When in Rome

Chapitre 11 : Sept jours au Tibet

3542 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/09/2020 13:50

Partie 3 – Nothing here is real, nothing here is right

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Chapitre 11 Sept jours au Tibet

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Dans le ciel nocturne, la lune était énorme, éclaboussant les ombres jusque dans les moindres recoins. Les deux compagnons avaient beau se trouver à une haute altitude, la raréfaction de l'oxygène ne semblait gêner ni le vampire ni le loup-garou. Et pas plus ces rayons crus qui leur faisaient l'effet d'un soleil de minuit.

Debout devant la fenêtre ouverte du bâtiment niché contre une paroi abrupte, le pseudo-loup leva la tête écartant légèrement les narines dans le vent léger.

— Ils sont encore loin, estima-t-il. On a deux heures environ, s'ils progressent vite.

Spike contempla le petit homme roux aux cheveux courts. Pour une raison étrange, Oz avait à peine changé avec les années. Peut-être ses cheveux s'étaient-ils un peu clairsemés sur le dessus, mais comme Spike il avait gardé « l'uniforme » d'un jean sombre et d'un tee-shirt noir. Dans ce cas précis, à la gloire d'un quelconque groupe de rock. Même au fin fond du Tibet, sur les flancs de l'Himalaya, et à quelques mètres d'un temple bouddhiste perché, il n'aurait pas changé de tenue pour s'adapter à la mode locale.

— Ça nous laisse le temps de nous en griller quelques-uns.

— Des Démons de la Lune ? releva le vampire étonné.

Oz sourit avec un amusement non dissimulé.

— Des marshmallows ! J'aime autant faire ça dehors. Les bonzes ne voient aucun problème à faire cramer de l'encens toute la journée, mais l'odeur du sucre caramélisé les fait flipper... observa le loup en saisissant sa guitare qu'il avait posée dans un coin de sa cellule.

Spike jeta un œil alentours en prenant conscience des murs chaulés nus, du lit monoplace bas. Une table, une chaise. Daniel Osbourne semblait mener ici une vie des plus ascétiques, et ne s'encombrer d'aucune possession. Il n'avait conservé qu'une guitare acoustique, faute de trouver où brancher une électrique en ces lieux reculés. Même Angel avait certainement davantage quand il était dans sa période clodo...

Les deux créatures de la nuit quittèrent le monastère où Oz vivait en permanence depuis des années. Ils gagnèrent une petite clairière attenante qui avait une bonne visibilité sur le portail d'entrée.

Oz revoyait parfois les autres, de loin en loin, et les recevait volontiers s'ils parvenaient à grimper jusqu'ici sans y laisser leurs poumons... Puisque Spike n'avait pas de poumons, ou pas vraiment utiles, il ne se sentait pas dérangé. Une fois assis sur une grosse souche, Daniel s'escrima à démarrer un petit feu, et puis tailla au canif deux petites tiges où il comptait manifestement planter ses sucreries. Le regarder travailler de façon aussi calme avait quelque chose d'apaisant.

Ils s'étaient à peine croisés à Sunnydale, puisqu'Oz en était parti quand il avait été transformé en loup-garou. Le temps d'essayer de faire face à sa nouvelle situation, de comprendre ce qui lui arrivait, il s'était éloigné. Il n'avait renoué avec le groupe que plus tard, bien après même que la ville soit tombée.

— A part les marshmallows, tu m'as rapporté un autre truc de la civilisation ? demanda-t-il tout en continuant à effiler le bois.

— Un comics de Hulk. Je trouve que vous avez des trucs en commun.

Oz sourit largement et Spike remarqua combien ses canines étaient naturellement pointues, alors même qu'il avait toujours sa forme humaine.

— Le géant vert est moins bon avec une guitare, objecta le musicien laconiquement.

— Ton groupe ne te manque pas ? Les tournées ? Les groupies qui te lancent leur culotte ?

L'autre étouffa un gloussement. Jamais une telle chose ne s'était produite et dans aucune de ses nombreuses tournées méconnues...

— Pas vraiment. De plus, je peux toujours composer et jouer, même si le public est moins impressionné.

Spike tendit la main vers l'instrument et le cala de façon experte sur ses genoux avant de pincer quelques cordes. Le rouquin dressa l'oreille.

— Je savais pas que tu jouais...

