Mythologie au rendez-vous, Version 2

Chapitre 2 : Divin entraînement et Esprit enfantin

8311 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 7 mois

Dans le parc de la ville, Mélinda et Jim, assis sur un banc, attendent les dieux et les autres mortels. Ils discernent au loin une élégante femme en armure qui leur sourit et qui leur fait signe de s'approcher d'elle. Le couple obtempère. Arrivant près d'elle, ils remarquent que Paul Eastman et sa femme, Carl Neely et son épouse, Richard Payne et Catherine, Élie James et Samuelle Blair sont derrière la déesse aux yeux pers. Cette dernière leur annonce, d'un ton sérieux, regard brillant de joie :

— Madame et Monsieur Clancy, bienvenue dans notre unité spéciale baptisée le régiment mortellement spécial ! Mon collègue, Arès, et moi-même seront vos entraîneurs ! Allons-y ! Les hommes seront sous l'ordre de mon collègue et les femmes sous le mien.

L'Immortelle lance un regard brillant de fierté aux membres de son régiment, affichant son sourire le plus radieux, montrant de la main droite le champ d'entraînement à sa droite.

— Venez, mesdames, avec moi !

Les couples se donnent un dernier bisou avant de se quitter, se préparant pour leur exercice respectif.

— Mesdames, leur annonce d'une voix claire l'Immortelle, bienvenue dans l'unité mortellement spéciale ! Vous êtes le contingent féminin de cette armée et vos maris respectifs formeront le contingent masculin. Avant tout exercice, je dois vous rappeler certaines règles et certains codes d'honneur que tout bon militaire doit suivre. D'abord, obéissez toujours aux ordres de vos supérieurs, en l'occurrence Arès et moi-même, nous avons des millénaires d'expériences et nous fonctionnons suivant certains codes et principes. Ensuite, vous usez de votre bon jugement en toutes circonstances, autant envers l'ennemi, que les civils et vos compagnons d'armes. Vous serez jumelées avec votre mari pour celle qui sont mariées, ou avec un célibataire du contingent pour les mesdemoiselles. Comprenez que deux cerveaux sont meilleurs qu'un ! ...

Les mortelles opinent du chef, écoutant sagement leur chef. L'élégante déesse militaire parcourt du regard l'assemblée, petit sourire aux lèvres, ajustant sa tenue militaire de parade qui comporte toutes les médailles et distinctions obtenues au cours des millénaires de son existence.

— ... Aussi, vous devez lire L'Art de la guerre de Sun Tsu. Vous devez toujours éviter de commettre des atrocités de guerre, sinon, mon collègue et moi-même vous jugerons devant un tribunal militaire divin. Autrement dit, aucune attaque sur les civils ne sera tolérée, vous encourez alors notre ire divine ! N'oubliez que les Moires et les Observateurs sont nos meilleurs témoins ! ...

Elle fixe de son regard insupportablement brillant d'intelligence et de ruse les militaires en formation.

— ... Et n'oubliez jamais que je suis également la déesse de la Ruse... La ruse féminine, voire la perfidie féminine, ne m'est pas inconnue ! Ne pensez pas jouer au plus malin avec moi ! Vous pouvez tromper votre mari ou votre compagnon d'arme, mais point moi !

Elle les observe d'un regard froidement millénaire, un regard vieux comme le monde, donnant un frisson aux femmes réunies, alourdissant l'air de sous-entendus terribles pendant quelques minutes.

— Maintenant, mesdames et mesdemoiselles, leur hurle joyeusement l'Immortelle, regard brillant de fierté, désarçonnant ses interlocutrices. Lisez ce précieux manuel de tactiques militaires, puis nous commencerons les exercices !

Sur ces paroles, la déesse aux yeux pers leur donne les livres avant de disparaître sous forme d'une immense chouette chevêche poussant un doux hululement. La déesse est rapidement suivie par son collègue immortel, Arès, sous forme d'un immense vautour fauve portant une armure aux armes de la famille.


Les dieux de la guerre commencent les entraînements par des activités d'endurance physique et de maniement des armes. La Déesse aux yeux pers prévoit les rendre experts à manier toutes les armes existantes, que ce soit une épée, un arc, une arbalète ou même un fusil et un char d'assaut, permettant ainsi à chacun de choisir le moyen d'attaque qui lui est le plus facile, tout en sachant les autres armes en cas de perte de son arme de prédilection. Les premières semaines sont particulièrement difficiles pour tous les mortels, revenant des entraînements avec des courbatures aux bras, aux jambes et au dos. Mais, plus les semaines passent, plus les dieux militaires prennent un plaisir à entraîner les mortels et plus les mortels deviennent endurants.



Un jour, lors de la deuxième semaine d'entraînement, Mélinda salue Stéphane Apostopoulos — l'esprit errant du bibliothécaire et astrologue, qui la seconde et lui décode les signes du ciel depuis le début des exercices militaires — et note sa mine préoccupée. Sourcils relevés d'étonnement, elle l'interroge en ces termes :

— Stéphane Apostopoulos, sans vouloir être indiscrète ou vous fâcher, qu'est-ce qui préoccupe autant votre esprit ?

— Un autre esprit errant, le garçon là-bas !

Il lui montre d'un geste de la main une forme fantomatique d'un garçon de six ans aux grands yeux brun noisette tristes et aux cheveux marron coupés courts à quelques mètres d'eux. Le nouvel esprit, vêtu d'un chandail rayé brun clair et brun foncé et de pantalon beige et aux chaussures assorties, inspire pitié et inquiétude à l'antiquaire. Cette dernière s'approche à quelques pas de celui-ci.

— Petit garçon, que fais-tu au milieu d'un champ d'entraînement militaire ? Ne devrais-tu partir dans la Lumière ? Pourquoi restes-tu encore parmi les vivants ? Quel est ton nom ?

Le gamin, moue dubitative, yeux arrondis d'étonnement, ne souffle mot. Il s'évapore dans les airs.. La femme extraordinaire soupire et revient à son entraînement.

— J'ignore la raison de ses errements, commente le bibliothécaire. Mais j'ai l'impression que le responsable de sa mort est le même que mon meurtrier...

Bouche bée, elle le fixe les yeux écarquillés, les traits tendus, alarmée par ces propos.

— Comment ? bredouille-t-elle, confuse. Que voulez-vous dire par ces terribles mots ? En quel sens ?

