Âme de Pureté

Chapitre 44 : Orichalcos: chapitre 44

4280 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 15:06

- « On devrait dormir. »

Pour la troisième fois depuis le départ des garçons à bord de la décapotable de Duke, Téa ne cesse de rabâcher encore et toujours la même rengaine. Pourtant, ni Rebecca, ni moi ne sommes enclins à nous coucher de sitôt et ce n’est pas le lever du soleil qui se profile à l’horizon qui va nous décourager.

- « Yugi va remporter ce duel, Yugi va remporter ce duel. 

- Bah dis donc, je commence à me demander si je ne te préférais pas quand tu hurlais son nom au bord du terrain. » Je soupire en gribouillant sur un bloc-notes le nom de Dartz.

Au bout d’une énième série de pas sans but, la grande brune se fige dans ma direction et pose furieusement ses mains sur les plis de sa mini-jupe blanche. Jusqu’ici, je n’avais pas particulièrement prêté attention à sa tenue, mais je dois avouer que ce nouvel ensemble blanc et bordeaux lui scie à merveille.

- « Tu peux parler, toi. S’il ne t’avait pas affronté en duel il y a quelques heures, Yugi serait plus reposé et je ne mourrai pas autant d’inquiétude. »

Mes lèvres s’étirent sous l’invraisemblance de sa remarque.

- « Tu m’excuseras auprès de ton cardiologue. En attendant, je te rappelle que c’est ton cher Yugi qui m’a retiré Eléonore. »

En dépit des belles paroles de Joey, je ne parviens pas à effacer son acte immonde de ma tête. Il n’a pas hésité un instant à envoyer Eléonore dans les griffes du Sceau d’Orichalque. La mine de mon crayon se brise contre le papier à force d’appuyer. Il se fiche éperdument de ses sentiments. Ma poussée de tension ne lui a pas échappé.

- « Ce n’est peut-être pas plus mal. » Surenchérit Téa sans me quitter des yeux. « Au moins grâce à lui tu es libérée de cet esprit maléfique qui nous pourrit la vie à nous tous. »

Entre deux envies de lui faire ravaler ses paroles, je dépose le crayon à plat sur la table et m’enfonce contre le dossier de mon siège. Je me mords nerveusement la lèvre inférieure. Réagir sous le coup de la colère ne rimerait à rien, nous ne pouvons qu’attendre le retour des garçons pour mettre en place un plan pour défaire Dartz.

- « Qui était cette Eléonore ? » Bredouille Rebecca, le nez relevé de son ordinateur portable.

Par miracle, elle ignore les signes désapprobateurs de Téa et me fixe dans l’attente d’une réponse de ma part. Les battements de mon cœur ralentissent, j’en profite pour attraper un autre crayon et reprendre mes gribouillages.

- « Eléonore est un esprit qui a vécu à la même époque que l’autre Yugi, l’esprit du puzzle du Millénium. Elle… partage mon corps, un peu comme Atem le fait avec Yugi. 

- Mais… C’est étrange, je ne vois aucun objet du Millénium ou quoi que ce soit. »

Maintenant que je connais toute la vérité – grâce à Dartz, je lui dois bien ça, il devient beaucoup plus compliqué pour moi de mentir aux autres sur mon lien avec Eléonore. Mal à l’aise, je hausse les épaules et laisse le bruit du granite contre le papier briser le silence.

- « Oh, venez voir ce que j’ai trouvé ! » S’exclame subitement la petite blonde.

Ni une ni deux, Téa et moi nous nous empressons derrière l’ordinateur de Rebecca. Sa fenêtre de navigation relate des faits vieux de plusieurs années. « Le miraculé du naufrage de l’Estonia », un titre pas trop accrocheur pour l’histoire d’un enfant qui a survécu trois ans sur une île déserte.

- « C’est horrible… » Gémit Téa, les bras serrés contre sa poitrine.

