Âme de Pureté

Chapitre 43 : Orichalcos: chapitre 43

4180 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 15:06

- « Tu crois à la vie après la mort ? »

Cette question m’avait été posée un mardi, lors d’une énième fermeture du Tam-Tam. Occupée à nettoyer les tables et ranger les chaises en harmonie selon les instructions de la patronne, je ne me suis pas étendue à ce sujet.

- « Une réincarnation dans un monde moins nul me suffirait. »

A ce moment, je ne m’interrogeais pas sur une possible suite après les limbes de la mort. Notre âme allait-elle s’envoler par-dessus les nuages et rejoindre toutes les autres ? Ou se contenterait-elle de s’éteindre comme ça, d’un coup ? La vérité m’importait peu. J’étais jeune et j’aurai l’occasion de me poser toute sorte de questions philosophiques une fois la cinquantaine passée. Un verre à cocktail coincé entre deux pants d’essuis, Zoé s’est approchée de moi et m’a donné un léger coup de hanche.

- « Imagine un endroit où toutes tes actions seraient méticuleusement analysées pour jauger de ton entrée au Paradis ou en Enfers ! 

- Tu crois au Purgatoire ? » Lui ai-je alors lancé, surprise de découvrir en elle des croyances chrétiennes.

Zoé s’est arrêtée un instant pour réfléchir, j’en ai profité pour boucler le rangement des tables.

- « Pas exactement, mais le principe que tout humain se retrouve face à ses pires sévices au bout du tunnel est incroyable grisant, tu ne trouves pas ? »

Son ton presque excité m’a tiré un sourire cynique.

- « Je ne suis pas sûre que tu riras autant le jour où Saint-Pierre te reprochera tous tes méfaits. » Je surenchéris, faussement menaçante.

- « De mon côté, je n’ai rien à me reprocher. » A-t-elle chantonné en balayant la salle de ses grands yeux bruns.

Alors qu’elle repassait dans l’autre sens en continuant de frotter le verre désormais aussi propre qu’un sous neuf, Zoé abat une main ferme sur mon épaule et approche sa bouche au creux de mon oreille.

- « Et vous, Madame Yuurei ? Quels sont vos travers ? »

Je réprime un frisson et me dégage de son emprise. Sa question a tourné dans mon esprit pendant une bonne minute.

- « Il y a trois ans, j’ai triché sur ma voisine de classe et je l’ai accusée en prétextant qu’elle était trop nulle pour que je recopie ses notes. »

Et, curieusement, j’ai obtenu gain de cause, mais j’éviterai de m’étendre sur le sujet. Un rire s’échappe des lèvres de mon amie qui tend ses doigts en signe de croix.

- « Tu finiras en Enfers, pauvre âme damnée ! 

- « Arrêtez de bavasser et terminez votre travail ! J’aimerais rentrer chez moi avant le lever du soleil ! »

La patronne avait surgi de nulle part et s’était accoudée au bar en nous fusillant des yeux.

- « La légende raconte qu’elle a commis tant que méfaits que même le diable l’a refusée en Enfers. » m’a chuchoté Zoé avant de sautiller jusqu’au bar pour terminer le rangement.

Non sans glousser, je me suis remise au travail sous l’œil attentif de Madame Yoshida. La vie après la mort ? J’en sais foutrement rien. De toute façon, j’aurais bien le temps de m’en inquiéter d’ici là.

 

La vive douleur qui m’a traversée de part en part n’est plus qu’un lointain souvenir. Elle s’est évanouie pour une sensation de vide intense, à la fois lourd et léger. Bonne nouvelle, la sensation du sable sous mes doigts m’indique que mes sens sont revenus.

Du… sable ?

Le bout de mes doigts caresse d’infimes grains qui me rappellent effectivement le sable fin d’une plage, des dunes ou d’un désert. Un désert…

- « Je… Je suis désolé ! »

Les paupières closes, je tressaille à ce cri sorti de nulle part. Cette voix m’est familière, je l’ai déjà entendue à plusieurs reprises. A peine j’essaie d’ouvrir les yeux pour en découvrir la provenance que ma tête se met à tourner et m’oblige à me plonger dans l’obscurité. Bordel, que s’est-il passé ?

- « Je ne voulais pas… J’ai essayé de l’en empêcher ! Mais il ne voulait pas et…

- Et par sa faute, son âme a été emportée ! Putain, mais c’est quoi son problème ?! 

