Mythologie au rendez-vous, Version 2

Chapitre 1 : Début d'une histoire

8481 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 an

Dans un monde où les mortels, les dieux de la mythologie grecque et les esprits cohabitent, il y a maintes communications entre ces entités.


À Trikala, ville grecque en Thessalie, au Nord-Ouest du pays, habitée depuis l'Antiquité sous le nom de Trikka, connue pour son très ancien Asclépéion, est la ville où habite Mélinda Gordon, Jim Clancy, Richard Payne et sa femme, Catherine, Élie James, Gabriel Lawrence et quelques autres personnages.


Du côté des dieux

Tous les couples connus de la mythologie grecque sont maintenus : Zeus et Héra, Poséidon avec la Néréide Amphitrite, Hadès avec Perséphone, Héraclès avec Hébé. Héphaistos est marié, en secondes noces, à la Charite Aglaé. Son premier mariage avec Aphrodite se termine par un divorce. Les Olympiens célibataires sont Hermès, Arès, Apollon, Artémis, Athéna, Hestia et Aphrodite. Sans oublier Ganymède, l'échanson des dieux depuis plusieurs millénaires, les Heures, les Muses et les Charites.


Du côté des mortels

Mélinda Gordon-Clancy, fille de Thomas et Élizabeth Gordon, épouse de Jacques Clancy depuis l'an 2000, est propriétaire d'une boutique d'antiquités et chuchoteuse d'esprits depuis son enfance.

Jacques, dit Jim, Clancy, époux de Mélinda, est ambulancier. Il soutient inconditionnellement sa femme dans son travail avec les esprits.

Richard Payne, marié à Catherine Christopoulos, professeur de littérature grecque, depuis 1985, père d'Anna, est professeur d’Anthropologie, spécialiste des sciences occultes à l'université locale.

Élie James, célibataire, est professeur de Psychologie et de Philosophie à la même université que Richard Payne.

Zoé Ramos, célibataire, ancienne petite-amie d'Élie James du temps de ses études, est professeur des Religions à l'université locale.

Paul Eastman, marié à Andromaque Vitrani depuis 1990, père de trois enfants, Hiéroclès, Athanase et Sarah, est policier et chuchoteur d'esprits.

Daniel Clancy, frère aîné de Jacques Clancy, marié à Olga Dimitrievna Beloousova depuis 1997, père de deux enfants, Irina et Paul, est chanteur de renommée locale et serveur. Il est aussi voyant.

Carl Neely, marié à Madeleine Gordon, sœur de Mélinda, depuis 1999, père de trois enfants, Daphné, Argos et Esther, est policier, collègue de Paul Eastman et de Samuelle Blair.

Samuelle, dite Sam, Blair, célibataire, est collègue de Paul Eastman et de Carl Neely.

Gabriel Lawrence, fils de Thierry et Adrastée Lawrence, célibataire, est animateur de la radio locale et passeur d'âmes.

Andréa Marino, célibataire, est conservatrice au musée d'archéologie local avant de devenir vendeuse à la boutique d'antiquités de Mélinda. Son frère, Michel Marino, est un riche avocat qui vit à Athènes.

Délia Banks, veuve, élevant seule son fils, Denis, surnommé Ned, est agente immobilière à temps partiel et vendeuse à la boutique d'antiquités de Mélinda.

Samson, dit Sam, Lucas, architecte fasciné par les temples grecs, s'établit dans la ville depuis 1997 avec son amante Nicole Papanikolaou depuis deux ans.

Josué Bellos, mari de Despina Dimopoulos depuis 1978, père de deux enfants, Persée et Valentine, est recteur de l'université locale depuis plusieurs années et professeur d'Histoire, spécialiste de l'Antiquité.


Du côté des esprits

Élie James est suivi par l'un de ses ancêtres, une certaine Hélène Balaskas-Vlachou.

Délia Banks est suivie de son mari, Charlie.

Mélinda est suivie par l'un de ses ancêtres, une certaine Aphrodita Mavromichalis-Benari.

Carl Neely est suivi par son grand-père paternel, Johann Neely.

Richard Payne est suivi par son lointain ancêtre français, Hugon Godefroy de Beaumont.

Josué Bellos a son ancêtre, Achille Manos, qui le suit.

Il y a, bien sûr, des Observateurs qui font leur travail à divers endroits. Ils sont toujours les premiers à connaître tout ce qui se passe parmi les hommes.





Le vingt-cinq août deux mille, Mélinda et Jim se marient à l'église locale. Les parents, la famille et les amis de chacun sont présents. Faith et Aiden Clancy, Élizabeth et Thomas Gordon, Olga et Daniel Clancy, Madeleine et Carl Neely, Andréa Marino et Timothée, dit Tim, Filipakopoulou sont les invités au mariage. Après la cérémonie, tout le monde fête l'heureux évènement et danse. Au son du bouzouki et d'une chanson de Daniel Clancy, Jim enlace Mélinda et le couple fait quelques pas de danse. Tournant sa tête à droite, Mélinda remarque un esprit errant près de la fenêtre, en train de dessiner un compas. Il se retourne, se sentant observé. Lorsqu'il croise le regard de la chuchoteuse d'esprits, une lueur d'étonnement se lit dans ses yeux et sur son visage. La jeune mariée le détaille néanmoins avant qu'il ne disparaisse : un homme dans la trentaine, vêtu de l'uniforme militaire de la Seconde Guerre mondiale, uniforme salie par des taches de sang autour du cœur et des tempes et des traces de sang qui parsèment le vêtement un peu partout, une ceinture autour de la taille et des bottes. L'homme aux cheveux brun foncé et aux yeux marrons, malgré la colère et la tristesse qui se remarquent dans le regard, inspire pitié, crainte et effroi à la chuchoteuse d'esprits. Jim, se penchant vers elle, lui demande :

— Encore un esprit errant, ma chérie ?

— Oui, et il a l'air particulièrement triste et étonné. Je pense qu'il est perdu... Le pauvre, se lamente-t-elle.

— Ne le laisse pas gâcher notre journée, notre mariage, ma chérie, la rassure-t-il en la serrant un peu plus contre lui.

— Jim, tu as raison, lui sourit-elle faiblement, séchant rapidement ses larmes, ses yeux pétillent à nouveau de joie.

Son mari se penche vers elle, l'embrassant tendrement sur ses lèvres, et le couple continue à danser. Jim sourit en entendant les paroles chantées de son frère, à savoir Αγάπη μου [Mon amour] de Manos Hadjidakis.

