When in Rome
Chapitre 27 Vacance romaine
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Los Angeles, 27 juin 2037
Ma chère Dawn,
J'ai un terrible sentiment de déjà vu, alors que je me retrouve encore face à un bout de papier pour essayer de te parler. Il ne faut pas être un génie pour voir qu'on a du mal à communiquer tous les deux. Mais si une lettre peut parvenir à ce miracle, alors j'écris une lettre. Le pire c'est que je crève du besoin de l'écrire alors que je ne sais foutre pas comment la commencer. Je pense que celle-ci sera tout de même plus courte que l'autre.
Andrew m'a tout dit. Enfin, je ne sais pas si c'est tout-tout, parce que c'est le genre de truc où il y a toujours un triple fond. Ne lui en veux pas. Je me sens tellement désolé maintenant de t'avoir brusquée et posé cet ultimatum.
Nous avons du mal à nous dire les choses mais j'ai l'impression pourtant que sur le plan physique, c'est beaucoup moins compliqué..
Mais je veux que tu saches, quoi que tu décides, que tu n'as toujours qu'à tendre la main pour me garder. Et si c'est pour être ton deuxième plus vieil ami et le parrain de ta fille, je prendrai aussi. C'est toujours ça que je ne laisserai pas à Angel.
Spike
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Rome, 1 juillet 2037
Spike,
Je ne suis fâchée contre personne. Je comprends ce que tu me demandais et rationnellement, je trouvais cela légitime. Mon comportement n'était pas clair et tu as été bien patient de l'endurer. Je te prie de m'excuser. Mets-le sur le compte de ton extraordinaire sex-appeal.
Je sais ce qui m'attire au fond chez toi. Cela te décevra mais ce n'est ni ton physique, ni tes piquantes réparties (bien qu'elles ne comptent pas pour rien). C'est plutôt ton absence de peur, ta force, ton assurance. La façon dont tu te jettes dans toute nouvelle expérience avec témérité. Je les admire car je voudrais avoir su les développer moi-même bien plus tôt dans ma vie. Si je l'avais fait, tant de drames auraient été évités.
Je n'aurais pas été enlevée par Gloria pour commencer. Buffy n'aurait pas eu à perdre la vie pour me sauver, Willow n'aurait pas touché à la nécromancie pour la faire revenir parmi les vivants. Elle ne serait pas devenue accro à la magie noire ensuite…
Tu vas me dire que tu n'aimes pas ce monde alternatif, car alors Buffy réanimée ne se serait pas tournée vers toi pour l'aider à se réadapter à un monde qui n'avait plus de sens pour elle. Et alors tu n'aurais pas eu l'intimité sexuelle dont tu rêvais... et qui avait pourtant l'air de te laisser toujours insatisfait.
Sans cette suite d'événements, à l'heure qu'il est, tu serais toujours un honnête Super Méchant craint et respecté des bas-fonds. Tu mènerais une vie libre, sans cas de conscience, et sans régime sang de porc tiède. Dépourvu de puce électronique, tu serais parti reconquérir Drusilla, dans ta vieille bagnole pourrie, et ça aurait probablement marché. Ou sinon, tu aurais fait comme tout le monde : engendré une compagne perverse qui t'aurait adulé, et puis quelques vampires serviles pour reformer une nouvelle famille Adams.
Et tu n'aurais pas à trimballer cette âme si pesante qui ne te rend pas heureux.
J'ai pensé à tout ça uniquement par désœuvrement et pour essayer d'avoir un peu de perspective, car j'en ai affreusement besoin en ce moment.
Mais ce qui est arrivé est arrivé. Et je serais malhonnête de soutenir que dans l'intervalle, entre alors et aujourd'hui, ma vie aura été exempte de toute joie, ou de moments de bonheur.
Et parmi eux, les fois où tu m'as trouvée belle et où tu as essayé de me le faire entendre, si subtilement, ont plutôt figuré en bonne place.