— Mélinda, l'interroge la douce voix de Catherine à ses côtés, étonnée de lire une lueur de peur dans son regard, votre question est des plus étranges ?

L'interpellée lui sourit faiblement et répond, baissant ses sombres yeux sur ses mains, tel un enfant surpris à voler de la confiture :

— Je parlais avec un esprit errant, une âme perdue qui reste encore parmi les vivants, un certain Stéphane Apostopoulos, bibliothécaire et astrologue, qui veut se venger de son meurtrier et qui veut protéger ses enfants de ce monstre.

L'épouse de Richard hausse les épaules en signe de sa méconnaissance de l'identité de l'entité invisible.

— J'ignore qui est cet homme, mais aucunement l'un de mes ancêtres. Son nom m'est, malheureusement, inconnu. Aucunement dans ma famille ou parmi mes proches et connaissances.

La femme extraordinaire lui sourit et les deux femmes se livrent à un combat amical à l'épée, exerçant leur réflexe et mettant en pratique les stratégies d'attaque et de défense appris lors des séances informatives de la déesse un peu plus tôt.


Après une heure d'entraînement, Mélinda rejoignant son mari pour le déjeuner, s'assit sur un siège en cerisier de la cafétéria de l'immense salle d'entraînement au mur blanc, très spartiate. Parcourant son regard, elle note la présence du même petit garçon qu'un peu plus tôt. Elle s'approche doucement et l'interroge maternellement :

— Petit, quel est ton nom ?

Étonné, il la fixe de ses grands yeux avant de répondre d'une voix tremblante :

— Je suis... Konstantinos Doulgeridis.

— Pourquoi es-tu encore parmi les vivants ? Qu'est-ce qui te rend si triste ?

— Ma maman me pleure trop souvent ! Je voudrais qu'elle s'occupe plus souvent de petite sœur Hélène. Et je crains pour la vie de ma sœurette, papa est méchant !

Et l'esprit, sur ces paroles, s'évapore, lueur de panique dans ses grands yeux qui occupent maintenant la moitié de son visage sous l'effet de l'émotion trop forte. Mélinda se retourne pour discerner, tapi dans un coin sombre de la cafétéria, une forme fantomatique d'un homme vêtu de noir, portant un chapeau de même couleur, la fixer de ses yeux ébène dans lesquels brillent une lueur de folie indescriptible. Un frisson parcourt l'échine de la chuchoteuse d'esprits en croisant brièvement son regard, avant qu'il ne disparaisse. Jim s'approche à pas de loup de son épouse et l'interroge de sa douce et mélodieuse voix grave :

— Mél, qui viens-tu de voir pour qu'il te mette dans un tel état ?

Détournant son attention du coin sombre, elle affiche un faux sourire pour rassurer son mari et murmure :

— Jim, un esprit errant d'un petit garçon me préoccupe et un autre très mystérieux... De noir vêtu, au regard brûlant et inhumain...

Un léger tremblement la prend.

— ... J'ai vu dans mon rêve cette étrange lueur... possédée, dirais-je...

— Dans quel rêve ? En rapport avec quel esprit ? l'interroge, confus, l'ambulancier.

— Le militaire de la Seconde Guerre Mondiale, Thésée Papazoglou, lui précise-t-elle.

— Serons-nous en présence du même esprit errant maléfique ? Un esprit qui demeure trop longtemps sur Terre, Dieu-sait depuis combien d'années, voire de siècles il erre ainsi, pour posséder des vivants ! Dans quel but ? Quel est son mobile sordide ? Dans tous les cas, il n'est guère sympathique, ni bienveillant !

— J'ignore ses motifs d'action, hausse-t-elle des épaules, soupirant. Mais c' est très étrange... Maléfique, peut-être... Mais il est encore tôt pour que j'en aie la certitude... Je vais commencer par me préoccuper de l'esprit errant du petit garçon, Konstantinos Doulgeridis.

— Très bien ! Mais avant, allons manger !

Et le couple s'attable dans un agréable silence. La cafétéria se remplit des couples et des célibataires mortels et immortels. Arès et Athéna, à titre de généraux et superviseurs du camp d'entraînement, sont assis l'un en face de l'autre à une table surélevée observant les mortels et s'échangeant un regard entendu à intervalles réguliers.


Quelques heures plus tard, les deux dieux militaires annoncent la fin des entraînements pour la journée. Chacun des mortels retourne chez soi. L'épouse de Jim, une fois assise dans le salon, informe d'un ton sérieux celui-ci :

— Le nom de Stéphane Apostopoulos est-il connu dans ta famille ?

— Non, pas à ma connaissance. Pour quelle raison es-tu intéressée par lui ?

— Au cas où il aurait un rapport de famille... Donc si je peux déjà avoir certaines informations, je comprendrais mieux son mobile à lire la carte du ciel avant chaque entraînement !

— Quel singulier esprit !

— Un astrologue et bibliothécaire. Et il est fâché contre son meurtrier... Et maintenant, il m'inquiète encore plus avec ses étranges paroles...

Les sourcils de Jim se lèvent aux propos de sa femme. Il l’invite d’un geste de sa main droite à poursuivre.

— Lesquels ? Que t'a-t-il dit ? l'interroge-t-il, tendant sa main pour enlacer celle de l'antiquaire. Celle-ci soupire, portant sa main à son front et bredouille, fronçant des sourcils :

— ... Il considère que le responsable de sa mort est également responsable de la mort de ce petit garçon... J'ignore comment !

— Peut-être est-il confus ? suggère-t-il timidement.

— Tu as probablement raison, approuve-t-elle d'un ton traînant. Ce ne sera pas la première fois que je rencontre des défunts aussi perdus ! Piste que je ne rejette pas ! Je pense qu'il sera plus simple de comprendre le cas de Konstantinos Doulgeris avant de régler le cas de Stéphane Apostopoulos.

— Chérie, c'est toi l'experte à travailler avec les esprits...

Lui faisant un clin d'œil, il enchaîne, sourire aux lèvres, son regard brille d'une lueur ironique.

— ... C'est toi qui décide de l'ordre de priorité entre esprits ! Tu pourrais être psychothérapeute avec une telle capacité, songes-tu à une réorientation de carrière ?

Mélinda croise ses bras en-dessous de sa poitrine, vexée, moue de mécontentement au visage. Jim secoue sa tête, ne croyant pas au comportement quelque peu puéril de son épouse.