Αγάπη μου

Αγάπη μου, κορίτσι μου

ποια νύχτα θα σε φέρει

σε τούτα τ' άγια μέρη

να σε βρω την αυγή


Πήγα να γίνω άρχοντας

και συ βασίλισσά μου

μα κόψαν τα φτερά μου

και χάθηκα στη γη


Κορίτσι μου, γυναίκα μου

ο χρόνος θα με πάρει

μα δεν κάνει χάρη

στο πάθος θα χαθώ


Και συ θα γίνεις άστρο μου

και 'γω θα 'μαι η σκιά σου

παντοτινή τροχιά σου

φως άγιο που αγαπώ


Traduction

Mon amour

Mon amour, mon amante

quelle nuit t'amènera

vers ces lieux saints

pour qu'à l'aube je te trouve.


J'allais devenir roi

et toi ma reine

mes ailes ont été mutilées

et je me suis perdu dans la terre.


Mon amour, mon amante

le temps va me prendre

il n'y aura pas de grâce

je me perdrai dans la passion.


Et toi tu deviendras mon étoile

et moi je serai ton ombre

ton orbite éternelle

lumière sacrée que j'aime.


Un peu plus tard, Thomas Gordon et Aiden Clancy, avec leur épouse respective aux bras, saluent les jeunes mariés, sourires énigmatiques aux lèvres et yeux bleus pétillants de joie, tous deux convenablement vêtus d'un complet bleu marine et d'une chemise blanche pour l'occasion.

Le père de Mélinda affirme :

— Ma fille et mon gendre, Aiden Clancy et moi-même vous offrons un cadeau à l'occasion de votre mariage.

Le jeune couple promène leur regard de l'un à l'autre, intrigué.

— Nous vous avons acheté une maison récemment rénovée.

Thomas se rapproche de son gendre et lui donne un papier où est inscrit l'adresse et lui murmure :

— Mon gendre, voici l'adresse de votre maison... Je compte sur vous pour bien vous occuper de ma fille et de m'assurer des petits-enfants.

Thomas Gordon fait un clin d'œil rempli de sous-entendus à son gendre et lui donne une tape amicale dans le dos, arrachant un sourire gêné à Jim.

— Je ne faillirai pas à ma tâche. Merci beau-père et père.

Et il enlace son épouse et continue à profiter de la fête.

Une fois que tout le monde quitte la salle, le jeune couple arrive enfin dans leur nouvelle maison. Cette dernière est une petite maison blanchie à la chaux sur deux étages, un joli toit bleu ciel, prête à accueillir une famille avec deux enfants. Un jardin bien entretenu et fleuri à l'avant avec un petit chemin de pierres et un arbre agrémentent la beauté de la demeure. Arrivée devant cette dernière, Mélinda commente :

— Elle est très charmante !

— Exactement... Et notre demeure sera encore plus merveilleuse avec des enfants !

Pour toute réponse, sourire aux lèvres et yeux marron brillants de joie, elle embrasse tendrement son mari et le couple part s'endormir, fatigué de la journée.



Simultanément au mariage de Jim et Mélinda, sur l'Olympe, Zeus, traits tendus et regard lançant des éclairs d'inquiétude, convoque tous les principaux dieux dans sa maison. Il ne cesse de se passer la main droite dans sa barbe pour se calmer et de fixer, d'un air absent, les murs dorés de la salle, les belles suspensions anciennes qui parsèment l'endroit, la magnifique table en cerisier aux arabesques époustouflantes et les trônes en or avec des motifs personnalisés aux fonctions des dieux. Il leur annonce solennellement :

— Chers Olympiens, la présente rencontre est à huis clos et est une rencontre d'urgence...

Parcourant son regard l'assistance, tous les Olympiens se tuent immédiatement, cessant de boire le divin nectar et de manger l'ambroisie, mines préoccupées et sérieuses. Le dieu du ciel sourit de l'effet immédiat de ses paroles, se racle la gorge et continue son discours.

— ... Cette réunion d'urgence vise à élucider une prophétie de Gaïa, ma grand-mère. Ces paroles, Hermès, veux-tu nous la lire ?

— Oui, père, répond le dieu messager, sortant une feuille de papier de la poche interne de son manteau bleu marine usé par les voyages.

— Lis-nous la prophétie.

Hermès se racle la gorge, ajuste ses lunettes de lecture dorées sur le nez et affirme, d'une voix de Stentor, joignant un geste théâtral pour impressionner les autres :

— Paroles véridiques de Gaïa, elle dit, je cite, « Un jour viendra où les ennemis des dieux s'allieront pour les détruire. Ils sèmeront le chaos dans le monde, parmi les mortels. De ces derniers, seul un petit nombre sera digne d'être les alliés des dieux, hommes hors de l'ordinaire. Race divine, race mortelle et race spirituelle devront s'unir pour la plus grande victoire avec leur progéniture. Enfants qui changeront le cours de l'Histoire, enfants qui sont la clé du combat. »

— Merci Hermès ! tonne Zeus.

Les Olympiens s'entr'observent, inquiets de la prophétie, mais ne soufflent mot.

Quelques minutes plus tard, dans un lourd silence, l'élégante et grande déesse au diadème d'or, au sage voile blanc brillant comme la neige la plus virginale sur les cheveux, aux traits délicats, aux grands yeux bruns chaleureux et brillants d'un éclat aveuglant pour les mortels, vêtue d'une large robe vert-jade, assise sur le trône voisin à celui de Zeus prend la parole.

— Mon noble époux, la prophétie nous informe d'un danger imminent, non ? ...

L'interpellé opine du chef.

— ... Et nos ennemis depuis longtemps dans le sommeil du Tartare, les Titans, seront réveillés par quelqu'un... J'ignore qui, mais certainement pas moi... Et ces monstres nous déclareront la guerre. Notre seule possibilité de survie et de s'allier avec les mortels et les esprits. Et certains d'entre nous... Et Zeus, n'y pense même pas...

Héra lance un regard noir à son mari qui ne cille même pas à sa menace, habitué depuis les millénaires de vie commune.

— ...s'uniront avec des mortels pour que ces demis-dieux nous aident lors du combat... Il y a plusieurs des nôtres qui sont célibataires. Voilà une belle occasion pour se marier et trouver une stabilité de couple, non ?

— Héra, belle-mère, reine des Olympiens, la fille de Cronos aux bras blancs, murmure posément Athéna, vous oubliez qu'Artémis, Hestia et moi-même sommes des déesses vierges pour l'éternité.

— Mais vous négligez, jeune femme, lui réplique la Reine, petit sourire dans le coin des lèvres, que vos serments peuvent être annulés aisément, puisque personne n'a juré sur le terrible et redoutable Styx, mais uniquement sur mon terrible époux, le très tonnant Zeus, le Cronide. Des serments prononcés sur le Styx, je ne les prends point à la légère ! Mais comme ce n'est pas votre cas, vous n'êtes jamais enchaînées à vos vœux de virginité et de chasteté pour toujours, mesdemoiselles.

