Âme de Pureté

Chapitre 35 : Corpse Party: chapitre 35

5170 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:59

Un peu plus tard dans la soirée, je marche lentement en direction de la boutique du grand-père de Yugi. Quelle idée d’avoir organisé ce rendez-vous quelques heures à peine avant notre tournoi amical ! Je serre les dents. Comment pouvais-je deviner qu’Eléonore s’autoriserait à embrasser le pharaon alors que ce n’est pas son corps ? Sans le vouloir, je ressasse la scène en boucle dans ma tête. Les lampadaires de la ville éclairent les rues depuis un moment. Toujours vêtue des choix d’Eléonore, je marche tremblotante, les doigts triturant la fermeture de mon sac à main.

De retour chez moi, j’ai longuement hésité à envoyer un message au principal intéressé pour nous accorder sur un silence complet sur ce qu’il venait de se passer. Mais rongée par la honte, j’ai fini par ne rien envoyer du tout.

C’est donc avec une vingtaine de minutes de retard sur l’heure convenue que je frappe trois coups à la porte vitrée du magasin de jouets. Rapidement, la bouille du champion de duel apparaît l’entrebâillement. Ses joues se colorent instantanément.

- « B-Bonsoir Lore-chan ! » S’exclame-t-il un peu maladroitement.

- « H-Hé Yugi. »

Sans un mot de plus, il me laisse entrer et m’indique le chemin jusqu’à sa chambre où des éclats de voix se font entendre. Yugi m’invite à les rejoindre en premier. Assis autour de la table basse, Joey brandit ses nouvelles cartes au reste du groupe. Zoé et Téa discutent tranquillement sur le lit tandis que Tristan essaie de s’incruster dans leur conversation. Il ne reste donc que Bakura pour répondre aux railleries du grand blond.

- « Hé, tu es en retard ! » S’écrie mon amie dès que passe le pas de la porte.

Je lui tire la langue avant de déposer mon sac dans un coin de la pièce. Etrangement, la présence du jeune garçon au collier du millénium me trouble. Je secoue doucement la tête. C’est certainement la faute des histoires d’Eléonore. Maintenant que j’y repense, lors de son duel contre Yugi lors de la seconde phase du tournoi de Kaiba, elle n’arrêtait pas d’encourager l’esprit maléfique au détriment du pharaon. J’aurai dû faire le rapprochement bien plus tôt.

- « Tu as passé une bonne journée ? »

La question de Téa me surprend quelque peu. Elle se penche en arrière et me jauge de ses grands yeux bleus. Je me sens chauffer de la tête aux pieds. Il ne faut surtout pas qu’elle apprenne que j’ai embrassé celui qui l’intéresse !

- « Oh, juste un samedi banal, tu sais. »

Yugi revient à ce moment avec des gobelets en plastique, des bouteilles et un sac rempli de divers snacks. La soirée peut donc enfin commencer ! Par envie, je m’installe à côté de Joey auquel je lance un regard moqueur.

- « Alors, prêt à te rétamer une nouvelle fois ? »

J’ai chuchoté suffisamment bas pour ne pas que les autres m’entendent. Mon enthousiasme retombe brusquement quand il ne m’accorde qu’un simple coup d’œil avant de plonger sa main dans un paquet de chips fraichement ouvert.

- « Par où on commence ? 

- Bon, si je compte bien, on est quatre : Joey, Bakura, Lorène et moi. Je propose qu’on tire au sort l’ordre dans lequel on va s’affronter ! »

Muni d’une feuille de papier, Yugi la déchire en quatre bouts plus ou moins égaux et indique nos noms sur chacun d’entre eux. Bien qu’il ne s’agisse que d’un tournoi entre amis, je ne peux m’empêcher de ressentir une légère pression à l’idée de les affronter. Une fois pliés, les bouts de papier tombent dans un bocal confié aux trois spectateurs chargés de nous tirer au hasard. Avec une excitation non dissimulée, Zoé enfonce sa main dans le bocal et tire deux papiers. Elle se racle la gorge après avoir découvert les noms.