— Non, aucunement, s'offusque-t-elle.

Il lui tend la main en signe de réconciliation.

— Tu le sais que je ne suis pas sérieux ! s'étonne-t-il.

— Oui, je le sais, s'exclame-t-elle en riant, affichant un large sourire rayonnant, yeux pétillants.

Le couple, main dans la main, demeure ainsi pendant plusieurs minutes avant de s'occuper des tâches quotidiennes.


Au même moment au repas de l'unité mortellement spéciale à la cafétéria, au sommet de l'Olympe, Zeus, Héra, Poséidon, Hermès, Apollon et Héphaistos se réunissent dans une salle insonorisée de l'immense palais du roi des dieux. Les yeux céruléens du dieu parcourent les murs dorés qu'il connaît si bien, aux merveilleux tableaux de famille et aux diverses insignes militaires de leur victoire lors de la Titanomachie et de la Gigantomachie. L'immense salle a une grande fenêtre qui apporte une lumière éternelle à la demeure immortelle et vient éblouir les yeux immortels lorsque les coupes d'or reflètent la lumière naturelle d'Hélios au sommet de sa gloire. Fixant l'assistance, le dieu de la météorologie note l'inquiétude qui se lit dans les yeux de ses enfants et de son frère. Buvant son verre de nectar avant de prendre la parole, il affirme sérieusement, traits tendus :

— Vous n'êtes pas sans savoir que nos ennemis s'agitent de plus en plus...

Tous approuvent silencieusement d'un geste de la tête, angoissés et conscients de l'imminence du combat.

— ... Selon les dernières informations de Hermès, il y a une activité importante au Tartare et sous Gaïa.... Les Titans s'agitent et recherchent des alliés !

Le messager approuve d'un geste de tête. Les sourcils froncés, Poséidon éructe, agitant son trident devant lui, et secouant sa fière chevelure bleue :

— L'affaire est sérieuse ! Il faut se dépêcher d'entraîner les mortels et de repérer les dignes parents de notre progéniture si nous ne voulons pas perdre la bataille !

— Et non seulement, complète Hermès, mine sérieuse, visage assombri et regard terne, mais les Titans recherchent eux aussi activement les Élus de la Prophétie...

Il parcourt du regard l'assistance, alarmé, lueur d'angoisse dans ses sombres yeux.

— ... Il faut se dépêcher... Une course contre la montre !

Un vague murmure parcourt l'assistance.

— Quelqu'un parmi vous, mes chers confrères, a une suggestion sur l'identité de ces mortels ? ordonne le chef des Olympiens, lançant une foudre au milieu de la salle, effrayant les Immortels. Un silence assourdissant règne pendant quelques minutes... Un silence rompu par la déesse aux bras blancs.

— Mon noble époux, commente-t-elle amèrement, je comprends bien ta préoccupation pour la mortelle digne de donner le jour à un demi-dieu... Mais n'y pense même pas être le père !

Elle lui lance un regard foudroyant, avant d'arranger son voile d'une blancheur virginale pour cacher les mèches rebelles.

— ... Et il nous faut connaître l'identité non seulement des mortels dignes d'être les parents des enfants des dieux, demi-dieux, race glorieuse, mais aussi de connaître l'identité de son parent immortel, le bienheureux immortel, non ?

Les dieux tournant leurs têtes vers elle lui lancent un regard interrogateur, l'incitant à développer plus sa pensée.

— N'avez-vous pas pensé qu'il puisse y avoir des traîtres dans nos rangs ?

Les yeux de ses semblables s'agrandissent d'effroi, certains recrachent leur nectar dans leur verre de surprise.

— Vous n'êtes pas sérieuse, mère ! s'emporte le forgeron divin, lançant un regard de feu autour de lui.

— Je suis sérieuse, continue-t-elle posément. Ma fidèle messagère, Iris aux pieds rapides, m'informe de tous les mouvements des nôtres et des ennemis... Et certains trahissent nos plans aux ennemis ! Il faut garder l'œil ouvert !

Le plus beau des dieux se lève et affirme d'une voix puissante, une voix plus grave que la sienne, lueur étrange dans le regard, perdu à fixer un lointain nuage :

— Un jour viendra où nos ennemis s'allieront pour nous détruire. Ils sèmeront le chaos dans le monde, parmi les mortels. De ces derniers, seul un petit nombre sera digne d'être nos alliés, hommes hors de l’ordinaire. Les mondes devront s'unir pour la plus grande victoire. Ces enfants des mortels et de notre sang changeront le cours de l'Histoire, enfants qui sont la clé du combat, mais il y aura des traîtres dans tous les mondes.

Les Olympiens l'observent, yeux agrandis d'étonnement, traits encore plus tendus qu'auparavant.

— Une prophétie ? interroge timidement le messager, impressionné.

Son père approuve d'un geste de la tête, mine pensive et sérieuse. Le dieu des prophéties se rassoit à sa place, réfléchissant au sens de ses paroles prophétiques, petit sourire dans le coin des lèvres, comprenant les clés pour décoder les mystérieuses paroles.

— Et je sais bien, malgré toute mon autorité, que je ne parviendrais pas à obtenir de mon fils le sens exact de cette prophétie... Mais elle voudrait dire qu'il y aurait plus de candidats que nous le pensions avec Gaïa ! Plus de mortels et plus de demi-dieux, races glorieuses ! Séance ajournée ! À la prochaine !

Un fracassant tonnerre s'entend avant que le Père des dieux ne disparaisse avec son épouse, laissant l'assemblée perplexe devant le danger imminent et l'urgence de comprendre la prophétie.

— Je vais devoir m'ingénier à inventer une nouvelle arme de guerre pour seconder les mortels et les demis-dieux, commente le dieu forgeron...

— Il faut intensifier et augmenter les entraînements du régiment mortellement spécial, hurle le dieu de la mer. Je vais me joindre à la formation pour la marine !

— Je vais les bénir pour qu'ils soient rusés, ajoute le dieu messager, et je leur donnerais des talonnières ailées.

Les autres dieux disparaissent en un clin d'œil de la réunion.



À la maison de Jim et Mélinda,

La jeune brunette cherche dans les journaux pour trouver le plus d'informations sur la mort de Konstantinos Doulgediris.