Les trois déesses vierges, Athéna, Artémis et Hestia, tournent simultanément leur tête vers Héra, yeux agrandis d'étonnement et d'incrédulité. Le couple dirigeant éclate de rire en notant la réaction des déesses.

— Frérot, chuchote Artémis au dieu assis à sa droite...

Cette belle et élégante déesse est vêtue d'un court chiton brun, aux cheveux brun foncé et aux yeux gris brillant de sauvagerie, aux traits délicats. Seul son arc et son carquois plein sur le dos, en bandoulière, rappelle sa nature dangereuse d'archère aux traits infaillibles.

— ... Je n'hallucine pas, ou bien Zeus et Héra sont tombés sur la tête, ont bu verre de nectar alcoolisé trop fort pour eux, une ivresse des hauteurs les ait pris, ou bien l'effet de vivre autant de millénaires mariés...

— Sœurette, tu es drôle ! Mais je pense que ta piste de réflexion n'est pas bonne, s'exclame Apollon d'une petite voix pour ne pas attirer l'attention des Olympiens sur eux.

Le dieu lumineux et solaire des Arts et de la Médecine, vêtu d'une chemise de soie blanche et d'un pantalon beige, agitant sa blonde chevelure et tournant ses charmants yeux bleus vers l'assemblée, se racle la gorge, se lève et ajoute d'une voix puissante :

— Chers Olympiens, je sais, avec certitude, que seul un homme et seule une femme de la race des mortels seront les dignes géniteurs de nos demis-dieux... Même s'il y a plusieurs candidats...

— Mais comment les repérer ? demande, très intéressé, Arès.

Ce dieu imposant, auparavant assis négligemment sur son siège, s'est redressé, cliquetant le fourreau de son épée contre son armure moyen-âgeuse aux armes de la famille, ses yeux sombres encore plus brillants lorsqu'il est question de femmes. Il retire adroitement, avec sa main droite, son casque de sa tête, laissant ses cheveux noirs en désordre, qu'il dépose sur ses genoux pour ne pas paraître trop intimidant ou militaire.

— Telle est la question, Fléau des mortels ! lui réplique amèrement Artémis.

— Collègue, ajoute calmement Athéna, ajustant son gilet vert forêt tricoté imitant le Gorgonéion, il y aura nécessairement un indice, un mortel digne de nos faveurs et d'être père ou mère d'un demi-dieu n'est pas un mortel ordinaire... Il doit soit présenter du sang royal dans ses veines, soit une capacité hors de l'ordinaire... énumère la déesse, mine pensive.

— Intéressante réflexion, s'exclame Zeus. Mais Tritogénie, ma fille bien-aimée, n'oublie pas que le dernier roi, Constantin II, n'est plus au pouvoir depuis 1973...

— Ah ! Merci pour le rappel, père ! Donc la seconde hypothèse est à retenir.

— Ceux que vous cherchez, vous, Immortels, sont tous concentrés dans une ville de notre pays, s'exclament trois voix féminines intemporelles à l'unisson, trois voix que les dieux redoutent et qu'ils ont rarement entendues en plusieurs millénaires.

Tous les dieux tournent leurs têtes, craignant la présence des Moires, vers les nouvelles venues. Ces dernières sont les trois terribles déesses, vêtues d'ample robe vert émeraude, qu'une ceinture d'or vient accentuer leur forme féminine, aux cheveux noir-nuit dénoués, retombant en cascade sur leurs épaules, aux yeux marrons qui brillent d'un éclat particulier, regard qui semble dire « Nous savons le passé, le présent et le futur. Rien ne nous est inconnu ou secret », donnent un frisson aux Olympiens réunis qui attendent une réponse plus claire. Leur sourire et leur joie se glacent en les voyant, une angoisse se lit sur leur visage et dans leurs yeux.

— Vous les reconnaîtrez aisément, complète Clotho. Un seul signe suffit.

Soudain, les Moires s'éclipsent dans un tourbillon de lumière dorée.

— Les filles peuvent s'occuper des effets spéciaux dans des films, si elles s'ennuient à filer les vies ! commente Zeus avec humour.

Toute l'assemblée éclate de rire, un rire olympien.

— ... Mais revenons à plus sérieux, continue le Cronide à la sombre nuée une fois le calme revenu. Quelqu'un à une idée de la ville et de l'identité des mortels ?

— Je suggère, affirme Hermès, mine sérieuse, remplaçant sa mine espiègle habituelle, la ville de Trikala, ville qui porte le nom de la fille du fleuve Pénée, Trikki, et ville où Asclépios est né et a vécu.

— N'as-tu pas d'autres raisons ? l'interroge Zeus, curieux.

— Oui... Aussi, j'ai remarqué une concentration particulière de chuchoteurs d'esprits... Ce qui n'est pas habituel. Parfois, un seul chuchoteur d'esprits s'occupe de plusieurs villes et villages, voire d'une région entière. Donc une telle concentration est certainement un signe qui devrait retenir notre attention sur la ville mentionnée...

— Intéressant, intéressant, murmure son père, passant une main dans sa barbe bien fournie. Hermès, je retiens ta suggestion. Quelqu'un a une autre idée ou approuve l'idée de notre messager ?

— Père, affirme Athéna, yeux pers brillant d'une lueur intelligente et fière, je suis entièrement d'accord avec l'idée de Hermès... Son raisonnement est absolument logique !

— Passons au vote, puisque personne n'a d'autres suggestions ! Qui pense que les mortels, nos alliés, se trouvent à Trikala ? Levez la main.

Toute l'assemblée, à l'acception de Dionysos, lève la main.

— Qui pense que les mortels se trouvent dans une autre ville ? Levez la main.

Personne ne se manifeste.

— Qui s'abstient de voter ?

Le dieu du Vin lève sa main.

— Très bien ! conclut le chef des dieux. Hestia, Athéna et Artémis, vos vœux sont levés jusqu'à la réalisation de la prophétie...

Les trois déesses vierges s'entr'observent, incrédules.

— ... Et Arès, Athéna, Apollon et Artémis, vous parcourez, secondés de notre messager, la ville de Trikala pour repérer ces mortels et les entraîner convenablement. Une fois que vous les repérez, je viendrai personnellement m'occuper de les entraîner avec vous ! Aussi, Olympiens, il faut s'entraîner aux armes et réfléchir aux stratégies militaires, afin que nos ennemis ne nous prennent pas au dépourvu !