- « Comment il fait Roland déjà ? Attention duellistes ! Le premier duel de ce tournoi non officiel opposera les deux célèbres duellistes : Joey Wheeler contre Yugi Muto ! »

Ce qui signifie que j’affronterai obligatoirement Bakura au deuxième tour. Celui-ci m’adresse un sourire amical. Je me demande si son côté maléfique va se révéler en cours de soirée. Quoi qu’il en soit, les deux premiers participants s’installent de part et d’autre de la table basse et mélangent le deck de leur vis-à-vis.

- « Je parie trois hamburgers du Burger World que Yugi gagne. » Déclare Tristan sans une once d’hésitation.

- Tu ne te mouilles pas beaucoup. » Plaisante Téa qui se lève du lit pour s’asseoir à côté du favori.

- « Vous pourriez avoir au moins un peu de considération pour moi ! »

Joey grogne et tire sa première main. Curieuse, je tends le cou pour connaitre ses cartes. Rien de fameux mais ce n’est pas catastrophique pour autant. D’un œil attentif, je suis chacun des tours et des enchainements. Sans les hologrammes, je parviens plus facilement à me concentrer sur le style de jeu propre aux garçons. Si Joey parie sur ses cartes équipements et parfois des lancés de pièces ou de dé, Yugi utilise ses cartes monstres avec précautions. Contrairement à Joey, il n’en invoque presque pas, mais les siens restent plus longtemps sur le terrain. Au bout d’une dizaine de minutes, Joey ne possède plus que mille points de vie alors que ceux de Yugi s’élèvent au triple.

- « Au moins ce fût rapide. » Siffle Téa non sans glousser.

- « Je n’ai pas encore perdu, je te signale ! »

Il échappe un gémissement plaintif. Vu son terrain vide, la carte qu’il vient de piocher ne le sauvera pas d’une défaite certaine. Oh, à moins que… Mon index se porte vers une autre carte de sa main.

- « Ah, cette carte-là pourrait… » Je souffle avant d’être brusquement interrompue.

- « Je n’ai pas besoin de ton aide, merci ! »

Je ne manque pas le regard noir qu’il me lance et m’intime de rester à ma place de spectatrice. Y a-t-il quelque chose qui cloche avec lui ? Pourtant, je ne me souviens pas d’une quelconque querelle si ce n’est notre dernière mise au point. J’ai beau me creuser la tête, je ne trouve rien de probant qui explique sa soudaine froideur à mon égard.

Le duel reprend son cours et, après deux tours à lutter contre les différents pièges semer par Yugi, Joey finit par s’incliner devant son adversaire, clamant que la prochaine fois il le vaincrait à plate couture. L’esprit accaparé par ce qu’il vient de produire, je m’installe distraitement à la place de Joey et consulte mon deck avant de le tendre vers Bakura.

- « J’espère que tu ne seras pas trop dure envers moi. » Bredouille-t-il, visiblement gêné.

Surprise par sa remarque, je m’empresse de rétablir l’ordre des choses.

- « De quoi tu parles ? Tu as réussi à te qualifier au tournoi de Bataille Ville en une seule nuit et tu as presque vaincu Yugi ! C’est plutôt moi qui devrais être intimidée. »

Une main à l’arrière de ses cheveux, Bakura la redescend pour serrer du bout des doigts son pendentif en forme d’anneau.

- « Ce n’était pas moi, mais l’esprit de l’anneau qui se battait à ma place. »

Son air candide s’efface pour une mine plutôt triste. Je tâche de changer rapidement de sujet de conversation.

- « Tu veux commencer ?

- Non, je te laisse la main. »

Très bien. Nous mélangeons chacun à notre tour le paquet de cartes adverses. Je me demande bien quel type de deck il peut bien jouer. Heureusement que Pegasus m’a envoyée cette caisse, c’est l’occasion pour moi de tester ces nouvelles pépites ! Assise au bord du lit, Zoé retourne son bloc de feuille pour indiquer nos points de vie respectifs.

