When in Rome
Chapitre 38 Téléphone arabe
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La petite silhouette de Maya se faufila dans la chambre de Dawn et repoussa doucement la porte derrière elle. Leurs chambres avaient toujours été étrangement similaires. Bon, moins les posters de chanteurs pour sa mère qui ne personnalisait les lieux qu'avec quelques cadres photos.
La jeune fille vint se poser sur le lit à côté d'elle sans dire un mot, attristée de voir qu'elle pleurait silencieusement et en secret. Sans rien dire à personne. Après réflexion, elle eut peur que ce soit à propos du fameux « désaccord », ce qui aurait expliqué que sa mère se cache et ne vienne ni vers son père s'ils avaient un problème, ni vers elle pour ne pas l'y mêler ou l'inquiéter. C'était bien le genre de ses parents de faire ça. Dawn renifla, détourna la tête et tapota ses joues avec un mouchoir en papier tout chiffonné.
Près de la fenêtre pour bénéficier d'un peu de lumière naturelle, elle avait installé un miroir et une petite table pour servir de coiffeuse, sans encombrer la salle de bains avec ses ustensiles de maquillage et de beauté. Maya alla y prendre une brosse et revint près d'elle pour commencer à lui lisser les cheveux. Sa mère lui adressa un regard impatienté, mécontente d'être ainsi dérangée dans un moment d'isolement volontaire. Maya se souvenait que sa mère faisait la même chose quand elle était petite, parce que la lente caresse répétée des picots avait un effet calmant sur ses gros chagrins d'enfant. Elle continua donc pendant une minute ou deux.
Une fois les cheveux suffisamment lisses et brillants à son goût, elle alla ranger la brosse et revint s'asseoir sur le même côté du lit, le dos rond et les mains posées sur les cuisses, offrant encore quelques secondes de silence.
— T'as envie de dire pourquoi tu pleures ?
— Non.
— Même pas un indice ?
— J'ai pas envie d'apprendre l'allemand ? proposa-t-elle.
— On n'aura qu'à y aller tous les trois avec Papa, après l'école. Ce serait sympa de faire un truc tous ensemble. Ça fait longtemps.
— Je suis fatiguée.
— Est-ce que tu fais une dépression ?
Dawn écarquilla les yeux, comme si elle n'avait jamais envisagé la question un instant et que la question lui semblait totalement farfelue. Elle fit seulement la moue pour se retenir d'être blessante.
— Pour la dépression, je ne sais pas ce qu'il faut faire, mais pour l'allemand, on m'a dit qu'il suffisait de trouver un beau professeur. Savoir deux trois trucs pour draguer, ça peut servir… et avoir un effet positif sur la dépression ? Bon, moi j'ai dû promettre à Papa que je n'embrasserai plus de…
— Arrête un peu avec ta dépression. Je ne suis pas en dépression.
Maya pinça les lèvres et lui envoya un regard oblique extrêmement dubitatif.
Quand Dawn releva les yeux, elle reconnut cette expression ennuyée et déçue qui était celle de Joyce quand elle pensait : « Qu'est-ce que c'est que ce gros mensonge ? » C'était d'autant plus flagrant après ce rêve bizarre.
— Cool ! Alors puisque tout va très bien, on peut jouer à un jeu, ça s'appelle Action ou Vérité.
— Maya ! soupira Dawn avec lassitude. J'ai passé l'âge.
— Bon, alors pas « Action » juste « Vérité » ! Chacune son tour. On peut poser toutes les questions et l'autre est obligée de dire la vérité… Et puisque t'es pas du tout en dépression, que tu n'en as pas du tout les symptômes, et une joie de vivre qui fait plaisir à voir, et bien tu peux jouer avec ta fille, non ? Je suis sûre qu'il y a plein de mes petits secrets qui t'intéresseraient. Parce que moi, je n'ai pas de journal intime…
— T'as regardé dans mes journaux intimes ?!