Les dieux mentionnés et l'assemblée opinent du chef à son attention.

— Séance ajournée ! tonne Zeus.

Tous les Olympiens quittent immédiatement la salle de réunion. Athéna, Artémis, Hermès, Arès et Apollon s'envolent immédiatement pour Trikala respectivement sous la forme d'une chouette chevêche, d'un épervier, d'un faucon, d'un vautour et d'un cygne.

Arrivé devant les portes de la ville, Hermès informe les autres déités :

— Chers Olympiens, nous sommes devant la ville où les mortels hors de l'ordinaire vivent. Il y en a au moins trois qui discernent les âmes perdues et trois à quatre mortels qui peuvent être intéressants. Je connais les noms des chuchoteurs d'esprits, Mélinda Gordon-Clancy, Paul Eastman et Élizabeth Moustaki-Gordon. Les deux femmes sont mère et fille et l'homme est un policier. Il y a aussi un chuchoteur d'esprits négatif, allié inconscient de nos ennemis, Gabriel Lawrence, l'animateur de la radio locale. Sinon, j'ignore l'identité des autres mortels... ou plutôt, je n'en suis pas certain... J'ai quelques noms, mais aucune certitude.

Tous approuvent ses propos et, sous forme humaine, sillonnent les rues de la ville, guettant les mortels pour repérer les hommes qui deviendront leur allié.



Le lendemain matin, Mélinda se réveille à l'aube pour boire un peu d'eau. Devant la porte de la cuisine, une silhouette masculine l'attend, le même esprit que le jour de leur mariage quelques heures plus tôt. Elle sursaute lorsque le militaire s'avance vers elle et lui murmure :

— Aidez-moi ! Je me rappelle être tué par un ennemi... J'ai peur pour ma femme et mon fils...

— Qui êtes-vous ? demande-t-elle les yeux agrandis d'effroi en discernant de plus près les traces de sang sur l'uniforme.

— Je suis un célèbre militaire. J'ai obtenu l'Étoile commémorative des campagnes de 1941 à 1945 des Forces Terrestres pour m'être illustré à maintes reprises.

— Votre nom ! s'impatiente la jeune mariée.

— Ah ! Mes excuses, je suis Thésée Papazoglou.

— Pour votre information, votre femme et votre fils n'ont pas à crainte les nazis et les fascistes, notre pays est libéré de ces monstres depuis... mai 1945 et nous sommes août 2000, donc aucun danger à craindre !

Étonné, le soldat s'en va. Mélinda soupire.

Après le petit-déjeuner, elle passe dans sa boutique, saluant les deux employées, Andréa Marino et Délia Banks. La première est derrière le comptoir qui fait office de caisse, la seconde rend de l'ordre pour une meilleure présentation des antiquités. Elle se rend dans l'arrière-boutique, cherchant le plus d'informations sur Thésée Papazoglou. Elle trouve qu'il est un militaire grec de la Seconde Guerre mondiale, âgé de trente ans en 1945. Mort le 29 janvier 1945, tué par un soldat italien fasciste, il a un fils, Anaximène, né en 1940, de sa femme, Andromaque. Son fils, marié en 1965 à Agathe Oikonomou, est père de deux garçons, Mélénas et Aristide, nés respectivement en 1968 et en 1969, eux-mêmes mariés et pères.

Éteignant l'ordinateur, elle remarque l'esprit errant du soldat devant elle qui l'observe, confus. Ouvrant la bouche pour communiquer ses recherches, une voix masculine éthérée, derrière son dos, ordonne :

— Thésée Papazoglou, pourquoi êtes-vous si incroyant ? Prêtez foi à mes paroles, mortel ! Votre femme n'est plus parmi les vivants depuis 1993 et rien de mal ne lui est arrivé. Elle a passé ses vieux jours entourée de ses petits-enfants. Elle a raconté vos exploits à ces derniers. Vos descendants sont fiers de vous !

La chuchoteuse d'esprits et le militaire se retournent vers la voix et notent la présence d'un homme aux sandales ailés, au casque doré ailé, vêtu d'un pantalon bleu marine, d'une chemise blanche et d'un vieux manteau bleu marine usé, au regard pétillant de malice et aux traits délicats, avec son emblématique caducée à la main droite. Nul autre qu'Hermès pensent la mortelle et l'esprit errant. Ils le saluent poliment et attendent qu'il complète sa pensée.

— Et aussi, vaillant militaire, continue le dieu, Arès et Athéna eux-mêmes reconnaissent votre bravoure au combat, ce qui n'est pas une flatterie ! Parlant de vous, ils ont dit, je cite, « Vous êtes l'un des rares Thésée à être un homme vaillant et excellent militaire. » Et vous savez qu'ils ne jettent pas des compliments si facilement !

— Merci, répond, très ému, larme dans le coin des yeux, l'austère esprit errant.

— Jeune mariée, lui demande le dieu, voulez-vous transmettre aux descendants la reconnaissance divine de la bravoure de leur grand-père ? Je pense bien qu'ils seront doublement fiers de leur ancêtre !

— Oui, Hermès, je le ferai.

Le dieu s'envole vers les hauteurs éthérées, l'esprit errant disparaît et Mélinda cherche les adresses où vivent les petits-enfants et les enfants du défunt militaire. Le soir, elle explique à son mari le cas de Thésée Papazoglou et de l'intervention du dieu messager. L'ambulancier commente :

— Intéressant que les dieux observent nos actions ! Et sérieusement, je t'accompagnerai demain pour retrouver les petits-enfants et le fils de l'esprit errant.

— Merci, Jim ! Un vrai gentleman !

Et le couple s'endort, enlacé. Mélinda, dans son rêve, comprend la mort de Thésée Papazoglou et remarque un étrange détail, le fasciste est possédé au moment du combat.

La chuchoteuse d'esprits se réveille en sueur, le cœur battant à la chamade, comprenant que l'entité qui a possédé l'Italien fasciste est très sombre et continue à exister de nos jours. Se levant pour boire de l'eau, elle rencontre le militaire qui lui murmure :

— Mon meurtrier était possédé par un démon qui rit ! Terrible ! J'ai peur que ce démon vienne frapper ma femme, mon fils et mes petits-enfants.

— Vous n'avez pas à vous inquiéter. Vous constatez vous-mêmes que rien n'est arrivé de mal à votre femme, à votre fils et à vos petits-enfants. D'ailleurs, ce que vous considérez être un démon peut être un esprit errant malveillant.

— Votre raisonnement est juste, mais ce démon m'inquiète néanmoins !

Sur ces paroles, il s'évapore. Mélinda revient aux côtés de son mari, le réveillant. Le couple, après le petit-déjeuner, vaque à ses occupations, Jim se prépare pour aller travailler et Mélinda à sa boutique d'antiquités.


