When in Rome

Chapitre 8 : Vodka et secrets

3034 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/09/2020 16:18

Chapitre 8 Vodka et secrets

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Plus aucun autre mot n'avait été échangé ensuite, l'un comme l'autre ayant besoin de temps pour digérer cette déclaration.

Contrairement à celui qu'il était quand il était humain, Spike n'avait aucun problème à exprimer ses sentiments ni à souhaiter les vivre pleinement. Il avait follement et passionnément aimé Dru, envoutante figure lunaire qui l'avait fait naître à un autre monde, et avait pris sa virginité sur tant de plans différents. Pour exister à ses yeux, il avait encore plus follement et désespérément aimé Buffy, aveuglante métaphore de l'astre du jour impitoyable, l'obligeant à renier presque tout ce qu'il avait choisi d'être en devenant vampire... Une part lucide de lui se demandait alors quel sacrifice immense ce nouvel amour-là allait pouvoir exiger de lui, s'il s'y livrait avec la même intensité que les précédents.

Même si elle avait du mal à parler pour l'instant, Dawn lui tenait la main, simplement pour lui signifier qu'elle avait entendu, et parce qu'elle ne voulait pas qu'il se sente importun pour avoir été courageux...

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Lorsqu'ils étaient rentrés chez elle, le vampire était resté poliment tout près de la porte d'entrée.

Andrew était venu parler à Dawn en chuchotant car sa fille devait probablement être couchée, mais l'oreille de Spike lui disait qu'elle faisait semblant de dormir car son cœur tambourinait trop vite. Il observa le couple échanger tranquillement à voix basse, avec une douce familiarité. Il aurait pu, bien sûr, écouter ce qu'ils se disaient mais il n'en avait pas envie parce qu'il était distrait par les battements de cœur de Maya et puis bientôt par une molécule nettement reconnaissable : la peur.

A part Maya, il n'entendait que le tempo calme d'un autre cœur dans la maison, mais rien ne laissait penser qu'il y avait un vrai danger.

— Excusez-moi de vous interrompre, se permit-il. Je crois qu'il y a un problème : Maya a peur. Les protections et l'alarme de votre maison sont actives ? Qui d'autre est là ?

Les deux se retournèrent vers lui avec surprise, puis Andrew s'approcha.

— Pietro. Nous regardions un film dans le salon… Il n'y a que toi et Angel qui ayez une dispense pour franchir notre seuil. Si Maya a peur, c'est pour d'autres raisons.

— J'aimerais bien savoir ce qui peut faire peur à une Potentielle entraînée depuis plusieurs mois…

— Un monstre terrible qui a déjà marqué sa famille : le divorce. Elle a peur de perdre son mode de vie, de devoir choisir entre ses parents, et elle a vu qu'elle ne pouvait pas compter sur son vrai père… Une de ses camarades a dû lui parler et lui faire savoir que la sécurité de son cocon avait fait long feu... Les Tueuses y étaient très durement exposées autrefois. Étrange que de nos jours, il reste comme la trace de ce rite initiatique qui s'engramme, malgré tout ce qu'on fait pour l'éviter chez les jeunes filles…

— Andrew, le prends pas mal, mais bordel, tu parles comme Giles…

— Je vais aller la rassurer, décida Dawn.

— Non, je m'en charge. Pietro somnolait déjà de toute façon. Nous allons nous retirer en vous laissant le salon où vous pourrez finir de discuter.

— Je peux attendre une minute ou deux tout seul, protesta Spike. Va dire un mot à ta fille.

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Quand Dawn revint quelques minutes plus tard avec une tasse fumante à la main, elle avait rangé son manteau et ne portait plus que son pull blanc sur un pantalon d'équitation bleu. Elle avait aussi détaché ses cheveux et retiré ses bottes pour mettre de ridicules chaussons-peluches énormes qui juraient avec le reste.

Le monumental canapé Chesterfield de cuir fauve n'était finalement pas aussi inconfortable qu'il aurait dû. Spike y était affalé devant une énorme cheminée blanche au vaste linteau, mais il reprit une posture plus correcte tandis que Dawn s'installait dans bergère proche, en posant sa boisson sur la table basse rectangulaire.

— Tu veux boire un truc plus alcoolisé qu'une camomille ? proposa-t-elle.

— Donne-moi ce que t'as de plus fort.

— Jus de fruit, chocolat au lait, ou soda light ? énuméra-t-elle pince-sans-rire.

Devant son regard catastrophé, elle étouffa un ricanement et ajouta :

— On a ici des trucs plus locaux que ce dont tu as l'habitude... du campari, de l'amaretto... Pas de single malt mais je devrais pouvoir te trouver un fond de vodka quelque part.

