When in Rome

Chapitre 3 : Dérapage

3766 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/10/2020 23:39

Chapitre 3 Dérapage

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Ils avaient quitté le bord de mer.

Spike avait gardé la tête basse, perdu dans l'intensité de ses souvenirs et de ses remords, il se contentait de la raccompagner galamment à son hôtel situé non loin, comme il l'avait promis. L'appartement romain de Dawn n'était qu'à quelques kilomètres mais sans doute avait-elle anticipé que la nuit se finirait très tard...

Ou peut-être avait-elle menti en disant que ce n'était pas un rendez-vous galant...

Une fois arrivée, elle toucha son bras pour attirer son attention et reprit inopinément comme si elle n'avait cessé d'y penser tout du long :

— Ce que je veux dire, c'est que je sais qui tu es, au point que je t'imagine sans peine te tenir là devant ma porte, en train de chercher une issue qui ménagerait ta dignité – parce que William le Sanguinaire ne fuit pas devant les fillettes, n'est-ce pas ? Alors tout ce que tu aurais à faire serait de grogner un peu en t'emportant, et de sortir un truc du genre 'Ecoute-moi bien ma petite, je te l'ai déjà dit mais tu n'as pas l'air d'imprimer ça dans ta p'tite tête : pour l'amour du ciel, je ne suis pas un putain de Prince Charmant !' grogna-t-elle en imitant pitoyablement son accent cockney et sa gestuelle emphatique.

Comme elle était trop près de la vérité, les yeux bleus de Spike de mirent à flamboyer, ses narines à frémir et sa bouche se tordit d'un sourire à la fois dur et sarcastique. Comme sa sœur, elle savait où taper pour que ça pique.

— Oui, j'aurais pu dire ça, mais manifestement ça ne servirait à rien. Puisque tu crois me connaître si bien, qu'est-ce que tu penses que je vais faire à la place ? demanda-il d'une ton dangereux en se carrant les poings dans les poches.

— Oh mais tâcher de prouver ce que tu dis. Revenir très prévisiblement au Grand Méchant Spike avec une attitude ou une réplique qui font froid dans le dos, et ce dans le seul et unique but que je m'éloigne gentiment toute seule. Parce que si c'est moi qui m'enfuis parce que j'ai peur, et bien ton image de marque reste intacte. N'est-ce pas ce que tu meurs d'envie de faire, là tout de suite ?

— Tu n'as pas la moindre idée de ce dont j'ai vraiment envie, là tout de suite…

— Oh ? l'imita-t-elle à dessein avec malice. Tu veux dire que tu as réellement l'intention de me surprendre et, quand cette porte sera refermée sur nous – pour éviter que tous les voisins t'entendent – tu vas me demander humblement pardon pour t'être comporté comme un crétin ?

En deux pas, il envahit délibérément son espace de façon physique, jusqu'à ce qu'elle soit littéralement le dos au mur. Il plongea ses yeux inquisiteurs dans les siens et demanda d'une voix coupante :

— Arrête de jouer avec moi maintenant. Qu'est-ce que tu me veux à la fin, Summers ? Ta sœur a été la pire des garces avec moi, mais je ne pensais pas que tu pouvais vouloir jouer dans la même cour… Tu veux que je te dise ? Tu n'es pas à la hauteur. Jamais. Même morte, elle te surpasse encore et elle te surpassera toujours…

— CQFD ! Voilà le Méchant Spike qui sort les griffes dès qu'on s'approche un peu trop à son goût. Est-ce que c'est tout ce que tu as pour moi ? contra-t-elle, plus sèchement. Allez, je suis sûre que tu peux mieux faire si tu veux m'envoyer définitivement promener. Où est ta grande gueule venimeuse qui la faisait pleurer de rage, quand elle pensait que ni Maman ni moi ne pouvions l'entendre ?

— Dawn ! s'énerva-t-il. Qu'est ce qui t'arrive ?

Elle tourna son regard au bord des larmes vers lui, la bouche tremblante, et comme prise au dépourvu par un tour qu'elle n'avait pas imaginé.

— Je veux que tu vives ! s'écria-t-elle, avant de mettre une main étonnée devant sa bouche.

Stoppé net, il la fixa sans comprendre, mais sa posture se modifia et perdit de son agressivité latente pour se faire plus hésitante.

— Que je vive ? Mais, chaton... les vampires ne montrent rien de mieux qu'un simulacre de vie. Tu sais ça ! Vas-tu me dire ce qu'il y a ?