— Jim, commente la jeune vingtenaire, levant les yeux des journaux, j'ai trouvé que le petit garçon est mort écrasé par une voiture en 1997.

— Que son âme repose en paix ! s'exclame Jim. Cette tragédie doit encore être fraîche dans la mémoire de ses parents.

Se levant du siège, elle sourit tristement à son mari.

— Effectivement mauvaise nouvelle ! Mais je continuerais plus tard mes recherches. Je dois m'occuper un peu de la boutique et voir mes deux associées.


Arrivée dans sa boutique, perplexe du manque de résultats détaillés, l'antiquaire salue ses associées et ordonne les dernières acquisitions, des vieux vases de l'Antiquité, des grimoires et des ustensiles dans l'entrepôt. En rendant de l'ordre dans un tiroir, elle remarque un petit jouet en plastique qui tombe par terre. Se penchant pour le ramasser, elle discerne Konstantinos à ses côtés, l'observant tristement.

— Cet objet n'est pas comme les autres... Il est particulier... Il est mauvais...

Mélinda analyse l'objet sous toutes ses coutures, intriguée. Celui-ci n'est qu'une petite araignée noire en plastique au milieu de sa toile vert pomme reliée à la toile par un fil de même couleur qui s'active en appuyant sur un petit bouton dans le dos.

— Konstantinos, qu'est-ce qui rend cet objet si particulier ? Je ne discerne rien en lui de maléfique.

Alarmé, l'interpellé renifle bruyamment l'air, fixant devant lui d'un air absent, lueur de panique, yeux encore plus grand et s'exclame entre des pleurs :

— Derrière votre dos... Le démon vous attend ! ...

La jeune femme extraordinaire se retourne et tomber nez-à-nez avec la même sombre forme de la cafétéria. Son cœur bat la chamade, ses yeux s'agrandissent, elle recule de terreur, lisant le feu qui brûle dans le regard de l'esprit. Ce dernier recule se tapir dans l'ombre, fixant la vingtenaire avant de s'en aller sous la terre. Elle prend le jouet tombé dans sa main droite, tremblante. La jeune femme est transportée dans une vision.

Le jouet est sur une table devant un homme de trente ans aux yeux bruns et aux cheveux marron plutôt élégant et gracieux dans son complet bleu marine. Celui-ci murmure une incantation en une langue inconnue, tout en agitant des mains en direction du jouet. Après les étranges paroles, Mélinda discerne une ombre près de lui, nul autre que l'esprit de la cafétéria, le même qui a possédé le meurtrier du militaire Thésée Papazoglou. Un frisson parcourt son échine en rencontrant son regard enflammé. L'étrange esprit possède l'homme. Ce dernier prend le jouet et le donne à Mélinda qui est dans la salle voisine.

— Mon enfant, veux-tu un nouveau jouet ? l'interroge-t-il d'une voix trop rauque pour être la sienne, lueur possédée dans le regard, geste saccadé.

Sans méfiance, elle accepte le cadeau et sort à l'extérieur. Jouant avec l'araignée, elle le laisse tomber sur la route. Accourant pour le ramasser, elle note, dans le coin de son champ de vision, une voiture rouge se dirige rapidement vers elle. Un choc, une sourde douleur, puis un sentiment de délivrance, une légèreté soudaine. Elle se retourne et constate son corps écrasé par la voiture. Le même homme qui lui a donné le jouet s'avance vers elle, ne pouvant camoufler son sourire possédé, ni la lueur de joie dans ses yeux, se penche sur son corps, le libérant de sous la voiture et murmure :

— Mon enfant... Tu étais incroyablement naïf !

L'âme de l'homme, spectatrice de son corps possédé, chuchote d'une voix froide :

— Maintenant, j'aurai la réussite et la gloire sans fin ! N'est-ce pas ma chère déesse ? Mon âme et la vie de mon fils vous suffisent.

Une tristesse envahit le cœur de Mélinda.


Reprenant ses esprits de la vision, encore tremblante comme une feuille au vent automnal, l'antiquaire extraordinaire, d'une voix hésitante, yeux larmoyant, dans un souffle :

— Ainsi, Konstantinos... Ton père, adepte d'une sombre déesse, a appelé cet esprit errant en noir...

— Ce démon, le rectifie-t-il, serrant ses petits poings.

— ... D'accord, ce démon... Dans le but d'obtenir une réussite dans le monde... Pour une vaine gloire en ce monde.... Sacrifiant son fils aîné sans le moindre remords !

Le garçon opine tristement du chef. Une sourdre colère monte en l'âme de la jeune femme.

— ... Et ta mère ignore tout de ta mort qui n'est qu'un sacrifice...

Tous ses membres s'agitent à la conclusion.

— Oui, très exactement, continue Konstantinos. Elle doute de rien. Je crains pour ma sœurette...

Il parle ainsi et s'en va, laissant son interlocutrice perplexe. Cette dernière retrouve dans l'annuaire la résidence des Doulgeridis, espérant informer la pauvre mère de Konstantinos sur les circonstances de la mort de son fils. Elle revient derrière le comptoir où l'esprit errant astrologue l'attend, mine inquiète, se grattant le menton de la main droite. Elle lui lance un regard interrogateur, intrigué de sa présence, l'incitant à développer sa pensée :

— Madame, j'ai observé la carte du ciel... Je suis très inquiet pour la suite du combat... Les ennemis sont prêts à attaquer et il y aura beaucoup de morts !

— Calmez-vous ! lui ordonne, exaspérée, la jeune femme. Je ne veux connaître qu'un détail.

— Lequel ? l'interroge Andréa et Stéphane à l'unisson.

— Mademoiselle Marino, je ne parlais pas à vous, mais à l'esprit errant ! ...

L'interpellée opine du chef et demeure coi.

— ... Je veux connaître l'identité de cet esprit errant en noir...

Elle tourne son regard vers la porte vitrée de la boutique et constate cet esprit qui la fixe, fâché, sourcils froncés, faisant un geste menaçant de sa main gantée et réapparaît derrière le dos de la femme extraordinaire et éructe avec un fort accent italien :

— Madame, ne pensez pas si facilement connaître mon identité ! Je suis quelqu'un de très connu et je me rappelle de mes trois vies antérieures ! Je suis un dévoué prêtre à mon dieu ! Ne vous mêlez pas des affaires des autres, si vous ne voulez pas qu'un malheur arrive à l'un de vos proches !