— Mets ça ! Une double.

Elle tira un verre du placard en merisier derrière elle, le posa sur le guéridon le plus proche et sortit une bouteille d'alcool blanc dont elle versa une dose avant de revenir le poser face à lui.

— Tu me laisses boire seul !? Quelle déplorable hôtesse tu fais… plaisanta-t-il.

— Je ne tiens pas l'alcool, admit-elle. Mais je comprends que tu puisses être nerveux…

— Je ne suis pas nerveux, je suis… impatient.

Dawn se rassit. Elle cacha un sourire dubitatif dans la gorgée de tisane. Elle fit durer le silence jusqu'à ce qu'il admette :

— Bon ok, je suis nerveux. Et j'aimerais que tout ça soit enfin fini…

— C'est compréhensible. Pendant que j'y pense... Tu as vu Faith récemment ? Est-ce qu'elle t'a paru... bizarre ?

Le poing fermé autour de son verre, Spike y trempa juste les lèvres, pour laisser cette brûlure faire office de chaleur. Il bougonna.

— Ouais. Mais elle est cinglée depuis le départ… Bizarre comment ?

— Quand je l'ai croisée, elle m'a demandé de but en blanc si c'était vrai que j'avais un amant. Pour tout dire, je commence à fatiguer de tout ce monde qui s'occupe de ma vie intime. J'ai répondu que non, mais que si elle cherchait quelqu'un, je pouvais lui présenter mon psy car je leur trouvais déjà plein de points communs.

Spike s'amusa de la réponse mais se sentit donc légèrement coupable d'avoir peut-être accru son inconfort avec ses propres remarques déplacées.

— Mais... tu vois souvent Faith ? s'étonna-t-il pour alimenter la conversation, au lieu de sauter à pieds joints directement sur ce qu'il se languissait de savoir.

— Souvent ?… Eh bien, au moins une fois par mois. En général, je fais un tir groupé et je l'invite avec Angel.

— Oh bah, ça doit être génial un dîner avec ces deux-là !… Le meilleur moyen de développer un ulcère…

— ... et puis, comme on fait un peu le tour des anciens de la vieille bande, elle m'a dit qu'elle t'avait vu plus tôt dans le mois sur la Bouche de Cleveland et qu'elle t'avait trouvé… Quels sont ses mots exacts ? « Déconcentré, de mauvais poil, et pas marrant ». Elle a ajouté que tu avais « la mémoire longue et la dent dure mais que c'était pour ça qu'on t'aimait »… C'est une plaisanterie sur les crocs qui m'échappe ? questionna-t-elle innocemment en avalant une gorgée de sa tasse.

— Possible.

Elle se permit un petit regard de reproche, mi-contrarié, mi-inquiet. Pour le coup, il ressemblait vraiment à celui de Joyce quand elle essayait de ne vexer personne mais qu'elle n'en pensait pas moins.

— Qu'est-ce qu'il y a eu encore, une autre dispute ? Écoute, tu ne peux pas te mettre à dos tous ceux qui s'en font pour toi, tu sais ?

Il soupira exagérément.

— Laisse tomber. J'aimais pas ses insinuations à ton sujet et je lui ai fait savoir, c'est tout.

— Mhh… A moi, elle a dit que tu as très chevaleresquement tenté de défendre mon honneur et qu'elle avait trouvé ça « trop mignon ».

— Je lui ferai ravaler ça… promit-il en portant un toast à ce vœu. Maintenant...

Il hésita un peu.

— … je ne voudrais pas te brusquer, mais ce serait bien que tu me parles de cette foutue nuit cet été. Et j'aimerais bien la vérité, si c'est pas trop te demander. Parce que c'est le bordel dans mes souvenirs, et ça me rend dingue !

Acquiesçant, elle baissa la voix et les yeux, cherchant le réconfort à sa honte dans sa demi-tasse de camomille, toute déroutée par son ton plus véhément.

— Ah… c'est de ma faute.

— Ce qui veut dire... ?

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Elle reposa sur la table basse la porcelaine fragile, puis elle se croisa les doigts autour d'un de ses genoux, surtout pour empêcher ses mains de trembler. Elle s'était assise de côté pour être tournée vers lui.

— Tu sais comment j'ai été créée, n'est-ce pas ? Qu'à la base je n'avais pas de forme, que ce sont les moines qui m'ont changée de nature pour me cacher et me mettre sous la garde de Buffy... Le type de magie qu'ils ont utilisée pour faire croire à mes proches que j'avais toujours été là était extrêmement puissante… commença-t-elle.

