Âme de Pureté

Chapitre 54 : Orichalcos: chapitre 54

4129 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 15:13

La nuit a été plutôt courte. Je ne saurais dire si c’est à cause des ronflements des garçons à faire trembler les murs ou du bruit incessant dans ma tête. Tantôt je me revois affronter Mai Valentine et frôler de près la victoire, tantôt ce sont les souvenirs ravivés par Dartz qui s’entrechoquent. Un instant, j’aurais presque aimé qu’il ne s’agisse là que d’illusions inventées de toutes pièces.

Pourtant, ce connard a bien commis cette erreur.

Le mieux serait de lui exiger des explications, mais encore faut-il qu’Eléonore et moi soyons capables de nous tenir en sa présence. Ce qui est loin d’être gagné.

Tristan lâche un énième ronflement, me provoquant un sursaut pour la dixième fois en à peine une heure. Les yeux grands ouverts, je décèle l’aube se profiler derrière les rideaux, m’invitant à m’absenter pour une escapade matinale. Par chance, je n’ai qu’à escalader le dossier de la banquette et atteindre la porte pour éviter de réveiller Rebecca, avachie sur la table à manger, le visage enfoui dans ses bras. Je l’observe avec amusement. La veille, enhardie par le retour de son bien-aimé Yugi, elle a multiplié les tentatives d’approches pour lui soutirer un rendez-vous avant notre retour au Japon. La tête de Téa valait le détour. Elle fusillait Rebecca des yeux à chaque occasion.

Lorsque je m’extirpe à l’extérieur du camping-car, le vent mordant me gifle le visage. Je descends lentement les marches sans quitter le spectacle des arbres secoués par le souffle. Tiens, les chaises en bois sur lesquelles nous avons soupés sont toujours là. Au retour de mon escapade avec Joey, Tristan et Duke ont eu une discussion plutôt animée ici.

C’était à propos de Sérénity.

Je frissonne et m’installe sur l’une des chaises, les mains plaquées sur mes bras. On dirait que Tristan n’arrive pas à faire son choix entre la sœur cadette de Joey et Zoé. Quand nous les avons surpris, on aurait dit qu’il me suppliait des yeux de ne pas en parler à ma partenaire.

Ce que nous allons faire dès notre retour.

Cela va de soi. Il me tarde de la retrouver, elle et ma mère. Même Kageyama commence à me manquer à force de traîner dans le fin fond de l’Amérique. Soudain, alors que je ne suis sortie que depuis cinq minutes tout au plus, la porte du véhicule s’ouvre. Je tourne le menton et croise le regard améthyste de Yugi. Il semble hésiter un moment entre m’adresser la parole et juste refermer la porte dans son dos. Finalement, il choisit de faire les deux et me gratifie d’un sourire jovial.

- « Bonjour, Lore-chan. Bien dormi ? »

Il n’attend pas ma réponse pour s’emparer de la chaise à ma droite. Nous n’avons pas eu l’occasion de discuter hier. Entre les retrouvailles et les recherches d’un moyen de rentrer au Japon sans l’aide de Kaiba, nous pouvions rarement être seuls. J’opine doucement du chef.

- « Et toi ? 

- J’ai toujours du mal à réaliser tout ce qui arrive. » Soupire-t-il en posant ses mains sur ses jambes. « J’avais la même sensation lorsque je suis rentré du tournoi du Royaume des Duellistes. »

A l’époque où je n’étais qu’une simple joueuse en ligne. J’oscille lentement, mes doigts deviennent pâles à cause du froid, mais cela ne me dérange pas tant que ça.

- « Ça a été plutôt intense dernièrement, mais je suis bien content que tout soit rentré dans l’ordre ! »

Il affiche un large sourire. La candeur du jeune Yugi me déboussole autant que la pointe d’amertume qui surgit au fond de moi. Les sentiments d’Eléonore à l’égard d’Atem semblent avoir changé. Si elle ne me les transmettait pas au début de notre lien, j’ai l’impression qu’elle me submerge de plus en plus d’émotions contraires. Je dois le fixer trop intensément car il ne parvient pas à soutenir le regard que je lui lance.

- « Tout est rentré dans l’ordre, pas vrai ? » Bredouille-t-il du bout des lèvres.

Mes yeux descendent sur l’artéfact autour de son cou. Les battements de mon cœur s’alarment, je ferme les paupières et inspire un bon coup. Eléonore, calme-toi.

- « Bien évidemment. » Je souffle, dans un rire qui sonne atrocement faux.