Quelques minutes plus tard, sillonnant les rues de la ville depuis plusieurs heures, Artémis et Hermès — revenu de sa visite de la chuchoteuse d'esprits – s'arrêtent devant une boulangerie, observant les environs. La déesse soupire, énervée et impatiente. Hermès sourit à son attitude et lui demande :

— Arté, veux-tu aller dans le parc de la ville ? Nous pourrons repérer là-bas les mortels qui nous intéressent... Au moins, pour se changer les idées.

— Bonne idée Hermès, mais je ne suis pas Arté, mais Artémis ! s'énerve-t-elle, portant la main à son arc et à son carquois.

— Je pensais qu'Arté, c'est un diminutif sympathique, non ? Sauf si tu préfères Artémioutchka ?

— C'est vrai qu'à l'oreille, c'est mieux... la seconde option... Voire qu'elle est très tendre, murmure la déesse, rêveuse, petit sourire aux lèvres. C'est mieux qu'Arté, comme la chaîne Arte, surtout lorsque tu sais mes habitudes d'être dans le monde civilisé. J'en suis offusquée !

— Mes excuses, Artémis, je ne voulais pas provoquer ton terrible courroux sur moi ! Et tu as raison, Artémioutchka sonne mieux, lui lance-t-il sur un ton malin.

La déesse lui lance un regard foudroyant et lui éructe :

— Hermès, tu m'énerves ! Mais je me rends à ton avis. Allons au parc ! J'espère que les autres ont plus de chance que nous ! Et arrête de m'exaspérer et de me taquiner, Hermès !

— Surtout Athéna et Arès qui patrouillent l'université locale et ton frère, qui est Dieu-sait-où, parviendront bien à identifier les mortels... continue le dieu, ignorant la réaction de la déesse. Mais veux-tu que je te montre les mortels chuchoteurs d'esprits ?

— Oui, pourquoi pas ?

— Arrêtons-nous dans le parc, puis nous verrons.

Après une halte de quelques minutes, les deux déités se rendent au marché où ils rencontrent Gabriel Lawrence, entouré de ses démons et sombres esprits.


En parallèle, devant l'université locale, Athéna et Arès, habillés comme des étudiants pour ne pas attirer l'attention, flânent dans les corridors, épiant les professeurs et les étudiants pour essayer de reconnaître les mortels de la prophétie. La déesse, s'arrêtant devant la salle de classe de Richard Payne, tend l'oreille, cachée par la porte ouverte. Elle annonce par télépathie à son collègue :

— Arès, je pense trouver l'un des mortels qui nous intéressent.

— Qui ? Un étudiant ou le professeur.

— Le professeur, bien sûr ! Je suis très certainement Athéna aux yeux de chouette, mais je n'ai pas des yeux à rayonnement Roentgen ! explose la déesse aux yeux pers.

— Que penses-tu de mon plan d'éclaireur, à savoir de rentrer dans la salle, invisibles à tous, pour mieux cerner notre candidat ?

— Excellente idée !

Les deux collègues immortels, sous forme de mouches, entrent dans la classe et se perchent sur le plafond, observant les étudiants et le professeur. Après quelques minutes ainsi, Arès déclare :

— Tu as raison, collègue ! Le candidat est effectivement le professeur. Par contre, il aura besoin de beaucoup d'entraînements pour être un bon militaire !

— Arès, Arès, Fléau des mortels, ne tue pas notre candidat en deux séances d'exercices ! N'oublie pas que les livres sont sa plus grande activité physique, outre la marche et la marche rapide. Il ne faut pas l'épuiser avant les grands combats. Il est facile pour toi de t'entraîner ainsi, tu as des millénaires d'expériences dans l'art de la guerre. D'ailleurs, parlant de l'art de la guerre, as-tu enfin acheté L'Art de la guerre de Sun Tzu ?

— Oui, ouuuiiiii et oui-da ! Je l'ai acheté il y a deux semaines !

— Très bien, mais as-tu commencé à le lire ? l'interroge-t-elle, le regardant de dessous, comme si elle portait des lunettes.

— Oui, je le relis déjà pour une troisième fois !

— Très bien ! Donc retenons le nom du professeur, Richard Payne.

Arès sort un petit cahier et note le nom du professeur et commente :

— Mais il est marié. Faudrait-il aussi amener sa femme ?

— Pourquoi pas ? Surtout que sa femme peut agir comme une motivation pour continuer à se battre... Ce qu'il ne faut pas négliger en bon stratège que nous sommes... Sans oublier que nous éliminons l'angoisse du manque d'informations lors de l'attaque sur le front principal et Hermès ne doit pas embaucher encore plus de pigeons voyageurs, ou pire, inventer un nouveau système de messagerie instantanée ou trop travailler comme héraut, alors qu'il doit se battre ou entraîner nos hommes.

— Excellent ! J'irai voir sa femme, il me semble qu'elle est professeur aussi. Comment s'appelle-t-elle déjà ?

—Catherine Christopoulos-Payne, depuis son mariage, professeur de littérature, spécialiste de Homère. Son Département est voisin à celui de son mari.

— Wow ! Athéna, ta mémoire ne cesse de m'étonner !

— Je n'ai pas que les stratégies militaires dans la tête, mon vieux collègue ! Je sais être pacifique dans la vie, contrairement à toi !

Le dieu se renfrogne à son commentaire et s'envole jusqu'au bureau de l'épouse du professeur. Cette dernière est à son bureau, discutant avec un étudiant.

— Je pense que nous avons terminé notre tournée à l'université, collègue ! Allons dans la station de police, nous trouverons des hommes aptes à manier les armes. Qu'en penses-tu ? l'interroge le dieu.

Elle opine du chef. Et les deux collègues immortels s'envolent, sous forme de moineaux, vers la station de police, perchés sur un arbre, observant les policiers qui entrent et sortent.

Une heure d'observation plus tard, le dieu de la Guerre affirme à sa collègue :

— Athéna, je m'ennuie à observer ces futiles mortels. Rien qui vaille pour la guerre !

— Attend encore un peu. Sinon, nous entrerons bientôt dans la station.

Après leur tournée de l'endroit sous forme d'un petit insecte volant, ils repèrent trois candidats, Paul Eastman, Carl Neely et Samuelle Blair. Ils reviennent dans le parc où Artémis et Hermès les attendent, assis sur un banc, l'un à côté de l'autre, observant les enfants jouer. Les deux déités militaires les saluent et les informent de leurs trouvailles. Tous attendent le retour de leur dernier collègue en mission, Apollon.


