Chroniques désespérées d’un casque-micro

Chapitre 24 : Voix de Velours

323 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Elle n’avait pas besoin de hausser le ton.

Sa voix suffisait.

Un timbre à la fois doux et grave, comme un thé noir versé sur du satin.

Le genre de voix qui te fait presque oublier que tu attends un colis depuis trois semaines ou que ton abonnement a été résilié par erreur.

Elle était calme. Toujours.

Même face aux pires clients.

Même quand la plateforme s'effondrait sous les bugs ou les consignes absurdes venues du haut.

Elle gardait le cap.

Elle avait cette capacité rare : transformer une plainte en conversation, une insulte en silence, un conflit en apaisement.

Quand un client râlait, elle ne se défendait pas, elle désarmait.

Et pas avec des grandes phrases. Non.

Juste avec un souffle. Une phrase posée. Une intonation qui disait :

« Je suis là. Je vous écoute. Mais pas pour qu’on me crache dessus. »

Mais Voix de Velours, ce n’était pas qu’un organe vocal exceptionnel.

C’était aussi une âme discrète mais puissante.

Elle s’asseyait. Elle souriait.

Et derrière ce sourire, il y avait une lucidité glaçante. Elle voyait clair.

Dans les collègues, dans les managers, dans les jeux de pouvoir.

Et puis un jour, elle a dit :

« Je pars. » Calmement. Sans bruit. Elle n’a pas slamé la porte. Elle l’a caressée du bout des doigts en la fermant.

Dubaï l’attendait.

Un autre job. Un autre rêve.

Une autre vie, loin des chefs de projets au charisme d’un ticket de caisse, loin des clients abonnés à la colère.

On lui a dit qu’on la remplacerait.

On a essayé.

Mais on ne remplace pas une voix comme ça.

On peut copier un script.

Mais pas une présence.

Aujourd’hui encore, quand un client râle au téléphone, certains soupirent :

« Si seulement Voix de Velours était là… »

Alexandra... tu nous manque tous.

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