— Oh je gratouille, mais je n'ai pas besoin de ça pour attirer les filles, moi. Du coup, j'imagine que je n'ai jamais vraiment progressé.

Oz inclina la tête avec une moue qui donnait le fond de sa pensée, et piqua un moelleux morceau blanc sur son bâtonnet qu'il tint au-dessus du feu.

— Vas-y joue un truc que je me rende compte. Les démons ne seront pas là tout de suite. Et puis l'avantage, c'est qu'ils nous repéreront plus vite, comme ça...

Il avait un humour discret et pince-sans rire que Spike trouvait très agréable. Ce type avait beau être un loup, il était beaucoup plus sympa qu'Alex ou n'importe quel Observateur...

De bonne grâce, le vampire égrena une mélodie triste et douce, parce qu'il repensait à la vie qu'il avait quittée. Il avait passé une journée sur son vaisseau spatial en orbite à broyer du noir – sans doute encore plus noir que celui d'Angel, ce qui n'était pas rien. Puis il s'était souvenu de cette mission qu'il avait dédaignée et avait décidé d'aller voir si Oz avait toujours besoin d'aide.

Ce dernier avait eu l'air surpris de ce renfort inattendu mais n'avait fait aucun commentaire désobligeant, cela n'avait jamais été son genre. Apparemment, il y avait des Démons de la Lune qui menaçaient régulièrement le monastère où il s'était retiré. Il ne l'avait pas dit aussi clairement mais il ressortait de ses formules prudentes qu'il pensait y être pour quelque chose. Que peut-être les Démons de la Lune en avaient plus après lui qu'après les pauvres bonzes contre lesquels il les défendait...

— Pourquoi crois-tu cela ? avait demandé Spike quand ils en étaient venus à en parler à mi-voix pendant leur dinette.

— Les attaques ont commencé peu après mon arrivée et puis... je suis moi aussi lié à la lune maintenant. Peut-être pensent-ils me "récupérer" ou que je suis des leurs ?

— Tu sais que si on en attrape, je peux les embarquer et les renvoyer à l'expéditeur ? Directement sur la lune ?

Daniel ne le traita pas de frimeur, mais il n'en pensait pas moins. Il croqua dans sa petite brochette improvisée avec un sourire de plaisir et ne répondit pas.

— Rien ne te manque donc de ta vie d'avant ?

— Non rien. Il y a des fois où je pense même que je pourrais aller encore plus loin.

— Plus loin que Katmandu ? C'est où... sur Jupiter ?

— Non... Je veux dire... pourquoi est-ce que je m'embête à me retransformer ? Je pourrais rester loup pour toujours. C'est une vie encore plus simple. Courir, manger, dormir, chanter pour l'astre de la nuit... et aucun regret.

Spike regarda son compagnon d'un soir. Son air énigmatique et impénétrable n'était pas rendu plus clair par les reflets du feu. Il se demanda s'il était sérieux. Avec lui, on ne savait jamais trop.

— Pourquoi ? Il y a... d'autres loups dans le coin ? Une possible copine, peut-être ?

— Ah ça, si j'arrêtais d'être une bête à temps partiel, j'aurais peut-être plus d'opportunités… pouffa-t-il.

— Mais tu n'as jamais besoin... de compagnie ? s'étonna le vampire le sourcil froncé d'incompréhension.

Il prit son temps pour réfléchir. La réponse vint enfin, portée par le velours paisible de sa voix au timbre à peine voilé.

— J'ai bêtement laissé filer la seule qui m'intéressait vraiment. Je l'ai quittée parce que j'étais perdu et bouleversé. Quand je suis revenu, il était trop tard. Non seulement elle m'avait remplacé, mais en plus par une fille ! J'ai eu comme un sentiment d'irrémédiable... Ça fait longtemps maintenant mais je pense encore à elle. C'est bête. Ce n'est même plus cette personne-là aujourd'hui.

— Pourquoi ?

— Elle était drôle et adorablement maladroite au lycée, mais c'était la plus compréhensive des petites-amies. Le jour où elle a appris que j'étais devenu un loup-garou, elle m'a regardé avec ses grands yeux pleins de sympathie et elle a sorti un truc du genre « oh tu sais, moi aussi pendant quelques jours du mois, je suis pas à prendre avec des pincettes »...