— Oui je sais ça, j'étais avec toi quand tu l'as découvert…

— Tu sais donc intellectuellement que tous les souvenirs que tu as de moi, entre ton arrivée à Sunnydale et la mienne un an plus tard, sont « fabriqués »… Que tu ne les as pas vraiment vécus...

— Oui, je le sais mais…

Il s'arrêta de parler, mais comme elle ne poursuivait pas, il fut forcé d'additionner deux et deux, et la considéra avec surprise.

— Quoi ? T'es en train de me dire que tu as utilisé cette magie pour me mettre le cerveau à l'envers ?

— Oui. Mais te perturber n'était pas mon objectif.

— Depuis quand tu trempes là-dedans ?

— Je n'y « trempe » pas. Avec mon job au département des recherches de l'École, je me suis trouvée, pour une toute autre raison, à remettre la main sur des informations concernant ma « création ». Elles ont été rassemblées à l'époque où j'étais mourante à cause de l'éradication de la magie *... Je les ai lues par curiosité. Parce que quand Gloria nous cassait les pieds, non seulement ce que nous savions sur moi était fragmentaire mais en plus, ma compréhension des choses, était celle d'une enfant effrayée... Je voulais juste saisir l'occasion de mieux me comprendre. C'était un peu la même impulsion que celle de Maya : je voulais savoir d'où je venais... C'est tout. Mais je n'ai jamais eu l'intention de l'utiliser, cette magie. Par contre, je n'ai bien sûr pas « oublié » pour autant ce que j'ai lu. Et si j'y ai fait appel cet été, c'était parce que je n'ai pas su quoi faire d'autre et qu'il y avait urgence... Est-ce que tu te rappelles de quelque chose après le moment où tu t'es enfermé dans la salle de bains ?

— Quelques trucs, mais je ne sais pas si je dois les croire.

— Je suis désolée pour ça… On va reprendre. Quels sont tes derniers souvenirs les plus nets ? La plage ? Et quand tu m'as raccompagnée ?

— Oui… Je me souviens que tu étais désespérée et que tu pleurais, et que j'ai aussi accepté de rester près de toi, un petit peu… C'est après que ça devient problématique.

— Ok, fit Dawn en attrapant d'autorité son verre de vodka pour le siffler d'une traite. Désolée, je t'en ressers un si tu veux… (Il refusa silencieusement d'un simple mouvement de tête). Bon. Après ça, nous sommes restés un bon moment côte à côte et j'étais prête à m'endormir quand j'ai réalisé que tu pleurais aussi, sans rien dire. Comme tu ne respires pas, je ne m'en étais pas rendue compte… T'es trop fier pour pleurer. Je ne t'ai jamais vu le faire sauf quand Buffy s'est jetée de cette maudite tour à ma place, autrefois. Ça m'a fait un choc. Mettons cela sur le fait que je n'étais pas complètement sobre, j'ai voulu... t'embrasser pour te réconforter et te dire que j'étais là... Et tu es resté sans réaction pendant un moment suffisamment long pour que je m'en sente plutôt idiote.

Spike afficha sa surprise.

— Tu t'es sentie... repoussée ?

Elle écarta les mains avant de les refermer et de les frotter nerveusement, paume contre paume, en fuyant son regard pour le porter sur le feu.

— Oui et non… Enfin, je ne m'attendais à rien d'autre... J'ai voulu m'en aller pour rentrer mais tu m'as retenue en me demandant pardon. Et cette fois nous nous sommes embrassés, euh, plus mutuellement.

— Comment c'était ? questionna-t-il avec un petit sourire mêlant l'autosatisfaction et la curiosité.

— Un mélange de regret et de désespoir, épicé par un peu de tabou. Rien qui ressemble à aucune de mes expériences précédentes, en tous cas.

— Ce n'était pas ce que je te demandais... Est-ce que ça t'a plu ?

Elle leva un sourcil d'une perplexité amusée.

— On n'avait pas établi que c'était Riley qui avait des insécurités de macho ?

— Donc tu n'as pas aimé...

— Oh, arrête. Sinon on va encore y passer des plombes et je te garantis que ça n'est rien, à côté du reste.

— Mais alors pourquoi tu ne me dis pas directement ce que t'en as pensé, au lieu de tourner autour du pot !...

— Très bien. Spike, pour autant que je sache, tu embrasses très bien. Mais même dans le cas contraire, ça n'aurait rien changé. J'étais heureuse d'être près de toi, parce que je t'ai... toujours aimé.

— Ah voilà, quand tu veux. Et pourquoi je ne n'apprends ça que maintenant ?