Elle s'essuya les yeux du revers de la main et puis de la paume en soupirant. Elle baissa la tête et il la remonta d'un doigt gentil sous son menton. Elle garda obstinément les yeux au sol pourtant. Les mots avaient du mal à sortir de sa gorge.

— Le jour où Buffy est morte, c'est deux personnes qu'on a enterrées, Spike. Elle et toi. C'est deux personnes que j'ai perdues. A quoi te sert l'immortalité si tu n'es plus que l'ombre de toi-même ? Tu as toujours été le vampire le plus extraordinairement vivant qui soit. Les autres, et même Angel, ça leur flanquait la trouille, tu sais ? Que tu sois comme ça. Que la mort t'ait donné un tel appétit de tout, de vibrer, de risquer... J'ai perdu Buffy comme j'ai perdu ma mère : brutalement. Mais est-ce que tu sais ce que ça me fait de te voir éteint de l'intérieur, alors que tu pourrais être autrement… ? Pourquoi ne peux-tu pas vivre pour toi-même ? Pourquoi faut-il toujours que tu délègues ça à quelqu'un d'autre, comme si tu n'en valais pas la peine ? Et comme si personne ne méritait même plus ton intérêt ?

Comme il restait silencieux pendant une longue et taraudante minute, elle fut bien obligée de croiser encore une fois son regard si dubitatif qu'il en devenait froidement distant.

— Tu me poses décidément des questions très difficiles, ce soir, murmura-t-il en élevant à peine la voix.

— Je sais, répondit-elle tristement.

Elle se retourna pour ouvrir la porte de sa chambre, bataillant avec le passe magnétique et y entra. Il la suivit après une hésitation et puis referma doucement derrière lui, mais il resta le dos à la pièce, sans la regarder, une main posée sur le bois.

Elle s'approcha par derrière et vint l'entourer de ses bras en posant sa joue contre son épaule. Elle savait qu'elle allait là sans doute plus loin que tout ce qu'elle n'avait jamais osé rêver faire.

— Je te tiens, chuchota-t-elle en enserrant sa taille. Reste un peu avec moi, je t'en prie. Je… j'ai tant d'autres choses à te dire…

Il tourna un peu la tête de profil pour lui répondre.

— Bébé, avec ce que tu m'as déjà balancé à la tête ce soir, je ne suis pas sûr de vouloir en encaisser davantage, ni de réussir à penser à autre chose pendant des jours…

Elle le fit pivoter pour pouvoir scruter son visage : l'expression adoucie qu'il avait la détaillait comme s'il la voyait pour la première fois. Elle tourna la tête en direction du lit double qu'elle désigna d'un geste approximatif et demanda :

— Est-ce que tu peux rester près de moi. Étendu à côté ? Il y a de la place.

Indécis, il corna un coin de lèvre. Elle n'avait pas demandé s'il voulait mais s'il pouvait... Comme si elle savait déjà que ce qu'il voulait n'entrerait pas en ligne de compte. Bordel de Dieu, c'était totalement scabreux ! Elle et lui ? Dans le même lit ? Non, non, non. Il se connaissait. Dès qu'il y avait un truc indécent à faire, ça devenait soudain très attirant. Et il s'entendit répondre :

— Je crois bien que je peux, oui. Le temps que tu t'endormes. Tu m'as bien compris ?

Le fait qu'il ait déjà vécu une situation similaire autrefois, avec une autre Summers, lui donnait un faux sentiment de sécurité. Que rien de tout cela n'était si terriblement grave. Que c'était inutile d'en faire une montagne. Qu'il contrôlait la situation. Que Dawn ne serait pas en danger…

Elle arrangea les oreillers, s'allongea toute habillée et tendit la main pour qu'il la rejoigne. Et quand il fut près d'elle, il sentit ses bras se lover naturellement, de la façon dont il était parvenu à bercer Buffy, cette terrible nuit d'avant la lutte contre les hordes de Turok-Hans. Cette nuit où en prévision d'une fin imminente, il lui avait dit une autre fois qu'il l'aimait et n'attendait pas qu'elle lui rende son amour. La dernière, avant qu'il ne perde son « simulacre de vie » et ne soit envoyé plusieurs dizaines d'éternités dans une dimension infernale…

Entre le pouce et l'index, il caressait rêveusement une boucle de cheveux soyeux qui s'était échappée de la natte. La sensation de leurs corps l'un contre l'autre était à la fois si parfaite et si ultimement condamnable. Parce que même s'il n'avait que Buffy en tête depuis des années, même si l'amour qu'il avait pour elle continuait à le brûler d'une rage et d'un regret impitoyable, Dawn, à cette minute, qui pleurait sans bruit la même perte qu'il déplorait... lui paraissait belle à en mourir.