Il gloussa à ce souvenir.

— Je ne sais pas pourquoi, ça me fait toujours rire...

Il s'arrêta d'un coup, et redressa la tête.

— Ils approchent plus vite que je ne croyais ! Tu es prêt à te battre ?

— Toujours... combien de temps il nous reste ?

— Dix minutes, maximum. Je vais sonner le gong pour prévenir les moines de se barricader, je reviens...

Spike acquiesça et regarda la petite silhouette d'Oz marcher tranquillement vers le portail du monastère. L'homme restait serein. Le vampire savait que dans quelques instants, ce modèle de tranquillité pacifique afficherait une rare sauvagerie et lui-même ne serait pas à l'abri de sa fureur aveugle. Le coup de gong sonna sinistrement en résonnant sur les parois, son écho se répéta et rebondit alentours jusqu'à s'éteindre tout à fait.

Les bonzes verrouillèrent, renforçant les portes avec de grosses poutres transversales, ne laissant que le lycan et le vampire, debout dans leur clairière, entourés de myriades d'yeux luisants qui chuchotaient tout bas des choses incompréhensibles.

— Tu ne m'as pas dit pourquoi t'es venu, au fait ? interrogea Oz. Je suppose qu'il y a mieux que ce trou à rats pour passer des vacances.

— Je me suis laissé dire qu'on y trouvait les meilleures brochettes, et que l'accompagnement musical n'était pas mal, répliqua Spike, pouces à la ceinture, en battant la semelle.

Comme Oz avait parlé de Willow à mots couverts, la tentation était grande de s'épancher un peu à son tour. La camaraderie virile du musicien et sa retenue naturelle en faisaient la meilleure personne pour parler de ce qui le ravageait, sans qu'il parvienne à trouver la moindre solution. Oz devait en avoir l'intuition quand il demanda posément, avec un léger sourire cornant à peine ses commissures :

— Non, mais sérieusement ? Qu'est-ce que tu viens expier ?

Spike dodelina de la tête. Les Démons de la Lune approchaient. Sans doute n'était-ce plus le moment pour cette conversation mais s'il voulait être honnête, jamais il n'y avait de bon moment pour un type comme lui...

— J'ai... blessé quelqu'un que j'aimais. Dawn, en fait, soupira-t-il sans oser le regarder.

Le loup tourna la tête vers lui, les sourcils roux broussailleux légèrement froncés. Son regard clair et perçant s'était voilé d'hésitation. Spike sentit qu'il n'osait pas poser de question trop indiscrète. On ne pouvait qu'être surpris par cet aveu, et d'autant plus que c'était la première fois que le vampire parvenait à l'exprimer tout haut. Pourtant, la réponse d'Oz le laissa muet d'étonnement :

— Dawn ? C'est... quelqu'un que je connais ? Une nouvelle ?

Spike arqua le sourcil noir qui s'était autrefois fait taillader par la lame effilée de Xin Rong, la Tueuse chinoise.

— Non, c'est... Dawn Dawn. La sœur de Buffy, je veux dire.

Oz ouvrit la bouche avec stupéfaction. Le vampire s'y attendait parce que bien sûr, lui et Dawn, c'était assez tordu... Vu de l'extérieur.

Dans les taillis alentours, il percevait déjà des grognements et le son des branches cassées, des brindilles qui craquaient et le froissement des feuilles sèches.

— Mais... commença le rouquin qui avait l'air déstabilisé, peut-être pour la première fois depuis des années.

— Je sais, je sais. C'est choquant d'entendre ça pour vous autres... Du reste c'est aussi choquant pour moi. Un peu. Mais je crois que je l'aime vraiment. Et si tu veux mon avis, j'en suis même d'autant plus sûr que j'ai également tout gâché avec elle. C'est un signe qui ne trompe pas en général, renifla-t-il avec un peu de dérision.

— Euh... Spike, ne prends pas mal ce que je vais te dire mais... j'ai passé plusieurs années dans son lycée. Et à moins que sa mère ne l'ait enfermée pendant tout ce temps, Buffy n'a jamais eu de sœur !

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« Vous vivez dans votre monde, et apparemment il est bien étanche… En ce qui me concerne, vous êtes tous bons pour l'asile » (Maya Wells)

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— M. Pratt ? Vous m'entendez ?