- « Ils racontent que ce garçon aurait vécu sur cette île à jouer au Duel de Monstres sans relâche jusqu’au jour où il a été sauvé. 

En somme, une vie des plus banales pour des gens de notre époque. En revanche, je ne saisis pas pourquoi ce Rafael se rallierait à Dartz. Si son but est bien de détruire le monde en aspirant les âmes de duellistes, à sa place je ferai tout pour sauver l’humanité. Je regrette aussitôt ma pensée. Je me trouve bel et bien à sa place, avec le Sceau d’Orichalque dans mon jeu.

- « Peut-être que lui aussi a une Zoé à secourir. » Je marmonne tout bas.

- « Tu as dit quelque chose, Lorène ?

- Non, non, rien du tout. »

 

Les heures s’écoulent beaucoup trop lentement à mon goût. Nous avons décidé de laisser le Professeur Hawkins se reposer tranquillement dans son lit pour attendre à l’extérieur. Les jolies éoliennes en fond donnent à cet endroit désert l’impression d’un semblant de Paradis. Je me demande ce qu’Eléonore fait en ce moment. Je suis sûre qu’elle parvient à emmerder les autres esprits avec lesquels elle est bloquée. En tout cas, si on m’avait dit il y a quelques jours que je voyagerai aux Etats-Unis pour partager un moment avec Téa Gardner et une collégienne au milieu d’un désert tout ça pour un duel qui a mal tourné, j’aurai très certainement arrêté de jouer au Duel de Monstres.

- « Je me demandais, Rebecca, depuis quand connais-tu Yugi ? »

Ma question semble la ravir, elle m’adresse un large sourire et joint ses mains.

- « Nos grands-pères se connaissent depuis très longtemps et Yugi a été un véritable gentleman avec moi. Il m’a même offert une carte après notre duel ! »

Ses joues se colorent au fur et à mesure qu’elle complimente le champion du jeu. Je pouffe doucement, d’autant plus que Téa s’efforce de ne pas montrer son agacement. Le parfum de jalousie qui règne a le don de m’amuser un peu.

- « Et toi ? » Me demande-t-elle en retour. « Comment l’as-tu connue ? »

Ma gaieté retombe aussitôt. Je croise les bras contre la table en bois et dévie les yeux vers l’horizon. Ma première rencontre avec Yugi remonte à…

- « Nous nous sommes parlés la première fois lors du tournoi de Bataille-Ville, quand j’ai affronté un des Pilleurs de l’Ombre. »

Ce type louche aux allures de géant… Comment s’appelait-il déjà ? Panique ? PaniK ? Bref, je n’ai plus jamais entendu parler de lui après sa défaite. Et dire que si j’avais perdu le duel contre lui à ce moment-là, j’aurais perdu mon âme pour un long moment. Un frisson désagréable me parcourt l’échine.

- « Oui et elle l’a même embrassée. » Ajoute Téa, les sourcils haussés.

Incapable de me contrôler, je la foudroie du regard. S’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de me remémorer avec mon nettoyage de chaussure, c’est bien le baiser entre Eléonore et Atem.

- « Tu as embrassé mon Yugi ?! »

Rebecca se lève brusquement de sa chaise qui bute contre le véhicule. Si elle arborait une expression amicale à mon égard jusqu’ici, elle me dévisage dorénavant, les doigts enfoncés dans sa veste de cow-boy.

- « Non, ce n’est pas exactement ce qu’il s’est produit ! 

- Alors explique-toi. »

Merci beaucoup Téa. Me mettre dans des situations gênantes est visiblement devenu son passe-temps favori. Je ne manque pas de lui adresser un sourire de remerciements avant de plaquer mes mains en signe de prière.

- « L’autre Yugi et mon autre moi se sont embrassés. Ni Yugi, ni moi le voulions, je te le promets. 