Dawn
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoi : 2 juillet 2037
A : Dawn Wells (dawn·wells©watchers-council. org)
Objet : que toi
Ma chère Dawn,
Je ne suis pas connu pour ma subtilité, c'est un fait. Mais je peux être beaucoup plus patient que tu le crois. Surtout si cela implique qu'on prenne une carte d'abonnement au cinéma.
Je suis d'accord avec toi, ce qui est arrivé est bien arrivé.
Spike
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De : Dawn Wells (dawn·wells©watchers-council. org)
Envoi : 2 juillet 2037
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : que moi
Spike, Spike, Spike.
Je doute que tu puisses te contenter facilement ou longtemps de quelques cajoleries. Je sais que ta patience a des limites. Au nom de quoi devrais-je t'imposer les miennes ? Je ne trouve pas ça juste. Par contre, ça fera le bonheur de tes nombreuses maîtresses démones tout autour du monde.
Dawn
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Dawn Wells (dawn·wells©watchers-council. org)
Objet : RE : RE : que toi
Ma chère Dawn,
Mais... tu es jalouse ? Je n'ai fait que te taquiner avec les vampibots. Ne me renvoie pas à ces maîtresses plurielles qui peuplent ton imaginaire. J'ai peut-être un vaisseau mais je ne suis pas un marin qui en collectionnerait une dans chaque port. Révise ma fiche dans le cours d'histoire des créatures de la nuit. Je suis le type qui est capable de rester cent ans avec la même femme. Je suis le type qui est sorti même pas deux mois avec une autre, et qui y pense encore trente ans après. Je suis un tas de trucs, mais pas un Casanova.
J'étais parti sur le Toit du Monde pour te protéger de mes dents pointues et de mes sautes de personnalité. J'y ai découvert dans ces délires nés du poison que ton absence était pénible et l'idée que tu n'existes pas, pire encore. Quand je suis revenu de mon détour par Los Angeles, c'était pour m'assurer que tu n'étais pas un rêve. C'est devenu certain quand tu m'as giflé.
Je ne suis pas un penseur, le sang n'alimente que rarement le cerveau. J'ai écouté les opinions de tout le monde sur moi, sur ce que je devrais faire ou ne pas faire, et décidé de balancer tout par-dessus bord. Ce qui compte, c'est la façon dont tu frissonnes tout contre moi quand on s'embrasse. Rien d'autre.
Tu dis que tu ne veux rien m'imposer, je pense qu'on est bien pareils là-dessus. Le fond de l'impasse est confortable. Apparemment, mieux vaut manquer de courage, de confiance et sacrifier ce que l'on ressent sur l'autel de la peur. Et en bonus, on ne s'impose rien à soi-même non plus !
Je ne veux pas être méchant. Je n'ai juste pas envie de rendre les armes sans combattre. Ou plus exactement, je n'en ai plus envie.
Parce que je t'aime. De toutes les façons que tu voudras bien.
(Et je dis merde à William qui n'est pas content de ma syntaxe).
Spike
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Le fuselage de L'Insectoïde n'avait guère d'attraits, mais ce n'était rien à côté de la laideur de la cabine que les pilotes lui avaient octroyée au départ. Il l'utilisait comme dernier recours pour une sieste. Elle était certes fonctionnelle : il y avait un petit bureau avec un terminal, une couchette. Il y avait un volet qui s'abaissait automatiquement sur l'ouverture dès qu'elle se trouvait exposée au moindre rayon de soleil. Il y avait une vue sur les étoiles et sur l'espace, sauf que rien n'était plus monotone que l'espace…
Mais quand il ne savait pas où dormir à terre, il regagnait une petite zone de chargement sous le vaisseau qu'il avait transformée plus à sa convenance. Sa « vraie » chambre était là, avec le grand lit remonté de la Terre, quelques meubles, et le cabinet de toilette. Les bestioles n'avaient rien dit quand il s'était arrogé les lieux.
