When in Rome

Chapitre 26 : Beauté volée

3934 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/12/2020 00:41

Chapitre 26 Beauté volée

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Andrew remonta aussitôt en voiture et roula à la poursuite du vampire. Celui-ci se tenait sur le bas-côté et marchait très vite, probablement à dessein. Une fois parvenu à sa hauteur, l'Observateur inquiet le héla par la fenêtre baissée.

— Spike, fais pas la tête et monte.

— J'ai ma moto dans un parking, là-bas. Et elle a un peu plus de classe que ce pot de yaourt à roulettes...

— Monte. Je ne te lâcherai pas jusqu'à ce qu'on ait pu discuter. J'ai des choses à t'expliquer. Des choses qu'il faut vraiment que tu entendes.

— Non. C'était… une erreur de revenir, je ne la ferai plus. J'ai donné, c'est fini.

— Spike, bon sang, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « choses importantes » ?

— Ok, arrête-toi.

Andrew stoppa docilement le véhicule. Le vampire posa les mains sur l'encadrement de la fenêtre, se pencha et dit en détachant agressivement ses mots :

— Fous-moi la paix. Je n'ai pas envie de te parler. Va plutôt retrouver ta petite famille. T'avise pas de te mettre en travers, tu ne fais pas le poids contre moi.

— Monte à la fin ! Tu ne sais pas ce que Dawn a pu endurer. J'ai l'impression qu'elle ne t'a rien dit. Alors, ça ne me fait pas plaisir du tout, mais j'imagine que c'est à moi de le faire...

Indécis, Spike contempla le pavé à ses pieds. Des semaines qu'il attendait de savoir quoi, de tout démêler en lui, d'être sûr. De comprendre que malgré les difficultés, être auprès d'elle primait sur tout. Rien, absolument rien, n'était venu gâcher la douceur de ce moment au cinéma. Il lui faisait tant bien après la découverte de la mort absurde de Laïta... Alors se faire rejeter de cette façon juste après ! Là, il n'était vraiment pas d'humeur à faire autre chose que de se saouler le plus rapidement possible. Et seul.

— Alors ? Où est-ce que je te conduis ?

— J'ai plus d'endroit où crécher à terre. Je vais aller sur L'Insectoïde.

— Et il est où ?

— Une centaine de bornes au-dessus.

— Ah. Sinon, j'ai une autre solution : comme Angel est parti, tu pourrais rester chez lui une nuit ou deux... Je vais parler à la logeuse.

Dormir dans la piaule d'Angel !? Mais, tu le fais exprès ?

— Ecoute-moi. Tu as peut-être eu une mauvaise journée, je peux le comprendre. Mais tu ne partiras pas avant de m'avoir entendu, et je n'ai pas besoin d'oreilles indiscrètes en prime-trime, même si elles ne comprennent pas tout ce qu'on dit.

Spike soupira.

— Oh, ce que t'es pénible !

Andrew le regarda d'un air outré, avec l'air de penser qu'il n'était pas le pire des deux. Le vampire s'en fichait. Il avait eu son content de déconvenues pour la soirée. Agacé de se laisser finalement forcer la main, il grimpa en violentant la portière. S'il ne s'était pas agi de Dawn... A côté de lui, le conducteur soupira lui aussi profondément, peut-être autant d'impatience que de soulagement.

Le blondinet pacifique ne savait rien de cette mauvaise journée qui mettait son passager sur les nerfs, mais il reconnaissait bien sur son visage immuable la même dureté d'autrefois. La tête que Spike faisait quand il était cruellement blessé dans son amour-propre.

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Une fois passé l'inquisitoire de la gérante de la pension, ils pénétrèrent enfin dans le dortoir d'Angel. Spike s'assit sur la courtepointe du lit comme si elle était contaminée. Andrew resta debout, appuyé de dos à une table de bois ciré. Le vampire se doutait que la position de surplomb devait le rassurer (que c'était mignon) mais le laissa faire, si ça pouvait le tranquilliser. Même si Andrew était devenu (enfin) un homme, se coiffait différemment avec les cheveux courts, portait des lunettes et mettait un costume (au lieu de ses t-shirts et chemises radioactives), son visage rectangulaire exprimait toujours quelque chose de doux et rêveur. En moins niais toutefois. Et peut-être même qu'avec un bon relooking lui aussi, il aurait pu paraître assez bel homme.