- Evite de promettre ce que tu ne peux pas tenir. » Raille la grande brune d’un ton mauvais.

- « Eh bien, je peux parce que Yugi ne m’intéresse pas du tout et je ne l’intéresse pas non plus. Il est tout à toi Rebecca. »

La jeune fille examine mes moindres faits et gestes avant de rasseoir sur sa chaise sans me quitter des yeux. Elle revient ensuite vers Téa qui hausse les épaules. Exténuée d’être obligée de lui rendre des comptes à chaque fois, je m’adosse à mon siège et inspire profondément. Eléonore n’interviendra pas, c’est peut-être le bon moment pour m’expliquer.

- « Téa, au sujet du rendez-vous, jamais je ne pensais que ça se finirait ainsi. »

Et c’est la stricte vérité, mais encore faut-il qu’elle l’accepte. Ses traits se détendent légèrement, ce qui me pousse à poursuivre.

- « Il est évident que je n’avais aucune intension que laisser Eléonore embrasser le pharaon. Elle ne m’avait pas préparée à ça non plus. Crois-moi, s’il y a bien quelqu’un de plus embarrassé que toi à ce propos, c’est bien moi. »

En dehors de notre conflit, Rebecca ne cesse de dévier son regard entre la brune et moi-même. La bienséance aurait voulu que j’isole Téa pour régler nos problèmes, mais mon petit doigt me dit que ce n’est qu’une des rares occasions où nous nous retrouverons en l’absence des garçons. Et surtout d’Eléonore.

- « Je sais que le pharaon te plaît, mais le but de ce rendez-vous était de l’aider à retrouver sa mémoire, ce qu’il s’est passé vu qu’on connait son nom désormais !

- Mais ça ne suffit pas. »

Un silence lourd et tendu s’installe. Silence durant lequel je me contente d’attendre les explications de Téa. Une touche de tristesse voile ses pupilles bleues. Elle baisse le menton et triture ses phalanges. On dirait qu’elle appréhende quelque chose.

- « Yugi m’a raconté que le soir où Eléonore lui a révélé son nom, Atem est devenu soudainement plus froid envers lui. Il ne comprenait pas pourquoi le fait de connaitre son nom ne lui rendait pas le reste de ses souvenirs perdus. Ils se sont disputés par la faute d’Eléonore. »

Son débit de paroles s’accélère précipitamment sous le stress. Personne ne m’a rien dit à ce sujet, sûrement était-elle la seule à le savoir jusqu’à maintenant. Au fond, je pensais également que l’évocation de son nom lui permettrait de déclencher en lui une vague de souvenirs, un peu comme moi avec les photos de la famille Pegasus. De toute évidence, nous nous sommes trompées.

- « Atem se demande si Atem est son véritable nom, si Eléonore ne lui aurait pas menti depuis le début pour se venger de son destin. »

Ça n’a aucun sens. Je connaissais le nom du pharaon depuis des semaines, Eléonore n’aurait jamais menti à ce sujet. Elle paraissait réellement intéressée par Atem et il l’a trahie une seconde fois la nuit dernière ! 

- « Mais pourquoi Yugi se serait disputé avec Atem ? » L’interrompt Rebecca, inquiète.

Téa affiche une moue déconfite.

- « Yugi croit Eléonore et il a essayé de l’en convaincre. »

Pauvre Yugi, pourquoi le mêler à tout cela ? Question stupide, il partage son corps avec Atem. Cette dispute n’annonce rien de bon. Je ne peux m’empêcher de faire le lien entre la colère du pharaon et son comportement lors de notre précédent duel. Il s’est arrêté à plusieurs reprises, comme si Yugi tentait désespérément d’interrompre notre affrontement. Peut-être qu’au fond, Atem ne visait pas mon âme, mais qu’il a trouvé dans le Sceau d’Orichalque un moyen de se venger d’Eléonore. Une migraine pointe le bout du nez, m’obligeant à fermer les yeux. Ce n’est pas le moment de se créer davantage de problèmes, j’aurais tout le temps de régler tout ce merdier plus tard.