— Ah, tu le sauras uniquement si tu acceptes de jouer avec moi !… Mais réfléchis bien. Il y aura peut-être des choses embarrassantes qui auraient dû rester secrètes, en fait.
Dawn resta amorphe, le dos courbé.
— T'as raison. Je ne sais pas trop si j'ai envie de ça. Correction, je n'en ai pas du tout envie. Mais je pourrais t'imposer de me répondre. Je suis ta mère et tu es encore mineure, si tu as fait des choses irresponsables et dangereuses… je suis en droit de te demander des comptes.
Dawn ne poursuivit pas son argumentation parce qu'au niveau des « choses irresponsables et dangereuses » elle ne se sentait pas à l'aise en considérant sa propre vie.
Appuyée sur les mains derrière elle sur le lit à couverture blanche, Maya contemplait le plafond et elle opina pensivement.
— Oh, oui. Bien sûr, tu pourrais exiger une réponse, en effet. Une réponse, ce n'est pas difficile. Vous le faites tout le temps avec moi, vous me donnez des réponses. Je peux le faire aussi, vous m'avez bien appris. Le truc, c'est de toujours ajouter un petit quelque chose de plausible…
Dawn fronça les sourcils.
— Quoi ? Tu es en train de dire que tu nous mens, à ton père et à moi ?
Maya ouvrit de grands yeux innocents.
— Quoi ? Mais je n'ai pas le droit de faire ça, voyons ! Et je le sais très bien !
— Je n'aime pas ton impertinence.
— Ah, ça tu vois, c'est la vérité. Et moi, juste avant, j'ai répondu sans mentir… C'est pour ça que je te proposais de jouer à Vérité ou Vérité, parce que les réponses, c'est chiant et ça n'avance à rien.
— Non mais où est-ce que tu te crois ? Tu n'as pas à me parler comme ça !
— Okay. Comme tu veux, céda Maya.
Sa déception était audible et elle se leva d'un bond.
— Je vais faire mon sac. Si c'était tout ce que t'avais à me dire, on se verra dans trois semaines. Salut !
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoyé : 19 septembre 2037
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : Entretien avec un vampire
Maya,
Je suis un peu étonné que tu ne m'aies pas rappelé finalement. Tu vois, je suis un type plein de contradictions. Un coup je me plains que tu me harcèles de messages, un coup je n'en ai pas assez… Ton père m'a dit qu'il y avait quelque chose d'important dont tu me parlerais « quand tu serais prête »… Tu n'es toujours pas prête ?
Spike
…
De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : Entreddthien afec ounn fompyr
Mein herr Spike,
Sprechen sie deutsch? :-D
Bin, je suis dans une prépa accélérée pour apprendre l'allemand. Il faudrait que je reste au moins trois mois pour arriver à quelque chose mais en attendant, faut que je me débrouille pour suivre. Je te dis pas la tête de ma future moyenne si je ne comprends rien à rien... C'est pas facile cette grammaire. Ici c'est comme un bunker, on ne voit pas le jour, on nous parle allemand matin, midi et soir. Après les cours normaux (six heures par jour), on en a des individuels dans un box, avec un casque (pendant deux heures). Je reste là-bas en internat parce qu'ils disent que les élèves sont tentés de revenir à leur langue en rentrant chez eux le soir et que c'est moins efficace. Du coup, ce sera de ta faute si je suis moins efficace.
Guten Tag! :-))
Fraulein Maya
…
De : Spike (hostile17©skynet. net)
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : Achtung baby
Maya,
J'accepte tout le blâme. J'ai passé un certain temps dans un sous-marin allemand pendant la 2e guerre mondiale. Angel aussi, mais moins longtemps… Bien sûr, j'étais avec les Nazis, qu'est-ce que tu crois. Que j'étais un enfant de chœur ? :-P
Ton père m'a laissé mariner sur un suspense. J'aimerais bien savoir ce qui se passe. Personne ne répond à mes messages.