- « Je parie deux hamburgers du Lorène. » Se lance Tristan, visiblement fier d’avoir remporté son premier pari.

- « Un menu complet que c’est Bakura qui gagne. » Rétorque Téa, dont la prétention me déconcerte légèrement.

Même si cela ressemble à des challenges plus qu’à de réels encouragements, la certitude avec laquelle la jeune fille m’a relayée à la position de perdante me vexe inconsciemment.

- « Et les autres ? » Reprend-t-elle de plus belle. « Vous pariez quoi ? »

L’hésitation manifestée par Yugi me soulage. Zoé hausse les épaules et me pointe du pouce.

- « Evidemment qu’elle va gagner. 

- Je pense que Lore-chan peut gagner contre Bakura. »

De quoi me remonter le moral en flèche ! Ne manque plus que les encouragements de Joey et je serai certaine de remporter ce duel haut la main !

- « Et toi, Joey ? »

Celui-ci croise les bras et reporte son attention sur le centre de la table.

- « Je crois… Je crois que Bakura va gagner. »

Mon visage se fige sur le sien tandis que tout le monde lui jette un regard surpris. Sa désinvolture me fait l’effet d’une douche froide. Pourquoi ? Il ne croit pas en moi ? Qu’est-ce que je lui ai fait pour mériter un tel traitement de sa part ? Embarrassé, Bakura tousse à plusieurs reprises dans son poing.

- « Eh bien, nous allons voir ça. Commençons ! »

Il a raison. Je fronce les sourcils et tire mes cinq cartes de départ. Dommage pour lui, mais je compte bien remporter ce duel pour affronter Yugi. Comme c’est fâcheux, je n’aurai pas la possibilité de lui fermer le clapet en finale des perdants.

Dis donc, c’est qu’elle sort ses griffes, la petite ? C’est ma tenue qui te rend aussi hargneuse ?

- « J’invoque la Valkyrie de Magicien en mode attaque [1600|1800] et je pose une carte face cachée. 

- Très bien, à mon tour. Je pose un monstre face caché et j’active la carte magie la Cage d’Acier de Cauchemar. Cette carte nous interdit tous les deux d’attaquer pendant les deux prochains tours. »

Sur la défensive hein ? Je ne me souviens plus s’il avait joué cette carte contre Yugi. Il est encore trop tôt pour évaluer le niveau de son deck. A mon prochain tour, je me contente de piocher une carte avant de lui laisser la main. Le précédent duel m’a donnée envie de prendre mon temps plutôt que d’invoquer des monstres uniquement pour remplir mon terrain. De la même manière, Bakura se limite à poser un nouveau monstre ainsi qu’une carte face cachée.

- « Encore un tour et tu pourras m’attaquer. » Souffle le duelliste aux cheveux blancs.

- « Je ne suis pas pressée. Je pose un monstre face caché et je termine mon tour.

- Ce qui me permet d’activer ma carte piège : le Tableau de la Destinée. »

Lorsqu’il retourne la carte sur la table, un frisson me parcourt les bras. Je déglutis, il s’agit de la carte utilisée par l’autre Bakura pour envoyer le pharaon au Royaume des Ombres. Je ne suis pas la seule à avoir des sueurs froides à l’entrée de ce piège en jeu, Yugi réprime un petit cri de surprise.

- « Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas un jeu des ombres cette fois. » Marmonne son propriétaire avant de prendre son deck en main. « Si tu ne te souviens pas du Tableau de la Destinée, cette carte me permet d’aller chercher des Messages Spirituels dans mon deck à la fin de chacun de tes tours. Lorsqu’elles seront toutes présentes dans ma zone magie et piège, le duel sera terminé et j’aurai gagné. »

C’est ainsi que les lettres « F » et « I » apparaissent sur le terrain de Bakura. Cela signifie qu’il me reste trois tours pour réduire ses points de vie à néant ou trouver un moyen de détruire son tableau. A son tour, Bakura pose un simple monstre face caché et en comptabilise désormais trois.