Simultanément, Apollon rôde près des différentes pharmacies et des cabinets des médecins. Il passe à l'hôpital, et repère Jim Clancy. Mais il est certain qu'il y a encore un autre mortel... Il se promène dans les rues, sans but précis, espérant discerner un cabinet de psychologue ou un endroit où un mortel particulier peut être. Deux heures vaines à parcourir les rues de la ville exaspère le dieu. Lunettes solaires sur le nez, cachant ses yeux bleus, Apollon remarque un homme entrer au cabinet d'Élie James. Il le suit, intrigué. Dans la salle d'attente du psychologue, une fois que le professionnel est entré avec son patient, il se métamorphose en mouche pour observer le cabinet et écouter la conversation. Il conclut qu'il est l'un des mortels recherchés. Il revient rapidement à sa place, avant que le professeur sorte avec son patient mortel. Le professeur de psychologie affiche son plus sincère sourire au dieu, reconnaissant en lui quelque chose d'indescriptiblement différent, mais il ne saurait mettre le terme exact pour l'instant. Il salue respectueusement le jeune homme particulier et l'invite dans son cabinet. Élie James est très gêné du nouvel arrivé. Apollon se lève de sa chaise et s'arrête en face du mortel et s'exclame :

— Jeune homme, je vous cherchais depuis longtemps et je vous ai trouvé ! Excellent ! Mais je vous avertis que tout ne sera pas simple ! ... Aussi, vous rencontrerez bientôt votre future épouse qui n'est pas encore consciente de votre existence, comme vous de la sienne... Ne désespérez pas de trouver votre âme-sœur !

Le psychologue ne bouge pas du petit doigt, néanmoins gêné des affirmations prophétiques et des yeux intemporels du dieu sur lui. Un regard qui le transperce comme des rayons solaires, un regard qui, lorsqu'il l'observe brièvement, ne peut aucunement le soutenir, frappé par l'intemporalité vertigineuse et les nuances d'émotions qui se reflètent. Des états aussi variés que la déception, la joie, la colère, la jalousie, la rancœur, la bonté, la fierté, l'amour paternel, la soif de vengeance, la pitié, la compassion et tant d'autres expressions. Élie James, fixant ses mains et le papier posé sur son bureau, interroge le dieu :

— Monsieur, qui êtes-vous ? Pourquoi me cherchiez-vous ? D'où viennent toutes ces certitudes ?

— Une question à la fois, le philosophe, le taquine le dieu. Disons que je suis un être vivant vieux de plusieurs millénaires... Je suis Apollon...

— Comme le dieu ! s'étonne le psychologue.

— Non pas comme le dieu, mais je suis ce dieu hyperboréen... s'offusque-t-il.

Le mortel, ébahi, fixe l'Immortel, les yeux écarquillés, la bouche entr'ouverte pour dire quelque chose, mais les mots ne lui viennent pas, ressemblant à un poisson hors de l'eau. Sa main droite griffonne fébrilement sur le papier les informations mentionnées.

— ... Je vous cherche parce que je sais que vous êtes un mortel particulier qui doit nous aider dans une mission spéciale.

Baissant les yeux pour lire ses notes, le professeur de Psychologie et psychologue relève la tête et demande, intrigué :

— Une mission spéciale ? Comme une mission militaire, une mission diplomatique ou une mission de délégué ?

Le dieu rit à la question, laissant Élie James perplexe et angoissé pendant quelques minutes. Apollon se ressaisit, passant sa main droite dans sa blonde chevelure pour se calmer du fou rire.

— Disons, mortel, que votre mission est un peu en tous ces sens, lui affirme posément et sérieusement le dieu, l'observant à la dérobée.

— .... Euh ! s'exclame le professeur en lâchant ses notes et son stylo, attrapant sa tête entre ses mains, désespéré. ... Je ne suis pas un militaire, j'ai horreur du sang !

— N'oubliez pas l'expression préférée de Héphaistos Übung macht den Meister!

— C'est en forgeant qu'on devient forgeron, traduit le mortel, confus.

— Et de même c'est en maniant un arc qu'on devient archer !

— Oui, très exactement... Mais ne pensez-vous pas que je devienne archer ?

Apollon, ses yeux bleus riants, soupire :

— Vous pensiez à quoi ? Que je blague ! Bien sûr que non ! Je suis très sérieux. Vous deviendrez archer, que vous vous réjouissez ou non, vous n'avez guère le choix. Vous opposez revient à collaborer avec les ennemis, conclut-il sur un ton glacial, donnant un frisson dans le dos de son interlocuteur.

— Apollon, bredouille-t-il, tremblant comme feuille au vent, ... Je ne veux pas vous fâcher, mais votre demande est très particulière...

— Je le sais bien, le coupe abruptement l'Olympien, exaspéré, ses yeux bleus assombris couvent une grande colère, que nous, les dieux, ne rendons pas souvent visite aux hommes de la race de fer. Raison pour laquelle vous devez réfléchir à notre intérêt pour vous ! Vous êtes différent de vos semblables, les mortels. Vous entendez les esprits, vous parlez avec eux ! En plus d'être médecin de l'âme et ami de la sagesse. Vous êtes une rare conjonction d'intérêts parmi les mortels... La plupart des hommes sont futiles, insignifiants et insipides... Vous êtes particulier dès votre naissance, le ciel en est témoin ! J'ai demandé à Uranie votre carte du ciel pour confirmer mon idée... Et j'ai raison !

— ... Ah ! Euh ! Très bien. Il laisse ses épaules s'affaisser de résignation. Je vais me plier à l'entraînement.

Apollon affiche son sourire le plus rayonnant, s'approche à deux centimètres du mortel et lui exulte :

— Jeune homme, lorsque je reviendrai à votre cabinet, il faut que vous ayez déjà vos bagages avec vous. N'oubliez pas certains livres ! À la prochaine !

— Quels livres ?

— Vous le saurez.