Au passage, son titre était de pacotille. Le vaisseau était à ces drôles de gugusses à pattes, carapace, yeux de mouches, hauts comme trois pommes. Qui eux savaient le piloter. Il ne les embêtait pas avec une pseudo-autorité, puisqu'il était plutôt pour eux une sorte de mascotte qu'ils laissaient s'asseoir sur la chaise au fond du poste de commande... Tout ce qui l'intéressait, c'était qu'ils viennent le transporter quand il en avait besoin, et parfois recueillir son spleen. Dans le cadre de cet arrangement, ils étaient plutôt sympas.*
Spike se rongeait les sangs en regardant le courrier qu'il avait envoyé, mais ressentait en même temps une certaine exaltation. C'était dit. C'était enfin dit. Il était soulagé et terrifié à la fois. Jamais il ne s'était senti plus vulnérable qu'aujourd'hui.
A part le jour où il était devenu vampire. Le jour où Cecily, à qui il vouait une adoration naïve, s'était foutu de sa gueule et l'avait rejeté comme une pauvre merde. Serait-il jamais devenu un vampire si William avait pu rêver moins et rechercher une chic fille de marchand à épouser ?
Pour sa part, Buffy avait bien mieux réagi quand il avait avoué ses sentiments. Enfin la seconde fois où il l'avait fait, parce que la toute première, elle avait été horrifiée ! Il se souvenait encore de sa tête catastrophée et de la façon adorable dont ses petits sourcils s'étaient tordus d'incompréhension et de désespoir. Elle l'avait rejeté avec virulence elle aussi, mais c'était le choc. Et la peur. Dire que depuis son arrivée en ville, il n'avait cherché rien d'autre que faire naître cette émotion en elle !... Il n'en avait pas du tout profité comme il l'aurait dû…
Et Dawn ? Il y avait un bail qu'il avait complètement dépassé le stade de l'autoflagellation. Être attiré par elle, avoir envie d'elle, c'était forcément immonde. Il avait une certaine expérience pour ce qui était de tomber amoureux trop vite de femmes qu'il n'aurait jamais dû envisager. Il n'avait pas perdu de temps à lutter. Cette attirance était. Point barre. Nier ne servait à rien du t...
Un petit message de Maya bipa sur son téléphone – premier indice sonore que ce n'était pas la réponse si attendue de Dawn, alors qu'il avait posé son cœur sur la table.
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De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : ta déclaration
Hey, mais trop romantique, ta dernière phrase ! Enfin pas celle où tu dis merde à ton ancien toi, hein ? Je ne sais pas pour la syntaxe (je ne sais pas ce que c'est), mais l'idée générale, j'ai compris.
Et moi si on me disait ça, je rappliquerais tout de suite…
Maya
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : RE : ta déclaration
Douce petite fouineuse indiscrète,
1) Est-ce que ça ne te dérangerait pas trop d'arrêter de pirater notre correspondance privée à ta mère et à moi ? C'est un peu personnel ce qu'on est en train de se dire.
2) Si jamais quelqu'un commence à te dire qu'il veut t'aimer de différentes façons variées, il ferait mieux de savoir courir plus vite que moi.
Spike
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : RE : ta déclaration
T'es marrant ! :-D
Je te ferais dire que c'est Maman qui m'a lu ta lettre, d'abord, et j'ai rien eu besoin de pirater du tout !
Et pour ta deuxième remarque, je suis bien trop jeune et bien trop innocente pour avoir la moindre idée de ce que tu racontes… :-P
Par contre je te vois venir quand tu essaies de changer de sujet en parlant de sexe pour mettre mal à l'aise et éviter de répondre. Tu vois que Maman prend mon éducation là-dessus très au sérieux.
Un câlin,
Maya
PS : c'est les vacaaaaaaances !
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : RE : RE : RE : ta déclaration
Maya,
Ta conversation est une source inépuisable de divertissement. Mais pourquoi diable est-ce que je croirais qu'elle te lise ma lettre ? J'insiste : ça ne regarde que nous. Et je retire ce que j'ai dit, c'est davantage 'qu'un peu personnel' finalement.