- « Tu comptes gagner simplement en attendant que ton tableau soit rempli ? C’est plutôt ennuyant comme technique jeu. » Je râle en écrasant ma joue contre mon poing.

- « Désolé, mais je suis curieux de voir comment tu vas t’en sortir. »

Moi aussi, j’aimerais voir ça. Je tire une nouvelle carte et réfléchis à quelle stratégie je devrais adopter pour me débarrasser de lui.

Tu connais la formule magique.

Je parlais de sa stratégie, pas de son âme ! Bref, autant pour l’un que pour l’autre, je n’ai aucun moyen de contre-attaque.

- « J’active la carte magie Marmite d’Avidité, ce qui me permet de piocher deux cartes de mon jeu. »

C’est déjà un peu mieux. Pas encore parfait, mais mieux.

- « Je retourne mon monstre face caché : le Ninja Blanc [1500|800]. Sa capacité spéciale me permet de détruire l’un de tes monstres en mode défense. Et je choisis celui-ci ! »

Instinctivement, mon doigt s’abat sur son monstre du milieu. Par déduction, je décide d’envoyer au cimetière le tout premier monstre qu’il a posé.

- « Bonne pioche, il s’agissait de mon Esprit Enchaîné à la Terre [500|2000]. »

La mâchoire serrée, je ne contiens pas un cri de fierté car aucun de mes monstres ne possédaient suffisamment de points d’attaque pour s’en débarrasser.

- « Ensuite, j’invoque la Dame Guerrière D.D. [1500|1600] en mode attaque. Ce qui me fait trois monstres sur mon terrain ! Avec ma Dame Guerrière, j’attaque ton monstre le plus à gauche ! »

Il retourne ainsi son Âmes des Oubliés [900|200]. Enhardie à l’idée de lui soutirer ses points de vie avant la fin des trois tours, je lance une offensive avec mon Ninja Blanc. Malheureusement, la puissance de mon monstre égale la défense de son Secret du Portrait [1200|1500]. Je n’ai d’autres choix que de le détruire avec ma Valkyrie de Magicien [1600|1800].

- « Vu que c’est la fin de ton tour, je vais placer Le Message Spirituel N sur mon terrain. »

Plus que deux tours et ce sera terminé. Néanmoins, il ne possède plus aucune défense sur son terrain alors que je dispose de trois monstres.

- « Je sens que quelqu’un va bientôt nous devoir un menu complet au Burger World. » Chantonne Tristan à l’attention de Téa.

- « Tais-toi, ce n’est pas encore terminé ! »

En effet, l’expression paisible sur le visage de Bakura ne me rassure en rien. Bien au contraire, mes ongles tapotent nerveusement la surface de la table.

- « Je vais également jouer une Marmite d’Avidité et tirer deux nouvelles cartes. Super, justement ce qu’il me fallait. J’active la carte magie Raigeki, en me défaussant d’une carte de ma main, je peux détruire tous les monstres présents sur ton terrain. »

Bon sang, cette carte… Pas le choix, j’envoie mes trois précieux monstres au cimetière non sans amertume. Tant pis, je trouverai une autre solution.

- « Je pose ensuite un monstre et une carte face cachée. A ton tour. »

Il a… bloqué son propre stratagème ?

Mes yeux se braquent sur sa zone magie et piège. Effectivement, en posant une carte face cachée, il empêche l’effet du Tableau de la Destinée de s’activer. Logiquement, ça doit être une carte piège ou une carte magie à activation rapide qu’il envisage d’utiliser dans les deux prochains tours. Je pioche une nouvelle carte. Oh.

Cette carte n’était pas dans notre jeu, avant.

Un peu bêtement, je hoche du menton. Le Sceau d’Orichalque. C’est la carte que Mai m’a envoyée par courrier l’autre jour. Vu sa puissance, j’aurais été stupide de ne pas l’ajouter dans notre jeu ! Devrai-je la jouer tout de suite… ?