Et le dieu s'envole par la fenêtre sous la forme d'un immense et élégant cygne blanc. Le mortel est abasourdi de la rencontre. Il s'allonge sur le siège réservé à ses patients et s'interroge :

— Élie, est-ce que tout ça est vrai ou je rêve ? Suis-je dans la réalité ou dans une obscure farce ? Les dieux existent ? Sont-ils des archétypes comme le supposait Carl Gustav Jung ? L'Inconscient collectif serait bien réel alors ? Et l'anima ? ... Élie, ne divague pas ! Aie des pensées optimistes, n'assombris pas l'esprit avec des combats futurs contre un ennemi dont tu ignores tout ! Restons dans le moment présent... Maintenant, je suis très déstabilisé par les paroles de ce dieu Apollon... Surtout que je suis très intrigué de savoir l'identité de ma future épouse, maintenant qu'il me l'a mentionnée.... Et ses paroles ne peuvent pas être mensongères ! Moi qui désespère de me marier, j'entends que je vais trouver femme ! Quelle joie en mon pauvre cœur de vieux garçon ! Ironiquement, Apollon est aussi un vieux garçon et il me parle de mariage prochain ! J'espère qu'il aura la chance de rencontrer une femme digne de lui. ... J'ai l'impression de discerner en lui une figure paternelle que mon propre père, Ray, n'a pas été souvent... Perturbant ! J'ai l'impression de déjà-vu... Mais je n'entends pas les esprits... Sauf s'il parle d'un évènement futur, je ne saurai le dire... Je préfère mieux ne pas imaginer ce que serait cette capacité d'entendre les défunts... Effrayant !

Sur cette auto-analyse, le psychologue revient chez lui, très perturbé. Il est heureux qu'il n'a pas de cours à donner, parce qu'il doit reconnaître qu'après une telle rencontre, il ne pourrait être calme et posé.



Le surlendemain, Mélinda et Jim se rendent à Larissa et à Pharsale pour rencontrer les descendants de l'esprit errant. Frappant à la porte d'Anaximène, la jeune épouse de l'ambulancier est très inquiète d'essuyer un refus et une méfiance de la part du fils de Thésée Papazoglou. Jim serre tendrement sa main en signe de son soutien indéfectible, lui arrachant un sourire. Le couple est accueilli par une vieille femme aux cheveux gris, au visage ridé, aux yeux bruns bienveillants, aux traits délicats, élégante et charmante silhouette féminine, malgré son âge, qui inspire intelligence, confiance et bienveillance. L'épouse d'Anaximène est vêtue d'une large robe bleu ciel avec des motifs étoilés. Elle les invite au salon, leur servant une tasse de thé.

— Pour quelle raison êtes-vous venus chez moi, jeune couple ? les interroge poliment de sa voix harmonieuse la vieille femme.

Les interpellés affichent un sourire courtois et Mélinda affirme posément :

— Je suis venue pour vous transmettre certains faits et certaines paroles concernant le père de votre mari, Thésée Papazoglou.

— Précisez votre pensée, madame... lui demande, intriguée, Agathe.

— Mélinda Gordon-Clancy.

— Et êtes-vous consciente que le père de mon mari est défunt depuis longtemps ? Que Dieu ait son âme ! Qu'il repose en paix !

La chuchoteuse d'esprits sourit en discernant Thésée à la gauche de sa bru lui affirmant froidement :

— Merci de me rappeler que je ne suis plus parmi les vivants ! Je l'ai bien remarqué !

— Je le sais bien que feu Thésée Papazoglou est défunt, mais j'ai un don depuis ma plus tendre enfance...

Anaximène entre dans la pièce, étonné de voir des inconnus dans son salon, et lance un regard interrogateur à sa femme, s'assoyant à ses côtés.

— Je suis Mélinda Gordon-Clancy, née avec un don particulier, celui d'interagir normalement avec les esprits errants, ou fantômes, ou âmes perdues.

— Interagir normalement avec les défunts, qu'est-ce que cela signifie ? l'interroge, sceptique, le vieil homme aux yeux foncés brillants de méfiance. Vous appelez les esprits, sorcière !

Il se signe. Mélinda soupire et éructe, regard brillant de colère et d'exaspération :

— Anaximène Papazoglou, je ne suis pas une sorcière ! Que puis-je faire avec mon don singulier de voir et communiquer avec les esprits errants comme je le fais présentement avec vous ? Je l'utilise pour faciliter le passage de ces défunts perdus dans l'Au-Delà ! Je ne les invoque jamais ! Gardez dans votre esprit que, souvent, j'aimerai bien ne pas avoir ce don, d'être comme les autres hommes, mais je ne peux me sauver de moi-même !

— Intéressant, commente Agathe. Et mon amour, laisse-la au moins s'expliquer et nous transmettre le message de ton père.

— Très bien, maugrée-t-il, croisant ses bras sur sa poitrine.

— Mes excuses de m'être emportée, affirme calmement la chuchoteuse d'esprits, baissant son regard avant de continuer. ... Revenons à mon point... J'ai récemment vu votre défunt père, perdu. Il pense que les fascistes et les nazis contrôlent encore le pays. Il craint pour sa femme et pour vous... Aussi, Hermès, le dieu, est venu et il veut que je vous transmette ses paroles concernant votre père...

Anaximène décroise ses bras, intrigué, regard interrogateur et incrédule. Agathe est étonnée, mais demeure coi par politesse.

— Hermès affirme que votre père a été un vaillant militaire, brave soldat dont Arès et Athéna reconnaissent le mérite. Ce qui est tout un honneur, au même titre, si ce n'est même plus, que les multiples médailles que Thésée a obtenu de son vivant et post-mortem.

L'esprit errant sourit à l'antiquaire.

— Je vois bien que mon fils est correct. Le méchant esprit qui a possédé mon meurtrier ne rôde pas. Maintenant, allons chez mes petits-enfants !

— Hermès... Comme le dieu ? demande Anaximène.

— Exactement.

— Alors je suis très flatté d'avoir un si illustre père ! Tout un honneur ! s'exclame-t-il. Merci de m'informer de ces propos !

— Je ne fais que mon travail.

Anaximène se lève de son siège, serre la main droite de Mélinda, sourire radieux et sincère. La chuchoteuse d'esprits et son mari quittent en bons termes le vieux couple et continuent leur visite aux petits-enfants. Ces derniers se montrent plus sceptiques, mais Hermès intervient pour leur confirmer les paroles de Mélinda.

Une fois les visites terminées, la chuchoteuse d'esprits enlace son mari et lui affirme :

— Voilà qui est fait ! Nous avons informé le fils et les petits-enfants de Thésée Papazoglou. Cet esprit errant est clairement rasséréné, maintenant qu'il sait que les siens sont en sécurité.

— Merci madame ! s'exclame l'esprit. Je me sens tellement léger.

Il se tourne à sa droite, sourire des plus radieux et regard brillant, comme s'il contemplait le soleil directement.

— Je vois là-bas une lumière ô combien divine ! Est-elle pour moi ? murmure-t-il

Émue, larmes dans le coin des yeux, elle opine du chef et bredouille.

— Oui... Cette lumière est pour vous... Vous êtes prêt à partir définitivement le monde des vivants.

— L'esprit va bientôt nous quitter ? lui demande Jim.

Son épouse approuve d'un geste de la tête, toujours le regard tourné vers le défunt.

— Je vois ma chère et douce Andromaque... Mon amour, j'arrive.