Il sentit sa nuque partir en arrière et un vertige le saisit. Il secoua la tête et jeta les yeux autour de lui avec une surprise non feinte. Ni forêt, ni bonzes, ni Démons de la Lune… juste un bureau inconnu qui sentait un peu l'hôpital. L'odeur du désinfectant, de l'alcool à 70° et du détergeant montèrent à l'assaut de ses narines… Tout autour, il vit les sols faciles à entretenir, les couleurs fades, les meubles bon marché…

— M. Pratt, vous êtes avec moi ?

Il se tourna vers la voix féminine au timbre hésitant qui lui semblait familière. Et c'est en exécutant ce mouvement qu'il réalisa qu'il était entravé. Non pas par des menottes, mais carrément par une camisole... L'incompréhension le submergea instantanément. Les sourcils froncés et les mâchoires serrées, il leva les yeux du vêtement blanc qui lui bloquait les bras et rencontra seulement un regard chocolat qui le fit sursauter.

Derrière le bureau net de tout désordre, se trouvait une fluette petite brune aux longs cheveux lisses. En blouse blanche fermée, le crayon en l'air, elle le considérait derrière ses lunettes avec patience et peut-être une petite touche… de préoccupation.

— Vous avez eu une absence. Est-ce que vous sentez bien ?

Quand il essaya de faire le tour de la question et de ses abatis, il n'eut pas de réponse organique spécifique, si l'on excluait l'envie de se gratter la tête. Ses bras bloqués sans qu'il en connaisse la raison l'énervèrent encore davantage. Il cessa cependant de tirer dessus car pour un motif inconnu, ça ne produisait strictement aucun résultat.

— Fred ? questionna-t-il. Ou… Illyria ?

Elle se détendit et sourit, peut-être contente qu'il la reconnaisse.

— Je vous l'ai déjà dit. Mon mariage avec le Dr Illyria ne doit pas vous inquiéter car il est sans conséquence pour vous. Vous pouvez continuer à m'appeler Dr Burkle, répondit-elle. En tous cas, je suis ravie de vous voir revenu à vous. Vous nous avez beaucoup inquiétés hier soir. Ce que vous avez fait était certes très courageux, mais… vous auriez pu vous en sortir beaucoup moins bien qu'avec un choc à la tête et des points de suture…

— Fred ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Je n'y comprends rien ! Qu'est-ce que tu fais là et surtout qu'est-ce que j'y fais, moi ? J'étais au Tibet… Angel m'a fait rapatrier, c'est ça ? On est où là, actuellement ?

Fred arbora une moue dubitative mais le contempla avec plus d'acuité.

— Dr Burkle, si vous voulez bien. J'ai l'impression que nous avons délaissé William car il est d'habitude très bien élevé et ne jure pas… A qui est-ce que je suis en train de parler maintenant ?

Les murs de la pièce vert tilleul, les classeurs à dossiers et les armoires, les diplômes figés dans des cadres sombres aux murs, la table de travail où s'empilaient des papiers bien rangés, tout cela n'inspirait à Spike que de la suspicion. Il ne reconnaissait pas l'endroit. Il reconnaissait juste Fred... qui n'aurait pas dû se trouver là, en aucune manière.

Il avait rencontré Winifred Burkle à Los Angeles après la chute de Sunnydale. De tous ceux qu'Angel avait réunis autour de lui chez Wolfram et Hart – un pâle succédané du Scooby Gang, déjà pas reluisant – c'était la seule à avoir manifesté un peu de compassion pour lui et son fantôme de moins en moins consistant. Il se sentait disparaître, à cheval entre deux mondes pendant qu'il hantait les locaux des Avocats du Mal. Seules les recherches de Fred combinant l'intuition audacieuse de la magie et la rigueur de la science, avaient pu le ramener définitivement à l'état solide… et mettre un terme à sa… « hantise ».

Et qu'elle se soit fait purement et simplement réquisitionner pour servir de logement à une entité surpuissante appelée Illyria, lui avait toujours semblé l'une des pires injustices. Il n'y avait pas plus gentille et plus dévouée que Fred. Elle ne méritait pas de disparaître de cette façon.