- « J’active la carte magie Elégante Charité et pioche trois cartes avant d’en envoyer deux au cimetière. »

Attendons encore un peu. Par précaution et en raison des dispositions de ce duel, je veille à placer ma Jeune Fille Malheureuse en évidence pour ne pas que Bakura s’aperçoive de mon petit stratagème.

- « J’active ensuite la carte magie Agneaux Egarés pour placer deux Jetons Agneaux sur mon terrain [0|0] puis j’en sacrifie un pour invoquer Teva [2000|1500] en mode attaque. Et maintenant, je vais attaquer ton monstre face cachée ! »

A mon plus grand dam, le sourire candide de Bakura s’étire un peu plus quand il découvre son monstre.

- « Il s’agit d’un autre Esprit Enchaîné à la Terre [500|2000]. Ton attaque s’annule. 

- Fais chier ! » Je peste en soupirant très fort.

Je commence à perdre pied. Encore heureux qu’il ne s’agisse que d’un duel amical au beau milieu d’une chambre d’adolescent. Profitant de la fin de mon tour, Bakura ajoute l’avant-dernière pièce du Tableau de la Destinée.

Le duel contre Marik était beaucoup plus serré.

Merci, j’avais remarqué. A croire qu’il est plus facile de contrer un Dieu Egyptien qu’une putain de carte piège. Frustrée, je relève la tête pour estimer le visage de Bakura. Mon regard dévie presque immédiatement vers Joey. Ses yeux bruns croisent les miens. Je déglutis et tente de lui demander discrètement ce qui le perturbe. Ce contact ne dure que quelques secondes. Depuis le début du duel, une légère pression au niveau de ma poitrine m’empêche de respirer calmement. Mon état s’empire quand il reporte directement son attention vers son sachet de chips. Je me sens si mal à l’aise.

- « A toi. » Déclare Bakura.

- « Hein ? »

Etonnement, ce dernier s’est contenté de piocher une carte avant de terminer son tour. Je ne saisis pas le but de sa manœuvre. Sans ce dernier emplacement pour compléter son Tableau de la Destinée, il ne pourra pas gagner.

Sauf s’il est certain d’activer sa carte face cachée avant la fin de ton tour.

Exact. Mais je ne peux pas non plus attendre éternellement qu’il se décide à m’attaquer. Je tire une carte et la joue instantanément.

- « J’active les Epées de Lumière Révélatrice ! Tu es obligé de dévoiler ton monstre face cachée.

- En invoquant mon Kappa Vert [650|900], tu actives son effet ! J’ai le droit de désigner deux cartes magies et pièges sur nos deux terrains et de les détruire. Je désigne donc tes Epées de Lumière et ma dernière carte face cachée. »

Eh merde ! Maintenant il est certain de remporter la victoire à la fin de ce tour !

- « Alors, qui va nous devoir trois hamburgers ? » Glousse Téa en donnant un coup d’épaule à Tristan.

- « Il est trop tard pour changer d’avis ? » Minaude-t-il en me lançant un regard désolé.

Tsss. De toute façon, elle ne pariait pas sur la victoire de Bakura, mais sur ma défaite. Je commence à avoir l’habitude de ses changements d’humeur. Un jour elle me remercie d’avoir sauvé le cul de Sérénity et le lendemain elle me rabaisse discrètement devant tout le monde.

- « Je parie dix hamburgers sur la victoire de Lorène. »

Zoé, qui a jeté la feuille avec nos points de vie depuis un bon moment, glisse au bas du lit et m’adresse un pouce victorieux.

- « C’est gentil de ta part Soso, mais de toute évidence, ce tour est le dernier. »

Elle hausse les épaules et tape doucement contre sa poitrine.

- « Et alors ? Cela ne signifie pas que Lorène va perdre, pas vrai ? »

A vrai dire, je ne peux rien lui promettre sur ce coup. Je jette un œil à ma main et me reconcentre sur le duel. Mais rapidement, mon attention bifurque vers le grand blond étrangement silencieux en fond. Allez, dis quelque chose ! Un simple « Ouais Cocotte, tu vas gagner » me suffirait largement ! Je le supplie des yeux, mais rien n’y fait. Aussitôt qu’il croise mon regard, il le reporte sur autre chose : le mur, le plafond, les chips. Tout sauf moi.