Elle leva les yeux au ciel, en finissant sa camomille froide avec une grimace de dégoût.

— Maintenant que je suis vieille, tu veux dire ? Je ne voyais pas l'intérêt d'en parler. Tu aimais Buffy. En plus, je crois qu'elle t'aurait démonté la tête à coups de pioche si tu avais simplement fait mine de me regarder autrement... Mais je n'ai pas oublié les fois où tu es resté avec moi, où tu m'as protégée quand Buffy ne le pouvait pas. Tu as même été torturé à cause de moi... Si tu penses que ça ne comptait pas parce que c'était il y a longtemps... et bien tu n'as pas compris grand-chose au film. Mais ne me fais pas perdre le fil.

— Holà pas si vite. Donc je n'ai pas rêvé ni qu'on s'embrasse, ni les caresses, ni qu'on...

— Non, coupa-t-elle en rougissant. Tu as embrassé ma gorge (mon parfum avait l'air de te plaire)... et presque tout de suite, ton visage a muté. Yeux jaunes, crocs descendus... la totale. Par contre, ça t'a surpris. Tu es resté figé avec l'air complètement paniqué pendant quelques secondes. C'était bizarre de te voir faire cette tête avec ton visage de vampire.

— Est-ce que... je t'ai fait mal ?

— Absolument pas. Tu as juré et tu es allé t'enfermer à double tour dans la salle de bains. J'ai entendu que tu ouvrais le robinet et puis ensuite un très long silence.

— Je m'en souviens d'avoir allumé l'eau... Mais, c'était pas très galant de te laisser en plan comme ça.

— Oh, la galanterie n'était pas du tout ce qui me préoccupait. J'avais peur d'avoir peut-être fait quelque chose que je n'aurais pas dû, j'essayais de reprendre mes esprits. Mais quand je t'ai entendu fracasser un truc et gronder, je n'ai pas eu le choix, je suis entrée. J'avais un très mauvais pressentiment.

— Tiens puisqu'on en parle, comment t'as fait alors que j'avais verrouillé de l'intérieur ?

Elle sourit modestement et dit seulement :

— Je suis une Clé. Ouvrir et fermer n'importe quoi, c'est mon don. C'est ce que je sais faire.

— Je préfère ne pas te demander depuis combien de temps tu prépares cette réplique... Et après ? demanda-t-il avec une impatience croissante.

— Après, je t'ai trouvé assis le dos à la paroi de la douche et tu étais dans une sorte d'état second. Il y avait de l'eau partout. Tu avais un pied de meuble dans la main et je pense que tu voulais t'en servir sur toi. Quand tu m'as vue, tu m'as hurlé de partir... Ton visage passait de l'un à l'autre sans se fixer. C'était flippant. Tu as fini par garder le visage de vampire, sans doute parce que j'avais la trouille et que ça devait être difficile à ignorer... Je t'ai supplié de lâcher le bout de bois. Et tu m'as encore crié de déguerpir et tu as dit quelque chose de bizarre « Ils veulent m'empêcher de le faire devant toi »... Tu tremblais mais tu avais l'air furieux et différent. En fait, tu me regardais comme si tu ne me reconnaissais pas.

— Saloperie ! murmura-t-il alarmé. J'ai comme l'impression que je suis en train de redevenir complètement cinglé... Je suis désolé, je ne me souviens pas de tout ça. Est-ce que ça ne te fait pas penser à ce qui s'est passé quand la Force me manipulait ?

— Ce n'était pas la source première du Mal. Il y a bien un rapport mais je crois que si je digresse maintenant, tu vas pulvériser la table...

— Bien vu. Et ensuite ?

— Après, je t'ai encore supplié de lâcher ce putain de bout de bois ou sinon j'allais me fâcher. Et contre toute attente... ça t'a bien fait rire ! Si, c'est vrai ! Il faut dire que je ne devais pas être bien impressionnante... Peu importe, la diversion a marché. Je me suis précipitée sur toi pour faire tomber le pieu – ce qui a réussi – mais évidemment tu m'as flanquée par terre d'une pichenette. J'ai dérapé et atterri sur le carrelage... J'ai quand même réussi à pousser le pieu qui est allé rouler plus loin sous le meuble du lavabo. Tu voulais aller le rechercher mais j'ai attrapé ton bras, et j'ai dit « Spike, ne m'abandonne pas ». Là, tu as tourné la tête vers moi et d'un ton impatienté, tu as sorti comme ça : « Je ne suis PAS le Spike ! »...

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Notes

* Information tirée des Comics ultérieurs.

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