Pour l'instant, il avait juste l'air soucieux ce qui faisait ressortir une ride du lion, seul détail trahissant qu'il n'était pas étranger au vieillissement, finalement.

— Écoute Spike, je ne sais pas très bien comment aborder ça, alors je vais le faire en commençant par la fin, ça t'impatientera moins.

— Mhh, et dire que pendant toutes ces années je croyais que tu ne me comprenais pas... Envoie.

— Je ne sais pas trop ce qui s'est passé ce soir, même si je peux en deviner une partie. Dawn n'aurait pas pleuré comme ça si elle n'avait pas été aussi désespérée. Donc. Mon Dieu, ce n'est pas facile. Bon. Quand elle était plus jeune, à l'époque où elle attendait Maya, quelqu'un a... abusé d'elle. Plusieurs fois.

— Quoi ? rugit le vampire en bondissant sur ses pieds, les poings serrés et les yeux passés au jaune instantanément.

— Reste assis.

— Est-ce que c'est le salopard qui l'a mise enceinte qui... ?

— Non pas du tout, coupa Andrew. Laisse-moi finir.

Tendu comme un ressort, Spike se mit à respirer inconsciemment la bouche ouverte, ce qui était probablement un signe de stress incongru. Son cerveau lui balança les fragments de la nuit où il lui avait probablement fait la même chose… Non, non, NON ! Pourquoi s'était-elle trouvé deux fois victime de cela ?

Il se rassit mais aux vibrations néfastes qui l'entouraient, Andrew sentit qu'il était prêt à lui sauter à la gorge.

— Dis-moi juste qui a fait ça, ordonna-t-il en contenant sa fureur galopante. Je vais le...

Wells avait beau avoir un costume Smalto assez naze, il dégageait tout de même une certaine... détermination. Il leva la main en secouant la tête pour l'arrêter.

— Inutile, je m'en suis déjà occupé.

— Ha. Toi ?! Laisse-moi rire.

— Tu ne donnes pas l'impression d'avoir envie de rire. Ne t'inquiète pas, il a eu ce qu'il méritait. Je serais difficile à mettre en cause s'il y avait une enquête, mais je suis bien responsable de sa mort... à défaut d'avoir porté le coup de grâce moi-même. Je ne suis pas fier de ça, car ni les Observateurs ni les Tueuses ne doivent chercher vengeance. On tue les démons, pas les humains.

Spike acquiesça en s'agitant.

— Et c'est Faith qui donne ce cours ? Viens-en au fait !

— J'essaie ! s'énerva-t-il. J'essaie… Dawn a beaucoup d'affection pour toi et... d'attirance. Je la connais assez pour être sûr qu'elle voudrait y donner libre cours. Mais à certains moments, alors que tout allait bien jusque-là, son angoisse refait surface d'un coup et elle s'effondre. N'as-tu pas ressenti cela quand vous étiez ensemble ?

— Si, bien sûr ! Mais je pensais que c'était parce qu'elle avait peur que je la morde à nouveau ! Je fais tout ce que je peux pour éviter ça. Vraiment tout. Mais ce soir... Ce soir, c'est comme tu l'as dit. Elle s'est verrouillée d'un coup comme si elle ne supportait plus ma présence. Et... je n'ai pas compris.

Spike agrippa ses cheveux en désordre d'une main et voulut se lever.

— Reste assis.

— Mais j'ai besoin d'un verre et d'une clope. MAINTENANT.

— Il faut que tu comprennes une chose : Dawn est actuellement tout à fait capable de se défendre sans l'assistance de personne. Si elle a été mordue c'est que, pour une raison, elle ne s'y est pas opposée. Contrairement à d'autres personnes pratiquant la magie, elle peut mettre la sienne en œuvre même avec les mains liées ou bâillonnée. Cela fait partie d'elle-même. C'est dans ses cellules. Et si son sang coule...