- Joey ne t’énerve pas ! »

… Joey ? Et celle qui vient de l’interrompre à l’instant, je reconnaitrais sa voix aigüe et désagréable parmi mille autres, c’est bien Téa. Cela signifie que celui dont les reniflements et les sanglots percent le timbre depuis tout à l’heure, ce serait Yugi ? Pendant que les souvenirs de mes derniers instants de conscience reviennent progressivement, je remarque que quelqu’un me maintient en position assise, une main agrippée à mon épaule. Celle-ci se resserre brusquement suite aux paroles de Téa.

- « Quoi ? J’ai toutes les raisons de m’énerver !

- Elle a utilisé le Sceau d’Orichalque ! 

- Téa, tu étais présente à ce moment-là ? C’est évident que ce n’est pas elle, mais l’autre Eléonore qui l’a jouée à sa place ! »

Le Sceau d’Orichalque, un duel contre Yugi, Eléonore.

 

Eléonore ?

 

Ma poitrine se contracte, je parviens à ouvrir doucement les yeux sans frémir quand un poids oppressant m’empêche de respirer. Prise de panique, je me penche brusquement vers l’avant et plaque une main contre mon thorax. J’étouffe.

- « H-Hé ! Elle est consciente ! »

Peu m’importe l’agitation qui se forme autour de moi, ma respiration saccadée et les bourdonnements dans mes tympans m’empêchent d’entendre leurs exclamations. Mon corps bouillonne tellement que je doutais pouvoir un jour atteindre une température aussi élevée.

Eléonore, réponds-moi !

L’orichalque, le vide. La raison pour laquelle mon âme n’a pas rejoint celle de Zoé à la fin du duel. Des larmes coulent le long de mes joues sans que je ne cherche à les retenir.

- « Elle est partie… 

- Hé, redresse-toi pour respirer. » Me murmure une voix rassurante.

La main sur mon épaule me tire légèrement en arrière tandis qu’une autre me force à relever le menton vers le ciel. Cette position m’aide à apaiser la panique qui me bouffe les entrailles. Très vite, je retrouve une respiration lente et régulière.

- « Rebecca, tu peux aller lui préparer quelque chose à boire ?

- Oui, tout de suite ! »

Le désert californien, Zoé, la demande de Chris, Mai Valentine. Malgré mon envie de me calmer, tous ces éléments tourbillonnent en moi et se complètent les uns les autres pour former un puzzle. Sauf que le pharaon vient de me retirer une pièce : Eléonore.

- « Lore-chan. »

Sa voix me provoque une violente nausée. Mes pensées se bousculent, j’invoque Eléonore à plusieurs reprises mais rien n’y fait. Cette sensation étrange d’être dénudée dans mon propre corps, elle me confirme bien que le seul esprit qui y habite dorénavant, c’est le mien.

- « Comment tu te sens ? »

Instinctivement, je tourne le visage vers Joey et constate à cet instant qu’il est plaqué contre moi pour m’éviter de vaciller.

- « Je n’ai jamais été aussi bien de toute ma vie. » Je grogne, la bouche un peu pâteuse.

L’idée de me mettre en colère contre Yugi à quelques pas de moi me traverse l’esprit, mais mes forces ne me le permettent pas. Au lieu de ça, je me contenterai d’un bref regard noir en coin pour lui signifier mes nouveaux sentiments à son égard.

Tu me le paieras, Atem.

 

Dans un état second, je ne réalise qu’à la lueur des ampoules qu’on m’a transportée à l’intérieur du camping-car. A chaque fois que j’ouvre la bouche, aucun mot ne s’aligne correctement, me plongeant dans un gêne pesante. La banquette s’affaisse lorsque Rebecca s’installe à côté de moi, une tasse de thé qu’elle me tend avec un petit sourire. Instinctivement, je l’accepte et porte le breuvage à mes lèvres. Urgh, je déteste le thé. Cela ne m’empêche pas d’en vider la moitié pour ne pas vexer notre hôte.

L’ambiance lourde me provoque une envie de gesticuler dans tous les sens. Téa et Yugi ont disparu de mon champ de vision tandis que Joey épingle Tristan, le bras enroulé le long de son cou. Ils discutent à voix basses, sûrement pour que personne ne les entende. Après avoir volé l’âme de Zoé, je comprendrai que le brun refuse de m’adresser la parole. A vrai dire, je lui en voudrais si ce n’était pas le cas. Zoé est quelqu’un d’exceptionnel qui ne méritait pas un tel châtiment. Avalant une autre gorgée de ce jus de chaussette, je refrène une vague d’émotions qui menace de s’échouer sur mes joues.

- « Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne dirai pas non à un bon chocolat chaud, moi. »

La remarque de Duke apaise les quelques tremblotements de mes mains sur le mug. Un sourire en coin, je ne peux qu’acquiescer.

- « C’est certainement la meilleure solution. » Je marmonne avant d’avaler le reste du thé.

Du coin de l’œil, j’observe les deux amis. Tristan me lance quelques regards, puis les dévie quand il croise le mien. Joey ne le quitte pas une seconde. J’aimerais bien savoir ce qu’ils sont en train de se dire, ces deux-là. Toutefois, leur conversation s’interrompt dès le retour de Yugi aux côtés de Téa. Celle-ci arbore expression plutôt joyeuse en dépit de la situation.

- « Il est grand temps d’aller se coucher ! Demain s’annonce une dure journée donc je veux qu’on éteigne la lumière et tout le monde au lit !

- Oui maman… » Raille Tristan, l’air contrit.

Sa notion de lit me laisse perplexe. Nous savons tous pertinemment que nous allons nous agglutiner les uns sur les autres dans l’espoir que personne dans le lot ne ronfle ou n’aie de profondes crises d’insomnie.

- « Rebecca, tu as une trousse de soin ? »

La principale intéressée parait surprise de la subite demande de Joey. Elle pointe sont index en direction d’une armoire accrochée en hauteur.

- « Tout au-dessus, c’est la boite blanche. »

Pendant qu’il s’exécute et récupère le nécessaire de soin, les autres s’organisent sur ceux qui auront le privilège d’occuper les sièges et ceux qui devront dormir à même le sol.

- « Parfait merci. Lorène, il faut que tu changes ton bandage avant que ça ne s’infecte. »

Entre maman Téa qui couche ses enfants et papa Joey qui joue aux infirmiers, je dois bien avouer que je vis la soirée la plus étrange de toute mon existence.

Et là Eléonore m’aurait balancé « Tu oublies la fois où vous avez planqué un cadavre dans un garde-meuble au beau milieu de la nuit. » ou quelque chose du genre.

Happée par son regard insistant, je finis par me lever et l’accompagner dehors, où les lumières du véhicule éclairent partiellement le sable de Californie. Les jambes en compote, je m’accroche à tout meuble et objet solidement fixé pour me tenir debout. Ainsi, quand nous nous déplaçons à l’avant du camping-car, je n’hésite pas deux secondes à me glisser au sol, genoux relevés. Une question en particulier me brûle les lèvres.

- « Comment va-t-il ? 

- Il est un peu perdu. Mais ça va lui passer. »

Joey déverrouille la caisse blanche et en ressort un bandage propre. Le mien ne ressemble plus à rien, sa couleur a viré au brun à cause du sang séché et le papier collant se décollait déjà de mon poignet. D’un geste bref, je le retire, non sans ressentir une légère douleur.

- « Je ne pensais pas que tu prendrais goût aux bagarres après Hirutani. » Soupire-t-il en examinant ma plaie.

- « Que veux-tu, tu as réveillé la guerrière qui sommeillait en moi. »

Sans un mot, Joey attrape mon poignet et me désinfecte de son autre main. Sa chaleur se répand dans tout mon bras, comme si le simple fait de toucher ma peau m’embrasait de la tête aux pieds.

- « Elle voulait juste apprendre à jouer. » J’ajoute d’un ton plus bas.

A mes mots, ses mouvements se figent et je ferme les yeux. Qu’il puisse m’en vouloir est certainement la dernière chose que je souhaite en ce moment.

- « Si tu l’avais fait exprès, tu ne m’aurais pas appelé aussi tard et tu ne serais pas ici. »

Je hoche doucement le menton et me raidis quand son désinfectant touche une zone plus sensible. Zoé ne méritait pas ça. Eléonore ne méritait pas ça.

- « On va la ramener, coûte que coûte. »

Il a beau répéter les mêmes mots que je me rabâche depuis hier, l’entendre de sa part donne un tout autre sens à cette rengaine. Telle une enfant, je le laisse enrouler le bandage autour de ma main, faisant disparaître l’entaille dû au bitume. En silence, je l’observe, concentré sur ses mouvements. Ses mèches blondes chatouillent l’arête de son nez et entourent ses yeux bruns. Cette scène me rappelle notre en-cas nocturne dans le dirigeable de la Kaiba Corp. A cette époque – bien que cela ne fasse que quelques semaines, nous n’avions qu’une idée en tête : ramener Mai envoyée au Royaume des Ombres à cause du maléfice de Marek. Aujourd’hui, c’est elle que nous devons arrêter à n’importe quel prix.

