre de sa monture. Elle attrape le filet, qui se place sur la tête avec la tige de métal dans la bouche, appelée mors. Elle regarde l’objet, ne comprenant rien à tous les éléments et comment le placer sur Pavot.

Alastor vient donc l’aider, lui montre comment se placer à côté pour placer facilement le filet, faire ouvrir la bouche à l’équidé, qui malgré l’habitude d’être monté, se montre réticent face à cette barre de métal. Il vérifie le sanglage, se doutant qu’il ne serait pas suffisant, préférant éviter à Sarah de se retrouver sous le ventre de Pavot une fois qu’elle montera dessus. Alastor lui tend un casque qu’elle accroche sur sa tête, puis se place face à elle pour lui faire la courte échelle.

 

— Je vais t’aider à monter, pose ton genou et hisse-toi, explique-t-il.

 

Encore une fois, elle rougit, trouvant cela déplacé. Elle glisse sa jambe entre les bras d’Alastor, puis appuie quand il lui dit de le faire. Elle se retrouve à escalader le cheval, presque éjectée au-dessus, mais sans avoir le réflexe de passer l’autre jambe par-dessus le dos, mais l’encolure. Alastor rit, se rappelant que la plupart des débutants font cette erreur.

 

— Non, par-dessus son dos la jambe, tu as vu comment il tient sa tête haute ? Tu vas l’assommer, ricane Alastor.

— Pardon, c’est la première fois que je monte sur un cheval.

— Ne t’en fais pas, je n’ai pas fait cette erreur, mais je suis resté accroché à une branche d’arbre au lieu de me baisser, plaisante Alastor.

 

Sarah sourit, impressionnée d’être sur le dos du cheval qui avance déjà vers la sortie. Elle attrape les rênes et tire en levant ses mains en l’air.

 

— Alastor, il s’en va ! panique Sarah.

 

Celui-ci arrive tout en accélérant le pas de Jazz pour qu’il rattrape Pavot qui se place automatiquement à ses côtés.

 

— Détends-toi, si tu es nerveuse, il va le sentir. Raccourcis tes rênes. Quand tu veux le ralentir, tu tires légèrement les mains vers ton ventre. Pour le faire tourner, tu ouvres ta main, tu dois voir sa tête tourner, donc pour cela bien écarter le bras. Pour qu’il accélère le pas, tu presses ta jambe d’un côté à la fois, comme ça. Alastor se penche pour appuyer contre la jambe de Sarah, son cheval s’écartant de ce fait sous la pression de la jambe. Tu as vu, il est allé de côté, quand tu le fais tourner, tu presses aussi avec ta jambe pour l’aider. Ça va aller ?

— Je suppose… Tu comptes me faire tomber loin dans les bois et m’abandonner ? dit Sarah en riant.

— Hum… Peut-être bien, ricane Alastor, mais je le ferai quand j’aurai fini ta formation. J’aime aller au bout de mes engagements, madame !

 

Sarah rit plus vivement, levant par réflexe ses mains, Alastor, venant doucement, les remet à la bonne hauteur. Les chevaux marchent côte à côte, avec calme et patience, ne semblant même plus alerte ni concentrés sur le paysage, contrairement à Sarah. Alastor connaît bien ces bois, chaque branche, chaque racine, chaque rivière. La concentration se porte sur la jeune fille. Pavot est sage, mais il reste un animal. Une frayeur peut encore le rendre imprévisible et ce n’est pas toujours facile à anticiper. Sarah a les yeux sur le paysage feuillu de la forêt, le ciel bleu et leurs pas accompagnés par la mélodie des oiseaux et l’aboiement de chevreuils au loin. Elle se tourne à chaque fois vers Alastor, pour s’assurer qu’il soit toujours là. Elle lui sourit plus franchement, appréciant la tranquillité de l’instant.

 

— Donc… tu chasses aussi ? demande soudain Sarah.

— C’est exact, répond Alastor.

— Tu chasses tous les animaux ?

— Je suis amateur de venaison, principalement la viande de cerf, mais j’apprécie aussi le sanglier. Un lapin ou un canard à l’occasion, répond Alastor.