Il disparaît sous la terre dans une fumée noire. Ébahie de l'audace du mystérieux esprit, mais aussi néanmoins inquiète de sa menace, la vingtenaire observe l'astrologue, le suppliant de l'aider.

— J'ignore l'identité de ce démon, affirme sérieusement, mine pensive, lueur de frayeur dans le regard, mais l'un des professeurs universitaires saura vous aider !

— Merci, pour votre aide !

Elle se tourne vers Andréa, sourire chaleureux.

— Mes excuses de parler avec un défunt, alors que vous n'entendez que la moitié de la conversation...

Konstantinos apparaît devant elle, lueur alarmée dans le regard.

— ... Je vous laisse... J'ai du travail.

Mélinda, ramassant le jouet ensorcelé dans une poche de son manteau vert olive, s'éclipse de sa boutique, s'arrêtant au parc de la ville.

— Qu'y a-t-il, Konstantinos ? Pourquoi une telle frayeur ?

— J'ai peur pour maman et Hélène, papa est possédé par le démon !

— L'affaire est sérieuse, s'alarme-t-elle, les mains moites. Veux-tu me diriger vers la maison où tu avais vécu de ton vivant ?

Il opine du chef et lui montre la voie.

Après quelques minutes de marche, passant diverses maisons, toutes similaires blanchies au chaux et au toit bleu comme la mer, elle arrive devant une charmante maison blanchie au chaux avec un petit jardin bien entretenu et accueillant, deux oliviers offrent une ombre rafraîchissante sur la demeure et le parterre fleuri ajoute à l'élégance de l'endroit. Elle reprend son souffle et frappe à la porte d'entrée, attendant quelques minutes. La mine de l'esprit errant s'affaisse, ses yeux se promènent à droite et à gauche, angoissé. Ses mains sont moites, tremblantes.

— Que t'arrive-t-il, Konstantinos ? l'interroge maternellement la femme extraordinaire.

— Papa veut ouvrir la porte, fuyez ! s'écrie-t-il, au bord des larmes.

— Je ne peux fuir maintenant... Je lui donnerais ce jouet maudit !

— Mais fuyez ! s'alarme encore plus le garçon.

Elle opine du chef, sort de sa poche le jouet qu'elle dépose devant la porte et dévale précipitamment l'escalier. Konstantinos retient la porte d'entrée pendant quelques secondes.

Mélinda, sur le trottoir, reprend son souffle, angoissée, mais néanmoins curieuse de voir qui lui aurait ouvert la porte, passe devant la maison en essayant de se donner un air nonchalant. Et le père du garçon, le même qu'elle a vu dans sa vision, apparaît dans le cadre de la porte, lueur possédée dans le regard, son âme est à la gauche de son corps, fixant la chuchoteuse d'esprits. Alors que le corps possédé ramasse le jouet, fâché, l'âme se déplace devant elle, l'observant avec intérêt et hurle, courroucé :

— Vous payerez cher pour contrecarrer mes plans !

Et l'âme disparaît, laissant son interlocutrice incertaine de l'interprétation des paroles. Celle-ci revient chez elle en passant par le marché. Allongée sur le fauteuil beige, elle informe son mari du cas de l'esprit errant et de l'étrange comportement du père.

— Mél, déclare sérieusement de sa voix mélodieuse l'ambulancier, il est aisé de retrouver le nom des parents... Et l'esprit en noir sera certainement connu des professeurs universitaires... Si nous sommes en présence d'un vieil esprit, il sera connu du folklore, des légendes urbaines et des rumeurs, non ?

Se relevant pour s'approcher de lui, la petite brunette l'embrasse, ravie, visage rayonnant.

— Savais-tu que tu es formidable, Jim ?

Se penchant vers elle pour lui rendre son bisou, il éclate de rire et murmure :

— Je le sais bien... Sinon je ne serais pas un bon mari !

— Donc, demain, conclut-elle, mine pensive, j'irai voir si l'un des universitaires peut m'aider au moins à connaître l'identité de ce sordide et étrange esprit errant.

Sur cette parole, le couple s'attable dans le silence complet.



Le lendemain matin, Mélinda se rend à l'université locale, cherchant un professeur qui aurait une spécialisation adaptée pour l'aider. En fouillant l'annuaire des professeurs, elle trouve Richard Payne. Elle se rend, le matin même à l'université, au bureau du spécialiste des sciences occultes. Celui-ci, un élégant homme de quarante ans, aux cheveux brun clair, presque blond et aux yeux bleu ciel brillant de curiosité l'accueille poliment à l'intérieur. Ajustant son complet beige et sa chemise blanche, le professeur l'invite à s'asseoir sur une chaise rembourrée en face de lui. Son austère bureau, agrémenté d'une immense bibliothèque, est accueillant avec un doux soleil qui filtre les stores à demi-fermés. Sur son bureau en chêne trône une photographie de mariage et une photographie d'une fille de dix ans aux côtés de ses parents. En promenant son regard dans la pièce, elle constate, dans le coin droit, près de la fenêtre, un esprit errant. Elle le détaille. Un vieil homme élancé vêtu de chaussures marron, d'une chemise en soie bleue ciel brodée de pierres précieuses et aux broderies complexes par-dessus laquelle il porte une ample tunique en coton bleue marine aux armes de la famille, à savoir de gueules à la face d'argent, chargée de trois fleurs de lys d'azur. Il porte un collier d'or autour du cou et plusieurs bagues aux doigts, dont une alliance et une chevalière. Secouant sa tête grisonnante, yeux agrandis d'étonnement, il se déplace à la droite de la jeune antiquaire extraordinaire, lui affirmant en vieux français :

— Me voyez-vous ? Pouvez-vous m'aider ?

Elle détourne son regard, gênée, opinant discrètement du chef et se racle la gorge avant d'observer son interlocuteur :

— Monsieur Richard Payne, je voudrais savoir si vous connaissez l'identité d'un homme en noir de la tête au pied, avec un chapeau de même couleur et des gants. Seul son sombre regard de feu est perceptible et effrayant.

— Ce démon ! le corrige Konstantinos matérialisé à la droite de Mélinda.

L'esprit du Moyen-Âge approuve les paroles de l'enfant d'un geste de la main droite et se signe à la catholique. Puis il éructe, fâché, à l'intention de la sombre figure tapie dans l'ombre, derrière le dos de la jeune femme :

Vade retro Satana !

