When in Rome

Chapitre 25 : Est-ce que tu veux de moi ?

3724 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/11/2020 20:43

Chapitre 25 Est-ce que tu veux de moi ?

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Spike s'était retourné et avait toute suite su ce que c'était que « ça ». Un python obèse et souple, quatre fois large comme lui et le surplombant d'au moins deux têtes, s'avançait en reptation en utilisant la moitié de son corps. L'autre moitié était dressée comme un naja. Le bruit des écailles crissant sur le pavé était assez déplaisant à ses oreilles. La masse musculeuse d'un vert sombre avait une tête plate, emmanchée sur un cou épais. Elle n'émettait aucun son en elle-même, sa langue fourchue se contentant de scanner l'air alentour. La mauvaise nouvelle, c'était qu'il en sentait deux autres approcher ; la très mauvaise nouvelle, c'était qu'il était maintenant sûr que les fameux frères de Laïta existaient bel et bien.

— Ce sont des Ophidiens. Ils n'ont pas l'air contents.

Dawn ne savait pas si elle devait se rapprocher de Spike ou au contraire s'écarter pour lui laisser plus de marge de manœuvre.

A leur grande surprise, le premier Ophidien se tourna vers les deux autres qui arrivaient de l'autre côté de la rue et il dit dans un anglais parfait :

— Nous t'avons enfin trouvé... Vampire, tu as tué l'une des nôtres. Meurs.

C'était sobre. Spike aimait bien ce style sans fioriture mais arbora pourtant une face ennuyée. Il se mit aussitôt en mouvement, se translatant de côté comme un boxeur, pour littéralement circonvenir celui qui lui parlait. Accessoirement, il espérait que la chose attirerait l'attention sur lui plutôt que sur Dawn. Celle-ci comprit et se recula jusqu'à sentir un mur dans son dos. A part quelques bacs à poubelle aux couleurs fluorescentes, il n'y avait rien pour se cacher. Il aurait été presque plus facile de rebrousser chemin pour revenir près de la fontaine qui avec ses sculptures et ses niches, aurait peut-être offert plus de cachettes.

— Je n'ai pas tué Laïta.

Dawn resta clouée sur place. Laïta, la démone verte était morte, mais quand ça ?! Spike gardait les yeux fixés sur celui qui s'adressait à lui, conscient que les autres pouvaient venir en renfort n'importe quand, ou bien s'attaquer à Dawn.

— Mensonges. Tu as porté la main sur elle. Tu l'as séduite et puis mangée. C'est ce que vous faites, vous, les vampires.

Spike continua à tourner autour de ce qui s'apparentait à un énorme serpent-limace, histoire de se laisser la possibilité de l'entraîner au plus loin.

— Séduite ? Mais enfin, tu insultes le bon goût de ta sœur... T'as vu la tête que j'ai ?

— Tu parles trop. Meurs maintenant ! finit-il en avançant vers lui la gueule ouverte.

Spike n'était manifestement pas le seul à avoir de belles dents bien pointues.

Parfois, Dawn n'était pas sûre de comprendre ce qui dans le visage humain de Spike lui plaisait autant. Objectivement, il était un peu bizarre, il fallait le reconnaître. Mais son attitude exsudant l'assurance, c'était différent. Peut-être était-ce son absence de peur qui l'attirait comme un aimant. A bien y réfléchir, son psy aurait sûrement confirmé…

Elle se laissa hypnotiser quelques instants par le naturel avec lequel il combattait. Parer, esquiver, frapper, sauter, rouler, se relever, refrapper, mordre, arracher, virevolter... Il était né pour ça. Une oreille interne en béton. Un équilibre infaillible. Plus rapide que son adversaire, David contre Goliath, il évitait souplement les mâchoires qui claquaient dans le vide, et la queue qui fauchait en battant l'air comme une bourrasque. D'un coup de rein, il se donna un peu d'élan pour bondir sur le dos de l'Ophidien. La tête furieuse s'agita en tous sens pour le faire tomber. Les deux autres Ophidiens se rapprochèrent au point qu'elle eut l'impression de le voir aux prises avec une hydre des légendes.