Et l'esprit errant du militaire s'avance vers cette Lumière jusqu'à ce qu'elle l'enveloppe. Mélinda, ne le discernant plus, affiche un sourire joyeux et des larmes de joie au départ de Thésée et constate un regard insistant sur elle. Un grand homme de quarante ans, vêtu d'un chandail et d'un pantalon beige, aux traits tirés et tristes, la fixe intensément et lui dit :

— Vous me voyez ?

Jim, promenant son regard de sa femme à l'endroit qu'elle fixe, lui demande, inquiet :

— Mél, es-tu correcte ? On peut rentrer à la maison ? Ou viens-tu de voir un autre esprit ?

— Oui, oui, répond-elle d'un air absent.

— Oui à qui ? demandent à l'unisson l'ambulancier et l'âme perdue.

— À vous deux ! Oui, Jim, on rentre à la maison, mais avant je passerai à la boutique. Et oui, monsieur, je vous vois.

— Ah ! s'exclament-ils à l'unisson, la chuchoteuse d'esprits sourit à leur réponse simultanée.

— Allons-y !

Sur ces paroles, Jim revient à la maison, son épouse passe dans sa boutique, s'informant auprès d'Andréa et de Délia sur la vente et rangeant quelques antiquités, et le mystérieux esprit la suit, très intrigué que quelqu'un l'ait remarqué.


Mélinda, rangeant des antiquités diverses demande à l'esprit errant :

— Monsieur, quel est votre nom ? Pourquoi restez-vous encore parmi les vivants ?

— Je suis Stéphane Apostolopoulos, bibliothécaire, apothicaire et astrologue. Je reste encore parmi les vivants pour poursuivre mon meurtrier et protéger mes enfants de ce monstre...

— Stéphane Apostolopoulos, ...

Mais l'esprit errant s'en va, laissant la jeune femme seule et angoissée. Celle-ci termine de ranger des objets et revient derrière le comptoir.


Quelques heures plus tard, elle salue les deux employées et sort de la boutique, s'arrêtant dans le parc avoisinant son commerce pour se changer les idées avant de revenir chez elle.

Assise sur un banc, fixant le vide devant elle, réfléchissant à toute sa journée et au cas de l'esprit errant du bibliothécaire, la chuchoteuse d'esprits est certaine d'avoir déjà entendu le nom de Stéphane Apostolopoulos de quelqu'un, mais de qui et dans quelle circonstance ? Sa mémoire lui fait défaut. Soudain, l'antiquaire entend une belle voix masculine psalmodiée une chanson allemande, à savoir celle de Herbert Grönemeyer, Kinder an die Macht! [Les enfants au pouvoir !].

Kinder an die Macht!

Die Armeen aus Gummibärchen

Die Panzer aus Marzipan

Kriege werden aufgegessen

Einfacher Plan - kindlich genial


Es gibt kein Gut, es gibt kein Böse

Es gibt kein Schwarz, es gibt kein Weiß

Es gibt Zahnlücken. Statt zu unterdrücken,

Gibt’s Erdbeereis auf Lebenszeit.

Immer für 'ne Überraschung gut …


Gebt den Kindern das Kommando,

Sie berechnen nicht, was sie tun.

Die Welt gehört in Kinderhände!

Dem Trübsinn ein Ende!

Wir werden in Grund und Boden gelacht.

Kinder an die Macht!


Sie sind die wahren Anarchisten

Lieben das Chaos, räumen ab

Kennen keine Rechte, keine Pflichten

Noch ungebeugte Kraft,

Massenhaft ungestümer Stolz


Gebt den Kindern das Kommando!

Sie berechnen nicht, was sie tun.

Die Welt gehört in Kinderhände!

Dem Trübsinn ein Ende!

Wir werden in Grund und Boden gelacht.

Kinder an die Macht!


Traduction

Les enfants au pouvoir !

Des armées d’oursons de gomme

Des tanks en pâte d’amande

Les guerres sont toutes dévorées

Plan simple - Génie enfantin


Il n’y a pas de Bien, il n’y a pas de Mal

Il n’y a pas de noir, il n’y a pas de blanc

Les dents manquent au lieu de l’oppression,

Il y a de la glace aux fraises

Toujours prêts pour une surprise…


Donnez le commandement aux enfants

Ils ne calculent pas ce qu’ils font.

Le monde appartient aux enfants !

La fin de la morosité !

Nous rirons beaucoup

Les enfants au pouvoir !


Ils sont les vrais anarchistes

Aimant le chaos, libre

Je ne connais aucun droit, ni devoir

Une force toujours invaincue,

Fierté impétueuse et massive


Donnez le commandement aux enfants

Ils ne calculent pas ce qu’ils font.

Le monde appartient aux enfants !

La fin de la morosité !

Nous rirons beaucoup

Les enfants au pouvoir !


La chuchoteuse d'esprits se retourne et discerne Arès. Ce dernier, un jeune, grand et imposant homme est vêtu d'une armure antique aux armes de la famille, un aigle bicéphale qui tient entre ses serres des foudres et un sceptre, rappelant l'austérité militaire. Ses traits délicats et ses cheveux de jais contrastent avec ses yeux sombres brillants d'une lueur particulière, lui donnant l'air d'un chef militaire très sévère. Le regard du dieu force la mortelle à baisser le sien par respect qu'il lui inspire. L'Immortel la salue et lui ordonne :

— Votre mari et vous, en plus de quelques autres citadins, devez nous prêter main-forte dans les combats qui s'en viennent. Vous suivrez un entraînement sous le patronage de ma collègue, Athéna, de mon père, Zeus, de mon demi-frère, Apollon, et de moi-même. Vous n'avez pas le choix ! Il est question de vie ou de mort pour les dieux, les hommes et notre pays !

— Très bien, Arès ! affirme-t-elle sérieusement, lueur d'inquiétude dans ses yeux. J'irai informer mon mari et je vous rejoins dans le parc.

Le dieu approuve d'un geste de la tête et s'envole sous la forme d'un immense vautour informer ses semblables de réunir les autres mortels. Soupirant, Mélinda revient chez elle, informant son mari de la volonté des dieux. Jim est très perplexe, mais décide de ne pas discuter un ordre des dieux. Il amène avec lui une trousse de premiers soins et attend, avec son épouse, les autres hommes comme prévu. Le couple est très inquiet à l'idée de s'entraîner pour le combat, eux qui haïssent la guerre, eux qui espèrent bien mener une vie tranquille ! Mais ils savent qu'il est inutile de s'opposer à la volonté des dieux, surtout lorsqu'il en va de la survie de sa ville et du monde.




À suivre

Laisser un commentaire ?