D’ailleurs, à propos de ce rendez-vous, j’ai moi aussi quelques revendications à lui faire parvenir.

- Mais toi aussi, évite de mêler Joey à tout ça. 

- Tu parles, c’est lui qui a insisté pour ne pas être seul à vous suivre. » Soupire-t-elle sans oser me regarder. « Il était furieux quand tu as embrassé Yugi.

- Je n’ai pas embrassé Yugi. » Je rectifie, sentant une douce chaleur de colère s’insinuer le long de mes membres.

Elle est bornée, Eléonore avait raison. D’après elle, son ancêtre n’a pas eu une fin clémente et je commence à en comprendre la raison.

- « Alors toi et Joey… ? » Bredouille Rebecca en tapotant le bois du bout des doigts.

Du coin de l’œil, je remarque qu’elle me jauge d’un petit sourire curieux. Bon, au moins une chose que Joey n’aura pas l’occasion de dévoiler avant moi.

- « C’est récent. Rassurée Téa ? Marcher sur tes platebandes ne fait pas partie d’un de mes plans maléfiques. »

En espérant que mon ton ironique en lui monte pas à la tête, je la fixe intensément. Bingo, elle finit par revenir vers moi et croise par inadvertance mon regard. Pieds au mur, elle ne peut plus m’éviter et mes arguments ont l’air de produire leur petit effet.

- « Et franchement, dis-moi si je me trompe. » Je reprends, soudainement plus sérieuse. « Crois-tu vraiment qu’après ce qu’a fait Atem, j’ai une quelconque envie de l’avoir auprès de moi ? Si je pouvais me barrer et régler cette merde de mon côté, je le ferais. »

Téa écarquille les yeux, rapidement imitée par Rebecca. Je viens clairement de leur avouer mon envie de me dévier de leur groupe, mais cela me démangeait depuis bien trop longtemps. Le peu de nuit qu’il me restait m’a permis de réfléchir à la question. Je déglutis, mes doigts s’enroulent dans mes mèches de cheveux. Atem a été désigné comme le héros de ce monde, épaulé par Joey et Kaiba quand il se sera rendu compte de ses responsabilités. En revanche, moi, j’ai le choix de mon camp.

- « Alors tu ferais mieux de... »

La voix de Téa se perd dans les bourrasques de vent du désert. En guise de réponse, je lui accorde un gloussement d’embarras. Inutile de lui confier que ma décision est loin d’être définitive. Notre discussion aurait pu continuer si nous n’avions pas été interrompues par des vrombissements de voiture au loin. Du paysage désertique se découpe la silhouette de la décapotable de Duke Devlin, suivi de près par celle d’un cheval blanc portant Yugi sur son dos.

- « Ils sont de retour ! »

Malgré nos différends, nous nous échangeons des sourires, plus que ravies de les voir rentrer sains et saufs. La voiture turquoise ralentit à quelques mètres de notre campement de fortune, le cheval s’arrête brusquement et hennit quand Yugi tire les rennes.

- « Yugi, tout le monde… 

- Yugi, mon chéri ! »

A peine le champion a-t-il posé un pied au sol que Rebecca d’élance à son encontre et le serre dans une étreinte chaleureuse.

- « Tu as gagné ! » Gémit-elle en enfouissant son visage contre son torse.

- « Oui, on croyait en toi ! »

Contrairement aux deux autres filles, j’attends en retrait. Le visage baissé de Yugi me flanque la chair de poule. Pourquoi n’est-il pas heureux d’annoncer sa victoire ?

- « Attendez. » Intervient Joey d’une intonation si grave que je ne l’ai pas reconnu. « Vous vous trompez. 

- Qu’est-ce que tu veux dire ?