— Je sais ce qui se passe. Mais si c'est le cas, comment a-t-elle pu être violée. Et plusieurs fois !? Elle était inconsciente ?

— Euh... non. C'est son gynécologue qui l'a fait en profitant de son statut, dit-il à voix basse, presque timidement.

— QUOI ?! rugit Spike une seconde fois en se relevant.

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— Spike, s'il t'était possible de ne pas réveiller tous les autres pensionnaires, j'apprécierais... Bon, je reprends du début. A l'époque, quand j'ai découvert son état, je l'ai emmenée consulter parce que j'étais inquiet... Au lieu de me réjouir de son sevrage obligé, j'ai tout de suite pensé aux éventuelles complications. Entre l'alcool et la façon dont elle était venue au monde, je voulais le meilleur spécialiste pour la suivre. Et comme j'avais les moyens, j'ai choisi celui qui avait pignon sur rue et semblait le plus réputé.

Andrew baissa la tête en pinçant les lèvres mais parvint à continuer.

— Au début, tout s'est bien passé. Je l'ai accompagnée aux premiers aux rendez-vous, ensuite, elle s'y est rendue seule. Je ne voyais pas de raisons de continuer. Elle avait récupéré un meilleur appétit et reprenait des forces... Elle y allait toutes les trois semaines. Et puis, j'ai constaté qu'elle n'avalait de nouveau presque plus rien, prétextant qu'elle avait toujours des nausées...

Il secoua la tête avec un soupir oppressé.

— J'ai mis trop de temps à réagir. Je lui ai demandé ce qui n'allait pas et elle a fini par me dire qu'il y avait peut-être un problème avec le fœtus, et que le médecin voulait la voir plus souvent... Je lui ai dit que la santé du bébé était importante et que je paierais ce qu'il faudrait. Là, elle s'est butée et a éclaté en larmes...

Statufié et le regard fixe, le vampire grinçait des dents.

— Oh je me flanquerais des baffes... J'ai appelé au cabinet médical et on m'a conseillé de ne pas m'inquiéter, et qu'avec un suivi très régulier, il serait possible de prendre toute mesure nécessaire très rapidement. Quand je l'ai eu en direct, ce salaud m'a sorti le couplet sur les émotions en dents de scie, et la crainte du premier accouchement... Moi, je n'avais qu'une hantise : qu'elle ou le bébé n'y survivent pas. On nous certifie qu'elle est complètement humaine, mais avec un tel bouleversement physiologique, comment savoir si ça allait rester comme ça ? Ce n'était rationnel mais... la peur ne l'est jamais.

Spike acquiesça, sans montrer le moindre jugement. Il n'avait jamais eu à craindre d'être père un jour, alors il doutait de pouvoir appréhender pleinement l'angoisse de perdre un enfant en même temps qu'une femme qu'on aime. Andrew, lui, n'avait pas douté, il avait sauté dedans à pieds joints...

— ...et tous les matins, elle avait les yeux rouges de quelqu'un qui a pleuré... Là, je me suis réveillé et je suis allé trouver Willow. Elle avait déjà eu Alexandra et j'espérais que Dawn puisse se confier à une autre jeune maman, si elle pensait que je ne pouvais pas comprendre un truc féminin... Deux heures après : coup de téléphone de Will, hors d'elle, qui me demandait de rappliquer tout de suite. J'ai foncé en craignant le pire pour la vie de Maya, mais ce qu'elle m'a révélé n'avait rien à voir avec ce que j'anticipais. Je te jure que je voyais ses racines redevenir noires et j'avais plus peur d'elle que de toi maintenant...

Le vampire extrêmement silencieux lui décocha un regard qui semblait voué à changer tout ça... Andrew déglutit.