Spike
…
De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : #jeboude
Spike,
Bah, moi je réponds. Mais je sais pas trop. Comme je suis enfermée ici, j'ai pas d'idée de ce que font les autres. Je suppose que Papa et Maman sont à fond dans l'ouverture de la classe de Hambourg (il y a trop peu d'élèves pour appeler ça une école). Moi, je fais silence radio, genre que je suis studieuse, mais c'est plutôt parce que je me suis engueulée avec Maman.
La très impertinente Maya
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
A : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)
Objet : RE : #jeboude
Ma mignonne Hermione,
Figure-toi que j'ai un très long passé de vilain et d'impertinent qui aime mettre de l'huile sur le feu. Je veux TOUT savoir. Je pourrais te donner de précieux conseils pour envenimer n'importe quelle situation en cinq mots ou moins… Sur quoi porte l'engueulade ?
Spike
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De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : RE : #jeboude
Ouais, ouais, je te vois venir avec ton 'ma mignonne' tout sucré… Mais ça ne prend pas. :-D
Je me suis engueulée avec Maman parce que je vois bien qu'elle est en dépression. Quand j'ai essayé de lui parler, elle a dit que c'était pas vrai, alors qu'elle pleure tout le temps pour un rien. Ou pour des trucs qu'elle ne veut pas dire. Donc puisque je ne suis qu'une écolière mineure qui se mêle de ce qui la regarde pas, eh bien j'étudie. Visiblement je ne suis bonne qu'à ça.
Et pis sinon, j'ai laissé tomber cette histoire de Tueuse. Je vais dans un lycée normal. Où il y a des garçons. Des qui essaieront pas de me mordre. J'ai trop hâte.
Maya, libérée délivrée
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
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Objet : Potins
Ah la vache,
Mais vous n'arrêtez jamais, vous, les Summers !… Je vous ai vous ai vues il y a dix jours, et maintenant ta mère fait une dépression et toi tu arrêtes tout ? C'est quoi le problème ? C'est à cause de notre discussion ? Je vais servir à quoi, moi, si tu ne fais plus Tueuse ?
Et ta mère, qu'est-ce qui lui arrive ?
Sp!ke
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A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : Potins
Mé non, ne t'inquiète pas, tu resteras mon petit parrain que j'aime et que j'adore. Simplement, on ne parlera plus boutique.
Notre discussion oui, mais pas que. Il y eu a aussi au lac avec Papa. C'est… compliqué. :-D
Je pense bien que toi ça doit te faire marrer le « ouh la la, une Tueuse a eu un vampire, grosse info… Mais est-ce qu'elle a bien validé 365 jours de cours en 4e année ? » Je sais que c'était pas comme ça dans le vieux temps. Des filles plus jeunes que moi étaient poussées dans le grand bain sans savoir nager. Et c'était apprends ou crève… Bon bref.
Je n'imaginais pas que ce que j'ai fait causerait autant de problèmes à Papa dans son travail, ni qu'il se ferait autant de souci parce qu'il voit bien que je ne suis pas la plus appréciée... Alors au final, j'ai trouvé que retourner dans un bahut normal, c'était ce qu'il y avait de plus simple et de moins prise de tête, déjà pour Papa déjà et surtout pour moi…
Pourquoi elle ne va pas Maman ? Je sais pas : elle a pas voulu me parler. J'ai proposé de jouer à Vérité ou Vérité (c'est comme Action ou Vérité, mais moins Action) et elle m'a envoyé chier direct. Pourtant je promettais de dire mes secrets et j'étais prête à lâcher du gros dossier…
Je comprends qu'elle n'aille pas bien, ça arrive. Mais puisqu'elle veut faire son autoritaire et me traiter comme si j'avais 9 ans (alors que je vais être majeure) eh bien okay. J'ai lu ça dans un bouquin de tante Willow : pour aider quelqu'un, il faut quatre mains. C'est profond.