La femme extraordinaire les ignore, fixant le professeur, même si elle a le pressentiment d'être observée. Son interlocuteur, l’observant attentivement, ne comprend guère son comportement, sourcils relevés d’étonnement, mains sagement appuyés sur le bord du bureau, patientant qu’elle dise un mot. Après quelques minutes de silence gênant, il le rompt : 

— Laissez-moi fouiller dans mes livres... Commente, mine pensive, Richard.

Il se lève prestement et murmure quelques vagues paroles incompréhensibles, cherchant dans son immense bibliothèque.

Quelques minutes plus tard, il s'écrie, ravi :

— Madame, j'ai trouvé l'identité possible de cet homme !

Il revient à son fauteuil et montre à Mélinda une photographie dans un livre : le même homme sans l'ombre d'un doute.

— Cet homme, Romero Romano, Italien, n'a jamais quitté de son vivant son coin natal, Florence. Il est né le 30 octobre 1919 et mort le 20 novembre 1966...

— Son signe astrologique est le scorpion, commente le défunt bibliothécaire, soudainement apparu dans la pièce. Sa planète maîtresse est Pluton...

Mélinda le foudroie du regard avant de rapporter son attention à son calepin où elle prend des notes.

— ... Cet homme, de son vivant, était un adepte de l'occulte sous toutes ses formes, continue le professeur. fidèle prêtre de Hécate, de Perséphone et de Satan, il fonda même une secte, très habile à ensorceler les autres par son discours. Il se maria à Andrea Di Medici en 1930 et le couple a trois enfants, deux garçons et une fille, respectivement nés en 1931, 1933 et 1935. Il meurt empoisonné au cyanure. Il ingère une quantité importante du poison et convainc ses adeptes de se suicider collectivement. La légende dit qu'il n'aurait pas quitté la Terre à sa mort, mais qu'il continuerait à errer, poursuivant sa mission néfaste de par le monde. Il est accusé d'être responsable de maints décès. La légende dit que la veille d'une mort tragique, ses victimes le discernent dans un miroir ou non loin d'elles... Sinon, la photographie a été prise le 6 novembre 1966...

Le professeur lui indique avec son index l'individu à côté de Romano. Les yeux de la chuchoteuse d'esprits suit son mouvement, observant attentivement la photographie.

— ... À ses côtés, l'homme au complet noir à sa gauche est son cousin, Alessandro Romano, un épris de l'art occulte et de la magie...

Soudain, un esprit errant se manifeste à la droite du professeur. Un homme de cinquante ans, grand et élancé, au visage ovale avec quelques rides près des yeux lorsqu'il sourit à Mélinda, aux grands yeux bleus et aux cheveux blond cendré vêtu d'une large tunique aux motifs traditionnels s'approche du quarantenaire et, sous les yeux éberlués de son interlocutrice, possède Richard.

— Et, continue le professeur possédé d'une voix qui n'est pas la sienne, voix plus harmonieuse et grave que la sienne, Romero Romano est responsable de la mort de plusieurs hommes, femmes et enfants innocents...

L'âme du professeur, désorientée, à côté de son corps, lance un regard étonné à Mélinda qui promène son regard du corps à l'âme de son interlocuteur.

— ... Et cet esprit errant démoniaque, continue le professeur en accentuant le dernier mot, est responsable de la mort de Thésée Papazoglou en 1945...

Étonnée, la jeune antiquaire l'interroge, mine confuse et incertitude dans ses grands yeux :

— Mais comment pouvait-il posséder le corps d'un autre homme alors qu'il était encore vivant ?

— ... Une longue histoire en rapport à un certain pacte avec les démons et autres entités infernales... Donc, lorsque son corps est possédé, son âme voyageait et commettait ces homicides...

Éberluée, yeux encore plus grands, Mélinda, d'une voix tremblante :

— Comment est-ce possible ? ... Je ...

L'esprit cesse sa possession et l'âme du professeur regagne son corps.

— ... Je ne comprends pas comment une telle activité soit possible ? ... Même du vivant d'un homme...

— De quoi me parlez-vous, madame ? Le cas des possessions, s'il est question de cela, est affaire courante dans le folklore... Serait-ce un cas d'Eidolon, un esprit, un démon qui possède un vivant ?

— Non, il était vivant lorsqu'il posséda quelqu'un... Mais laissons tomber cette réflexion pour l'instant...

Elle se lève de son siège, remercie le professeur d'un geste de la tête et sort à reculons du bureau. Richard est perplexe de la tournure de la discussion, alors que Mélinda revient dans sa boutique, suivi par le bibliothécaire et astrologue.


Ce dernier déclame :

— Ainsi mon meurtrier est ce démon né sous le signe du Scorpion... Le charmant manipulateur... Avide d'âmes... Que le Diable l'emporte !

Konstantinos apparaît en face de la jeune antiquaire et lui murmure, rayonnant de joie :

— Maman est seule à la maison avec ma sœurette... Papa travaille... Venez lui dire la vérité ! Je crains tellement pour Hélène !

— Konstantinos Doulgeridis, commente-t-elle, que voulez-vous que je dise à votre mère ? Que votre père n'est pas si bon qu'il lui semble ? Je ne veux pas être une pomme de la Discorde ! s'emporte-t-elle.

— Non, effectivement, affirme posément l'astrologue, se grattant le menton, mais vous pouvez au moins l'informer concernant la mort de son fils... Et lui laisser sous-entendre la vérité et l'implication de son mari dans la mort de leur fils.

La jeune femme soupire et approuve d'un geste de la tête les paroles du défunt bibliothécaire.

— Très bien ! Allons-y !

Elle sort de la boutique et arrive rapidement devant la porte de la maison des Doulgeridis. La mère de Konstantinos, une élégante trentenaire vêtue d'une robe vert olive ample, au visage rond, émacié et pâle, lui ouvre la porte, lueur de méfiance dans ses grands yeux marron, serrant contre elle sa petite fille de quatre ans derrière elle qui regarde avec curiosité autour d’elle. Un sourire s'épanouit sur le visage enfantin de l'esprit en constatant sa sœur si joyeuse.

— Qui êtes-vous ? l'interroge froidement la trentenaire, l'analysant de ses yeux brun foncé.