— Ce que j'ai appris, c'est que ce type profitait de son extrême vulnérabilité. En insinuant constamment que la grossesse était à risque à cause de son alcoolisme, et en soulignant les antécédents de tumeur et d'anévrisme dans sa famille, il a aggravé sciemment son angoisse. Ensuite, chantage psychologique. Il a collé des rendez-vous toutes les semaines sous prétexte de la rassurer, mais en réalité pour un tout autre motif. Il a décrété nécessaires une batterie « d'examens » systématiques : échographies, palpations internes, avec ou sens ustensiles… Quand elle s'est plainte de leur durée et de la souffrance ressentie, il a juste dit qu'elle devait être hypersensible. Mais que c'était un mal nécessaire et que l'accouchement d'un bébé sain était à ce prix.

— Est-ce que tu es en train de me dire qu'il en profitait pour lui écraser les seins et introduire des doigts dans son vagin à chaque visite hebdomadaire ?

— Je… je n'ai pas osé demander trop de détails mais Willow était ulcérée !… Elle a dû lui expliquer que malgré les apparences, ça n'avait rien de normal et que ce qu'elle avait subi était criminel. Je ne sais pas comment Dawn a pu endurer ça sans rien dire…

— Elle n'a rien dit parce qu'elle avait honte ! cracha Spike. Et il a de la chance d'être déjà mort.

Pour cacher son émotion, Andrew ôta ses lunettes et fit mine de se pincer le pont du nez comme Giles l'avait fait si souvent.

— Et c'est moi qui l'ai conduite chez ce type immonde !… s'étrangla-t-il.

— Ne te frappe pas. Il y a eu des fois où j'aurais mieux fait de fermer ma gueule au lieu d'insinuer lourdement des trucs sexuels. Jamais je n'aurais plaisanté comme ça si j'avais su… Et alors, qu'est-ce que vous avez fait ensuite ?

Pour la première fois depuis qu'il l'avait revu, le regard direct d'Andrew le cueillit comme jamais. Il y dansait une franchise ouverte et un désir... d'approbation ?

— On l'a laissée à la surveillance de Kennedy et on est allés confronter cette ordure tous les deux. Bien sûr, il a tout nié en bloc en nous traitant d'affabulateurs. Et si on ne partait pas, il appellerait la police, porterait plainte, avec injonction restrictive d'approcher et tutti quanti. Qu'est-ce que tu voulais qu'on fasse ? Willow a contre-attaqué : sa propre gynécologue soutiendrait Dawn si elle portait plainte pour viol aggravé et récidive, il en prendrait pour plus de vingt ans et ne ressortirait jamais de prison. Il a blêmi et arrêté son petit numéro pour devenir vicieux. Ce serait alors sa parole contre celle d'une petite praticienne sans envergure, et il savait bien en faveur de qui pencherait la balance. Des dizaines de riches patientes aux maris influents pouvaient se porter garantes pour lui... Ce mépris ! Je crois que je ne l'oublierai jamais. Si je n'avais pas été là, je pense que Willow l'aurait étranglé à la Dark Vador.

— Dommage d'avoir manqué cette occasion !

— Elle n'était pas loin de l'explosion et on aurait vite été soupçonnés. Toute la salle d'attente avait dû écouter l'esclandre... On est rentrés, on a essayé de se calmer. Will était en rage. Comme on n'était pas en état, Kennedy s'est occupée de confier le suivi de Dawn à quelqu'un de mieux. Et puis on a réfléchi à un plan. Deux jours après, une fois calmé, j'ai recontacté le type pour lui proposer qu'on se voie dans un lieu public. Pour qu'il ne refuse pas, j'ai dit qu'on s'était emballés peut-être un peu vite, que je souhaitais un arrangement amiable, et ne pas ébruiter l'affaire.

— Rha, non ! Mais putain de dégonflé, t'as pas fait ça ! C'est tellement minable ! Comment t'as pu faire ça ? Comment t'espère que je ne te fracasse pas directement, là tout de suite ?