Il est fort à parier qu’Eléonore a consulté la bibliothèque de mon âme durant mon sommeil. Les reproches de Téa concernant la dispute opposant Yugi et Atem ne lui ont certainement pas échappé. Mes phalanges craquent sous la pression de mes doigts contre le dossier de ma chaise.

- « Je suis content qu’on soit amis, toi et moi. » Ajoute-t-il, les traits tirés d’une expression indescriptible.

Ma poitrine se soulève sous une vive émotion. De légers picotements me parcourent les cervicales, puis la mâchoire. J’esquisse un rictus à l’approche d’une emprise que je réfrène tant bien que mal.

- « Moi aussi, Yugi. »

Mon souffle se coupe à la vue du puzzle du Millénium. L’œil émet une lumière dorée et s’incruste sur le front de son hôte. Les traits du jeune garçon deviennent plus graves, plus froids.

- « Eléonore. »

Pas de doute, c’est Atem.

- « A-T-E-M. » Chantonne-t-elle, s’amusant à détacher chaque lettre d’une lenteur incroyable.

Alors que Yugi optait pour une position prostrée sur sa chaise, le pharaon parait bien plus à l’aise et s’y adosse, jambes et bras croisés.

- « Nous devons discuter. »

Le rire mauvais d’Eléonore s’échappe du plus profond de ma gorge.

- « Tu te prends pour une minette sur le point de rompre ? Désolée chéri, mais c’est toi qui as atteint le point de non-retour. »

Mes lèvres tremblent. Est-ce dû à son emprise, sa colère ou ma peur ? Probablement les trois à la fois. Atem lui accorde un simple regard en coin puis reporte son attention sur le mouvement des branches.

- « A propos de notre duel, je dois admettre que je me suis trompé. Je pensais que tu étais toujours une menace pour nous tous, et je ne pouvais pas me permettre de mettre mes amis en danger, surtout vu que tu étais en possession du Sceau d’Orichalque. »

Ses excuses ont un arrière-goût de reproches. Eléonore doit avoir la même pensée que moi à ce moment-là car elle hausse imperceptiblement les épaules, si faiblement que je suis la seule à l’avoir remarqué. Sans un mot, elle invite Atem à poursuivre.

- « Je ne comprends pas pourquoi le nom que tu m’as révélé ne provoque rien en moi. J’ai toujours cru depuis que Yugi a assemblé le puzzle que mon nom était la clé qui libèrerait tous les souvenirs de mon passé en tant que pharaon. »

Sa voix est profonde et limpide. Il s’exprime si vite que son apparence d’habitude si calme et posée se trahit d’elle-même. Il croise et décroise ses jambes, sans jamais lancer un seul regard dans notre direction.

Il agit comme si on n’existait pas.

Ma réflexion me provoque un brusque soubresaut.

- « Alors je me suis demandé si tu ne m’avais pas berné dans le but de m’amadouer. »

Téa m’a donc raconté la vérité. Non pas que cela m’étonne mais je nourrissais l’infime espoir qu’elle ait menti pour me monter la tête contre Yugi. Bien que sa phase laisse sous-entendre une suite, Atem ne continue pas et se contente de fixer au loin. Je commence à me sentir à l’étroit dans mon propre corps, envahi d’une chaleur étouffante.

- « Qu’en penses-tu ? »

Sa question lui arrache enfin un regard.

- « Quoi ? »

Mes joues se creusent dans un sourire.

- « De mon petit mensonge, il était génial, pas vrai ? Faire croire à celui qui nous a trahi qu’on possède la chose qu’il désire le plus et la lui servir sur un plateau d’argent. C’était grandiose de ma part. »

Mes doigts se referment sur le pli de mon short sans que je sache si ce geste provient de moi. Je ne saisis pas. Ce jour-là au musée, j’étais persuadée qu’Eléonore avait prononcé son véritable prénom. C’était si clair et précis que je ne parviens pas à me convaincre du contraire.

- « Tu m’as donc menti pour te venger ? »

Atem lui ne semble pas surpris. Au contraire, on dirait qu’il était persuadé de cette version depuis plusieurs jours. Un silence strident s’échappe de mes dents.

- « Me venger ? Crois-tu réellement que je vais me contenter d’un mot insignifiant ? J’aurais pu, Atem chéri, mais après ce que tu m’as fait, je vais me montrer un peu plus… imaginative à l’avenir. »

Le pharaon fronce les sourcils. Au moins, maintenant, il se tourne complètement vers moi. Et dire qu’à l’intérieur de ce corps, l’âme de Yugi assiste à la même scène que moi. Je me sens un poil désolée pour lui.

