Âme de Pureté

Chapitre 39 : Orichalcos: chapitre 39

3090 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 15:03

- « Nous sommes arrivés, Mademoiselle. »

Je m'étire sur mon siège et constate que le soleil est levé depuis quelques heures déjà. Mes paupières demeurent lourdes et désagréables. Mes membres sont si engourdis que je dois m'y prendre à deux fois pour me détacher de mon lit de fortune et tenir sur mes deux jambes. Le jet privé de Maximilien Pegasus nous a déposés près du quartier général, situé au beau milieu de nulle part. Dès que je descends les marches de l'avion, l'atmosphère aride et chaude du désert qui se profile à l'horizon m'étouffe. Le ciel se colore d'un bleu qui m'empêche de l'admirer trop longtemps.

- « La pampa Californienne, c'était plus beau sur Google Image. »

Chris m'indique de le suivre de près. Je hoche le menton et le talonne. Il a raison. Nous ne savons pas la raison de l'absence de Pegasus, mieux vaut rester sur nos gardes jusqu'à ce que nous découvrions ce qui lui est arrivé. Le quartier général ressemble à une usine en métal s'élevant sur une centaine de mètres de hauteur. Du bloc principal surmonte une tour ornée de fenêtres. Je dois reconnaitre à mon oncle un certain goût d'architecture, bien que je me sois accoutumée à un style plus cartoonesque.

Avec un peu de chance, Raiponce s'est simplement jetée du haut de sa tour.

- « C'est étrange, on dirait que le bâtiment a été laissé à l'abandon. »

Quand on me parle de quartier général, je pense à une zone presque militaire et surveillée tous côtés avec au minimum des gardes et des caméras de surveillance un peu partout. Mais j'ai beau me tordre le cou dans tous les sens tous les sens, pas le moindre signe de surveillance. Rien que du sable à perte de vue.

- « Ce n'est pas normal. » Confirme le majordome quand nous passons les portes automatiques sans le moindre souci.

A première vue, le rez-de-chaussée est complètement vide. Au moins ici, il fait frais et je ne risque pas l'insolation. Le bruit de nos pas contre le sol résonne dans toute la bâtisse. Chris se raidit. Il s'efforce de contacter une dizaine de personnes. Son téléphone émet une tonalité, mais rien d'autre. Personne ne répond à ses appels et l'absence des employés du siège de Pegasus ne le rassure pas pour autant.

- « Je vais aller vérifier dans les laboratoires où sont conçus les prototypes des cartes.

- D'accord. Dans ce cas, je vais fouiller les étages. »

Le regard désapprobateur qu'il me lance me passe par-dessus la tête. Si Maximilien Pegasus se trouve dans les environs, alors il faut que je trouve. Il sait peut-être comment ramener Zoé.

Emprunter des ascenseurs dans un endroit totalement désert ne me semble pas une très bonne idée, je me contente donc des classiques escaliers en colimaçon et me balade distraitement dans les couloirs.

- « Il y a quelqu'un ? Youhou !

- Faites qu'il soit mort, ça m'évitera de devoir le tuer.

- Eh bah figure-toi que si c'est le cas, nous n'aurons plus aucune piste pour remettre l'âme de Zoé dans son corps, alors il vaudrait mieux que ce type soit encore en vie ! »

De salle de réunion aux toilettes en passant par les bureaux, mes espoirs diminuent à chaque fois que je me heurte à une pièce vide. Aucune trace de Pegasus, ni même de tout autre être humain dans les environs.

- « Peut-être qu'il y a eu une catastrophe et qu'ils ont dû détaler en vitesse sans prévenir personne.

- D'habitude, tes théories me font doucement rire mais dans ce cas-ci à part un séisme de magnitude dix, je ne vois pas ce qui aurait pu faire fuir ces gens. »

Très bien, alors que quelqu'un me donne une meilleure explication ! Il n'y a rien au premier étage, il ne me reste plus qu'à inspecter le haut de sa tour. Etonnamment, la porte du bureau de Pegasus n'est pas verrouillée par une quelconque clé ou un code d'accès. J'ouvre sa porte comme j'entrerai chez le médecin.

- « Monsieur Pegasus ? » Je tente, en vain.

Seule ombre au tableau : une autre porte – cette fois-ci bloquée par un système de carte, qui me barre la route. Une idée déplaisante germe alors dans mon esprit.

- « Et si son corps était planqué là-dedans ?

- Alors je bénirai à vie celui qui a eu ce réflexe. »

Une chose est sûre : il a complètement disparu sans laisser de trace. Désespérée, je m'approche du bureau en chêne pour inspecter les tiroirs à la recherche du moindre indice qui me mettrait sur la route de mon oncle. Toujours rien, si ce n'est des papiers sans grand intérêt.