— J’ignorais que tu étais amateur de viande de gibier, dit Sarah, les yeux sur lui.

— Tu en as déjà goûté ?

— Parfois nous avons droit à de la viande de marcassin ou de faon en hiver à l’orphelinat.

— Pour les fêtes, ma période préférée ! En ce moment c’est la saison du renard, c’est de la chasse sportive, mais comme tu as pu le voir, je ne suis pas très à l’aise avec les chiens. J’y participe de temps à autre, mais je reviens toujours avec un mal de tête carabiné à cause du hurlement de ces sacs à puces !

— Comment cela se fait-il que tu ne les apprécies pas ? rit Sarah.

— C’est comme ça, comme les gens qui n’apprécient pas les serpents ou les araignées, réplique Alastor.

 

Il ne peut simplement pas dire à Sarah qu’il se sert de la zone de chasse pour attirer, tuer et enterrer ses proies. Que la présence d’un chasseur avec ses chiens est alors dangereuse pour lui, car il se ferait repérer à coup sûr par les canidés. Cela a déjà failli se faire une ou deux fois quand il était plus jeune, moins expérimenté et stratégique.

Alastor, après avoir tué son père, n’avait pas l’intention de recommencer, mais lorsqu’il remarquait le comportement désobligeant de certaines personnes, en particulier envers lui-même ou encore pire, envers sa mère qui a une couleur de peau plus sombre que la sienne, cette envie restait là, ne le quittait pas.

Un jour, après une soirée peut-être un peu trop arrosée, il remit le couvert. Il tua un homme de sang-froid après que celui-ci eut indirectement insulté sa mère, en insultant Alastor de fils de péripatéticienne… Après cela, cette pulsion en lui devint de plus en plus forte, de moins en moins facile à refouler.

Alastor trouva vite le moyen de mettre la main sur ses proies en fréquentant les lieux plus enclin à la débauche et à montrer leurs véritables personnalités. C’est ainsi qu’il se mit à fréquenter les bars et qu’il fit la connaissance de Mimzy, une danseuse de cabaret dont il apprécie fortement le tempérament.

Ils reviennent à l’écurie après avoir fait un détour par la fameuse cascade qui offre une vue panoramique sur la forêt. Sarah continue à être émerveillée par cette promenade insolite. Elle était un peu nerveuse, mais étrangement, c’est comme si Pavot aspirait toute son anxiété. Alastor ne lui semble plus aussi intimidant. Il n’a rien à voir avec son père, avec cet instituteur sévère à l’époque qui n’hésitait pas à rudement corriger la moindre erreur de ses élèves. Ce directeur intimidant qui ne souriait jamais et qui les regardait de haut à l’orphelinat. Non, elle s’aperçoit qu’Alastor n’a rien à voir avec ces hommes…

 

— Alastor… Merci… d’être différent, dit-elle à voix basse.

 

Il la dévisage tout en clignant des yeux. Il ne comprend pas ce qu’elle veut dire par là, mais il lui semble que cela sonne comme un compliment. Il lui sourit simplement, venant tapoter son épaule.


Nous sommes lundi matin, Alastor est parti travailler, tandis que Sarah est restée avec Elise pour attendre la venue du médecin. Elle se sentait prête à suivre Alastor, mais celui-ci a préféré qu’elle attende l’autorisation du médecin. Le voici justement, Elise va ouvrir à Monsieur Jenkins, Sarah s’occupant à leur servir à tous les trois une tasse de café. L’homme s’assoit dans le divan, la maman d’Alastor s’en allant dans la cuisine pour les laisser tranquilles.

 

— Comment te sens-tu en ce moment ? As-tu fait des crises durant cette semaine ?

 

Sarah grimace et détourne les yeux tout en hochant lentement de la tête. Elle sent son cœur battre plus vite, une vague de honte l’envahissant.

 

— Étaient-elles violentes ? As-tu eu recours au calmant ? As-tu toujours besoin des sédatifs pour dormir ?

 

Encore une fois, elle ne le regarde pas directement. Elle se sent honteuse, gênée et son cœur accélère douloureusement dans sa poitrine. Elle n’a pas envie de revenir sur ses épisodes gênants.