- « Laisse mes amis en dehors de ça. »

Eléonore se redresse brusquement de sa chaise et se rue vers Atem. Ma main gauche se plaque à la base de son cou et mime une strangulation sans exercer la moindre pression. Par réflexe, il se recule et tente de s’extraire de mon emprise. Mais cela ne fait qu’accroître les ressentiments d’Eléonore qui presse un peu plus mes doigts contre sa pomme d’Adam, brûlante. Ses longs doigts fins attrapent mon poignet et le comprime suffisamment fort pour m’arracher un cri de douleur. Pourtant, Eléonore persiste à enfoncer mes ongles dans sa peau fine.

- « Espèce d’idiot. N’as-tu donc toujours pas compris que ce n’est pas moi qui ressens la douleur, mais elle ? C’est l’avantage que j’ai sur toi, Atem. Il faudra la tuer si tu veux te débarrasser de moi. »

Un violent frisson me traverse l’échine. Mon corps entier ne répond plus à mes signaux. Mon esprit est totalement vidé, je ne peux réfléchir à rien d’autres que ce rythme cardiaque qui pulse sous mon pouce. Je lâche un grognement de soulagement lorsque la pression s’interrompt brutalement et que je récupère entière possession de mes membres. Atem se courbe en avant, la respiration saccadée.

Mais putain, qu’est-ce qui t’a pris ?!

Je lui ai simplement rappelé qui commandait ici. Son petit jeu de super-héros arrive à son terme.

De peur qu’elle ne reprenne le contrôle sur moi, je recule d’un pas et me heurte à la table dans un bruit sourd. Merde, je risque d’alerter tout le monde si cela continue. Tout à coup, le puzzle du Millénium scintille de nouveau et je retrouve le petit Yugi, mains portées à son cou aux marques violacées. Pendant une minute, nous nous jaugeons, les yeux écarquillés.

Je crois que nous avons un nouveau problème.

 

Ni Yugi, ni moi n’abordons l’incident de ce matin. Les questions sur les marques ornant désormais le cou de mon ami sont évitées grâce à son ras-de-cou noir fétiche, masquant une grande partie de l’horreur. Impossible de lui adresser la parole non plus, je me contente de rire bêtement aux blagues du groupe, sans saisir la teneur des conversations.

Alors que nous sommes tous attablés pour prendre le déjeuner, le grondement d’un hélicoptère surgit du ciel étonnamment bleu de la pampa californienne. Les initiales KC ornant l’appareil ont de quoi nous surprendre. Après le discours de Kaiba la veille, nous ne nous attendions pas à le revoir de sitôt. Je crois pouvoir affirmer que nous sommes tous rassurés lorsque Mokuba et Roland sont les seuls à descendre de l’appareil.

- « Je suis sûr qu’on manquait à Kaiba et qu’il n’a pas voulu l’avouer. » Raille Joey, visiblement fier de sa boutade.

Au final, il ne s’agit là que d’une tentative désespérée de Kaiba de nous emporter dans un énième tournoi de Duel de Monstres. Décidément, ce type n’aura pas chômé. A peine revient-il à la vie qu’il nous dégote une nouvelle occasion de lui botter le cul.

« C’est terminé. »

Je m’enfonce un peu plus sur ma chaise. Cette voix que j’ai entendue… Celui qui a emporté mon âme dans le Sceau d’Orichalque sans même prendre la peine de m’affronter en duel. Cela ne ressemble pas à Kaiba.

- « Seto souhaiterait vous voir le plus vite possible, alors allons-y. » S’enhardit le cadet Kaiba en nous observant tour à tour.

- « Hein ? Pardon ? Tu pourrais peut-être nous demander notre avis, non ? Ton frère croit probablement que le monde lui appartient mais il n’a pas d’ordre à me donner, c’est clair ? »

Je partage l’avis de Joey, il n’y a rien que ce type m’obligera à faire. 

- « Joey, vu que l’hélicoptère lui appartient, c’est lui qui décide qui monte dedans. » Remarque Tristan à juste titre.

Par la suite, Mokuba nous informe que son frère ne participera exceptionnellement pas à ce tournoi, ce qui déroge à la réputation bornée qu’il entretient. Il y a quelque chose de louche là-dessous.