- « Regardez qui voilà. »

Je sursaute et me coince un doigt dans le dernier tiroir. Cette voix provient de la porte. Apeurée, je me relève brusquement et m'accroche au rebord su bureau pour ne pas tomber. Au pied de l'entrée, une grande blonde au style rock, des créoles et un rouge à lèvres fuchsia. Mon souffle se coupe face au large sourire qu'elle arbore.

- « Mai. »

Je marmonne son nom réelle conviction. Tout ce qui me traverse l'esprit à cet instant, c'est de lui sauter au cou pour lui réclamer des explications.

- « Lorène. Cela faisait si longtemps ! Je t'avais dit qu'on se reverrait bientôt. Tu as reçu ma petite lettre ? »

Un violent frisson me parcourt l'échine. Mes ongles s'enfoncent dans le bois tandis que j'essaie de garder mon calme. Mes yeux descendent sur son bras auquel est accroché un disque de duel différent de ceux de la Kaiba Corp.

- « Qu'y a-t-il ? Tu n'es pas heureuse de me voir ?

- Après ton cadeau empoisonné ? Je n'ai jamais été aussi comblée, ça ne se lit pas sur mon visage ? »

Mai sourit. Qu'est-ce qui lui prend, bordel ?! La véritable Mai se serait inquiétée, elle n'aurait pas arboré un air si fier !

- « Arrête de sourire ! » Je lui ordonne en contournant le bureau pour lui faire face. « Et putain explique-moi ce qu'il t'a pris de m'envoyer cette merde ! »

Mes menaces et insultes ne l'effleurent pas. La jeune femme se cale contre le chambranle et me toise de ses yeux améthyste.

- « Je vois que tu as expérimenté mon nouveau joujou. Alors, dis-moi, qui en a été la victime ? Joey ? Yugi ? Non, il ne se serait pas laissé vaincre aussi facilement. »

Je serre les poings, prête à me jeter sur elle. Une dose d'adrénaline pulse dans mes veines, elle me crie de me débarrasser d'elle au plus vite.

- « Va te faire foutre, Mai. Je ne sais ce qu'il t'est passé par la tête, mais tu vas rapidement redescendre avant que je ne m'occupe de ton cas.

- Oh ? Alors c'est comme ça que tu me remercies ? » Se plaint-elle d'une moue faussement blessée.

Ses doigts aux ongles peints s'engouffrent dans la poche de sa veste en cuir et en détachent une carte de duel qu'elle coince entre son index et son majeur.

- « Ne t'inquiète pas. D'autres n'ont pas résisté bien longtemps. »

Mes muscles se raidissent à la vue de la carte. Semblable à celle dans ma propre poche, la sienne représente le Sceau d'Orichalque derrière lequel s'illustre Maximilien Pegasus. Je soupire. C'est donc pour cette raison que Chris n'avait plus de nouvelle de sa part. Pegasus a combattu Mai et a lamentablement perdu et ça lui a couté son âme.

C'est donc à elle que je dois adresser mes remerciements.

- « Pourquoi fais-tu tout cela Mai ?

- Pourquoi ? Parce que j'en ai marre d'être considérée comme une duelliste de seconde zone. Peu importe mes victoires, personne ne me juge aussi forte que Yugi et les autres ! Même Joey passe pour un meilleur duelliste que moi ! Ils m'empêchent de prouver mon véritable potentiel, mais c'est bientôt fini ! »

Elle est devenue complètement folle. Mai n'a jamais eu besoin des autres pour prouver sa valeur en tant que duelliste. Il suffit d'admirer tout son parcourt jusqu'ici. Ses paroles n'ont aucun sens.

- « Qu'est-ce que tu racontes... Mai, tu es une des meilleures, si ce n'est la meilleure duelliste que je connais ! Ça ne te ressemble pas ! »

Son visage s'adoucit l'espace de quelques secondes. Il faut que je réussisse à la faire changer d'avis et qu'elle cesse d'utiliser le Sceau d'Orichalque à tout prix.

- « Jamais personne ne t'arrivera à la cheville, alors à quoi bon te débarrasser des autres ?

- Tu n'as donc rien ressenti quand Kaiba t'a effacée de la liste de Bataille Ville ? »

Elle me coupe dans mon élan. Kaiba... ? A mon avis, elle se réfère aux jours qui ont suivi la fin du tournoi. Alors que j'ai atteint les phases finales aux côtés de Marik, Joey, Yugi et lui-même, il m'avait totalement évincée des duellistes de telle manière à ce que personne sauf nous ne sache mon vrai résultat. En guise de réponse, je hausse les épaules.

- « C'est tellement dommage, si tu savais, Lorène...