- « Et voilà, madame est servie. »

Ravie de son travail minutieux, j’admire mon bandage sous toutes les coutures. Maintenant, je ressemble à une vraie guerrière blessée.

- « Ecoute. » Reprend-t-il plus sérieusement. « Je sais que ça ne doit pas être simple pour toi, surtout après ce duel contre le pharaon, mais on doit se serrer les coudes et se liguer contre Dartz. »

Dartz… Le créateur du sceau d’orichalque, celui qui m’a promis de ramener Zoé en échange d’âmes de duellistes. De l’autre côté du ring, il y a Atem, celui qui m’a retiré Eléonore sans une once d’hésitation. Tout en glissant mes doigts dans un monticule de sable, je pousse un long soupir. Au fond de moi, aucun de leur camp ne m’intéresse. Personne ne peut m’assurer qu’il ramènera Zoé saine et sauve de l’endroit où son âme est captive.

- « Comment veux-tu qu’on se serre les coudes si on en est déjà à se tirer dans les pattes ? » Je demande, blasée.

- « J’en sais rien, mais je ne veux pas prendre le risque de perdre quelqu’un que j’aime, à nouveau. »

Adossée à la carrosserie, nous observons une minute de silence. Entre la colère, la frustration et mon évident manque de discernement, je n’arrive pas à mettre de l’ordre dans mon cœur. L’absence d’Eléonore y est pour beaucoup. Je ne me rendais pas compte à quel point il était plus facile de prendre d’importantes décisions quand elle interrompait sans cesse mes réflexions.

- « C’est bizarre. » Je pouffe laconiquement. « Il y a encore quelques heures je me demandais comment la sortir de ma tête et maintenant, je pourrai sacrifier n’importe quoi pour la ramener pour qu’elle me dise quoi faire. »

Joey souffle du nez avant de me donner un léger coup d’épaule.

- « Au moins maintenant tu es normale.

- Qu’est-ce que tu insinues ?

- Que je préfère quand elle ne t’aide pas à résoudre tes problèmes. » Déclare-t-il, un peu trop assuré.

Je fronce un sourcil à cette remarque et lui rends son dernier coup, cette fois dans la hanche. Les seuls moments où Eléonore n’est pas intervenue pour régler mes différends, quelqu’un d’autre prenait sa place.

- « Tu dis ça uniquement parce que c’est toi que j’appelle dans ce cas. » 

Madame Chono et ses notes, le corps de Madame Yoshida, le supermarché dans lequel mes parents sont morts. A cette liste, on pourrait aisément m’attribuer le surnom de Drama Queen.

- « Exactement. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un Apollon de Domino à ses côtés. »

Ses chevilles gonflent à vue d’œil, mais je ne retiens pas un petit gloussement. Soudain, les lumières du camping-car s’éteignent. Il faut croire que les autres n’ont pas décidé de nous attendre pour se coucher. Encore une œuvre de Téa et de son instinct maternel. Alors que je songe un instant à l’inviter à rentrer pour les rejoindre, sa main se pose sur mon épaule et m’incite à me pencher. Intriguée, je ne réagis pas jusqu’à ce que son souffle balaie mon visage et que ses lèvres ravissent les miennes. Je ferme les yeux, c’est si soudain et étrange dans notre situation que son baiser devient en fin de compte la seule chose que j’attendais.

- « Allez Cocotte, au lit. » Chuchote-t-il à une faible distance de ma bouche.

Et là, perdue au fin fond de la Californie, dépouillée de mon amie la plus chère et de l’esprit qui cohabitait dans mon corps, en colère contre celui qui s’est servi de moi comme réceptacle pour accomplir ses desseins, je remarque que la seule source de chaleur et de réconfort qu’il me reste s’avère être ce garçon, Joey Wheeler. Enhardie par cette pensée, je plaque ma main bandée à l’arrière de sa nuque et l’attire pour l’embrasser à nouveau. Contrairement à notre dernier échange, je me montre plus avide, plus insistante. Ma main libre disparait dans ses cheveux et agrippent ses racines tandis que je happe ses lèvres, encore et encore. Joey n’est pas le premier garçon avec lequel je partage des moments intimes, mais au plus loin où mes souvenirs bancals me mènent, il est celui auquel j’ai intensément envie de m’accrocher. A sa manière de caresser ma joue lorsque nous nous embrassons et l’hésitation avec laquelle il n’ose pas bouger son autre main de ma hanche, je crois qu’il l’a compris.