Spike
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : RE : RE : RE : ta déclaration
Non mais c'est parce qu'elle m'a dit que tu commençais à devenir 'retort en rétorique'. (Je te garantis pas que c'est bien écrit). C'est ça un "pléonasme" ? (retort-retorique). Comme je comprenais rien, je lui ai demandé un exemple. Et du coup, elle a lu le bout de lettre.
T'inquiète, j'ai pas lu les autres, elle les cache mieux que ses dessins.
Au fait, t'es où ?
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De : Spike (hostile17©skynet. net)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Objet : RE : RE : RE : RE : RE : ta déclaration
Sur le grill, pourquoi ?
J'ai dit à ta mère de la façon la plus frontale que je l'aimais et que je ferai tout ce qu'elle voudra… et elle ne me répond plus depuis.
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De : Maya (hermione∙wells©onecloud. com)
Envoi : 3 juillet 2037
A : Spike (hostile17©skynet. net)
Objet : RE : RE : RE : RE : RE : RE : ta déclaration
Ah mais non, elle est pas en train de te mettre un vent ! Elle est allée parler avec Papa.
Je pense qu'ils sont en train de discuter du déménagement. Comme on part après-demain, faut tout bien organiser. J'ai déjà fini d'empaqueter mes affaires, c'est pour ça que je peux parler avec toi au lieu de transpirer sur les cartons…
Maya
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Spike regarda l'écran comme s'il venait de s'ouvrir en deux pour laisser sortir une petite tête d'alien. Il ne voyait qu'un seul mot. Déménagement. Quel déménagement ? Quand ? Pour où ? Il ne l'avait pas vu venir, et il avait rarement été aussi KO de toute sa vie. Ou alors une fois. A cause de Gloria.
Il avait associé Dawn à ce pays aussi beau qu'il était ouvertement dangereux – avec son soleil permanent et ses croix ornementées à tous les coins de rue… Elle l'incarnait si bien. Magnifique, risqué, peut-être fatal… Le départ des Wells lui faisait tomber un nouveau piano sur la tête, lui laissant le sentiment implacable que leur histoire s'interrompait brusquement ici et qu'il n'en connaîtrait jamais la fin.
Il aurait la possibilité de la revoir, mais ailleurs. Mais pas son visage heureux sur la plage quand ils s'étaient promenés. Pas devant une fontaine ou elle le charriait sur « le moment opportun ». Oh, il savait bien comment il l'imaginait ce moment... Dans la tiédeur de la nuit, la brise caressant leurs corps, elle serait nue – un peu comme dans cette scène d'une vieille version du Titanic où la femme ne portait rien d'autre que le Cœur de l'Océan. Il y avait aussi un cœur dans son collier, après tout. Après réflexion, peut-être que se référer à l'histoire d'un naufrage catastrophique n'était pas la meilleure chose à faire…
Le déménagement. Mais comment pouvait-elle déménager si elle comptait exposer ses œuvres dans une petite galerie ? La nouvelle était-elle tombée peu après sa décision d'acheter ? Un doute insidieux s'empara soudain de lui puisqu'il repensait justement au collier. Et à ce qu'elle disait juste avant qu'il ne le lui offre, devant la fontaine… Où elle accomplissait toujours le rituel pour faire le vœu d'y revenir. Elle avait jeté sa pièce.
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Il arrêta les messages écrits et appela directement Maya pour la bombarder de toutes ces questions.
Ce qui la fit rire. Elle argumenta qu'elle ne pourrait lui répondre que s'il prenait les questions les unes à la suite des autres et pas toutes en même temps. Il entendait le sourire de l'adolescente au travers de ses réponses courtes et cela le rendait dingue, jusqu'à ce qu'il lâche, complètement furieux :
— Mais je ne veux pas que vous partiez !