Le cœur d'Andrew battait à peine plus vite, et le vampire en fut un peu déstabilisé. Ce n'était pas de la peur que son interlocuteur ressentait, mais davantage une forme... d'excitation. Le léger sourire, hésitant entre la modestie et une intense satisfaction, en était une confirmation supplémentaire quoique perturbante.

— Tu es toujours trop pressé. On était à Providence dans le Rhode Island. C'est entre New York et Boston. Peu de gens savent qu'en raison de l'effondrement de Sunnydale, une autre Bouche de l'Enfer s'est ouverte là-bas.* C'est un problème tellurique et de lignes de force… bref. Mon plan était simple. Je lui ai fixé rendez-vous dans un bar et je ne suis pas venu, car je me trouvais à vingt kilomètres de là, avec des dizaines de témoins oculaires.

— Parce que... ?

— Ce « lieu public » était un bar à démons, précisa-t-il en accentuant son sourire. Ravi d'être livré à domicile, un vampire s'est jeté sur lui dès qu'il y a mis les pieds. Et le lendemain, pas de chance, tous les deux sont tombés sur une patrouille de Tueuses extrêmement consciencieuses…

Spike plissa les yeux pour cacher la mutation brutale de son dégoût rageur et sa frustration homicide... Un rictus sauvage venait de zébrer son visage. Il alla piocher une cigarette dans la poche de son blouson, l'alluma et tira plusieurs fois dessus avec une sensualité dérangeante.

— Venant d'un Observateur, je serais presque impressionné, dit-il entre deux bouffées avides.

— Je sais que tu l'es. Je n'ai pas les moyens d'être violent, je fais autrement, répondit-il mi-figue mi-raisin. Euh... juste un truc. A part Willow, personne n'est au courant. Avec toi maintenant, je sais d'où ça viendrait si ça finissait par se savoir.

Le rictus de Spike s'élargit. Qui aurait cru que le petit crétin puisse être aussi sournois ?

— Tu me menaces ?

— Non, je sais trop bien que je ne suis « pas de taille contre toi ». Et pour finir, si jamais tu avais un doute, Dawn s'est entichée de toi. Tu lui as tellement tourné la tête qu'elle était prête à coucher au moins une fois, malgré... tout. Willow et moi avons été dévastés quand les choses ont mal tourné, l'été dernier. On n'a pas été capables de la faire parler, donc on ne sait rien de concret. J'ai refusé que Will utilise l'hypnose. Angel n'a pas été très loquace non plus. Ce qu'il sait, s'il sait quelque chose, il ne l'a pas dit.

— Ne lui mettez pas ça sur le dos. Il croit juste que j'étais trop en rut pour me retenir de la mordre et trop stupide pour inciter Dawn à en faire autant.

— Quoi ? Dawn t'a mordu ? ? Qu'est-ce qu'elle pensait te faire ? Vous mettre à égalité ?

— Non, elle pensait me sauver en m'empêchant de me supprimer.

— QUOI ?

— Oui, bon, ça va… Quand j'ai reçu le faire-part de Red pour la cérémonie, j'ai eu envie de jeter l'éponge. J'y pensais depuis un an ou deux. Rester en vie pourquoi faire ? Le poids de l'âme est lourd et la mort chante comme une sirène. C'est la certitude qu'un enfer bien pire m'attendait de l'autre côté qui me retenait jusque-là... Dawn l'a découvert et a fait ce qu'elle a pu pour l'empêcher.

Le visage d'Andrew montra une concentration intense, puis du doute.

— C'est un pacte de sang ! comprit-il avec une profonde inspiration.

— Oui, c'est similaire à celui qui lie un nouveau vampire à celui qui l'a engendré. C'est… fort.

— Mais Dawn n'est pas devenue vampire !

— Non.

L'Observateur écarta les mains en signe d'incompréhension. Des années et des années à faire d'eux son sujet d'étude ne l'avaient pas préparé à ça.

— Mais… pourquoi ?

Spike lui tapa sur l'épaule et puis se jeta sur le lit.