Ce n’est qu’une fois à bout de souffle que je me décide enfin à reculer mon visage du sien avant de coller mon front au sien. Ma poitrine brûle à cause du manque d’air, je descends mes mains tremblantes de son cou afin de ne pas rompre le contact contre sa peau.

- « Woah… Tu es en forme. »

Gênée, je manque de lui faire ravaler ses paroles, mais me contente finalement de lever les yeux au ciel.

- « C’est aussi beauf que les mecs qui disent « tu as aimé ? » après l’amour.

- Je ne manquerai pas de m’en souvenir le jour où ça arrive.

- Si ça arrive.

- Ne défie pas Joey Wheeler. » Chantonne-t-il en relevant.

J’accepte la main qu’il me tend, ignorant tout à fait sa plaisanterie. Je n’ai aucune idée du nombre d’heures qu’il nous reste avant le lever du soleil, mais nous ferions mieux de ne pas trainer. Alors que j’esquisse un pas en direction du camping-car, une main m’agrippe le poignet, me forçant à m’arrêter.

- « J’avais oublié de te rendre ça. »

Dans la pénombre, je plisse les yeux et tâtonne dans le vide jusqu’à buter contre une surface fine en forme de rectangle. C’est probablement une carte de Duel de Monstres.

- « C’est la carte d’Eléonore. Elle est tombée au moment où le sceau d’orichalque l’a emportée. »

Oh… Quelle idiote, je n’y avais même pas songé. Je bredouille des remerciements expéditifs, la carte trouve refuge dans la poche de mon sweatshirt pêche.

- « S’il te plait, n’utilise plus le Sceau d’Orichalque, contre qui que ce soit.

- Je ne comptais p-

- Je sais, je veux juste m’assurer que ce qui est arrivé à Mai ne se reproduise pas avec toi. Je dois absolument la ramener à la raison. »

Si j’étais une fille chiante, je lui ferais remarquer que de parler d’une autre fille après une séance de bécotage est plutôt malvenu. Au lieu de ça, je me contente d’accepter sa demande et de reprendre la marche en direction de notre abri de fortune. Tout le monde semble déjà dormir. Téa accapare à elle seule le canapé tandis que Yugi est recroquevillé sur un fauteuil au coin de la pièce. Tristan et Duke se sont endormis l’un contre l’autre d’un côté de la place. Seule une place subsiste aux côtés de Rebecca à l’autre bout. D’un commun accord, Joey attrape un drap pour se coller contre le frigo et j’enjambe le dossier libre, à l’écoute des moindres mouvements de la jeune fille.

 

Cette nuit d’horreurs aurait pu s’arrêter là. Nous aurions tout pu tourner la page et nous lever de bonne humeur le lendemain matin dans le but de stopper les desseins de Dartz et de ramener toutes les pauvres âmes emportées par l’orichalque. J’avais même trouvé le sommeil entre deux réflexions sur la manière dont j’allais ramener Zoé quand des cris m’ont brusquement tirée de mon repos.

- « Rebecca, comment as-tu pu le laisser partir comme ça ?! »

Sans prévenir personne sauf Rebecca, Yugi était parti à dos de cheval dans la vallée de la mort pour affronter celui qui avait kidnappé le professeur Hawkins. Sûrement un autre sbire de Dartz. Et à l’arrivée boiteuse du dit professeur quelques minutes plus tard, nous avons compris que Yugi était tombé dans un piège.

- « Gardez un œil sur les environs. »

Pendant que le vieillard se repose à l’intérieur, Téa et moi observons les trois garçons sur le point de partir à bord de la décapotable de Duke.

- « D’accord, faites attention à vous ! »

Le moteur se met à vrombir, il est grand temps pour eux de partir s’ils veulent parvenir à retrouver Yugi avant qu’il ne doive affronter ce type. Deux duels des ombres en une seule nuit. Bien que je ne le porte pas dans mon cœur en ce moment, j’espère qu’il a pu se reposer un minimum. La voiture s’éloigne progressivement et, quand elle quitte notre champ de vision, Téa se tourne vers moi, inquiète.

- « Il faut qu’il revienne sain et sauf ! »

Les yeux baissés vers mes chaussures, je ne sais quoi lui répondre. Une partie de moi me pousse à lui dénicher des mots rassurants en faveur de sa victoire, mais l’autre… l’autre se demande si le pharaon ne devrait pas perdre ce duel.


 

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