Un bisou.
Maya
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
A : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)
Objet : RE : RE : Potins
Ma toute petite Maya,
Si tu veux toujours jouer à Vérité ou Vérité, d'un point de vue vampirique, c'est vraiment super que tu arrêtes l'entraînement de Tueuse. D'un point de vue 'parrain avec une âme', c'est déjà tout de suite beaucoup moins fun. Je vais pas te dire ce que t'as à faire. Il paraîtrait que ce sont les leçons qu'on apprend tout seul qu'on retient le mieux… En tous cas, Vérité, ça me ferait vraiment chier qu'une salope de démon te fasse la peau pour se faire sa petite réputation.
Ça m'emmerde carrément que ta mère ne me réponde pas. Enfin... ça m'inquiète. Surtout après ce qu'elle m'a dit la dernière fois. Je ne vais quand même pas être obligé de demander à Angel s'il sait un truc ? J'ai un reste d'amour propre.
Je te laisse un peu tranquille, je pense que j'ai bouffé la moitié de ta nuit à papoter des potins.
Spike
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Spike
Angel, t'as des infos sur ce qui se passe chez les Wells ?
Angel
Attends… je suis avec Giles sur une autre ligne. Très énervé par la Revendication
Spike
Merde. Il m'a pourtant déjà passé un savon l'autre fois
Angel
J'en prends bien pour mon grade aussi. Heureux ?
Spike
Mais quel crétin ! T'y es pour rien, toi. Au contraire, t'as tout fait pour limiter la casse…
Angel
Attends, il me parle d'un truc à propos de la Force… Je te rappelle
Spike poussa un gémissement d'impatience en jetant le téléphone et en s'étalant sur la courtepointe rouge de son large lit à baldaquin. Rien à faire, il aimait ce vestige d'un autre temps, même si récemment, il n'accueillait pas beaucoup son sommeil.
Nerveux, il sauta sur ses pieds. Au lieu de gamberger, il préférait essayer de se changer les idées en allant voir ce qui se passait dans la salle de commande.
— Hey, le volet, s'il vous plaît ! s'écria-t-il avec un mouvement réflexe pour se protéger le visage. Non mais… attendez un peu. Les gars, on est où là ? Je suis pas très fort en astronomie mais deux soleils, c'est pas chez moi. Vous avez dû louper la sortie…
Les bestioles bourdonnèrent et agitèrent les antennes. Un message s'afficha sur la petite tablette qu'ils lui avaient donné, et textuellement, il disait : « CALME. SIGNAL DE RÉCEPTION AUGMENTÉ. »
Il pencha la tête sur le message avec perplexité pendant que devant leurs consoles pleines de boutons, les autres vaquaient à leurs tâches inconnues sans plus s'occuper de lui. Il resta un moment sans voix puis il entendit la sonnerie étouffée de son communicateur rebondir entre les murs métalliques. Anticipant le rappel d'Angel, il regagna sa chambre en vitesse et chercha fébrilement de quel côté il avait fait tomber le téléphone…
En consultant l'écran, il vit que c'était Willow qui avait tenté de le joindre. Un texto laconique bipa dans les secondes qui suivirent.
Willow
Rappelle-moi, état d'urgence !
Il obtempéra aussitôt. La voix de Willow toute déformée résonna bizarrement à son oreille.
— Spike ?
— Évidemment ! Tu me dis 'rappelle-moi', je te rappelle…
— Oui, oui, bien sûr mais il y a un drôle de son sur la ligne… Tu es où ?
— Euh… pas franchement dans le coin, ça doit être pour ça… répondit-il évasivement. C'est quoi l'urgence ? Une apocalypse ?
— Pas loin… Giles m'a appelée et il est fu-rieux ! Il me reproche de ne pas l'avoir contacté au sujet des morsures, tu sais…
— Oh, vaguement.
