L'apprentie

Chapitre 3 : Dans le vif.

1975 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/08/2024 09:43

Chapitre 3 – dans le vif :

 

L’heure de pause est terminée, Alastor et Sarah sont de retour au studio ou celui-ci lui explique le déroulement de son émission. Il raconte les histoires effrayantes que certaines personnes ont pu vivre. Certaines d’entre elles ont un caractère surnaturel. Ils ont également des auditeurs qui les appels pour raconter en directe leurs histoires.

Alastor a décalé sa chaise pour que le micro puisse bien enregistrer sa voix et celle de Sarah qui porte moins que la sienne. En rentrant le grand chef est venu lui en faire la remarque, il se penche par habitude vers l’instrument pour reprendre l’antenne.

 

— Salutation chers auditeurs, nous revoici pour la suite de notre programme, celui que vous attendez tous ! N’oubliez pas qu’il vous faut contacter le *** pour avoir une chance de raconter votre aventure ! Aujourd’hui, je vais laisser l’honneur à ma stagiaire de nous faire part d’une de ses anecdotes, avez-vous quelque chose à nous raconter Sarah ?

 

Sarah se fige, une anecdote ? Elle n’a rien à partager, enfin, si, mais elle ne peut pas raconter ça…

 

— Je ne pense pas avoir déjà vécu quelque chose d’effrayant ou d’inexpliqué, dit-elle.

— Allons, cela peut être une petite frayeur, un événement qui ne s’est pas forcément mal passé.

 

Sarah réfléchit, elle a bien des idées, mais cela reste délicat d’en parler. Elle dévisage Alastor, qui fait un geste pour qu’elle ne traîne pas de trop à répondre, puisqu’ils sont à l’antenne.

 

— Je pense que notre amie a besoin d’un peu de réflexion, je vais en attendant, vous comptez une histoire bien réelle.

 

Alastor se lance dans son récit tout souriant à Sarah. Elle sent son cœur accélérer au point de lui faire mal au ventre, ses bras tremblent et elle s’éloigne un peu de la console pour essuyer les larmes de stress qui s’échappe. Alastor n’interrompt pas l’émission, il continue de parler tout en observant Sarah, quelque peu confus, par son comportement. Il la voit aller dans son sac, sortir une petite boîte cylindrique transparente duquel elle sort un comprimé qu’elle s’en presse de prendre.

 

— Voici la fin de la première histoire ! Je rencontre un souci technique, je vous laisse en attente musicale le temps de régler le problème et je reviens vers vous, ne nous quittez pas, nous revenons.

 

Alastor coupe la transmission et se tourne sur Sarah qui devient blanche et se raidit complètement, prenant une position de défense. Alastor se tend à son tour en la voyant faire et pose immédiatement ses bras sur ses genoux, se contentant de se pencher vers elle :

 

— Pardonnez-moi, si je vous place dans l’embarras, vous n’avez peut-être pas envie de partager votre vie. Je n’y ai pas réfléchi, allons ma chère, calmez-vous, je n’allais pas, vous gronder. Je veux simplement m’assurer que vous soyez en état pour continuer. Si vous ne vous sentez pas d’attaque, je préfère que vous retourniez chez vous pour vous calmer et que vous me reveniez demain avec le même entrain que ce matin.

— Je vais me reprendre, je suis désolé, je ne voulais pas vous importuner, angoisse la rousse.

— Il n’y a pas de mal, ma chère, détendez-vous, respirez un bon coup, nous allons avoir un auditeur maintenant, il nous suffit d’interagir avec lui. Vous sentez-vous prête ?

 

Sarah hoche de la tête et Alastor reprend l’antenne :

 

— Merci pour votre patience ! Nous reprenons immédiatement avec l’auditeur que voici, vous m’attendez cher ami ? Quel est votre nom ?

 

Alastor dévisage Sarah, il tente avec tact de venir poser sa main sur son épaule pour la réconforter. Ses doigts tapotant sur sa clavicule, il sourit à à la jeune fille, qui en fait de même, même si elle détourne les yeux de gêne.

La personne au bout du fils répond à Alastor, se présente et commence à expliquer sa mésaventure.

 

« Eh, j'vais vous raconter ça, m'sieur Alastor. J'm'en vais souvent en forêt la nuit pour chasser le goupil. Comme d'hab', j'emmène mon chien, un foxhound de bonne lignée. Tout allait bien jusqu'à ce que, tout d'un coup, mon clébard se mette à suivre une piste comme s’vie en dépendait. J'le suis, pensant qu'il a trouvé notre gibier. C'est là que j'remarque une odeur de sang qui me prend les narines, alors j'avance pour voir c'qui se passe ! C'était un gars, couvert de sang, j'suis sûr qu'il venait d'buter quelqu'un ! »

 

— Un meurtre ? intervient Sarah, prise par l’histoire.

 

« Tout à fait ! Peut-être qu'il était en train d'enterrer l'amant de sa bonne femme ? Ou un rival ? Mais ce type, il faisait froid dans l'dos. »

 

— Vous avez pu voir son visage ? continue la jeune fille.

 

« Malheureusement non, avec la pénombre et malgré mon fusil, j'ai pas osé m'approcher, j'suis presque sûr qu'il en avait un lui aussi. »

 

— Quelle histoire dite donc ! Et où cela se serait-il passé ? continue Alastor.

 

« Dans la zone de chasse, ici près d’la ville. »

 

— Cette histoire est bien effrayante, mon ami, mais je suis certain que cet individu, s’il était dangereux, doit avoir été appréhendé par la police.

 

« Je doute m’sieur, il savait c’qu’il f’sait, il était effrayant. »

 

— En voilà une révélation troublante ! N’est-ce pas Sarah ?