Ses coups de poings et coups de pieds impactaient les écailles dures avec un bruit mat mais sans parvenir à les déstabiliser vraiment. Quand il roula au sol en criant « Dawn, cours », elle s'ébroua pour se sortir de sa contemplation fascinée. Faisant mine d'obéir, elle recula de quelque pas pour se poster sous un réverbère et fouilla frénétiquement dans son sac. Le cliquetis incongru des objets qu'elle faisait tomber par terre attira l'attention d'un des Ophidiens sur elle. Elle levait fréquemment les yeux pour s'assurer que Spike s'en sortait... Il avait quelques éraflures et du sang sombre maculait la commissure de ses lèvres. A nouveau juché au sommet du cou épais d'un Ophidien qu'il tentait d'étouffer, il capta le comportement de Dawn éjectant une quantité de bazar de son sac.

— Mais qu'est-ce que tu fiches ? Dégage de là !

— La voilà ! s'écria-t-elle en brandissant une dague rutilante. Spike, attrape !

Le troisième Ophidien se dressa devant elle pour faire barrière, mais d'un rapide mouvement rotatif de la main, elle fit apparaître un trou dans le pavé qui déstabilisa la bête ne s'y attendant pas. Sans attendre, Dawn lança la dague d'un tir lobé vers le vampire. Coup de chance, il l'attrapa du côté du manche. Il se laissa glisser au sol tandis que la tête reptilienne cherchait encore l'engloutir. Ou bien lui inoculer un maximum de venin...

A tourner autour, le vampire avait repéré le « ventre mou » de la bête qui était en réalité... sous sa gueule. Un endroit bien gardé et dangereux à approcher, du moins si on tenait à ses bras. A la première occasion, il sauta pour se suspendre d'une main à la mâchoire inférieure un mètre au-dessus du sol. Il grimaça quand ses doigts agrippèrent des crocs. Son but était d'utiliser son autre main pour éperonner l'endroit le plus fragile... mais il laissait son flanc gauche découvert.

Le second serpent géant n'avait pas raté cette ouverture... Spike gronda de colère plus que de douleur quand il sentit des dents râper contre ses côtes. Il donna un coup de pied pour écarter son autre ennemi alors qu'il vacillait avec le premier serpent. D'un mouvement preste, il retira la dague du premier pour poignarder le second. La dague ripa vainement sur des écailles plus dures.

Les deux Ophidiens encore en état émirent un caquètement étrange et sifflèrent. Celui que Dawn avait temporairement arrêté se dressa et coula sans difficulté hors du petit cratère.

Le ventre broyé dans un étau, la respiration laborieuse, le cœur battant follement, Dawn ne vit que le vampire en mauvaise posture face à une attaque conjointe, alors que l'un des deux s'était enroulé autour de lui sans lâcher malgré les entailles reçues... En temps normal, elle savait qu'il aurait pu s'en sortir brillamment mais se sentait fautive. Il était temps que la fréquentation quotidienne de Buffy lui serve enfin à quelque chose.

Elle se planta les mains sur les hanches, le menton haut dans une posture arrogante et clama :

— Hey, toi, la grosse limace baveuse ! T'es en train de ruiner mon rendez-vous galant avec l'un des seuls vampires potables du coin et j'aime pas du tout ! Des mois que j'attends ça, alors tu vas te tirer d'ici et en vitesse. Lâche-le tout de suite ou je m'occupe de ton cas ! C'est compris ?

— Va t'en, idiote ! Nous te rendons service.

— Décampe où tu vas goûter à un abîme de souffrance !

Il émit de nouveau le drôle de claquement et lâcha brusquement Spike en plein sur l'Ophidien qu'il avait blessé.

— Dawn, arrête !

Elle secoua la tête en lui demandant implicitement de se taire. La dague avait glissé des mains de Spike et elle courut la ramasser avant de la lever de la façon la plus impressionnante qu'elle put. L'Ophidien rapetissa et se transforma inopinément avant d'adopter une silhouette humanoïde, qui n'avait rien de spécial si ce n'était son hâle vert foncé. Il rit et la regarda avec dédain, bientôt rejoint par le second Ophidien qui se transforma à son tour.

— Et que crois-tu pouvoir tenter ?

— Mais ce que je suis née pour faire...

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D'un geste vif, elle s'entailla le bout du doigt, et lorsque quelques gouttes de sang tombèrent sur le pavé, elle murmura juste "Aperto". Une crevasse vertigineuse ouvrant sur des nébuleuses fuchsia s'ouvrit juste devant leurs pieds en les faisant vaciller. Spike comprit aussitôt qu'il sentit le sang dans l'air. Comme au ralenti, il vit les précieuses gouttes rubis éclabousser le sol.

Jugulant l'impératif irrépressible d'aller lécher le nectar affolant sur les doigts coupés, il se leva d'un bond, fut sur les Ophidiens en trois secondes et les poussa dans le petit portail dimensionnel d'un violent coup de pied dans leur dos.