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.°.

Angel avait un bureau à l'École des Tueuses, dont le nom était plutôt École Européenne de Jeunes Filles Surdouées. C'était symbolique – il n'y enseignait pas – mais Andrew avait insisté. Comme l'heure était matinale, il pensait ne pas y être dérangé... Erreur.

Spike

URGENCE TOTALE, je crois que j'ai merdé grave avec Dawn. Dis-moi où tu crèches et je suis là dans l'heure.

Les sourcils haussés, il fixait l'écran du téléphone avec une moue pensive. Spike n'avait jamais été un modèle d'éloquence mais fallait reconnaître qu'il savait tout de même toujours ménager l'attention de son auditoire. Son dernier message battait encore tous les records.

Que son irritant comparse veuille se tourner vers lui pour avoir un conseil, déjà c'était paranormal, mais qu'est-ce qu'il voulait dire exactement par « merdé grave » ? Et puis surtout pourquoi le reconnaissait-il, en plus ? Son genre, ça avait toujours été plutôt de travestir la réalité pour qu'elle le fasse apparaître sous son meilleur jour. Transformer les échecs en succès... Se flatter de tout, tout le temps...

Angel soupira. Il devinait par expérience qu'il n'y avait qu'une seule façon de le savoir : accéder à sa demande.

Tâchant de ne pas se livrer trop vite à l'anxiété, il rappela aussitôt mais personne ne décrocha. Il envoya un texto pour lui laisser l'adresse d'une petite pension en limite de la ville, pas trop éloignée de l'Ecole, où il aimait bien descendre quand il était à Rome. Elle était facile d'accès par les réseaux souterrains. Spike confirma aussitôt par le même moyen : « Je suis là dans vingt minutes ».

Et moins d'une demi-heure plus tard, Spike l'attendait en effet, manifestement dans un état de nerfs inhabituel. Il rallumait clope sur clope en tournant comme un lion en cage. Refusant de boire ou de manger quoi que ce soit, au grand dam de la logeuse, une mamma large comme un troll qui aurait pu les battre tous deux d'un seul coup de poing. Du reste, Angel l'avait choisie précisément pour ça, par prudence.

— Spike ? Est-ce que tu vas me dire ce qui se passe ?

— Écoute, c'est très important. Je veux que tu me files une mission n'importe où, mais très loin. Vraiment loin. Qu'est-ce que t'as, dans le genre à autre bout de la Terre ?

— Des Démons de la Lune, dans un monastère au Tibet ?... hasarda-t-il.

— Parfait ! Je prends ça.

— Bon ! Oz sera content d'avoir un coup de main.

— Oz ? Ah mais non, c'est un loup-garou !... grimaça Spike.

— Oui mais un loup-garou sympa, souligna Angel. Bon guitariste aussi... c'est un plus, non ?

Le vampire blond sembla hésiter, inhabituellement silencieux. Ce n'était pas le genre à se faire tirer les vers du nez et c'est bien la raison pour laquelle le plus vieux des deux se sentit alarmé et obligé d'insister un peu.

— ...Ou sinon tu pourrais envisager de me dire ce que « merdé avec Dawn » signifie au juste ? Vous vous êtes disputés et elle refuse que tu revoies Maya ?

— Non, c'est pas du tout ça.

— Oh dommage ! J'espérais que cette pauvre petite puisse être à l'abri de ton influence disruptive. Elle répond à ses professeurs et il faut voir comment... Je te soupçonne de lui refiler des idées de répliques.

— Non mais ho ! Je crois qu'il y a dans ses gênes bien assez de sang Summers pour qu'elle arrive à faire ça sans qu'on me colle tout sur le dos !

— Admettons, reconnut Angel fair-play car il était en mesure de valider la véracité de cette affirmation. Donc tu veux mettre des milliers de kilomètres entre Dawn et toi parce que... ?

Capitaine Peroxyde expira profondément. C'était si terrible de voir un vampire, n'ayant aucun besoin de respirer, faire quand même usage de ses poumons de façon aussi… dramatique. C'était peut-être ça le problème avec les vampires du XIXe siècle. C'étaient de vraies divas.

— Hier soir, je suis allée la retrouver parce qu'elle voulait me parler du père de Maya. Il paraît qu'Andrew a fait des recherches pour le retrouver et il est d'avis que la petite a le droit de le connaître. Dawn avait l'air très angoissée à cette idée. Et en creusant un peu, j'ai fini par savoir pourquoi.

