Je te sauverai encore et encore, comme tu l'as fait pour moi [Sokeefe]

Chapitre 5 : Juste dire non (#1)

2949 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 10 mois

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Point de Vue Keefe:

Ils me regardaient désormais tous d'un air intrigué. Même Bronte avait levé ses sourcils, tellement que ceux-ci touchaient presque sa couronne, ce qui m'aurait fait mourir de rire si la vie de Sophie n'était pas en jeu.

Je comprenais leur surprise, si un de mes amis se mettait soudainement à crier alors que les Conseillers - les Conseillers ! - nous demandaient de les aider pour calmer une émeute, sans risque de mort contrairement à notre habitude, je le croirais fou.

Mais ils devaient m'écouter, il en allait de la vie de la personne la plus géniale sur cette planète !

J'étais prêt à me battre pour la conserver, cette vie si importante.

Derrière moi, Sophie se dégagea et me regarda, essayant de comprendre la raison qui m'avait poussée à refuser plus que violemment l'ordre poli du Conseil.

- Hem... Je me sens juste un peu mal.... Et je pense qu'Edaline et Grady ont besoin d'aide pour renforcer Havenfield ! Allons plutôt les aider ! Les Conseillers sont fortiches après tout, ils n'ont pas besoin de nous.

Je désignai leurs attitudes princières ainsi que leurs diadèmes. Personne n'osait rien dire et, même moi, je ne croyais pas à mes propres arguments.

Je pense que je leur faisais pitié. Oh, bien sûr, ils n'en comprenaient pas la raison, mais ils voyaient bien mon désespoir à aller là-bas pour calmer des citoyens en colère.


Sophie - j'avais décidé de ne pas me compliquer la vie et de l'appeler comme je le désirais vraiment - me dit d'une voix douce, d'où pointait la surprise:

- Tu sais, Keefe, rien ne t'oblige à venir avec nous si tu ne le veux pas... Je ne sais pas pour les autres mais moi en tout cas, je dois y aller. J'ai un devoir et le Conseil compte sur moi... De plus, cela renforcera la position de la Brigade Intrépide. Je suis désolée Keefe. Peut-être y aura-t-il quelqu'un pour rester avec toi?

Aucun elfe ne lui répondit. Tous voulaient faire leurs preuves auprès du Conseil.

Je n'avais pas le choix.

- Non, c'est bon. Je vais vous accompagner.

- Tu en es sûr? Tu n'en es pas obligé...

- Je viens.

Son soulagement me parvint et j'essayai de me convaincre que j'avais fait le bon choix, que de toute façon elle n'aurait pas accepté de rester ici avec moi à ne rien faire.

Ma Sophie avait besoin d'action, besoin d'aider les autres.

Et c'était sa plus grande faiblesse.

Pendant que le Conseil et la Brigade Intrépide essayaient de calmer l'émeute, je conseillais à Sophie de, si ça dégénérait, garder des forces pour plus tard.

- Qui sait, peut-être qu'on en aura besoin !

En disant cela, je m'efforçai de sourire le plus naturellement possible.

Ne pas repenser à sa mort, ne pas y repenser...

La Conseillère Oralie, ses mains aux doigts rosés tenant un éclaireur, sourit:

- Et bien parfait alors ! Allons-y.

Comme la première fois, l'émeute avait commencé à manifester à la Place d'El Dorado, devant la Statue de Soleiman, un ancien Conseiller. Le cortège s'étendait le long de la rue Dorée et serpentait encore pendant une dizaine de mètres.

On entendait des cris, d'homme et de femme confondus, qui réclamaient plus de sécurité, plus de compétence de la part des Conseillers.

Devant l'impressionnante foule en colère tous mes amis se figèrent. Pas moi. Je l'avais déjà fait la dernière fois et ne comptais plus perdre de temps. Si nous terminions plus vite que la dernière fois, sans énerver les elfes face à nous, nous n'aurions peut-être pas à combattre les Invisibles.

C'est en me répétant cela en boucle que j'arrivai à avancer pour dépasser les Conseillers, et c'est toujours en me répétant cela que, malgré mon cœur battant, je fis face à la foule.

- Hum...

Comment s'était résolue l'émeute la dernière fois, déjà ?

Allez Keefe réfléchit... Réfléchit !