Elle essuya sa coupure avec un mouchoir et sortit un pansement gel en spray pour faire en sorte que le sang ne coule plus, ce qui suffit à sceller hermétiquement ce petit accès à un monde infernal quelconque.

Immobile et sans voix, il resta là, à la regarder, enraciné au pavé, la gorge nouée à cause du mouchoir en papier constellé d'écarlate et par le souvenir qui remontait en lui dans toute sa violence. Celui où pour sauver Dawn et la planète, Buffy s'était jetée dans un autre portail immense. Il disloquait les barrières entre les mondes, elle devait le fermer. Elle n'y avait pas survécu. Hagard, il avait pleuré des larmes amères sur son corps vénéré qui n'était plus qu'un cadavre encore chaud...

Le poignard effilé à la main, Dawn marcha jusqu'au serpent resté à terre et s'accroupit à petite distance de lui. Elle n'eut pas besoin d'élever la voix.

— Si tu veux les rejoindre, tu n'as qu'un mot à dire. Dans le cas contraire, tu lâches l'affaire.

— Mais, il a tué ma sœur et sa progéniture à naître ! Une vie pour une vie, c'est la loi.

Poings dans les poches, Spike enfonça les ongles dans ses paumes. En se concentrant sur la douleur, il parvenait à détourner son attention du sang de Dawn. Pensif, le vampire s'approcha de l'Ophidien blessé, couché au sur le côté.

— Peux-tu me dire ce qui se passe à l'éclosion ? questionna-t-il abruptement.

— Quoi ?

— Oui, quand les serpenteaux brisent leur coquille... Ce doit être un moment très important, Laïta n'arrêtait pas d'en parler.

— Qu'est-ce que cela peut te faire ? siffla l'autre.

— Réponds, c'est tout. Ou sinon, la dame te flanque dans la première dimension infernale venue. Tu n'as pas envie de ça, si tu as deux doigts de jugeote.

Le vampire spéculait. Peut-être qu'effectivement la créature n'en avait pas envie. Entre deux comparses morts, lui gravement blessé, plus Laïta et toute sa portée, l'idée d'une extinction de son espèce n'enchantait sans doute pas l'Ophidien. S'ils avaient à ce point besoin de ces naissances, il y avait sûrement une bonne raison.

— Et bien, la mère les aide à se dégager, le lien filial se forme, et ils la reconnaissent quand elle les nourrit car ils ont faim. Après, ils s'apaisent et ils dorment car ils sont fatigués. Normalement, ils sont mis dans une nursery du clan...

Spike quitta son masque de vampire, et inclina la tête avec une petite moue révélant qu'il n'aurait pas besoin d'entendre la réponse à sa question suivante.

— Et que se passe-t-il quand la mère n'est pas là à la naissance ?

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Et ils avaient filé dans la nuit. Pas la peine d'attendre que d'autres frères ne se mettent à leurs trousses. Cette fois, ce fut Spike qui lui prit la main pendant qu'ils couraient mais c'était elle qui les pilotait dans les rues. Le local n'était qu'à dix minutes de là, peut-être un peu plus. Haletante car elle n'était certes pas en condition pour une telle cavalcade, elle s'arrêta devant une boutique au volet métallique descendu et cadenassé. S'y reprenant à deux fois pour le déverrouiller, elle commença à le faire glisser vers le haut et Spike l'aida d'un mouvement désespérément aisé. Le grincement bruyant en fut écourté. Elle ouvrit la porte en verre feuilleté, attira le vampire dedans et il redescendit le volet avant qu'elle ne referme derrière eux.

Elle s'autorisa à pousser un soupir de soulagement, à reprendre son souffle une main appuyée sur le comptoir. Il ne disait rien, adossé au mur les yeux fermés et les traits tendus.

— Qu'est-ce qui se passe ? Tu es blessé ?

— Des plaies, des bosses, et quelques éraflures, rien de méchant.

— Enlève ton blouson, je veux voir ce que t'as là-dessous...

— Je crois que c'est à ce moment qu'on dit « je croyais que tu ne me le demanderais jamais ? ». En d'autres circonstances, j'aurais trouvé ça très...

— La ferme. Il y a du sang et il n'est pas vert...