- Yugi a perdu. »

Tristan et Duke n’ont pas quitté la voiture, ils fixent le sol, complètement dépités. Une sensation désagréable remonte du bas de mon dos. Yugi demeure stoïque, figé dans le temps, sans accorder un seul regard à qui que ce soit.

- « Ce n’est pas possible ! » Proteste Téa. « Quand quelqu’un perd contre le Sceau d’Orichalque, le perdant doit donner son âme. 

- Et il a perdu son âme. 

- Mais le Yugi qui se tient là… »

Téa s’interrompt brusquement, comme si elle vient de réaliser que le garçon qui se tient près de nous… n’est personne d’autre qu’Atem. Dissimulé derrière ses longues mèches blondes, il choisit finalement de briser le silence.

- « Je suis désolé. Yugi a… été pris à ma place. »

Mes jambes tremblent, je serre les poings et la mâchoire pour garder une distance convenable. Yugi s’est sacrifié. Comment Atem a-t-il pu perdre un duel contre un des sbires de Dartz ? Il est censé être le meilleur joueur de cette planète ! Les pleurs et les reniflements de Rebecca commencent à fuser. Ils ne font qu’accroitre ma tension.

- « P-pourquoi ? Pourquoi ?! Tu es celui qui est entré dans le corps de mon Yugi chéri ! Pourquoi tu es encore là alors que son âme ne l’est plus ?! Rends-le-moi ! »

Comment a-t-il pu laisser une telle horreur arriver après notre duel ?

- « Rebecca a raison. » Marmonne-t-il. « Yugi était contre le fait d’utiliser le sceau d’orichalque jusqu’à la fin mais j’ai… Il est parti par ma faute. 

- Arrête ça ! » S’écrie Joey

- « Tout est de ma faute.

- je t’ai dit de la fermer ! »

Joey agrippe violemment le col de l’uniforme de son ami et lui assène un coup de poing dans la figure. Atem n’émet aucune résistance et tombe lourdement contre le sol. La violence n’est certainement pas la meilleure des solutions, mais je dois avouer que Joey vient de gagner des points.

- « Joey ! 

- On a toujours une chance de ramener Yugi ! Alors tu vas te relever et te comporter comme un homme ! Qu’est-ce qui est arrivé à notre ami qui a stoppé les plans maléfiques de Pegasus et de Marik, hein ? 

- Mais personne n’a été capable de vaincre un des trois sbires de Dartz. » Intervient Duke avant de subir la colère de Tristan, prêt à l’étrangler.

- « Il a raison. Peut-être qu’on n’a jamais eu le pouvoir de vaincre l’orichalque. »

C’en est assez. Comment peut-il sortir de pareilles aberrations alors qu’il est responsable du départ précipité de Yugi et d’Eléonore ? Mon rôle de figurante se termine ici. Tant que tout le monde semble prostré, je m’avance vers le pharaon, les poings serrés le long du corps.

- « Tu dois te ressaisir, Atem. »

Rebecca s’écarte pour se réfugier dans les bras de Téa, me laissant la voie libre. Encore une phrase défaitiste de sa part et je ne répondrai plus de rien. Mon sang ne fait qu’un tour quand il daigne enfin affronter mon regard. Ses yeux sont voilés de tristesse.

- « Je suis désolé. 

- Tes excuses n’y changeront rien, alors si tu veux réellement te faire pardonner, bouge ton cul et arrange tout ça. »

Dans mon dos, je devine le regard furieux de Téa. Le spectacle de son cher et tendre confondu en excuses ne doit pas lui plaire. Je suis sur le point de me reculer quand Atem glisse sa main dans la poche de son uniforme et en retire une carte qu’il me tend instantanément.

- « Tu devrais la reprendre. » Minaude-t-il.