— Cela me donne froid dans le dos et avec tous ses avis de disparition, on ne se sent plus en sécurité, dit Sarah.

— D’accord Raymond, merci pour votre histoire, nous poursuivons l’émission avec une autre anecdote, je vous souhaite une bonne soirée.

 

« Bonne soirée, M’sieur, dame. »

 

La soirée continue sur la même lancée, Alastor zigzag entre une histoire qui conte et celle révélée par un auditeur. Sarah, c'est calmé, bien que celle-ci a l’impression que les cachets ne fassent plus effet.

Alastor salue son public, Sarah l’imitant, leur journée est terminée. Encore une fois, Sarah suit l’homme dans la salle de débriefing pour les derniers arrangements, les dernières vérifications et tout le monde s’en va.

Alastor puisqu’ils sont venus ensemble, raccompagne Sarah jusqu’à la station de tramway, ou ils attendent le véhicule pour retourner chez eux.

 

— Vous vous sentez mieux ? demande Alastor, en baissant les yeux sur Sarah.

— Oui, je suis désolée…

— Il n’y a pas de mal, être animateur radio est un métier stressant qui demande de la rigueur et de la flexibilité, vous êtes là pour apprendre, vous avez le droit à l’erreur. C’est votre premier jour et je vous ai directement plongée dans mon univers, vous vous en êtes très bien sortie, ma chère. Puis-je vous demander un devoir pour ce vendredi ?

— Oui, bien sûr, répond la rousse avec surprise.

— Je veux que vous m’écriviez un script, sur le sujet que vous voulez, si je le trouve bon, je vous laisserai le présenter vendredi.

— Heu, je n’ai pas les qualités nécessaires pour faire ce genre de chose, s’enquit Sarah.

— Allons, très chère, je me fiche de ce que vous pensiez ne pas savoir faire. Essayez, montrez-moi vos recherches, vos sujets. Je diffuse seulement en soirée, je profite de la matinée pour écrire mes scripts, on va se donner rendez-vous à ta station à neuf heures du matin. Je te montrerai comment je m’y prends pour mes recherches et l’écriture.

 

Sarah hoche de la tête, il entre dans le tramway qui vient de s’arrêter devant eux.

 

— Je ne suis pas certaine de pouvoir trouver un sujet qui puisse passionner le public, dit Sarah.

— Pour commencer, il vous faut trouver un sujet que vous appréciiez. Vous qui ne voulez pas vous marier, pourquoi ne pas parler de fait histoire notable réalisé par des femmes ? Par exemple, mentionner des femmes qui ont accompli des exploits alors qu’elles étaient seules, mais qui, une fois mariées, sont devenues de simples femmes aux foyers.

 

Sarah dévisage Alastor avec un regard perplexe… Il l’encourage à chercher sa voie ou à comprendre qu’elle est vouée à devenir une pauvre femme qui devra faire à manger à son mari et lui faire un enfant ?

Alastor a les yeux sur elle, un sourire narquois au visage, il lève les mains tout en s’exclamant.

 

— Un sujet qui aurait pour message le fait qu’une femme, une fois liée à un homme, perd de sa splendeur. Le mari ne s’attendra pas de sa femme qu’elle soit plus intelligente que lui, qu’elle réussisse mieux que lui ou qu’elle ait une renommée qui ne pourra pas le mettre en valeur.

 

Sarah écarquille les yeux trouvant l’idée intéressante, elle pourrait effectivement faire des recherches sur ce genre de personnes, elles pourraient même lui servir de modèle.

 

— J’aime bien l’idée, merci Alastor.

— Il n’y a pas de quoi, très chère.

 

Sarah remarque alors qu’ils viennent de dépasser l’arrêt d’Alastor, Sarah ouvre la bouche pour le lui faire remarquer, mais ce dernier est plus rapide qu’elle :

 

— Il se fait tard, je vais vous raccompagnez jusque chez vous, je me sentirais plus serein de vous voir rejoindre votre demeure en toute sécurité, déclare Alastor tout en souriant.

— Ce n’est pas nécessaire, enfin, je vous en remercie, mais vous devez être épuisé.

— S’il vous plait, laissez-moi au moins être gentleman ! Ma mère sera au moins fière de savoir que son fils a tout de même une bonne éducation, plaisante Alastor.

— D’accord, répond Sarah.

 

Ils sortent du tramway, Sarah avançant dans la rue, se sentant un peu gênée qu’Alastor l’accompagne. Comment lui expliquer ce qu’il va voir ? Enfin, il l’aurait su à un moment, il a sans doute même déjà compris quand ils ont déjeuné ensemble.

Il arrive devant un grand bâtiment, ressortant du cadre et des maisons qui l’entourent.

 — C’est ici que je vis, dit-elle avec embarras, son regard fuyant.

— Très bien, je ne vous retiens pas plus longtemps, très chère, je serai à cet endroit demain à neuf heures.

 Elle hoche de la tête, Alastor la saluant dans un geste théâtral qui la fuit enfin sourire. Sarah passe les grilles de la propriété pour aller rejoindre la chambre qu’elle loue, tandis qu’Alastor retrouve le tramway, sans faire de remarque quant au lieu. Un centre pour femme et le fait qu’elle ait parlé de responsable plutôt que de parents… Alastor a donc bien déduit qu’elle est orpheline. Il s’assied sur le banc du quai, le prochain transport ne va pas tarder. Il regarde les passants tout en les saluant d’un sourire. Ce réflexe qu’elle a eu quand il s’est retourné sur elle, ses cachets dont-il est presque sûr avoir lu morphine sur la boîte. Il ne devrait pas se faire des idées hâtives, des suppositions qui ne sont peut-être pas bonnes, mais son instinct ne le trompe jamais.

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