Bon tant pis. Revenons au duel, peut-être est-il temps de jouer le Sceau d’Orichalque.

- « Vu qu’il me reste Teva et un Jeton Agneau sur le terrain, je vais les sacrifier pour invoquer le Dragon de la Lumière et des Ténèbres en mode attaque [2800|2400].

- Woah, où est-ce que tu as eu cette carte ? » S’exclame Yugi en se penchant vers mon monstre.

- « C’est un cadeau. »

Bien que mon lien avec la famille Pegasus ne soit plus un secret pour personne, je ne tiens pas à m’étaler sur le sujet. Ensuite, je place une autre carte sur mon terrain.

- « J’active Coup de Tonnerre. Cette carte me permet de détruire tous les monstres sur mon terrain et d’infliger 300 points de dégât directs par monstre sacrifié. »

Comme je ne possède plus que mon Dragon de la Lumière et des Ténèbres, les points de vie de Bakura ne descendent qu’à 3700. Celui-ci lève un sourcil, perplexe quant à l’envoi de mon monstre le plus puissant au cimetière.

- « C’est… intéressant. »

Je lâche un petit rire avant de brandir ma carte entre mon index et mon majeur.

- « En fait, quand mon Dragon est envoyé au cimetière, il détruit toutes les cartes sur mon terrain. Et comme tu peux le voir, je ne possède plus rien. En revanche, elle me permet de cibler un monstre depuis mon cimetière et de l’invoquer spécialement sur mon terrain. »

De la pile de cartes à ma droite, je dégage un monstre qui patientait depuis bien trop longtemps.

- « J’invoque donc le Loup Coup de Tonnerre Céleste en mode attaque [2500|2000] ! »

Aux premières loges, Zoé penche la tête pour lire l’effet de ce monstre avant de pousse un cri de joie.

- « Vu que c’est une invocation spéciale, son loup détruit tous les monstres sur ton terrain ! »

Certes, je n’ai pas eu l’occasion de détruire le Dragon Ailé de Râ avec cet effet lors de mon dernier duel officiel, mais cela valait le coup d’attendre.

- « Bien joué. Dommage que ton loup ne soit pas assez puissant pour me retirer tous mes points de vie. Je dois avouer que je suis impressionné, Lore-chan. 

- Je n’ai jamais dit que j’avais terminé ma Main Phase. » Je l’interromps en le désignant du bout du doigt. « Enfin, je retire Le Dragon de Lumière et des Ténèbres ainsi que le Ninja Blanc du jeu pour invoquer spécialement Âme de Pureté et de Lumière [2000|1800] ! Et tu sais ce que ça signifie ?

- Que Téa paie sa prochaine tournée au Burger World ! » Fredonne Zoé en se tournant vers la principale intéressée, dépitée.

Tristan s’ajoute aux railleries de mon amie. De mon côté, je soupire avant de serrer la main de Bakura en signe de fairplay. En fin de compte, je n’aurais pas eu à utiliser la carte de Mai, mais je me la réserve pour un futur duel. Ce serait idiot de gâcher un si beau cadeau.

 

La soirée se termine sur une victoire écrasante du champion Yugi Muto. Malgré mes quelques tentatives de déjouer ses pièges, mon jeu ne s’avère pas aussi bon que je ne l’aurais espéré. Passé vingt-trois heures, nous décidons d’un commun accord qu’il est grand temps de rentrer chez nous. Zoé part la première, dans l’espoir d’attraper le dernier train pour Flem.

Je n’ai pas envie de rentrer à pied.

Je te signale que les douleurs de pieds c’est pour ma pomme depuis le début.

Ce n’est pas pour ça que tu as le monopole des plaintes.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre, décidément. Lorsque je franchis la porte du magasin de jouets, Joey me devance et s’écarte pour récupérer sa bicyclette. Non, le dernier train n’est clairement pas ma priorité.