Elle écarta doucement un pan et lui adressa une œillade furibarde. Son joli pull s'auréolait de taches sombres qui ne disparaîtraient pas. Il faudrait le jeter et cela lui mettait les larmes aux yeux. En soi, le vêtement était remplaçable bien sûr, mais en tant que symbole de ce qui s'était passé dans le cinéma, jamais... Elle avait l'impression que tout de ce moment enivrant disparaîtrait avec.

— C'est rien je te dis, ça ne fait même pas mal. Tu penses que j'aurais continué à pouvoir me battre comme ça, si c'était le cas ?

— Oui. Parce que comme dit Maya : « t'es un peu fiérot quand même ». Bouge, viens par-là que j'y voie clair, il y a de l'électricité dans l'arrière-boutique...

Elle le poussa devant elle jusqu'à l'autre pièce et alluma. Un plafonnier et deux appliques lui procurèrent une meilleure visibilité. Zéro déco, des murs propres mais nus, quelques petites toiles emballées de kraft, une vague odeur de térébenthine. Elle lui désigna la chaise mais il tendit le bras vers une ottomane rangée contre un mur.

— Mhh, c'est pour y installer tes modèles vivants posant dans le plus simple ap...

— Non, le coupa-t-elle. C'était pour mettre à l'étage mais je n'ai pas encore trouvé quelqu'un pour me le monter dans cet escalier pas super pratique... Mais t'as raison, assieds-toi dessus. Lève un peu, demanda-t-elle en désignant le pull.

Pourquoi fallait-il qu'il ne porte rien en dessous ? Réponse : il n'avait jamais froid. Le blessé réticent s'exécuta et elle considéra « l'estafilade » avec un froncement de sourcils.

— C'est moche, dit-elle seulement.

— Merci bien. D'habitude, mes abdos m'attirent plutôt des compliments...

Bien qu'elle soit très sensible à l'esthétique générale de sa silhouette lui rappelant celle des sculptures de la Renaissance, elle ne trouva pas cela drôle et se contenta de dire qu'elle allait chercher de quoi désinfecter en haut.

Une fois arrivée là, elle essuya rageusement quelques larmes du revers de la main et puis farfouilla à la recherche de la trousse d'urgence au fond d'un carton qu'elle avait déjà apporté.

— Comment ça se fait que tu aies une petite pharmacie ici ? l'entendit-elle.

— Je ne suis pas toujours adroite quand je bricole... répondit-elle en redescendant prudemment. C'est une simple trousse et je n'ai pas de quoi suturer. Enfin Spike ! Ce truc t'a mordu et il n'a pas fait semblant, on voit la marque des deux côtés !... Et comment on sait qu'il n'y a pas de venin ?

— Je pense qu'on l'aurait su plus vite... Tu as oublié ? Je guéris assez vite. Faut juste que je me repose quelques jours... Donne-moi juste de quoi faire un bandage bien serré, ça ira.

La mâchoire dure, elle essayait de ne pas grincer des dents. Avec les yeux qui piquaient, elle lui flanqua la trousse dans les mains sans cérémonie et s'en alla dans l'autre pièce pour éviter de lui asséner sa colère et sa peur en prime. L'adrénaline était en train de retomber.

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Il vint la rejoindre quelques minutes après et la trouva adossée près de l'entrée, comme si elle était prête à partir, la tête baissée et le poing contre la bouche.

— Chaton, je vais bien...

Elle hocha la tête.

— J'ai prévenu Andrew. Il va venir me chercher et te faire conduire... où tu habites. J'imagine qu'il sera accompagné de quelques Tueuses.

— Pourquoi faire, finir le travail des Ophidiens ?

— Ne dis pas n'importe quoi. Tu ne le lui rends pas, mais Andrew t'aime bien. Il va arriver d'ici quinze vingt minutes. Prends ton mal en patience.

Quand Spike la vit si fermée, il se dit qu'il avait dû rater quelque chose. Lorsqu'ils avaient pénétré ici, il n'était pas loin de penser que c'était la meilleure soirée de sa vie. Après le retour de l'âme en tous cas. L'exaltation de la route, des câlins, une bagarre... A peu près tout ce qu'il aimait. Mais à présent, il se sentait dépité.

Il alla se hisser sur le comptoir d'accueil pour s'asseoir et laisser quelque distance entre eux. Il essayait aussi de ne pas penser au parfum du sang séchant sur ses doigts. Déraper maintenant aurait été la pire chose au monde.

— Pourquoi est-ce que tu m'en veux ? Qu'est-ce que j'ai fait de travers ?

Elle secoua la tête et haussa une épaule.

— Rien, c'est juste que je suis stupide.