— Mh, je reconnais que ça fait plaisir de se sentir désirée… Mais Papa est tenu de faire régulièrement le tour de toutes les Écoles de Tueuses autour de la planète. Il y a un genre de rotation, tu vois ? Et puis il dit que comme ça, je me sentirai « citoyenne du monde ». Ce qui ne veut rien dire parce que tout le monde peut voyager, en tous cas quand on a un papa assez riche. Ou… quand on a son propre vaisseau spatial…
— Mais que va devenir la villa ? Tes parents vont la vendre ?
— Bah… non. C'est la propriété du CDO.
— C'est quoi le CDO ?
— Le Conseil des Observateurs… Jamais entendu parler en cent soixante-quinze ans d'existence vampirique ?
— Pas une fois, répondit-il pince-sans rire.
— Ah dommage, répondit-elle sur le même ton. Eh bien, ils achètent des maisons dans les villes où il y a des Bouches de l'Enfer, et du coup, maintenant, des Écoles de Tueuses. Et ça leur sert à loger leur personnel. Papa et Maman sont déjà venus à Rome. Moi j'étais trop petite pour m'en souvenir car j'avais trois ans ou je sais pas. Sinon on est revenus à mes dix ans. Mais c'est toujours la même maison. On met juste nos affaires et on retrouve vite nos habitudes comme ça.
— Alors, ça veut dire que vous ne reviendrez pas avant des années ?
— Bah, Papa et Maman peut-être… Tiens, je ne sais pas ce que deviennent les vieux Observateurs à la retraite.
— Ils finissent par pousser le fauteuil de Giles au sanatorium, sans doute...
— Hin hin hin. Fais pas genre que tu t'en fous. Il te manquera à toi aussi, papi Rupert. Pour moi, je ne reviendrai sans doute pas. Je serai adulte, j'aurai mon propre appart – et garanti sans ophidien. Je serai dans un autre pays probablement. Nous les Tueuses, on est les VRP de l'extermination démonique. On va là où le devoir nous appelle…
— Mhum. Je plains celui qui sera ton Observateur. Il va en baver des ronds de chapeau.
— Il y a un vieux dicton qui soutient qu'on a les Observateurs qu'on mérite… Bah, c'est marrant mais ils ont le même à l'envers : on a les Tueuses qu'on mérite. Si t'es si inquiet, je crois t'avoir déjà proposé le poste. Il est toujours vacant mais tu ferais mieux de ne pas attendre cent sept ans. Mes dix-huit ans viendront plus vite que tu crois.
— Et celui qui dit qu'on a les vampires qu'on mérite, tu le connais aussi ?
— Évidemment. C'est ce que je me tue à répéter à Maman.
— Je ne veux pas que vous partiez.
— Ah ce n'était pas un mythe ça, alors. Tu es têtu comme une bourrique. Mec, t'as un VAISSEAU SPATIAL. Qu'est-ce que tu chouines ?
— Ne m'appelle pas « mec », et je ne « chouine » pas.
— Ah bah vu d'ici, ça ressemble…
— Et… qu'est-ce que tu crois qu'ils se disent ?
Il détesta devoir mendier de cette façon mais au point où il en était, cela n'avait plus d'importance. Les filles de cette famille avaient juré de ruiner son image de gros dur depuis Joyce jusqu'à Maya. Il entendit son sourire amusé dans l'écouteur.
— Un, je croyais que votre histoire c'était personnel, et deux, que je ne devais pas fouiner ou écouter aux portes ?…
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.°.
Logé dans un renfoncement non exposé afin de ne pas être misérablement réduit en tas de poussière par le soleil de midi, Spike était à quelques mètres du porche de la maison des Wells. Les tripes, le cœur et la gorge serrés, il regarda les murs jaunes et le perron blanc. Il ne pouvait qu'être là, quelque risque dément que cela représente pour lui…
Andrew, tout pimpant dans un costume en lin même pas froissé, était en train de charger quatre ou cinq valises à l'arrière du taxi qui stationnait devant l'entrée. Dans un grand sac, il vit aussi dépasser le carton cubique où était rangé le casque qu'il avait offert à Maya.
