Chroniques désespérées d’un casque-micro

Chapitre 29 : Le Dernier Acte de Garantie Privée

870 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 28 jours

La fin de Garantie Privée ne fut pas un grand cri de rébellion, ni une explosion digne des films d’action. Non, c’était une lente agonie, où chaque mois semblait être une tentative désespérée de donner l’illusion que tout allait bien, que tout pouvait continuer comme avant. Mais au fond, chacun savait que c’était fini.

Les supérieurs avaient beau se donner à fond dans leur rôle de pompiers, essayant de tout éteindre avec des discours creux sur la productivité, l’efficacité, et le respect des process (ah, les fameux "process"), personne n’était dupe. Le corps saignait, et la gangrène des malversations internes se propageait trop loin pour être soignée.

Quand la nouvelle tomba, ce fut presque un soulagement. Webhelp Maroc rachetait le projet. Les employés furent informés, la direction se félicitait déjà d’avoir trouvé une porte de sortie à leur chaos, mais ceux qui étaient là depuis le début savaient que ce n’était qu’un autre nom sur le contrat. Webhelp, c’était comme la relance d’un match déjà perdu, mais avec un public plus lointain et un souffle plus faible. Les problèmes restaient là, sous le vernis de la nouveauté.

Et moi, moi qui avais survécu à ce naufrage, j'avais pris la décision que beaucoup redoutaient : quitter le navire avant qu’il ne coule définitivement.

IPM : Le Nouveau Départ ou la Nouvelle Prison ?

J’étais prêt à affronter une nouvelle aventure, même si cela n’était pas sans crainte. IPM. Un autre nom. Une autre promesse. Mais un monde encore plus froid, plus impersonnel, plus agité. On m'avait dit que ce serait différent. Mais dans le fond, tu sais, tu sais bien que la roue tourne, et qu'un centre d'appel n’est qu’une roue géante où on n’est jamais vraiment sûr d’être du bon côté.

IPM, c’était comme entrer dans un autre univers. D'abord, le décor. Moins chaleureux que Garantie Privée. Moins humain. Pas de belles pauses à discuter entre collègues, pas de complicités. Juste des lignes de productivité, des chiffres à remplir, des objectifs à atteindre, et des regards fuyants.

Dès le premier jour, on te fait comprendre que tu n'es qu'un numéro. Un autre chiffre dans un calcul. Pas un individu. L’intégration se fait à coups de "bonjour, comment ça va ?" et de sourires presque automatisés, comme un code qu'on te lance pour te faire entrer dans la machine. La hiérarchie ? Aussi absente que les fameux processus à suivre. Une hiérarchie où tout est laissé entre les mains d'un superviseur plus occupé à jouer à son jeu de pouvoir qu'à écouter les frustrations des troupes.

Mais ce qui était encore plus frappant, c’était le silence. À Garantie Privée, tu sentais qu'il y avait une certaine folie dans l’air, une tension palpable, mais c’était une forme d’intensité, un peu comme quand tu sais que tu cours vers un mur, mais tu veux quand même voir ce que ça donne. À IPM, cette tension avait été remplacée par une calme mécanique. Une tranquillité mortifère. Comme si tout le monde avait accepté de se laisser entraîner, une sorte de fatalisme collectif.

Et là, une question s'impose. Était-ce vraiment mieux ? Partir de Garantie Privée pour ça ? Peut-être que je m’étais échappé d’un enfer pour arriver dans un autre. Mais à ce moment-là, j'avais pris une décision : il me fallait un nouveau souffle. Et peut-être que ce nouveau souffle, il viendrait d'un autre endroit encore, quelque part où l’humain aurait encore sa place. Mais je ne pouvais pas le savoir, pas encore. Ce qui était certain, c’est que je n’étais plus prêt à vendre mon âme pour une prime, et que je n'avais plus aucune illusion sur la fausse sécurité que ces centres d’appel pouvaient offrir.

Le Silence Avant le Cri Final

Finalement, IPM, tout comme Garantie Privée, me donna une chose précieuse : la perspective. Pas de prime exubérante, pas de fausses promesses. Mais une compréhension plus profonde de l’envers du décor. La plupart des gens dans ces centres d'appel sont là à cause des promesses d'argent facile, des rêves de primes alléchantes. Mais en réalité, ce qu’ils te demandent, c’est de vendre ton âme et ton temps. Ils te demandent de croire qu’en échange de ton obéissance aveugle, tu obtiendras une petite récompense. Mais en vrai, tu ne fais que devenir un rouage dans une machine qui tourne sans fin.

Et c’est là que je me suis retrouvé : entre deux mondes. Un monde où j'avais compris que l’honnêteté me coûtait des primes, mais me gardait mon âme, et un autre, plus cynique, où les règles étaient bousculées, mais au prix de tout.

Je savais une chose : il me fallait sortir de ce cycle. Trouver un vrai chemin. Un chemin où la réussite ne se mesurait pas en primes ni en bonus, mais en dignité et en respect.

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