— Ah bon ? demanda le plus vieux des deux, sincèrement intéressé par la question – jamais vraiment réglée, ni vraiment répondue, malgré les ans.

— Elle n'a rien dit à personne à propos de lui ? Même à Willow ou... je sais pas... ?

— Pas que je sache... En tous cas pas à moi, répondit Angel, vexé comme un pou parce qu'il voyait Dawn tout de même assez souvent.

Spike arrêta de marcher de long en large et s'assit en attrapant sa tête dans les mains – image vivante du remord incarné.

— Je... Je... crois que j'ai fait une grosse boulette.

— Du genre ?... Effrayer ou tuer le gars parce que t'es jaloux à mort qu'il ait eu l'impudence de toucher la « petite Dawn » ?

Spike releva la tête vivement et fronça tout son visage en une moue renfrognée.

— Non ! Bien pire ! Pour qui tu me prends, un débutant ? Quand je m'y mets, je ne foire rien à moitié...

Angel devait reconnaître qu'il appréciait cette honnêteté, sonnant comme une étrange lucidité survenant sur le tard. C'était peut-être vrai ce qu'on disait sur la maturité, après le grand tournant des deux cents ans... Spike étant énervant, il se permettait de le vivre précocement, bien sûr… L'aîné décida néanmoins de rester dans son personnage en répondant d'un soupir agacé (parce que lui aussi il pouvait soupirer) :

— Spike, j'ai pas toute la journée...

— Okay... Monsieur l'Homme Occupé… alors voilà. Heu... Il se passe que j'ai accidentellement mordu Dawn et déclarée mienne... *

La bouche ouverte, le vampire brun considéra l'autre avec consternation. À le voir ainsi buté, il pouvait soupçonner qu'il ne plaisantait peut-être pas – correction, qu'il ne plaisantait sûrement pas. Puis l'aîné inspira de nouveau à fond (et tant pis si ça ne servait à rien) en essayant de se calmer avant de répondre :

Accidentellement ? Est-ce que tu ne te foutrais pas un petit peu de ma gueule ?

— Non... Enfin, si d'habitude j'aime bien... Mais là, c'est trop grave. J'ai tout gâché...

Spike se releva et l'on pouvait voir qu'il avait perdu toute velléité d'arrogance. Il semblait complètement défait et l'authenticité de son regret non feinte. La réponse d'Angel fut aussi froide, clinique et coupante que l'était son dépit.

— Il me faut des détails pour mettre une équipe sur la préparation d'un rituel de séparation, s'il est encore temps. C'était il y a combien de temps ? Est-ce que tu l'as juste mordue ? Ou les mots ont-ils été prononcés ?

— Je sais pas exactement... bredouilla-t-il décomposé. Peut-être que ça fait trois heures au maximum. Je ne voulais pas faire ça... Je te le jure...

— Ok. Est-ce que vous aviez...

— Est-ce qu'on avait... quoi ?

— J'imagine que ça ne s'est pas produit de but en blanc. Et qu'il y avait des... hum... circonstances ?

Spike resta sans expression pendant un instant. Face à son manque de coopération évident, Angel à deux doigts d'exploser grinça des dents.

— Tu l'as touchée ? Vous avez couché ensemble ?

— Et bien... comment dire... Ce… ce n'était pas mon intention...

Ronchon Ier poussa un rugissement en vampant d'un coup sans prévenir, se levant pour le toiser de toute son impatience et sa déception.

— Bordel, Spike ! Vite ! Sois précis, c'est important pour le rituel. J'ai besoin de connaître le niveau d'intimité pour trouver la formule adéquate pour couper le lien. Puisque je dois te mettre les points sur les i, ce n'est pas pareil si tu l'as mordue avec pénétration ou pas.

— B-i-en, répondit le vampire sur la sellette d'un ton acide. Alors oui, il s'est passé des trucs plutôt très intimes, impliquant baisers, nudité, caresses et… tout ça…

— Non, mais c'est Dawn ! Comment as-tu pu ?!

— Je sais pas si t'as encore de vagues souvenirs, mais c'est un genre d'automatisme. Une chose en entraîne une autre et puis… voilà !

— Ne me cherche pas... je suis pas d'humeur.

