Chroniques désespérées d’un casque-micro

Chapitre 32 : Conclusion

Chapitre final

417 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/05/2025 15:40

Il ne s’agit pas d’un adieu. Plutôt d’un dernier appel. Pas celui d’un client furieux qu’on doit calmer avec un sourire qu’on ne voit plus, ni celui d’un superviseur qui nous balance nos « stats » à la figure comme un juge son verdict. Non. Celui d’une conscience qui se réveille.

J’ai vu des diplômés se tuer à la tâche pour des miettes. J’ai vu des voix d’or finir aphones sous le poids des objectifs. J’ai vu des jeunes croire qu’en changeant de pays, ils changeraient de destin – alors qu’ils ne faisaient que changer de geôle. J’ai vu des chefs vendre des rêves qu’ils n’avaient jamais achetés eux-mêmes. Et j’ai vu des amis, des frères, des sœurs d’open space, se lever ensemble, un jour, et dire : « C’est fini. »

Le centre d’appel n’est pas un métier, c’est un moment. Il est censé être transitoire, mais il a cette capacité perverse à vous engluer dans l’illusion de la stabilité. Il vous paie juste assez pour survivre, jamais assez pour vivre. Il vous épuise juste assez pour vous empêcher de rêver. Il vous dresse comme un chien de garde : on aboie, on obéit, on mendie.

Mais nous ne sommes pas des chiens. Nous sommes des êtres humains, avec des cerveaux brillants, des cœurs lourds, des familles à aimer, des projets à construire. Et parfois, il faut toucher le fond pour comprendre que ce n’est pas une fin, mais un rebond.

À tous ceux qui liront ces lignes, je ne vous dis pas de fuir le centre d’appel. Je vous dis d’en sortir dès que vous avez compris ce qu’il est : un leurre. Ne vous laissez pas bercer par les fauteuils ergonomiques et les babyfoots de la cafétéria. Ce n’est pas du bien-être, c’est de la poudre aux yeux.

Prenez votre diplôme, votre expérience, votre douleur même, et transformez-la. Apprenez. Relevez-vous. Partez. Pas en Grèce, pas au Maroc, pas dans un autre call center avec un autre logo. Partez pour vous. Parce qu’un jour, votre fille, votre fils, ou vous-même, regardera ce que vous avez accepté… et vous demandera : « Est-ce que ça valait le coup ? »

Et là, il faudra pouvoir répondre avec fierté : Non. Mais j’ai compris. Et j’ai changé.





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