L'adolescente tenait sa mère dans ses bras, et murmurait quelque chose dans son cou. En jean et t-shirt très simples, celle-ci lui caressa les cheveux avec une dernière bise. Maya grimpa dans le taxi et ce fut au tour d'Andrew. Dawn lui arrangea les pans de sa veste et en brossa les épaules, puis elle lui donna aussi une brève mais chaleureuse accolade. Et le jaloux manqua de s'étouffer en voyant qu'elle terminait par un court baiser sur les lèvres et que leurs mains restaient jointes encore quelques secondes. Puis l'Observateur jeta un dernier coup d'œil voilé vers la porte de la maison, et Spike eut la surprise d'y voir Pietro décomposé, à côté de deux petites valises de toile.
Après avoir envoyé d'autres baisers et signes de la main à sa famille qu'elle regardait s'éloigner pensivement, elle s'en retourna monter les trois marches. Elle avait l'air attristée également, et pressa la main du jeune italien avant de la poser sur son épaule avec sollicitude. Quelque chose dans son attitude, et dans ce que lui portait la brise, lui faisait deviner le sens de ses paroles : « Tu n'as pas besoin de partir aujourd'hui, tu sais ? » L'autre secouait la tête, en essayant de ravaler l'humidité au bord de ses épais cils ourlés. Même de là où il était, Spike se doutait qu'il sortait une excuse…
Un second taxi fit crisser ses roues devant la maison devant la maison. Elle embrassa la joue du jeune homme et il baisa très légèrement le bout de ses doigts. « A domani » ** dit-il avec un pauvre sourire. Spike savait ce que ces mots voulaient dire : que Dawn était encore là pour une journée.
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La tête plaquée contre un mur ocre, le ventre rentré pour éviter le pinceau cruel de l'astre du jour, le vampire ne comprenait pas ce qui se passait exactement. Pourquoi elle n'était pas avec les deux autres, pourquoi Pietro n'était pas avec les autres ?… Le soleil au zénith était trop éclatant pour qu'il tente quoi que ce soit. Il se contenta de relever le numéro de la plaque d'immatriculation du taxi emportant le bellâtre romain. Il avait bien envie d'une petite conversation avec lui.
Il vit Dawn sortir une pince de sa poche et tordre ses cheveux pour les attacher. Ils étaient un peu courts maintenant. Elle empoigna un balai resté près de l'entrée et en fit un usage énergique sur le perron.
A part sa crypte qui n'avait guère duré, Spike n'avait rien eu qui ressemblait vaguement à une maison. Il avait rarement l'occasion de déménager au sens normal du terme. Souvent c'était plutôt parce que l'endroit avait été brûlé ou pillé. Plus souvent encore parce qu'il devait suivre Drusilla et que leurs massacres les rendait indésirables aux locaux. Les possessions matérielles prenaient moins d'importance pour lui, à quelques rares exceptions près : son manteau, sa voiture autrefois, son briquet… Sans doute avait-il reporté le sens de la possession à un autre niveau, celui de la possessivité.
Il pensa que Dawn était peut-être là pour superviser les déménageurs, finir de nettoyer après leur passage ou ce genre de chose. Il trouvait cela étonnant : Andrew était très riche, il aurait pu confier cela à une agence. Puis, il repensa à l'intérieur de la maison, et il se dit que c'était peut-être dû au contenu assez spécial de sa bibliothèque, ces vieux livres devait être transportés avec délicatesse...
Mais pourquoi le petit-ami bibliophile ne faisait-il pas partie du voyage ?
Pourquoi Dawn et lui s'étaient-ils fixé rendez-vous le lendemain ?
Pourquoi ne pouvait-il pas se ruer vers elle et là, debout contre sa porte, l'embrasser passionnément, maintenant qu'ils étaient enfin seuls ?
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Notes
* Absolument pas canon dans la mesure où je n'ai pas lu les comics…
** A demain.