L'appréhension m'empêchait de me souvenir de ces funestes reminiscences et, quand je me rappelai exactement ce qui s'était passé, je me rendit compte que, non ça ne pouvait pas marcher, car c'était seulement en leur montrant notre puissance, lorsqu'on les avait combattu, qu'ils avaient accepté de nous écouter.

Oh non non non !!!!

J'étais tétanisé. Comment pouvais-je résoudre un problème qui n'avait qu'une solution négative ?

J'allai encore échouer et Sophie disparaîtra pour de bon, ne laissant derrière elle qu'un arbre frêle.

Le cœur au bord des lèvres, je ne disais rien et haletais.

Les Conseillers derrière ne pouvaient rien faire: je montrais la faiblesse de la noblesse et, s'ils intervenaient, ça ne ferait qu'empirer les choses.

Alors que j'allais m'évanouir à cause du stress, une main ferme et décidée se glissa dans la mienne pour la serrer.

Pour me réconforter et me donner du courage.

Après tout, c'était toujours ce que faisait Sophie.

Elle vérifia que je m'étais calmé avant de me lâcher, puis fit face à l'assemblée, tous nos amis à ses côtés. Si je ne la connaissais pas aussi bien - et que je ne pouvais pas ressentir ses émotions à distance, aussi - je penserais qu'elle a l'habitude de parler devant des dizaines, une centaine, de personnes tous les jours.

Elle s'exprimait d'une voix claire et assez assurée pour qu'on l'écoute, mais pas trop pour qu'on pense qu'elle jouait au petit chef.

Mais moi, derrière elle, dans l'ombre comme toujours, je voyais bien ses mains qui se crispaient à chaque fois qu'elle se retenait de s'arracher un cil.

J'espérais, et commençais à croire que tout se passerait bien, lorsque je vis que, comme l'avait prédit le Conseil, tous écoutaient Sophie lorsqu'elle parlait.

Si seulement cette fois-ci Fitz se retenait de parler... Il fallait l'attirer derrière.

Je lui tapotai le bas du dos et il me regarda furtivement avant de me parler par télépathie:

- Oui?

- J'ai besoin de te parler, tu peux venir derrière s'il te plait?

- Tu ne vois pas qu'on est un peu au centre de toute l'attention et que si je bouge tout le monde le verra?

C'était vrai, mais j'y avais pensé. Il suffisait juste que Fitz n'entende pas le manifestant qui allait bientôt s'exprimer et tout irait bien. J'allais continuer de le distraire et, même s'il ne me rejoignait pas, ce serait pareil, voire mieux.

Dans ma joie d'avoir tout prévu, j'avais oublié que je n'avais pas coupé la communication pour pouvoir penser tranquillement.

Je me traitai donc d'idiot lorsque la voix de Fitz s'éleva de nouveau dans ma tête: - De quoi tu veux parler ? Quel manifestant ? Je n'arrivai pas à lui servir avec ma rapidité habituelle un mensonge et il coupa immédiatement la communication.

Ce fut à ce moment-là que la question que je redoutais le plus, s'éleva.

- C'est bien beau, tout ce blabla, mais à quoi ça sert si celle qui le donne est celle qui a risqué le plus de fois sa vie à cause du Conseil et de son incompétence ? Si c'est la preuve que le Conseil a échoué ? Après tout, il ne connaissait même pas l'existence d'une expérience chez les humains. Et lorsqu'ils l'ont découverte, c'était seulement grâce au bon vouloir de ses créateurs!

A la fin du discours de l'agitateur, des cris d'assentiment s'élevèrent. Sophie était devenue toute pâle et l'assurance qu'elle avait auparavant l'avait désertée.

Je voulus retenir Fitz et Dex, qui avaient commencé à avancer, mais ils se dégagèrent violemment.

Mon ami au sang chaud fusilla l'elfe qui avait osé parler comme ça de Sophie et s'exclama, sans une once de tact ou de respect:

- Ce n'est pas comme si vous faisiez quelque chose de mieux, vous ! Ou même quelque chose tout court ! La seule chose que vous arrivez à faire, c'est vous plaindre sans trouver de solution. Et après, vous vous permettez de juger celle qui vous a sauvé à tous la vie au moins une fois ! Moi, je vous dit que, si c'est pour ne rien faire, rentrez chez vous pleurer !

Tous les elfes présents dévisagèrent Fitz sans un mot. Les joues d'Oralie avaient perdu leur couleur à son discours et Emery le fusillait du regard et, sans nul doute, le morigénait par télépathie.