- Qu'est-ce que tu me proposes ? »

A quoi tu joues, Eléonore ?

- « Celui qui m'a recueillie appréciera tes talents à ta juste valeur, ma chérie. Profite de la carte que je t'ai gracieusement donnée. Tu me remercieras. »

Perdue, je la fixe sans bouger. Ce n'est que lorsqu'elle esquisse l'envie de quitter le bureau que j'avance d'un pas dans sa direction. Moi, la remercier ?

- « Mai !

- Mh ?

- Rends-moi la carte de Pegasus. Tu n'en as pas besoin et elle me revient bien plus qu'à toi. »

Ma remarque lui décoche un gloussement. Mai se tourne vers moi et réduit la distance qui nous sépare, brandissant la fameuse carte.

- « Par ta faute, Zoé a été enfermée dans une carte, comme Pegasus. Non, j'ai une meilleure idée : affronte-moi en duel ! »

Durant un bref instant, j'ai cru apercevoir une lueur d'étonnement dans ses yeux. Si Mai a véritablement changé, elle n'hésitera pas à relever mon défi pour prouver qu'elle est la duelliste qu'elle prétend être. A cause d'elle, j'ai perdu une véritable amie et je ne compte pas en rester là. Déterminée à l'affronter sur le champ, je lui présente la carte de Zoé.

- « Il n'est pas question que je livre le moindre duel avec toi. Mais peut-être que Dartz pourrait te la rendre. »

Je relève brusquement le menton. Ai-je bien entendu ?

- « Ta copine. »

Sa main se porte à la pierre turquoise accrochée à son ras-de-cou. Dartz ? C'est la première fois que j'entends ce nom.

Refusons.

Je n'ai pas le temps d'y songer que Mai attrape ma main et y dépose la carte à l'effigie de Maximilien Pegasus. Une tension insoupçonnée s'insinue dans mon corps. Ma respiration se veut plus lente et tendue. J'ai l'impression que ma poitrine est sur le point d'exploser.

- « A plus tard. Lorène. » Susurre-t-elle d'une voix enjôleuse avant de tourner les talons.

Mai sort du bureau sans que je n'esquisse le moindre mouvement. Mon regard s'ancre sur l'illustration du milliardaire en proie à la douleur, si j'en crois la carte.

- « Débarrassons-nous de cette carte. »

Soudain, des crampes s'emparent de mes doigts qui s'enroulent le long du bout de papier. Eléonore s'apprête à la déchirer sans sommation quand j'essaie difficilement de la contrecarrer.

- « Bordel, on ne sait même pas quel impact ont ces cartes !

Justement ! S'il y a une infime chance que son âme ne revienne jamais, alors nous devons la saisir !

- Mais putain, Eléonore, qu'est-ce qui te prend ? »

Mes phalanges tremblent sous la pression. Mes jointures blanchissent a vue d'œil. Mon corps ne sait plus où donner de la tête entre les ordres de l'esprit et les miens. Jamais je ne la laisserai détruire la vie de cet homme sans aucune raison ! Nous avons suffisamment fait souffrir de gens comme ça !

Soudain, alors je puise dans mes dernières forces pour contrer Eléonore, toute la pièce se plonge dans une obscurité profonde.

- « Qu'est-ce que c'est encore ? »

Ça ne vient pas de moi.

Surprise, elle a cessé tout mouvement, sauvant temporairement le destin de cette carte. Rien autour de moi, que du noir. Mais si ce n'est pas l'œuvre d'Eléonore, alors où suis-je ?

- « Je suis heureux d'enfin faire ta connaissance. »

Mes épaules tressaillent. Cette voix, masculine de prime abord, résonne dans cet espace à la fois infini et clos. Pourtant, je ne vois toujours rien.

- « Montrez-vous !

- Un peu de patience, je te prie. »

A mes pieds dessinent d'étranges lignes verdâtres, formant un cercle de nature inconnue. Je frisonne, il ressemble curieusement à celui du Sceau d'Orichalque.

- « Pardonne mon intrusion. »

Incrédule, je relève la tête. Des ombres se détachent la silhouette d'un homme de grande taille, ses yeux vairons brillent dans les ténèbres. Une longue toge couvre tout son corps si ce n'est son visage, laissant entrevoir une partie de sa chevelure turquoise. Instinctivement, je recule légèrement avant de me heurter à un mur invisible, aux limites du cercle.

- « N'aie pas peur, Lorène.

- Comment connaissez-vous mon nom ? »

Ma voix se brise dans les aigues. Il faut que je trouve un moyen de sortir de cet endroit.