— Mais quel est l'imbécile qui est allé lui cafter ça encore ?! J'ai appelé Andrew et il m'a dit que Dawn s'était effondrée après l'avoir eu au téléphone… Déjà qu'elle n'allait pas très fort…
— Euh… quoi ? toussa Spike en frappant silencieusement son haut front pour se maudire, parce que c'était lui l'imbécile. Tu veux dire que c'est à cause de leur dispute qu'elle est en dépression ?
— Hein ? Dawn est en dépression ? Mais je ne suis pas au courant de ça !
— C'est Maya qui me l'a dit. Mais sinon, il y a quelque chose que je peux faire ?
— Ha, tu ne te rends pas compte ! Giles est monté sur ses grands chevaux. Il est en train de tous nous appeler les uns après les autres. Il a commencé à convoquer un grand conclave de tous Observateurs et sorciers disponibles – sans moi ni Andrew bien sûr. Ils auront pour seule mission de casser le sort qui vous unit, Dawn et toi. Et à tout prix. A mon avis, ta survie n'est pas forcément au programme. Écoute, je sais que c'est pas glorieux mais cache-toi ! Le mieux serait un champ de confinement résistant à la magie, mais ça ne marchera qu'un temps… Un sort de localisation lancé par une batterie entière de sorciers et leurs manas combinés finiront par en venir à bout…
— Mais il a pété les plombs papi Rupert ! Qu'est-ce qu'ils comptent faire ?
— Tout essayer, et ça me fait peur pour vous deux. Vous allez souffrir durant leurs tentatives. J'ai pensé à quelque chose pour te cacher. Quand tu étais au Tibet, j'ai eu un mal fou à te localiser… Peut-être peux-tu retourner là-bas ?
— Hum, ce n'est pas vraiment le Tibet la raison… c'est surtout le poison des Démons de la Lune qui me maintenait à peine vivant. Et si j'y retournais, je n'en reviendrais probablement pas. Si je meurs, Dawn me suivra très peu de temps après…
— Et si vous y alliez tous les deux ?
— Non Willow, je ne veux pas que Dawn soit dévorée par ces trucs. Moi je m'en suis sorti parce que je n'étais pas consommable pour eux…
— Spike, c'est très grave. Je ne sais pas combien de temps ils vont mettre avant de comprendre que la seule façon de casser un tel lien serait que vous mourriez tous les deux en même temps. Ils s'imagineront qu'il suffira de réanimer Dawn avec des électrochocs… Mais elle pourrait tout aussi bien ne pas s'en sortir du tout. Et même si elle survivait, dans quel état serait-elle en sachant qu'elle est responsable de ta mort ? Tu es très important pour elle et depuis très longtemps.
— Je vois… Il faudrait qu'on puisse y mettre un terme par nous-mêmes. Comme une séparation à l'amiable. Mais c'est pas tout de le vouloir, le problème c'est la sincérité, c'est elle qui lève la promesse. Et là maintenant, on serait tout sauf sincères… D'ici quelques années, peut-être quand Dawn se sentira trop âgée pour continuer à être avec moi, elle pourrait arriver à me libérer de mon engagement…
Willow soupira, avec une angoisse audible. Il l'entendait faire les cent pas et percevait l'accélération de son flux sanguin. La sorcière était une bonne amie.
— Il faut que je réfléchisse à une solution convenable. Je vais méditer pour me calmer et regarder la situation posément…
— Et si on annulait le sort préexistant à cette… union ?
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
— Et bien… c'est-à-dire que le petit coup de crocs est arrivé pour une certaine raison. Dawn t'en a forcément parlé puisque tu lui as fait la morale sur son utilisation de la magie, mais elle l'a fait pour empêcher que je me dézingue. Ça ne compte donc pas ?