L'instant de stupeur passé, les manifestants s'énervèrent et crièrent qu'on n'avait pas à leur parler comme ça, que c'était inacceptable !

Le premier elfe, celui qui avait blessé Sophie et énervé mes amis, hurla, le poing levé agressivement vers nous:

- Vous avez vu, chers confrères ?! C'est comme ça que nous traite la noblesse, depuis toujours ! Montrons-leur que nous ne sommes pas des enfants qu'on peut disputer, puis ignorer !

- Ouais ! beugla le reste du groupe

Et ce fut là que, tout comme la première fois, ils nous attaquèrent avec leurs pouvoirs.

Immédiatement, Tam appela les ombres, de telle sorte qu'on ne distinguait plus rien à trois centimètres de nous, mais ce fut pire car maintenant les manifestants tiraient au hasard, sans se soucier de toucher leurs propres coéquipiers. Les Conseillers dûrent ordonner à Tam de lever ses ténèbres, ce qu'il fit en grommelant sur leur bêtise.

Je rappelais une énième fois à Sophie de se montrer prudente et d'utiliser au minimum ses pouvoirs, quand je vis une fléchette de glace s'approcher de moi, créée par un Givreur et poussée par un Rafaleur. La seule chose que je me dis en la voyant, c'était que ce n'était pas prévu, que ça ne s'était pas passé comme ça la dernière fois.

Sophie, faisant fi de tout ce que j'avais bien pu lui dire, eut le réflexe insensé de me soulever par télékinésie.

A y réfléchir, c'est vrai que ses pouvoirs ne lui permettaient pas vraiment d'arrêter une fléchette de glace en plein vol. Elle pouvait, à la limite, instiller la personne qui la lançait, mais à quoi est-ce que cela servait ? Et comment savoir qui était le bon Rafaleur ? Bref, c'était tout simplement impossible, du coup j'étais suspendu à trois mètres du sol avec pour seul soutien la force mentale de Sophie... Super.

Lorsqu'elle jugea que le danger était passé - c'est-à-dire après sept longues minutes de flottage - elle me fit descendre avec plus ou moins de contrôle et j'atterris lourdement sur les fesses.

Je m'époussetai tout en la regardant - et vérifiant qu'aucun autre danger n'était présent -. Ses joues étaient toutes rouges et sa peau déjà scintillante de sueur - j'imagine que porter un poids plus lourd qu'elle l'avait épuisée, et ce malgré ses facilités naturelles à la télékinésie -.

Elle ne m'avait pas écouté et avait tout donné pour me protéger. Encore une fois.

Alors que j'allais lui en faire la remarque, elle se précipita vers Dex et le poussa pour éviter qu'il ne se retrouve noyé par un Hydrokinésiste qui l'avait pris pour cible.

Puis elle courut épauler Fitz qui essayait de protéger les Conseillers, qui ne pouvaient pas répliquer sous peine d'aggraver les choses.

Je n'arrivais pas à la suivre: une seconde elle était près de Tam, l'autre près de Biana ou en train de combattre en bas de l'estrade.

Quand les manifestants eurent enfin reconnu leur défaite, rien n'avait changé: nous étions tout aussi éreintés. J'avais peur de la suite mais il me fallait continuer. Qui sait, peut-être avais-je changé une toute petite chose qui empêcherait la mort de Sophie...?

Il me fallait continuer d'espérer. Même si tout semblait pareil, quelque chose avait forcément changé.

Nous décidâmes d'accompagner, comme la première fois, les manifestants à Eternelia en signe de paix et dûmes y aller à pied parce que nous étions trop nombreux pour nous déplacer par éclaireur.

Et, encore une fois, nos chefs choisirent de passer par les Falaises Levantes, là où les Invisibles nous avait tendu le guet-apens.

Je cherchais toujours, dix minutes après que nous nous soyons mis en route, comment empêcher la mort de Sophie quand la solution me vint.

- Mais oui ! Il faut passer par un autre chemin ! Ça réglera tout ! m'exclamai-je à mi-voix.

- Qu'est-ce que tu as dit ? demanda Dex, qui se trouvait le plus proche de moi

Je ne lui répondis pas et me dirigeai vers les Conseillers, qui discutaient avec ce qui semblait être le chef des dissidents.