— Je suis Mélinda Gordon-Clancy, propriétaire de la boutique d'antiquités de notre ville...

La lueur de méfiance s'estompe de son regard, elle est intriguée par son explication.

— ... Et je viens discuter avec vous concernant votre fils, feu Konstantinos. Je connais certains détails autour des circonstances de sa mort...

Elle se déplace de la porte d'entrée et envoie Hélène dans sa chambre en un mot. Se retournant vers Mélinda, mine assombrie.

— Venez, madame.

Les deux femmes et l'esprit errant du garçon traversent le hall au mur blanc orné d'icônes pour arriver au salon. Cette pièce est spacieuse et fort agréable avec ses murs beiges, et la lumière de l'astre du jour qui pénètre par la grande fenêtre aux rideaux jaune moutarde retenus par une corde. Les meubles, des canapés beige foncé bien rembourrés, une petite table en cerisier laquée au milieu sur laquelle repose deux verres d'eau et dans le coin droit, une télévision éteinte sur un petit meuble en cerisier élégamment décoré, donnent une ambiance calmante à la salle.

Une fois les deux femmes assises, la mère de Konstantinos affirme d'un ton sérieux, malgré les larmes qui lui piquent aux yeux.

— Qu'avez-vous à me dire concernant mon fils ?

Le petit garçon se matérialise à la droite de sa mère, tâchant de la consoler, mais en vain. Cette attention du défunt pour son interlocutrice arrache un faible sourire à Mélinda.

— Disons que j'ai vu la mort de votre fils...

Mine étonnée, elle ouvre et referme la bouche avant de hurler :

— Comment avez-vous vu la mort de Konstantinos ? Il est défunt depuis...

Elle éclate en sanglots.

— ... Snif... un certain temps, plusieurs années... Snif...

Baissant ses yeux sur ses mains, la femme extraordinaire ne sait trop sur quel pied danser, mais décide de prendre son courage à deux mains, laissant quelques minutes s'écouler dans un silence angoissant.

— Votre fils est mort parce que quelqu'un de très familier, de très proche, lui a donné un jouet ensorcelé... Et l'automobiliste n'est pas le plus fautif dans l'histoire... Certes, il n'est pas innocent, mais il n'est pas le cerveau de la machination de la mort de votre fils...

La médium tourne son regard vers Konstantinos pour reprendre son courage.

— ... Le fautif est un sordide esprit errant défunt depuis 1966, un fasciste, un certain Romero Romano, un fondateur de secte qui possède ce proche en échange d'une réussite dans la vie...

Les traits de la mère du défunt se tendent, ses yeux brillent d'une lueur de tristesse.

— Et, continue-t-elle, pourquoi mon fils... demeure encore parmi les vivants ? Si vous les voyez, pourquoi ne le convainquiez-vous pas de partir ?

— Parce qu'il s'inquiète pour sa sœur, Hélène... Il ne veut pas qu'elle meure de manière similaire...

— Konstantin, murmure sa mère, paroles entrecoupées de larmes, je te promets que je serais vigilante pour Hélène... Je ne la laisserais pas seule... Promis ! Je te le promets sur mon honneur ! Je prends le Destin en témoin !

Soudain, trois femmes apparaissent au centre du salon, les trois terribles Moires, élégantes dans leur robe dorée aux arabesques complexes autour de la taille, accentuant leur féminité. Atropos, qui tient un fil vert jade, s'avance vers l'esprit errant et la mère, affirme d'une voix forte, malgré sa frêle et petite apparence dans sa robe flottante trop grande pour elle.

— Vous n'avez pas à vous faire de souci, gamin ! Votre mère tiendra parole, nous en sommes garantes ! Et la vie de votre sœur...

Elle lui montre le fil qu'elle tient entre ses mains.

— ... N'est pas destinée à être si courte, ni si violente... Elle aura une longue vie. D'elle surgira une race mortelle de renom... Le nom des Doulgeridis est destiné à s'éteindre par la branche masculine, raison pour laquelle nous avons laissé les actions de votre père se réaliser, mais la branche féminine perdurera encore longtemps.

Konstantinos, mine sérieuse en voyant les déesses, affiche un sourire sincère et incline poliment la tête vers elle. S'approchant de sa mère, il lui murmure :

— Merci, maman ! Je peux enfin partir en paix ! ...

Lançant un regard reconnaissant à la chuchoteuse d'esprits.

— ... Merci beaucoup à vous, madame ! Je suis en paix... J'ai pas de soucis !

— Votre fils est enfin rasséréné. Il est prêt à quitter le monde des vivants. Il part enfin dans l'au-delà !

— Bon voyage, Konstantin, répond dans un souffle sa mère, émue, pleurant discrètement.

L'esprit errant tourne sa tête en direction de la fenêtre, le visage radieux, rasséréné. Une lumière irréelle illumine son visage, lueur que lui seul perçoit et qui le rend tellement heureux. Il fait quelques pas en direction de la fenêtre, se laissant engouffrer par cette Lumière, disparaissant de la vue de l'antiquaire extraordinaire. Cette dernière lâche une larme de joie qu'elle essuie rapidement. La mère sèche ses larmes et raccompagne son invitée à l'extérieur. Celle-ci revient chez elle essayant d'élucider le cas de Stéphane Apostopoulos, mais en vain.



Deux jours plus tard, les mortels reprennent leurs exercices spartiates sous l'œil attentif de leurs supérieurs immortels. À midi, les mortels sont seuls à manger à la cafétéria sous la surveillance des Observateurs.


Au même moment, dans le quartier général, autour d'une table basse en chêne plaquée or, Athéna parcourt la carte du pays et observe son collègue, Arès, son père, Zeus, et son demi-frère, Héphaistos, réunis près d'elle, chacun confortablement assis sur un trône en or rembourré décoré avec des arabesques et des motifs propres aux fonctions des dieux qui y siègent, leur donnant une plus grande majesté.

Soudain, le silence assourdissant est rompu par la voix du Père des dieux et des hommes, tel un tonnerre au milieu d'un jour clair :

— Ma fille, le danger approche... Je crains que les Titans commencent à créer une armée qu'ils lèveront contre nous !

— La réalisation de la première partie de la Prophétie de la Terre et d'Apollon, commente Héphaistos d'une voix blanche.

Les autres dieux approuvent d'un geste de la tête, mine tout aussi préoccupée.