— Je ne laisserai personne dire, ça... Tu as été très courageuse et tu m'as aidé, cette dague était bienvenue... Et tu as du mérite de l'avoir retrouvé dans tout le bordel de ton sac. Je croyais que c'était une légende cette histoire de sac des femmes, mais le tien m'a impressionné...

— Une idée de Maya pour mon anniversaire… Cool d'avoir une tante sorcière pour jeter de tels sorts, non ? *

Un silence pesant retomba entre eux et Spike détesta cela. Il voyait bien où ça allait les mener, encore une fois, et il n'en avait pas envie. Depuis qu'il l'avait retrouvée, tout ce qu'il avait vécu ne faisait que lui rappeler qu'il n'y avait pas de temps à perdre inutilement. Cette valse-hésitation ne devait pas durer s'il ne voulait plus de drames ou de regrets.

Aussi étrange que ça paraisse, ce n'était pas dans ses habitudes de faire le premier pas. Il ne l'avait fait qu'une ou deux fois dans sa longue vie, mais là il fallait parler et tout de suite. Dans peu de temps, la cavalerie allait rappliquer, alors il n'était pas sûr d'avoir une autre occasion par la suite.

Il descendit du comptoir et se rapprocha d'elle à distance de bras. Déporté sur une hanche, les pouces accrochés à sa ceinture, il essayait de ne pas paraître menaçant de quelque façon que ce soit.

— Summers, regarde-moi.

Elle fit tout le contraire.

— J'ai dit « regarde-moi ». J'ai un truc important à te demander et j'ai besoin de voir tes yeux pour ça.

Elle obtempéra mais sans vraiment y mettre le défi boudeur qu'il attendait, bien au contraire. Ils reflétaient une sorte de résignation.

— Quoi ?

— Une fois pour toutes, oui ou non, est-ce que tu veux de moi ?

— Spike, je ne peux pas répondre comme ça...

— Si. Oui ou non ? Cela n'a rien de compliqué.

Elle exhala un soupir tremblé, les yeux fuyants de nouveau sur le côté. Il envahit délibérément son espace et lui leva la tête d'un doigt plié sous le menton pour pouvoir lire dans ses iris.

— Oui ou non ? répéta-t-il. Si c'est oui, je suis là, juste devant toi. Tu n'as qu'à tendre la main pour me prendre et me garder. Si c'est non, je franchis cette porte sans me retourner et tu ne me reverras plus. Ta réponse ?

Elle plissa le front, une expression suppliante fronçant ses sourcils fins, incapable de parler tant sa gorge était nouée. Il lâcha son menton d'un geste las et se tourna à demi.

— Donc malgré ce soir, malgré… tout, c'est non ?

Il déglutit et acquiesça, les mâchoires serrées de déception. Mais que pouvait-il faire ? Pas s'imposer ni tenter de la convaincre de revenir sur sa décision en tous cas. Le souvenir cinglant de Buffy terrorisée comme il ne l'avait jamais vue, qui pleurait sur le carrelage en tâchant de se protéger de lui acheva de l'assommer.

— Merci de ton honnêteté. J'avais vraiment besoin de savoir à quoi m'en tenir.

Plein d'amertume et de regret, il posa la main sur la poignée de la porte avant d'ajouter :

— C'est sans doute mieux comme ça. Je te souhaite d'avoir... une bonne vie.

— Spike ! S'il te plaît...

Il souleva le rideau métallique pour sortir et vit une petite voiture grise se garer au même instant sur le trottoir, face à la devanture. C'était celle de Dawn. Andrew et Maya en jaillirent précipitamment, une grande inquiétude peinte sur le visage qui s'accrut en voyant qu'il avait du sang sur lui.

— Elle n'a rien. Mais moi, j'y vais, j'ai mon compte pour ce soir, déclara-t-il brièvement.

Les deux arrivants ne comprirent pas les ombres dans ses yeux ni leur éclat glacial. Ils entrèrent l'un et l'autre et virent Dawn qui était effondrée en larmes. Une seule seconde leur suffit pour déduire que quelque chose avait mal tourné.

— Je le rattrape ! avertit Maya en serrant les poings.

— Non, il en faut un sur deux qui sache se battre si les rues sont investies par je ne sais quoi... Reconduis ta mère à la maison, je me charge de Spike. Allez-y à pied ce n'est pas loin, je garde la voiture.

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Note

* Idée bien évidemment tirée du sac d'Hermione dans la série Harry Potter, que Dawn et sa fille ont lue.

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