Je retins ma colère en l'apercevant. C'était lui qui avait parlé de Sophie comme d'une expérience et non d'une elfe. Malheureusement, je ne pouvais pas me permettre de montrer le moindre sentiment d'animosité envers lui, il en allait de la vie de Sophie et on ne rigolait pas avec ça.

Je préparais donc la meilleure explication pour les convaincre de passer par un autre chemin et me plantai fermement devant eux pour les arrêter.

- Ne serait-ce pas mieux de passer par la Plaine du Saphir plutôt que par les Falaises Levantes ? J'ai entendu dire qu'en ce moment elle est étincelante ! Ce serait par ailleurs bien plus agréable à traverser que des collines pentues !

En m'entendant, la Conseillère Vélia se frappa discrètement le front.

Je compris pourquoi lorsque le chef dissident me toisa. Sa bouche grimaçante déformait la blessure qu'il avait reçue en affrontant un de nous tout à l'heure.

- Tu insinues que nous avons mal choisi notre itinéraire ? On dirait que tu ne nous prends pas pour des elfes habitant ici.

Je regrettai mes paroles lorsqu'il poursuivit d'une voix tranchante:

- Oui, la Plaine du Saphir est magnifique en ce moment, mais si nous avons choisi ce chemin ce n'est pas par naïveté ou bêtise ! C'est de là-bas que viennent la plupart de nos membres. Tu dis que leurs demeures sont inconfortables ? Pentues ?!

Il cria la dernière phrase et tous se retournèrent. J'essayai de m'expliquer:

- Non, non. Bien sûr que vos maisons doivent être supers et pas du tout pentues ! C'est juste que...

Un elfe inconnu s'écria soudainement, poussé par ses confrères:

- Stop ! Chef, ils se moquent de nous et de notre collaboration ! Ils nous provoquent ! Montrons-leur qu'il ne faut pas nous prendre à la légère, que nous n'avons pas renoncé!

Il appuya son discours d'un geste de la main, d'où apparut une lame aiguisée.

- Fini la rigolade, compléta-t-il.

Et il la lança. Vers moi. Je devenais vraiment une cible trop facile ces temps-ci.

J'allai l'éviter quand le chef à la plaie près de la bouche m'attrapa et me maintint fermement, malgré toutes mes tentatives pour me libérer. Je ne pouvais espérer l'aide d'un quelconque Conseiller car ils avaient tous été maîtrisés en un éclair et seuls mes amis étaient à-peu-près libres de leurs mouvements.

La lame se rapprochait de plus en plus, quand mon emprisonneur relâcha brièvement son étreinte. J'en profitai pour m'extirper de ses bras étouffants et aperçus Fitz, qui me fit un sourire rapide avant de continuer à se battre avec le manifestant.

La lame continuait son chemin mais tous la voyaient et l'évitaient... Sauf un elfe de dos, trop occupé à combattre. Il avait de longs cheveux blond-doré et, lorsqu'il se retourna en voyant les cris autour de lui, ses yeux chocolat s'écarquillèrent de peur.

Ses yeux chocolat... Mais les elfes n'avaient pas les yeux marrons !

En même temps que mes amis, je m'élançai vers Sophie, trop tard.

Sa silhouette vacilla un instant sous la force du coup puis tomba complètement, la lame fichée entre ses deux yeux. J'entendis un "crac" lorsque son cou se tordit lors de la chute et je m'écroulai en voyant le sang couler de nouveau. Son sang. Qui coulait. Encore.

Je ne pleurai pas, non. C'était la sueur qui dévalait le long de mon visage et me faisait ressentir des choses impensables, comme de la tristesse.

Cette peine se déploya autour de moi, faisant écho à celle de mes amis. Le bruit de la bataille s'était tu, ou alors je ne l'entendais plus. Seuls comptaient les battements de mon cœur, qui ne s'étaient pas tu, eux.

Je haletais, privé d'oxygène, privé de Sophie. Des points noirs et verts dansaient sous mes yeux et, même en étant presque évanoui, je priais pour réussir à refaire le miracle de l'enterrement.

Il fallait absolument sauver Sophie. Peu importaient les difficultés.

C'est en me répétant cette phrase en boucle que je réussis, de nouveau, à revenir dans le passé mais cette fois plus loin et pas au même endroit.

Si je ne pouvais pas empêcher Sophie de se rendre à l'émeute, de garder son énergie, ou de changer de chemin, il ne me restait plus qu'à empêcher tout simplement l'émeute.


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