 

— J’en ai eu une, pratiquement tous les jours, des moins fortes et une conséquente mercredi. J’ai été odieuse avec Alastor. Il m’a donné un calmant pour cela et j’ai toujours besoin des sédatifs. Parfois je dors longtemps, dit-elle, gênée.

— Je suis certain que Monsieur Landry comprend et ne t’en veux pas, il te considère apte à reprendre ta formation. Et toi ?

— Je veux y retourner, même si c’est stressant, j’ai envie de reprendre, dit Sarah.

— Je suis agréablement surpris d’entendre cette réponse, Sarah. Veux-tu bien m’expliquer ce qu’il s’est passé pour ta grosse crise ?

 

Sarah frissonne… Elle a vraiment été odieuse avec Alastor. Elle regarde vers la cuisine, Elise est venue voir ce qu’il se passait quand elle l’a entendue vriller.

 

— C’est arrivé assez soudainement, en pleine nuit, j’ai fait un cauchemar et je me suis réveillée en hurlant. Alastor est venu voir, mais je ne m’en souviens pas. Je me suis défendue, j’ai porté la main sur lui, il a dit que c’était comme si je n’arrivais pas à me réveiller.

— Je vois, explique le médecin : cela ressemble à une crise d’hystérie. Est-ce fréquent ?

 

Sarah hoche de la tête, les larmes aux yeux.

 

— Je laisserai un mot pour Monsieur Landry, il y a une méthode qui fait ses preuves pour calmer les crises d’hystérie.

— D’accord, répond Sarah.

— As-tu eu de fortes crises durant la journée ?

— Oui, le même jour, je lisais un roman, rien d’exceptionnel et tout d’un coup, mon cœur a accéléré et j’ai eu du mal à respirer, explique Sarah.

— C’est tout à fait normal, Mademoiselle. Vous avez subi quelque chose de délicat. Votre corps essaie de gérer cela à sa manière, mais parfois, il a besoin d’une aide extérieure pour se libérer.

 

Sarah dévisage le médecin, terrifiée par l’idée de subir un traitement… intrusif.

 

— Mon âme… elle est corrompue ? demande Sarah.

— C’est pour cette raison qu’il te faut suivre ma méthode, Sarah, pour l’aider à éliminer la souillure qu’elle contient.

— Mais… Je ne dois pas laisser un homme qui n’est pas mon mari toucher cet endroit ?

— Ce n’est pas la même chose, Sarah. Cet acte est médical, ta vertu ne sera pas enfreinte, explique l’homme.

 

Sarah grimace, elle n’a aucune envie de ce traitement, mais puisque c’est un médecin qui le lui indique, c’est que cela doit être ainsi…

Le médecin s’en va, laissant Sarah et un papier pour Alastor concernant les recommandations du traitement de Sarah. Cette dernière aide Elise durant la journée, mais à l’heure où le brun fait son retour, Sarah s’éclipse dans sa chambre, préférant ne pas voir l’homme quand il lira les recommandations du docteur Jenkins. Elle entend Alastor rentrer, parler et saluer sa mère… Étonnamment, Alastor ne semble pas l’appeler, ni la rejoindre. Bien au contraire, après quelques minutes à discuter avec sa mère, celui-ci s’en va ? Sarah descend rejoindre Elise dans le salon, sentant une certaine tension dans l’air.

 

— Il y a un problème ? demande Sarah.

— Non, ne t’en fais pas ma grande. Il fait souvent cela quand il a besoin de réfléchir, rassure Elise.

 

Sarah tourne la tête vers la porte tout en se grattant le crâne… La médecine, c’est tout de même quelque chose d’étrange, se dit-elle.

Alastor traverse la rue d’un pas accéléré, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Cette méthode que le médecin lui a proposée… Quelque chose ne lui plaît pas. Quel est le rapport entre les pensées sombres de Sarah et le fait qu’elle soit hystérique ? Il a du mal à y voir le lien, à se dire que cela est une solution.