— Un jour viendra où les ennemis des dieux s'allieront pour les détruire, récite la protectrice de la capitale grecque. Ils sèmeront le chaos dans le monde, parmi les mortels.

— Dit autrement, ajoute le dieu du ciel, les Titans, mes oncles perfides, planifient une attaque à la fois contre nous, mais aussi contre les hommes ! Une manière d'exterminer la race de fer !

— Ma dernière invention pourra nous aider ! s'exclame, enthousiasme, le dieu de la forge. Mon armée d'ours de gomme ! ...

Les trois paires de yeux divins se braquent sur lui, lueur d'étonnement, retenant un rire fou.

— ... Ne riez pas, mes confrères immortels ! s'emporte-t-il, faisant jaillir une petite flamme dans le creux de sa main qu'il lance dans les airs. Cette armée d'oursons de fer, que j'ai surnommé Gummibärchen, ou oursons de gomme, est redoutable, résistante à tous les coups et fins stratèges...

De la flamme sort un escadron d'ours armés jusqu'au dent.

— ... Et aucune balle ni arme ne peut les tuer... Ils fonctionnent comme Talos, invincibles, ne possédant qu'un talon d'Achille... Qui n'est pas au talon, mais au paume de la patte supérieure, point absolument inaccessible.

— Intéressant ! ... Sinon, interroge Zeus, passant une main dans sa barbe bien fournie, avez-vous remarqué les valeureux et dignes mortels de la Prophétie ?

Les dieux militaires s'entr'observent, échangeant un regard entendu, sourire malin, et répondent à l'unisson :

— Nous pensons les repérer, mais nous attendons un signe lors de l'entraînement ou lors d'un combat !

— Dès que vous repérerez avec certitude les heureux élus, veuillez me les signaler... Ils seront les seuls dignes de monter Pégase, mon fidèle porteur de foudre, mon arme redoutable, terreur des nos ennemis !

Les enfants de Zeus approuvent d'un geste de la tête et s'éclipsent de la réunion sous la forme d'un immense vautour fauve à armure pour Arès, d'une immense chouette chevêche armée pour Athéna et d'un oiseau de feu géant casqué pour Héphaistos.


Les dieux de la guerre se perchent au sommet de l'immense olivier qui délimite le terrain d'entraînement des mortels et Arès commente énigmatiquement, sourire aux lèvres, à sa collègue :

— Je pense connaître l'identité de la mortelle digne d'accoucher d'un demi-dieu...

Tournant sa tête vers lui, son regard interrogateur incite l'Immortel à continuer :

— ... À savoir Emma-Madeleine Gordon-Neely, l'épouse de l'inspecteur Carl Neely !

Les yeux pers de son interlocutrice s'agrandissent encore plus.

— Mais elle est mariée ! s'offusque-t-elle. Et je doute qu'elle soit la mortelle concernée par la Prophétie !

— Comment peux-tu être si certaine ?

— Une intuition ! ... Intuition qu'il faudrait confirmer avec des recherches généalogiques ! Les ancêtres sont un premier indice pour connaître son éligibilité à la fonction !

— Pourquoi ne pas demander aux terribles Moires ?

— Elles refusent de nous aider, soupire l'Immortelle. Elles ferment à clé les archives des tapisseries des vies mortelles passées.

— Et aucun moyen de les soudoyer ?

— Aucun... Elles sont inflexibles ! J'ai essayé maintes fois, mais ma ruse ne fonctionne pas ! s'énerve la déesse, regard lançant des lueur de colère, poing serré qu'elle blanchit ses jointures. Tu ne peux concevoir la rapidité et l'efficacité de mon action, mais tout demeure vain lorsque je me confronte à elles ! Sinon, aucune autre remarque, confrère ?

— Ma collègue, est-ce que, par hasard, l'un de ces mortels de notre régiment te plaît ? Serais-tu devenue amoureuse de l'un d'eux ?

L'interpellée baisse ses divins yeux sur ses pieds et murmure des mots à peine audible pour les oreilles de son semblable :

— Oui, malheureusement... Et j'ignore s'il m'aime... Mais même s'il m'aime, c'est à lui de me faire la cour... je ne fais jamais le premier pas, quelle honte !

— Athéna, oublies-tu que tu es une déesse. Athéna Tritogénie, la puissante fille de Zeus ! Aucun homme ne peut te résister et tu as certainement plusieurs prétendants, autant parmi la race mortelle que la race immortelle, à l'exception de moi, bien sûr ! Tu n'es qu'une collègue, nous sommes beaucoup trop similaires pour pouvoir nous aimer ! Les contraires s'attirent, n'est-ce pas ?

Sur ces paroles, les deux Immortels regagnent leur position dans le champ d'entraînement.



Après l'entraînement, à la maison de Jim et Mélinda, celle-ci constate assis sur le canapé, une élégante et grande femme vêtue d'une ample robe beige avec un voile de même couleur sur la tête, cachant ses cheveux, portant à la taille une gracieuse ceinture aux arabesques plus sombres, venant soulignée sa taille féminine à merveille. Cette dernière a un visage rond et jeune, quelques rides dans le coin des yeux donnent un indice de son âge. L'esprit aux grands yeux marron et à l'air angélique, nulle autre qu'Aphrodita Mavromichalis-Benari, matérialisée à la droite de sa descendante, lui sourit et lui murmure :

— Faites une enquête sur votre famille ! Vous comprendrez plusieurs mystères avant qu'il soit trop tard !

Avant que Mélinda ne dit un mot, l'esprit s'évapore, laissant celle-ci très perplexe et inquiète.

— Mais quel est son nom, hurle de rage la médium, serrant ses poings et frappant d'un coup sur la table... Il n'y a rien de pire que des esprits qui ne daignent même pas se présenter !

— Chérie, calme-toi ! lui ordonne Jim. Il ne sert à rien de s'emporter contre des défunts... Et fait cette enquête. Saches que je t'aiderais toujours.

Elle se tait à ces paroles et attend que sa colère passe, affichant un faible sourire à son mari avant de se lever de son siège. Se précipitant sur le téléphone, elle appelle sa mère, dans l'espoir qu'elle pourra répondre à ses questions. La sonnerie du téléphone lui semble une éternité, des centaines de questions se succèdent dans sa tête, angoissée de ce qu'elle pourrait apprendre sur sa famille.




À suivre

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