- « Jo’ ! Je peux savoir ce qui te prend ? »

D’abord sourd à mes complaintes, Joey finit par se retourner, guidon en mains. Il n’a pas pour habitude de m’ignorer et encore moins de ne pas croire en mes chances de réussite.

- « Je ne vois pas de quoi tu parles. »

Avant que je ne puisse surenchérir, il pousse le vélo sur quelques mètres pour s’engager dans la rue. S’il croit que la route va m’arrêter, alors il se met le doigt profondément dans l’œil ! Je m’élance sur une série de pavés, de quoi atteindre le porte-bagage à l’arrière et cloue mes pieds au sol pour l’empêcher de rouler.

- « T’es malade ou quoi ?! » Clame-t-il quand la bicyclette manque de tomber par terre.

- « Oui et ce sera bien pire si tu ne m’expliques pas ce qui se trame dans ta tête ! Pourquoi tu as agi comme un con au lieu de me soutenir ? »

Entre le comportement déviant de Téa et maintenant lui qui se ligue contre moi, mon nombre d’ennemi commence doucement à dépasser la dizaine. En colère, Joey donne un coup brusque dans le vélo pour le libérer de mon emprise. Cela fonctionne, je retire mes mains pour ne pas me blesser.

- « Ah, désolé, j’aurais dû te demander d’abord comment s’était passé ton rendez-vous avant. Pas trop décoiffée, ça va princesse ? »

Son ton désinvolte me sidère, jamais je ne l’avais vu si énervé. Qu’est-ce que le rendez-vous entre Eléonore et Atem vient foutre dans cette histoire ?

- « Joey, sous-titres s’il te plait. 

- Quitte à passer pour un con, je me suis dit que ce serait sympa que joue mon propre rôle pour une fois.

- Tu n’es pas stupide, voyons.

- Ah bon ? Alors tu appelles ça comment quand un mec invite une fille à sortir et qu’elle finit par galocher un autre au beau milieu de la rue, hein ? »

Mama Mia, c’est tout feu tout flamme par ici.

Estomaquée, je ne réagis pas sur le champ, le temps d’intégrer qu’il évoque l’échange entre les deux esprits quelques heures à peine avant la soirée.

- « Tu nous espionnais ?

- P-Pas du tout ! C’est juste Téa qui voulait…

- Eh merde, Téa aussi ? Tu m’étonnes qu’elle me tuait des yeux durant toute la soirée ! »

Le grand blond échappe un grognement et redresse le guidon de son vélo. Qu’est-ce que ces deux-là fichaient à nos trousses toute la journée ? Bordel, j’espère qu’ils ne sont pas au courant de toute l’histoire non plus.

- « C’est Téa qui s’effraie le plus ? 

- Eh bien, il faut avouer qu’avec ce qu’elle ressent pour le pharaon, j’ai de quoi m’inquiéter.

- Parce que ce que moi je ressens ça te dépasse. »

Alors que mon regard balayait la chaussée, je relève brusquement la tête. Quelques mèches blondes couvrent ses yeux, m’empêchant de l’observer correctement. Mes mains deviennent moites en dépit de la fraicheur de la nuit. Les mots se bloquent au fond de ma gorge. Etais-je si obnubilée par le fait de trouver un moyen de réunir Atem et Eléonore que je l’aurai blessé dans ses sentiments sans m’en rendre compte ?

- « Jo’, je…

- Ne te fatigue pas, j’ai du travail ce soir, alors… » Marmonne-t-il sans oser me regarder.

Sans que je puisse l’en empêcher, il remonte sur sa bicyclette et s’engage dans la rue, me laissant seule derrière, près de la boutique du grand-père.

Il est encore temps de courir d’une manière romantique pour lui crier ton amour comme dans les films.

Mes pieds sont ancrés sur le trottoir. Je reste plantée là à attendre que le vent parvienne à refroidir mes joues anormalement bouillantes.

- « Rentrons à la maison. » Murmure Eléonore avant de forcer l’accès à mes membres.

 


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