Ses doigts tremblent, je m’attarde un moment sur son état avant d’accepter son dû. Il s’agit de la carte de Zoé enfermée dans le Sceau d’Orichalque. Eléonore lui avait confié cette illustration au lieu de l’original. Au fond de moi, je me sens un poil rassurée de retrouver ma carte. Elle rejoint immédiatement celle d’Eléonore dans ma poche.

- « Rentrons à l’intérieur. » Hoquette Téa sans grande conviction.

Nous acquiesçons tous avec la même énergie. Pour la première fois depuis que je les ai rencontrés, la cohésion et la bonne humeur s’est envolée. A croire que leur unité repose principalement sur la personne de Yugi.

 

- « Que s’est-il passé ? »

Adossée contre l’habitat de fortune des Hawkins, je balaie le paysage pour la vingtième fois de la journée. Cet endroit va me rendre dingue. Du sable, de la terre, des montagnes et des âmes perdues. Quand j’imaginais l’Amérique, c’était à des années lumières de ce petit bout d’enfers.

- « Nous sommes arrivés au beau milieu de son duel contre un des sbires de Dartz, Rafael. Le Sceau d’Orichalque était déjà activé, mais du côté de Yugi. »

Le pharaon a activé le Sceau d’Orichalque ? J’ai pourtant du mal à concevoir qu’un type aussi droit qu’Atem puisse déchainer les puissances qu’il est censé vaincre. Tout comme j’ai du mal à croire qu’il ait pu perdre. Je secoue doucement la tête. Joey pousse un grognement et plaque nerveusement une main contre son front.

- « Ça va ? 

- Bien sûr que non ! Mon meilleur ami vient de se faire retirer son âme et Mai travaille pour ces types louches et très mal sapés ! »

Leur accoutrement est définitivement ce qui le frustre le plus.

- « Ils lui ont retourné le cerveau. » Répète-t-il en boucle. « Je dois absolument la retrouver et lui rappeler que je suis là pour elle. »

Les yeux levés au ciel, je m’efforce de garder mon calme. Mai est à l’origine de mes ennuis. Si elle ne m’avait pas envoyé le Sceau d’Orichalque par la poste, ou si elle m’avait expliqué les conséquences suite à son activation, jamais Zoé n’aurait été enlevée. Elle se fichait bien que je puisse m’en vouloir. Et elle ose me crier que je devrais me joindre à elle ?

- « Sa colère la mènera à sa perte, utilise plutôt ton énergie pour combattre Dartz. » Je déclare en revenant vers Joey.

- « Hors de question que je l’abandonne. Mai est…

- « Mai Valentine » par-ci, « Mai Valentine » par-là, tu as un autre nom à la bouche, parfois ?! »

Mon esprit est trop embrumé pour pouvoir réfléchir et l’entendre rabâcher ce nom à longueur de journée commence sincèrement à me taper sur le système. Joey fronce les sourcils et serre les dents, loin d’abdiquer.

- « Mai a besoin de mon aide et je continuerai à prononcer son nom jusqu’à ce qu’elle soit libérée de Dartz, tu comprends ?! De toutes les fois où j’ai été là pour toi, tu devrais percuter ! »

Ses mots me font l’effet d’un coup de poignard. Pense-t-il vraiment que je ne relève pas l’ampleur du danger auquel Mai est confrontée ? Moi aussi je voudrais qu’elle retrouve ses esprits et s’unisse avec nous contre l’orichalque, mais elle n’y est clairement pas prête pour le moment. Mes lèvres sont sèches et mes paumes moites. Le regard de Joey m’échauffe la peau malgré le vent frais du matin. Avant même que je ne réponde quoi que ce soit, la porte du camping-car s’ouvre sur le visage benêt de Tristan. A ses traits tirés, je devine que tout le monde à l’intérieur a profité de notre échange houleux.

- « Hé, rentrez un peu, on sait où est le quartier général de Dartz.

- Sérieux ? » Lance Joey, comme si de rien était.

- « Ouais, direction la Floride les amis ! »


 

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