Âme de Pureté

Chapitre 32 : Corpse Party: chapitre 32

3050 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:57

- « Bon appétit ! » S'exclame Téa en joignant ses mains en prière.

Nous répondons tous avant de nous attaquer à nos bentos. Pour la première fois en quelques jours, nous mangeons tous ensemble autour d'un îlot de tables. Sans surprise, la conversation dévie rapidement sur le sauvetage de Sérénity. A mon plus grand bonheur, aucun n'a décidé d'aborder mon humiliation par Seto Kaiba et je les en remercie du fond de mon cœur.

- « J'ai eu si peur ! » Gémit Téa, les yeux baissés vers ses jambes. « Heureusement que vous étiez là. »

Étrangement, cet incident semble avoir changé l'avis de Téa à mon égard. Je ne m'en plaindrai pas, bien au contraire. En tout cas, ce que je remarque, ce sont les yeux de Yugi qui me fixent depuis le début de la pause. Un poil intimidée, je n'ose pas le regarder et préfère me concentrer sur mon sandwich.

- « Au fait, Joey, on ne sait toujours pas à qui appartenait ces bonbons ? » Chantonne Zoé entre deux bouchées de riz.

Joey avale avec un bout d'onigiri avant de s'étouffer sous la question de mon amie. De mon côté, je tente de faire bonne figure tout en écrasant mon pied sur le sien. Etonnement, c'est Tristan qui crie de douleur et lâche brusquement ses baguettes.

- « Aïeuh !

- Whoops, désolée ! » Je me confonds en excuses avant de lancer un regard suspicieux à Zoé, comment ai-je pu la louper ? « E-Eh dites-moi, ça fait longtemps qu'on n'a plus joué au Duel de Monstres ! »

Heureusement, tout le monde oublie d'un coup la question de Zoé et repartent de plus belle sur notre jeu favori.

- « Ça vous dirait de passer chez moi pour y jouer ce week-end ? » Propose Yugi, bizarrement silencieux jusqu'ici. « On pourrait enfin se mesurer les uns aux autres ! »

Un mini-tournoi ? J'en suis ! Mon dernier duel interrompu par Joey m'a laissé un goût de trop peu. De plus, je n'ai jamais eu l'occasion d'affronter le champion en titre en la personne de Yugi.

Tous ces espoirs pour finalement se faire battre par Joey sur un jet de dés.

Pas besoin d'être aussi désagréable. Nous convenons donc de nous retrouver au magasin du grand-père pervers samedi en fin de journée pour contenter les envies de tout le monde. Au fond de moi, je me sens plus excitée que je ne l'aurai cru. Depuis mon arrivée au Japon, rares sont les soirées passées aux côtés d'autres étudiants, hormis Zoé.

- « Je viendrai après mon boulot, mais ne croyez pas que je compte vous laisser gagner ! » S'exclame Joey en tapant du poing sur la table.

S'en suit alors une longue tirade sur l'amélioration de son style de jeu. Loin de moi l'envie de lui retirer son air solennel, mais je n'ai rien à envier à son deck.

- « Il peut arrêter d'aboyer votre copain ? »

Tous les regards se tournent brusquement vers moi. Une intense bouffée de chaleur explose dans tout mon corps. Je ne saurais dire s'il s'agit de l'intervention d'Eléonore ou de la honte engendrée qui me rend le plus mal à l'aise.

- « Hé, t'es de retour toi ? » Rétorque le principal intéressé d'un air mauvais.

Le haut de mon corps se penche vers l'avant, suivis par mes bras posés sur le bord de la table.

- « Pourquoi voudrais-tu que je sois partie ? J'ai encore beaucoup de choses à faire ici. »

Eléonore termine sa phrase en lorgnant Yugi du coin de l'œil. Celui-ci déglutit péniblement pour soutenir le regard que je lui envoie. Il ne faut pas plus de trois secondes pour que sa seconde personnalité ne remplace celle de l'adolescent.

- « Eléonore.

- Oui, mon cœur ? »

Choquée par tant de familiarité, je me force à me redresser contre le dossier de ma chaise et me racle la gorge. Soudain, un bras enroule autour de mes épaules et m'attire vers la droite. Zoé me serre amicalement contre elle et cale sa tempe contre la mienne.

- « Tout doux, ma petite. » Elle glousse suivit d'un rapide clin d'œil.

Une série de crampes s'ajoutent aux douleurs de mes omoplates. Je vais finir par clamser avec toutes ces conneries.

- « Il faut qu'on trouve une solution contre Eléonore. » Déclare Téa, bras croisés.

La grande brune me toise d'un air sévère. Mon geste – ou plutôt celui de l'esprit – a suscité une subite montée de tension. Je cherche à croiser Téa des yeux pour la rassurer, mais elle a l’air de vouloir m'éviter.

- « Eh, est-ce qu'on est obligé d'en parler maintenant ? » Soupire Joey, blasé.

- « Evidemment qu'on devrait ! Pourquoi personne n'intervient quand elle se croit tout permis avec le pharaon ?! »

Son haussement de ton attire l'attention des autres élèves attablés aux quatre coins de la classe. Automatiquement, je sens toute une armée d'yeux se braquer sur moi. Comme si ceux de notre groupe ne suffisaient pas...