- « Calme-toi, voyons. Je m'appelle Dartz et il est évident que je m'informe toujours avant de confier mon Sceau d'Orichalque à qui que ce soit. »

Dartz ? Son Sceau ? Je fronce les sourcils. Alors c'est lui qui est à l'origine de toute cette merde ? Un bon poing dans la figure et on devrait régler cette affaire en moins de deux. Sans décrocher le moindre mot, l'homme se met à rire doucement.

- « Je peux savoir ce qui vous fait rire ?

- Je vois à ton visage que tu comptes m'attaquer sans même connaitre les raisons de ta présence ici.

- Alors crache le morceau.

- Ne sois pas si impatiente, Eléonore. »

Ma salive s'étouffe dans ma gorge. Une brûlante sensation se propage dans tout mon corps. Comment sait-il pour Eléonore ? Il est pourtant impossible qu'il sache que...

- « Je sais beaucoup plus de choses que tu puisses t'en douter, Lorène.

- Arrêtez de lire dans mes pensées ! » Je clame, paniquée.

Il hausse les épaules et avance d'un pas.

- « Je ne lis pas dans les pensées, mais tes émotions les trahissent. Cependant, je ressens en toi une importante part d'ombres et je comprends mieux maintenant pourquoi Mai t'a confiée cette carte. »

Je secoue la tête pour me vider l'esprit. Ça n'a pas de sens, ne vient-il pas d'insinuer qu'il m'avait lui-même choisi pour recevoir le Seau d'Orichalque ? Un nouveau pas dans ma direction monte la tension d'un cran.

- « Restez là où vous êtes !

- J'ai une proposition à te faire. »

Il n'attend pas le moindre signe de ma part pour poursuivre.

- « Le Grand Léviathan est sur le point de renaître et il a besoin de fervents serviteurs pour mener à bien sa résurrection. Grâce à eux et aux âmes qu'ils collectent, l'Atlantide ravivera sa splendeur d'autre fois ! »

Ses paroles se bousculent dans mon crâne et me flanquent une atroce migraine. Tout cela n'a pas de sens. Pourquoi devrait-il aspirer les âmes de duellistes ?

- « Et j'aimerais que tu te joignes à nous.

- Cours toujours. » Je grogne immédiatement.

Mon refus ne semble pas l'affecter pour autant, comme s'il s'y attendait depuis l'instant où il a posé ses yeux sur moi. Tout à coup, une intense lumière jaillit de la poche de mon pull. Sans hésitation, j'extirpe l'objet en question. La carte de Zoé.

- « Bien sûr, ce service ne sera pas gratuit. Mais je crois savoir que cette jeune fille a été enfermée dans cette carte par accident, n'est-ce pas ? »

Je serre les dents. Quel enfoiré, je ne sais pas ce qui me retient de lui faire avaler sa putain de carte.

- « Si tu te joins à nous et que tu collectes des âmes pour le Grand Léviathan, alors je te rendrai l'âme de ta chère amie. Cela me paraît être un marché équitable. »

On devrait accepter.

Hein ?

Regarde ce type, on ne sortira pas d'ici tant que nous n'aurons pas accepté sa proposition. Accepte et on avisera ensuite.

Curieusement, la stratégie d'Eléonore m'apparaît plus sensée que tous les plans que j'échafaudais dans ma tête. La pression est si forte que les informations tourbillonnent sans s'emboiter correctement. Mes yeux fixent nerveusement la carte illuminée. Peut-être que je pourrais...

- « Si je participe à votre petit projet, alors vous libérerez Zoé et Maximilien Pegasus. »

Tu es devenue timbrée ou quoi ?

Réfléchis un peu. Si j'ai pu venir jusqu'ici, c'est uniquement grâce à Chris et donc à Pegasus. Je me dois de le libérer aussi, ce n'est qu'un tout petit sacrifice avec ce type louche ! D'ailleurs, ma tentative de négociation lui arrache un rire strident.

- « Ma pauvre petite. Je te déconseille de te battre pour lui.

- Expliquez-vous. Si vous me donnez une bonne raison de renoncer, alors j'accepterais votre marché sans sourciller. »

J'inspire profondément. Il n'y a rien au monde qui puisse justifier l'abandon d'une victime du Sceau d'Orichalque. Néanmoins, l'air assuré de Dartz me décontenance quelque peu. Alors qu'il avance d'un énième pas vers moi, la lumière du cercle scintille de plus belle.

- « Il y a des choses que tu devrais savoir, Lorène.

- Ne t'approche pas ! » Clame Eléonore en levant son bras.

- « Qu'est-ce qui se passe ? » Je me demande à moi-même.

La distance entre lui et moi ne relève plus que d'un simple pas. Mon regard refuse de quitter ses yeux vairons hypnotisant. Ainsi, lorsque Dartz me présente sa main et malgré les crampes qui attaquaient la mienne, je force les barrières de l'âme pour l'attraper.


 

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