Il entre dans le cabaret qu’il aime fréquenter, demande un verre de whisky et s’en va s’asseoir à l’écart de la scène où se produisent les danseuses. Il se masse les tempes tout en inspirant. S’il est venu ici, c’est pour parler à Mimzy, elle connaît mieux ce genre de sujet que lui et étant une femme, elle sera plus encline à répondre à la place de Sarah. Il le suppose.

Il attend la fin de la prestation, le jazz se jouant dans ses oreilles ne parvenant pas à le détendre, ni le calmer. Il secoue sa jambe de nervosité, avalant une nouvelle rasade de sa boisson. Enfin, l’entracte se fait, les filles qui divertissaient le public laissent la place aux suivantes. Alastor remonte les yeux vers la petite silhouette qui se mouve vers lui. Elle s’assied, son verre d’alcool à la main, son sourire chaleureux sur Alastor.

 

— Ben alors, mon petit chou ? Tu en tires une drôle de tête, réplique la femme, pleine d’énergie.

— Mimzy, quel plaisir de te voir, très chère. Tu étais resplendissante comme à chaque fois, rétorque Alastor.

 — Parce que tu as réussi à voir quelque chose de mon show, planqué ici comme un voleur ? Allons, Alastor, c’est bien la première fois que je te sens fébrile, plaisante-t-elle, tout en touchant son bras.

 

Alastor inspire un grand coup pour se donner du courage, tandis qu’il glisse son doigt sur le rebord de son verre.

 

— Tu te rappelles de cette petite jeune que je forme à la station ?

— L’orpheline ? Oui, bien sûr. Qui y a-t-il ? Ne me dis pas qu’elle te plaît plus que moi ou je vais vraiment me vexer, ricane Mimzy, bien que son rire soit empreint d’une certaine inquiétude face à cette pensée.

— Le médecin l’a diagnostiquée hystérique et m’a proposé de m’occuper moi-même du traitement à suivre, explique Alastor.

 

Mimzy le dévisage, puis se penche en avant tout en tendant son doigt vers son visage, son regard devenu sérieux.

 

— Ne me dis pas que ce médecin t’a parlé de paroxysme hystérique à atteindre manuellement !

 

Alastor a les yeux sur la femme, il sourit à la fois pour ne pas laisser apparaître son malaise, mais également rassuré par la réaction de la femme.

 

— Tu connais donc la méthode… Tu en as déjà entendu parler ?

— Bien sûr ! Plusieurs de mes consœurs ont déjà été déclarées hystériques suite à des crises d’angoisse dues à des clients violents. Je peux t’assurer que la plupart des filles qui ont subi ce traitement ne s’en sont pas portées mieux par la suite. Tu veux un conseil ? c’est cela, Alastor ? Oublie cette méthode, ça ne fera pas redescendre son anxiété. Si l’orphelinat d’où elle vient est protestant, il y a forte chance qu’elle pense être souillée par cette méthode.

— Tu me sembles bien compatissante envers cette fillette, rétorque Alastor, narquois.

— Pourquoi ne le serais-je pas ? Ai-je à m’inquiéter de sa présence ? dit Mimzy tout en se penchant sur Alastor qui se redresse simplement, tandis qu’elle glisse ses doigts sur ceux de l’homme. J’espère au moins que tu ne me feras pas l’affront d’aimer une jeunette qui ne sera en rien divertissante.

 

Elle se redresse, venant poser ses lèvres sur la joue d’Alastor qui se tend, bien qu’il garde son sourire narquois.

 

— Très chère, si je cédais facilement à tes avances, cela n’aurait plus rien d’amusant, rétorque Alastor.

La blonde le regarde avec un sourire hautain, pourtant, elle y est bien arrivée, il y a deux ans, à le faire céder. D’accord, l’alcool avait fortement aidé et elle était parvenue à piquer Alastor où il le fallait pour qu’il se montre coopératif, mais il est vrai que depuis, celui-ci trouve toujours une parade pour la fuir.

Alastor avale la dernière gorgée de son verre, accorde une danse à la femme, puis quitte le bar, non pas pour retourner chez lui, mais gérer sa propre angoisse à sa façon…

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