— Hein ? Mais elle n'a rien mentionné d'autre… bredouilla-t-elle. Je croyais que qu'elle voulait te voir pour arrêter de fantasmer ! Mais coucher avec toi et puis t'effacer ce souvenir sans te demander ton avis, c'était au minimum bizarre... Est-ce que... c'était vrai ? Tu avais envie de te suicider ? Elle a peut-être mal compris ou mal interprété…
— Non pas du tout. Je la tenais dans mes bras et en une minute, la soif de sang m'est tombée dessus avec une violence monstrueuse !... Je ne comprenais pas, mais je n'ai réfléchi plus que ça en constatant un - que j'étais incapable de démorpher et deux - ce que j'avais irrépressiblement envie de lui faire... Je ne voyais pas d'autre solution.
— C'était... radical.
— Ah ouais ? Et t'as trouvé ça trop radical aussi quand t'as remis l'âme d'Angel en place tellement c'était un gentil garçon sans ça ? Quand Dawn a effacé certains de mes souvenirs, ça m'a calmé un peu mais j'étais KO. Et pendant que j'étais dans le brouillard, je lui aurais parlé du Pacte de sang.
— C'était un simple sort d'oubli ?
— Je ne suis pas sûr qu'il soit « simple »...
— Non mais annuler le sort d'oubli ne changera rien. Votre pacte de sang, c'est bien distinct..
— Peut-être pas. Si je retrouve cette mémoire où je voulais désespérément me tenir loin d'elle, je serai sincère pour rompre mon vœu d'engagement. Et si elle en déduit que je la rejette alors le lien s'étiolera vite…
— Non mais c'est crétin. Si le conclave te tombe dessus et que tu meurs, sortilège ou pas, elle ira très mal.
— Willow, ne me raconte pas d'histoires. Dawn a survécu à la mort de sa mère, à la mort de Buffy – deux fois. Plus tard, il a fallu faire avec la mort de Giles, et elle a cru à la tienne pendant une heure ou deux… Elle se remet de la perte de ses proches. Ça lui prendra quelques temps, mais ça passera. La naissance, la vie, la mort, c'est l'ordre naturel des choses. Et puis, on a vraiment couché ensemble que cette fois-là, peut-être qu'il est encore temps ?
— Ah bon ? Euh, écoute Spike, ça fait beaucoup de « peut-être »… Laisse-moi voir d'abord si je peux trouver des options plus fiables. Et pendant que j'y suis, reste où tu es. Ça fait cinq minutes que j'essaie de te géolocaliser et le pendule devient fou et s'éjecte hors de la carte…
— Merci Red.
Il garda un instant le téléphone dans son poing fermé, réfléchissant plus fort qu'il ne l'avait fait depuis longtemps. A Dru quand elle l'avait jeté pour le démon Chaos, à ce qu'il avait ressenti alors, à la façon dont Angel s'était éloigné de Darla pour lui cacher qu'il avait une âme… Ce petit saligaud n'avait rien dit, mais il connaissait la situation ! Avec un mince sourire, il laissa les prémices d'un plan s'épanouir dans sa cervelle.
Puis il retourna vers la salle de pilotage où une bestiole tourna une antenne dans sa direction sans le regarder. Captivé malgré lui, il s'approcha des trois pilotes en contemplant le volet abaissé où se projetait une simulation visuelle fascinante. Les deux gros soleils de couleurs différentes étaient là, suspendus dans le vide, à danser l'un autour de l'autre et simplement maintenus par la force égale de leur attraction mutuelle… Il resta une longue minute à les observer sans que ce soit dangereux pour lui, faisant taire la voix en lui qui s'émouvait, en y décelant une stupide et magnifique métaphore.
— Vous saviez, ça, hein ? murmura-t-il. Vous avez fait exprès de venir ici ?
Ils bruissèrent en baissant la tête et il aurait juré qu'ils faisaient mine d'être occupés à manipuler des trucs qui ne servaient strictement à rien.
— Sympa, les petits gars.
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