— En tous cas, c'était bien parti jusqu'à ce que je réalise que j'avais morphé sans m'en rendre compte. Je n'ai pas approché de femme depuis des années, ça joue sûrement. Alors je me suis retrouvé avec contre moi une peau humaine, toute douce, merveilleusement chaude et vibrante, et qui sentait comme Buffy… Quand j'ai senti mes crocs descendre et ma vision changer, je me suis arraché de là. Je suis allé m'enfermer et me menotter dans la salle de bains. Je me suis dit qu'avec pas mal d'eau glacée, ça aurait pu me calmer...

Spike pencha la tête, les yeux dans le vide, revoyant sans doute le film des événements comme il les racontait.

— Est-ce que Dawn était consentante ?

— Oh ça oui !

— Tu en es sûr ?

— Qu'est-ce ce que t'en dis ? Est-ce que « Spike fais-moi l'amour ne me repousse pas s'il te plaît » après s'être mise toute nue, n'est pas le signe d'un consentement douteux ?

Agacé, Angel claqua la langue avec une impatience.

— Considérant les relations sado-maso que tu avais avec Buffy, je préfère demander… Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? Tu as arraché la menotte, défoncé la porte, et tu t'es jeté sur elle comme une bête en rut pour la mordre, en déclarant qu'elle était à toi jusqu'à la mort ?

— Hey, garde tes fantasmes pervers pour toi !... C'est pas du tout ça. Enfin, je crois. J'ai une sorte de... blanc. A un moment, il me semble qu'elle est venue dans la salle de bains et qu'elle m'a parlé. Et puis le seul souvenir que j'ai ensuite, c'est de me réveiller contre elle dans la chambre. Elle dort mais elle est bouillante.

— Qu'est-ce qui t'a réveillé ? Un bruit ? Quelqu'un ?

— Euh non l'odeur du sang et... une gaule monumentale.

— Classe...

— Tu m'énerves, c'est toi qui veux des détails ! Je… j'ai fini par piger qu'elle n'était pas juste chaude mais carrément fiévreuse. Et puis surtout elle ne se réveillait pas quand je lui parlais... Il y avait un peu de sang sur mes doigts, j'ai eu peur de ce que j'avais pu faire. Tu sais très bien que le sang d'une Tueuse est irrésistible, et celui de Dawn a le même goût que celui de Buffy... J'ai cherché des points de ponction. Je n'ai rien trouvé ni à la carotide, ni au creux du coude, ni sur la fémorale… par contre elle avait la marque nette d'une rangée de dents sur le trapèze, cachée par ses cheveux... Ça a dû lui faire mal quand même, pourquoi elle ne s'est pas défendue ?

La mine sombre, l'autre vampire voyait au moins une bonne raison pour ça, qui ne l'enchantait guère. Si Dawn avait été mordue, c'était soit qu'elle était assommée, soit parce qu'elle l'avait délibérément laissé faire... Buffy avait autrefois sauvé la vie d'Angel de cette façon. Elle l'avait fait par amour. Et lui avait été incapable de s'arrêter. Si elle ne l'avait pas violemment repoussé, il l'aurait bue jusqu'à la dernière goutte... Plus maussade que jamais, Angel s'éclaircit la gorge pour poser une autre question qui lui semblait certainement pertinente.

— As-tu toi-même une marque ?

— Quoi ?

— Parce que si c'est le cas, ça change l'ampleur du rituel, ça devient plus compliqué si la revendication est mutuelle.

— Je n'ai pas fait attention. J'étais un petit peu préoccupé, figure-toi. Et je ne vois pas l'intérêt pour elle, en plus…

— Vérifie quand même tes bras. Je te laisse une minute pour appeler quelqu'un... Il faut absolument qu'on la transfère discrètement chez elle et qu'on prévienne Andrew. Il a des contacts parmi les professeurs qui peuvent être précieux. Je reviens... Tu sais, je n'arrive pas à comprendre comment tu as pu la laisser seule dans cet état... Je tiens à te dire que je te déteste de tout mon cœur. Et que je t'ai toujours détesté.

— Si ça peut te faire plaisir, moi aussi je me déteste, répondit-il lugubrement.

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Note

* Aux non familiers des fandoms vampiriques cette opération s'appelle "the Claim".

Par une morsure unilatérale ou mutuelle, deux vampires non liés par l'engendrement, créent entre eux un lien similaire très fort et en général éternel. Évidemment, c'est une très mauvaise idée entre un mortel et un immortel, car le second serait condamné à une douleur inextinguible après la perte de son compagnon.

Même entre immortels, un tel lien n'est jamais contracté à la légère car considéré comme un risque inutile, face à l'érosion naturelle des sentiments.

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