Je te sauverai encore et encore, comme tu l'as fait pour moi [Sokeefe]

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Point De Vue Keefe:

J'eus l'impression de revoir la consultation de Sir Haflat, l'annonce d'Elwin, les cris de Fitz, les pleurs de Biana, le mutisme de Tam, et mon chagrin.

Mais également le jour où elle avait eu la merveilleuse idée de pénétrer dans la tête de Dimitar, le roi des ogres, et que j'avais cru ne jamais la revoir, le jour où elle avait battu Fitz à la balle piège, le jour où je l'avais rencontrée.

Je clignai des yeux, nauséeux, et tout se rembobina, pour s'arrêter au moment où le Conseil avait demandé à Sophie de l'aide pour gérer l'émeute.

Le paysage tanguait, et je fermai les yeux pour ne plus voir ces grandes prairies vertes et bleues prises dans un ouragan.

Je m'agenouillai sur le sol, et vomit le peu de nourriture que j'avais réussi à ingérer ce matin.

- Keefe, est-ce que ça va ? me demanda une voix que je ne pensais plus jamais entendre.

J'ouvris les yeux et me relevai vivement, mettant de côté mon malaise.

Foster, Sophie, Foster, Sophie, Foster... Sophie était là, vivante!

Je stoppai immédiatement ma joie intérieure.

J'avais vomi devant Foster. Devant Sophie. J'avais vomi devant la femme de ma vie - qui ne saura jamais qu'elle l'est -.

J'avais vomi devant Foster - Sophie, Foster, Sophie, Foster, Sophie - !

Je réfléchis et me rendis compte que, durant les deux semaines suivant sa mort, je m'étais laissé presque mourir. J'avais fait un effort pour la plantation mais une grosse douche n'effaçait pas les cernes, la pâleur du visage, ou encore la cage thoracique plus qu'apparente.

Épouvanté, je croisai le regard inquiet de mon aimée, ce qui me calma aussitôt. J'essayai de me relever mais mes jambes tremblèrent et je tombai sur Fitz.

- Oy ! Ça va ? Tu veux un coup de main ? demanda-t-il gentiment

Cela faisait bien longtemps qu'il ne m'avait pas parlé aussi calmement. Quelque chose clochait. Peut-être que la soudaine résurrection de Sophie, de Foster - comment devais-je l'appeler maintenant qu'elle se tenait de nouveau devant moi ? - bref sa résurrection, lui avait fait reprendre ses esprits ?

Ma vision se clarifia. J'étais au milieu d'un cercle composé de Tam, Linh - tiens, ça faisait longtemps ! -, Dex, Fitz, Sop-Foster, et... des Conseillers.

Je repoussai Fitz, horrifié.

- Qu'est-ce qu'il y... commença-t-il

Je ne l'écoutais déjà plus. J'observai la scène. Nous étions à Havenfield, dans la plaine, à l'arrière de la maison. Pas de Ro ou de Sandor à l'horizon.

- Où est Ro ? Et Sandor ? demandai-je, comprenant peu à peu ce qu'il se passait..

Sop-Foster me regarda sans comprendre.

- Sandor est parti aider mes parents à renforcer la sécurité autour des enclos, et Ro s'est absentée, elle avait très mal au ventre, me glissa-t-elle. Tu es sûr que ça va Keefe ?

J'avais remarqué qu'elle s'était beaucoup rapprochée d'Edaline et de Grady, ce qu'elle me confirmait en les appelant "mes parents", et cela m'avait fait très plaisir, avant. Mais là je ne voyais que l'effroyable vérité.

Je revoyais encore la scène de sa mort. Tout était exactement comme la dernière fois, je me souvenais de tous les détails grâce à ma mémoire photographique. Ne serait-ce que la petite blessure qu'elle s'était faite plus tôt en heurtant une branche de plein fouet.

La tête dans les genoux, je me balançais d'avant en arrière.

Je ne voulais plus revivre ce cauchemar. J'allais me réveiller, il se pouvait que je me sois endormi en plein milieu de la plantation à cause de mes insomnies quotidiennes.

Je me réveillerai, et tout le monde me regardera mal, mais ce n'aurait été qu'un mauvais souvenir qui me hantera toute ma vie.

Je n'étais pas fou.

- Keefe, tu te sens bien? demanda Dex à son tour

- C'est vrai que c'est bizarre de le voir aussi silencieux, ajouta Tam.

- ...Très drôle, soufflais-je en me relevant.

Oui, j'allais souffrir quand je me réveillerai mais, pour une fois, je faisais partie du cauchemar. Je n'étais pas qu'un misérable spectateur omniscient qui ne pouvait pas défendre son...amie.

J'allais intervenir coûte que coûte pour changer la fin de ce cauchemar.

Après, je me réveillerai et retournerai à ma vie morne et dénuée de couleurs, content d'avoir pu apercevoir le visage de Sop-Foster autrement que couvert de sang. Sir Haflat dira que je suis suicidaire de m'enfermer dans les souvenirs. Et je ne l'écouterais pas, peu importe le nombre de fois qu'il me le répétera.

Car je l'aimais plus que ma vie.

Emery - à qui je ne pouvais m'empêcher de superposer une tête écrabouillée par une massue -, gêné, interrompit mes conclusions.

- Nous avons besoin de l'aide du Colibri, de la brigade Intrépide et ses amis s'ils le souhaitent, pour apparaître devant nos concitoyens mécontents. Mademoiselle Foster, vous représentez l'avenir et, en ces périodes agitées, vous êtes le phare de notre monde. Ils vous écouteront si nous sommes avec nous.

Non, non, non

- NOOON ! hurlai-je en saisissant le poignet de Sophie pour la ramener derrière moi