- « Ce tournoi a pour but de désigner le champion du monde, et pour ça, nous avons besoin de la participation du champion actuel, toi Yugi ! »

J’ai envie de lui rire à la gueule.

On va éviter ça, oui.

- « Les meilleurs duellistes du monde ? Je ne peux pas refuser, tu peux compter sur moi Mokuba ! 

- Dans ce cas, tu peux m’inscrire moi aussi ! » Surenchérit le grand blond.

Rebecca en profite pour se caler contre Yugi.

- « Je peux venir aussi ? Je vous signale que je suis la plus jeune championne régionale de Duel de Monstres et puis j’irais partout où ira mon cher Yugi ! »

Le visage de Téa se décompose. Si seulement ses yeux pouvaient tirer des rayons lasers, il ne resterait rien du tout de la jeune joueuse.

- « Oui ! » Accepte Mokuba. « Il se trouve que j’ai ici quatre invitations à vous remettre. »

Je m’enfonce un peu plus encore dans mon siège, comme si d’une seconde à l’autre j’allais fusionner avec pour disparaitre de leur vision. Mokuba distribue à chacun son invitation avant d’arriver à moi, avec une joie non dissimulée.

- « Et voilà la tienne Lorène. »

Je me contrains à la refuser d’un geste de la main, ce qui provoque la surprise générale.

- « Qu’est-ce qu’il se passe ? 

- Merci de l’attention, mais je ne compte pas participer à ce tournoi ultime. »

Ce dernier mot m’écorche presque la bouche. Il n’y a que Seto Kaiba pour donner des noms aussi ridicules à ses tournois. J’ai hâte de voir ce qu’il va nous sortir pour le prochain. Vu que tous les regards sont posés sur moi, je n’ai d’autres choix que de me justifier.

- « Je n’ai pas trop envie de me lancer dans un nouveau tournoi pour le moment. Puis j’ai demandé au majordome de Pegasus de venir me chercher, je dois absolument retrouver Zoé. »

Heureusement, Zoé est un alibi tout trouvé pour ne pas avoir à monter dans le même appareil que Yugi. Qui sait, Eléonore aurait pu tenter de le pousser dans l’océan pour vérifier les compétences aquatiques d’Atem.

Que tu es mignonne.

Je grimace et me ressaisis aussitôt.

- « Une autre fois, peut-être ! »

Mokuba affiche une moue déçue, rapidement effacée par les commentaires joyeux du reste de la troupe. Je ne me sens pas prête à leur révéler la véritable raison pour laquelle je ne veux pas participer à ce tournoi.

 

- « Tu es sûre que ça va aller ? »

Alors que l’hélicoptère aurait dû décoller depuis vingt bonnes minutes, Joey persiste à me poser la même question en boucle. Je la balaie d’un revers de la main.

- « Mais oui ! Allez file mettre une raclée à tous ces gens qui ne comprennent pas le sens du Duel de Monstres. »

Mon ton est un tantinet trop ironique pour lui car il lève les yeux au ciel et pose sa main sur mon épaule.

- « Préviens-moi quand tu atterris au Japon, et tu as intérêt à suivre mes exploits sur grand-écran ! Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de sortir avec le futur champion de duel ! »

Je hausse un sourcil devant tant d’aplomb.

- « Tu crois vraiment pouvoir battre Yugi ?

- Il n’y a personne qui puisse me résister. »

J’ai tellement envie de lui mettre un coup dans les burnes.

Là aussi, on va éviter. Garde ça pour le pharaon, tu veux bien ?

- « Allez Joey, on doit décoller ! » Se plaint Mokuba à l’entrée de l’hélicoptère.

Je lui lance un petit clin d’œil désolé.

- « Tu vois ? Mon public me réclame. »

L’espace de quelques secondes, j’ai l’impression qu’il va se détourner et rejoindre l’appareil sans demander son reste. Mais cette idée s’efface aussitôt qu’il se penche pour m’embrasser longuement, ses mains chaudes en étau sous mon visage. Pas le temps de profiter de cette caresse réconfortante qu’il file fièrement et salue Mokuba, ahuri.

- « A-A plus tard, Lorène ! »

Apparemment, il restait quelqu’un qui n’était pas au courant des derniers potins. C’est aux côtés du grand-père de Rebecca que nous observons l’hélicoptère s’envoler dans les airs et s’éloigner vers l’horizon.

 

Le jet privé de Pegasus survole l’immense étendue de mer. Mes échanges avec Chris se sont limités à des banalités affligeantes, je ne veux plus m’attarder avec cette famille, mais pour rentrer, je n’avais pas trop le choix. Choisir entre Kaiba et Pegasus, c’est aussi difficile que de choisir entre s’insuffler le cancer ou Ebola, à quelques détails près.