— Je ne comprends pas le jeu, ma belle. Tu sais qui je suis. Tu m'as aidé autrefois, et j'ai strictement pas changé…

Machinalement, il tourna la tête vers la première surface vitrée qu'il y avait à portée – la baie sur sa gauche – et il fut saisi d'une stupéfaction comme il en avait rarement connue. C'était stupide. Il y avait bien des décennies qu'il avait arrêté de vouloir vérifier son apparence puisqu'il n'avait plus de reflet. Mais là, non seulement il pouvait se voir, mais en plus il était… vieux !

L'homme surpris qui le fixait avait les cheveux bouclés châtain clair. Un malheur n'arrivant jamais seul, ses traits affutés aux joues creuses avaient perdu le contour ferme avait fait son succès et s'étaient épaissis, le nez s'était élargi, les poches sous les yeux étaient un vrai cauchemar… et il était empâté du ventre.

Il commença à hyperventiler. Apparemment, son flegme aussi était parti dans la grande lessive.

Ce qui était perturbant, c'était que ce visage falot et mou lui disait pourtant vaguement quelque chose. Il l'avait déjà vu quelque part et il n'y avait pas longtemps... Terne, vieux et moche, c'était à peu près celui qu'avait le père biologique de Maya…

Dire qu'il n'était pas prêt à cette révélation était un euphémisme. Outre qu'il ne comprenait pas comment cette situation pouvait exister, elle le blessait profondément dans son amour-propre. Parce que s'il y avait bien intérêt à être un vampire, c'était de conserver l'éternelle jeunesse qui était la sienne au moment de la conversion. Il proposa donc la seule idée un peu plausible qui lui venait à l'esprit :

— Quelqu'un m'a lancé un sort de vieillissement ?

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Le bref rire frais de la jeune femme lui rappela de bons souvenirs. Elle ôta ses lunettes et les posa devant elle, avant de se croiser les doigts. Sans la grosse monture, elle était plus proche de la jeune femme qu'il avait connue.

— William, qu'est-ce qui ne va pas ? Vous avez reçu un choc à la tête hier, pendant que vous aidiez les infirmiers à maîtriser M. Osbourne… Pendant sa crise de démence…

Voyant qu'il ne réagissait pas, Fred s'était levée et avait contourné son bureau pour s'approcher de lui. Son front était barré d'un pli soucieux. Faute de pouvoir s'y opposer, il la laissa venir à lui. Elle fixait un point sur le côté de son front qu'elle palpa précautionneusement du bout des doigts. Il n'était pas forcément contre, car elle était assez près pour qu'il sente son parfum. Toutefois, il aurait dû entendre battre son cœur.

— Les sutures tiennent, commenta-t-elle gentiment. Juste pour savoir… Vous avez refait des migraines ? Parce qu'elles pourraient revenir…

— Mes migraines ? Qui t'en a parlé ?

— Le Dr Giles m'a transmis tous les éléments de votre dossier.

Le regard bleu de l'homme mûr et ses longs sourcils châtains exprimèrent soudain une étincelle d'espoir. Et vraiment, ce n'était pourtant pas un sentiment qu'il avait beaucoup éprouvé en présence de l'Observateur...

— Giles est là ? Parfait, je veux le voir tout de suite !

Fred secoua la tête en assortissant le geste d'un sourire timide et empathique, peut-être celui d'une personne condamnée à répéter tout le temps la même chose. Elle posa une main légère sur son épaule, qu'il contempla avec un rapide regard de biais.

— William, vous avez oublié ? Le directeur a pris une retraite bien méritée, il y a quelques semaines. C'est moi qui le remplace pour vos séances…

Évitant son image perturbante dans le reflet de la vitre, Spike inclina la tête, les paupières plissées.

Il pouvait établir une sorte de lien entre ce qui se passait maintenant et son passé récent. Avant de laisser Dawn à Rome (sans doute pour toujours car cela valait mieux), ils avaient plaisanté sur l'absence de psy pour les vampires. Il fallait être réaliste, seulement deux clients n'auraient probablement pas suffi pour en faire vivre un.

Il se cala sur le dos du siège, adoptant naturellement la posture nonchalante qui avait toujours été la sienne. Évidemment, l'effet était passablement raté, en raison de la camisole.

— Ok, juste par curiosité, pourquoi suis-je ici ? Je veux dire qu'est-ce que j'ai fait ? Il doit bien y avoir quelque chose là-dessus dans mon dossier, pas vrai ?

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