— Une autre fois. Un Ophidien de trois mètres cinquante de haut, avec une gueule comme ça, m'a à moitié bouffé ce soir. Il faut vraiment que je dorme pour tâcher de cicatriser... Dis à Dawn que je suis désolé… pour tout. Je te raccompagne pas, tu sais où c'est, dit-il en indiquant la porte d'un geste vague.

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Et bien sûr, il ne dormit pas, tout entier consumé par une rage farouche qui s'exaspérait de ne pouvoir trouver ni exutoire, ni coupable à faire payer par de lentes souffrances. Il ne restait que lui-même. Il comprenait les remords d'Andrew, qui devait se dire que son choix désastreux avait causé des terreurs et des séquelles chez une personne qu'il aimait.

En plus de l'avoir laissée aux mains de "Parmakaï", il se flagellait de ne s'être posé aucune question. Ou du moins de ne pas avoir posé celles qui étaient évidentes. Pourquoi était-elle restée seule alors qu'elle était si belle et qu'elle aurait facilement pu trouver des amants ? Pourquoi s'était-elle comportée comme si les contrecoups d'Ostia ne la dérangeaient pas mais avait-elle continué à voir un psy pendant des mois ? Pourquoi flirter avec aplomb, le regarder avec une telle adoration muette, chercher ses bras et l'embrasser, pour se replier ensuite sans avertissement ni explication ? Voilà pourquoi, pauvre abruti !

Agissant toujours en glorieux imbécile, il n'avait rien vu et n'avait rien demandé, trop heureux de trouver un peu d'affection sincère, trop heureux de deviner qu'il n'y aurait aucun rival sérieux pour lui barrer la route, et surtout trop préoccupé par son propre psychodrame : Oh mon dieu j'ai des sentiments pour une femme, oh mon dieu c'est la sœur de Buffy, oh mon dieu son sang me rend raide dingue, oh mon dieu tout ça ne peut que très mal finir... parce que je la veux encore. Même sur mon lit de mort, je ne pense à rien d'autre. Elle et moi. Bouche contre bouche. Peau contre peau. Hanches contre hanches… Pour tout oublier de la noirceur de ma vie, grâce au cadeau de son amour que je n'attendais pas... que je n'attendais plus.

Oh bordel, mais ta gueule, William !

Les images s'entrechoquaient sous son crâne. Dans sa chair, il comprenait mieux que personne qu'on puisse la trouver absolument désirable. Mais l'accabler de mensonges, l'écarteler sous le chantage pour pouvoir la fourrager pendant qu'elle pleurait de douleur en silence ?

Un voile rouge s'était abattu. L'envie, la haine et la pitié se disputaient ses restes et festoyaient avec. Bien avant lui-même, cet homme avait razzié et saccagé impunément tout ce qui était pur et qu'il brûlait de vénérer... Il se savait capable d'endurer mille morts, littéralement, et correctement motivé, de s'en relever encore plus hargneux qu'avant. Il se savait mériter des souffrances atroces pour toutes les vies qu'il avait prises... Mais pourquoi Dawn aurait-elle mérité de souffrir seule, pendant des semaines entre les pattes de ce déchet humain ?... Nauséeux, il sentit les larmes monter et ses crocs descendre.

Les insupportables visions des Djinns la lui avaient montrée sur une table étroite, bâillonnée, ligotée, exposée quasi nue, à la merci de cette forme sombre qui entendait jouir de sa beauté éplorée, de sa terreur et de sa douleur… Il avait cru que c'était le pire qu'il portait en lui, qu'il s'agissait de ses propres pulsions sadiques se manifestant ainsi parce qu'il était mauvais et pervers…

Mais dans le vrai monde, surprise... Dawn avait connu une situation similaire en tous points : incapable de parler, les mains liées, sanglotant dans l'angoisse face aux abus répétés… Est-ce que ça voulait dire qu'une part de lui le savait déjà ? Il sentait sa poitrine prête à éclater.

Incapable de supporter tout ceci davantage, il s'arracha du lit, et d'un geste brusque, il prit son communicateur pour composer le numéro de Charles Canaan.

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Note

* Non canon mais mentionné sur le Wiki de la série.

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