- « Nous devrions atterrir d’ici quelques heures, mademoiselle. »

Sa silhouette aux larges épaules sillonne la rangée. Je ne compte plus ses tentatives de susciter en moi l’envie de discuter. Il ne le mérite peut-être pas, mais je me sens incapable de réfléchir clairement sans un minimum de recul.

- « Merci. » Je bredouille si bas qu’il ne m’a sûrement pas entendue.

Du coin de l’œil, je remarque les rides parsemant son visage. Malgré son âge avancé, j’identifie les poches sous ses yeux comme un manque flagrant de sommeil. Je n’avais plus croisé Chris depuis notre arrivée au quartier général d’Illusions Industrielles, mais au vu du temps entre ma demande de rapatriement et son entrée subite sur les terres de Californie, je devine qu’il ne s’est pas attardé dans les environs.

- « Votre amie a repris connaissance, mais je me doute que vous êtes déjà au courant. »

Chris s’appuie distraitement sur le siège me faisant face. Il semble attendre mon feu vert pour s’y installer mais je ne réagis pas et me contente d’acquiescer.

- « Effectivement. »

Bien qu’il ne le montre pas directement, je détecte une pointe de déception dans ma réponse. Je détourne mon attention vers le hublot et cet océan à perte de vue. Pas besoin qu’il dise quoi que ce soit pour comprendre que je parais ingrate. Après tout, c’est lui qui m’a dépêtrée du corps inerte de Zoé quand j’étais tétanisée à l’idée de l’avoir perdue pour toujours. Je reviens vers le siège, mais Chris ne se trouve plus dans la rangée. Un long soupire s’entremêle dans mes raclements de gorge. Les vêtements de Mai sont définitivement trop courts.

 

Chris avait raison. En fin de soirée, l’avion privé d’Illusions Industrielles se pose dans l’arrière-cour de la demeure secondaire de Maximilien Pegasus. Je lance un signe de tête au majordome avant de prendre mes affaires et de rejoindre l’autre côté du manoir pour reprendre la route en direction de chez moi. Téléphone en main, je ne parviens pas à me décider d’appeler ma mère pour l’informer de mon retour. J’appréhende tellement sa réaction. Cela fait tout de même plus de trois jours que je suis partie avec pour seule explication un post-it abandonné sur la table de la cuisine !

Avec un peu de chances, elle sera encore au boulot quand tu rentreras.

J’opine du menton. Peut-être bien, mais je ferais mieux de me préparer aux autres éventualités pour ne pas me retrouver bête devant elle.

- « Coucou maman ! Mon séjour en Californie s’est très bien passé ! Tu sais quoi ? On a fait un détour vers la Floride pour sauver le monde d’un fou qui volait des âmes à l’aide du jeu de cartes de mon oncle ! D’ailleurs, si on parlait de mon adoption ? 

- Un peu moins de fioritures, je te prie. »

Je grimace, à croire qu’il n’y a aucun moyen pour que cette histoire se termine bien. Soudain, mon téléphone se met à vibrer. Mon cœur s’emballe. Je crois un instant qu’il s’agit du sixième sens de ma mère qui a frappé quand je remarque le nom de Zoé s’afficher sur l’écran. Je décroche aussi vite que possible et approche le combiné de mon oreille.

- « Allô ? Lorène ?

- Oui ? Comment tu sais que je suis rentrée ?

- Tu devrais désactiver la localisation de ton téléphone quelques fois, cela éviterait que Kaiba te trouve aussi facilement. »

Cela ne répond pas à ma question, mais je ne commenterai pas.

- « Quelque chose ne va pas ? Je pensais être celle qui devait appeler en premier pour qu’on se voie.

- Changement de plan ! Il faut que tu reviennes à Flem, tout de suite. »

Si elle arborait un ton plutôt léger au début de notre appel, je sens une once de sérieux dans sa dernière phrase. Alors que mes pieds me guident jusqu’à la barrière de l’entrée, je remarque qu’un vélo a été soigneusement préparé à proximité du portail. Merci Chris.

- « Si tu veux savoir, alors rapplique sur le champ, je t’attends à proximité de la place principale. »

Son ton grave ne me rassure pas du tout.

- « Soso, explique-moi tout de suite ce qu’il se passe.

- Yoshida. Elle s’est réveillée. »


 

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