Je peux m'occuper d'elle. Tu sais ce qu'il te reste à faire.

Honteuse, je baisse le menton et fixe le bout de mes chaussures. Ma respiration se veut curieusement lente et contrôlée. Quitte à capter tous les regards, autant qu'ils y restent. D'un mouvement bref et réfléchis, je recule ma chaise pour me permettre de me lever sans bousculer l'un d'entre eux. Le crissement des pieds contre le carrelage trouble le silence qui perdure jusqu'à ce que je quitte la classe. Zoé ne me rejoint pas. Dans ces moments-là, elle sait que je préfère me balader seule plutôt que de devoir affronter qui que ce soit.

Hé, Lore-chan, allons-nous balader en ville !

Comme si je pouvais me le permettre. J'ai suffisamment de mal avec les cours pour m'autoriser une énième sortie sans autorisation. Ainsi, je me contente d'errer dans les couloirs du lycée. La couleur orangée de mon uniforme jure avec celui des autres filles que je croise. Je me demande dans combien de temps nous pourrons reprendre le cours de nos études à Flem. Arrivée devant mon casier, je m'y pose quelques minutes. Ai-je vraiment envie de retourner dans cette école ? A vrai dire, depuis que j'ai été séparée de ma classe, personne n'a pris de mes nouvelles et inversement. Il n'y a aucun nom d'élèves qui me vient quand je repense au mois passé.

Mon attention se reporte sur mon casier. C'est décidé. Après les cours, je me rendrai sur le lieu de rendez-vous de Kageyama pour m'occuper de son cas. Rien que l'idée qu'elle puisse vandaliser ma maison me scandalise. Il est grand temps que quelqu'un remette cette salope à sa place. Et son nom c'est...

- « Lorène ? » M'appelle une voix dans mon dos.

Téa, je reconnaitrai ce ton aigu parmi mille autres. Curieuse de connaître la raison de sa venue, je m'adosse aux casiers et croise les bras sur ma poitrine.

- « Une autre trêve ? » Je lui lance cyniquement.

- « Non, Yugi était mal à l'aise, alors je voulais juste... Bref, je viens pour m'excuser. »

D'après ses mains qui tapotent frénétiquement les bords de sa veste et son regard fuyant, je parie que cette initiative ne provient pas d'elle. Tristan ? Joey ? Zoé ? Yugi ? Allez, je veux connaitre le coupable d'un tel méfait.

- « Tu sais que c'est Eléonore qui a sauvé le cul de Sérénity l'autre jour ? » Je lui balance sèchement.

- « Oui, je me doute. Mais je ne veux pas qu'elle s'en prenne à Yugi ! »

Change de disque, Téa. Le tien commence légèrement à rouiller. Quelques étudiants curieux nous observent de loin.

- « Elle ne s'en prendra pas à ton Yugi, bon sang, Téa ! »

Totalement exaspérée, je me retiens de la prendre par les épaules et la secouer jusqu'à ce qu'au moins deux de ses neurones se connectent. Sur son visage s'entremêlent une certaine gêne de dévoiler ainsi ses sentiments et une petite dose de colère.

- « Si tu l'aimes, ce serait bien que tu lui avoues au lieu de t'en prendre à toutes les paires de nibards qui gravitent autour de lui ! »

Mon exclamation provoque des pouffements de tous côtés. Les joues de Téa rougissent violemment, ses gestes deviennent de plus en plus décousus.

- « N-Non ! J-Je... Tu peux bien parler toi !

- Tu es mignonne quand tu le veux, tu sais ? » Je me moque.

Impossible d'effacer de mes lèvres l'énorme sourire de satisfaction de la voir ainsi s'embrouiller devant témoins. En fin de compte, la blesser dans son amour propre m'aurait procuré moins de plaisir. Au bout d'une série d'expirations profondes, elle finit par retrouver une certaine contenance.

- « Garde ça pour toi, d'accord ? »

Téa joint ses mains en signe de prière. Croit-elle vraiment que son attirance pour l'autre côté de Yugi soit réellement un secret ?

C'est le moment de frapper où ça fait mal.

Non, attends, je préférerai que nous...

- « En échange, je ne dirai rien pour ton passé. » Me lâche-t-elle d'une voix douce.

Je cligne des paupières, incrédule. Mon passé ? Mon absence de réponse dû la troubler car elle reporte son attention vers l'autre bout du couloir avant de revenir sur moi. Téa se penche légèrement en avant pour éviter les oreilles baladeuses.

- « Je sais pour Pegasus. Mais ne t'en fais pas, je ne dirai rien du tout. Tu peux me faire confiance. »

Malgré tous les efforts qu'elle met pour me convaincre de son dévouement, je ne parviens pas à débiter quoi que ce soit. Sa déclaration m'a fait l'effet d'une douche froide. De toutes les personnes à qui j'aurai pu confier ce secret, Téa Gardner est très certainement un des derniers noms qui me seraient venus à l'esprit. Les ricanements d'Eléonore résonnent au tréfond de mon âme.

- « Lorène ? Ça va ? Tu es toute pâle. »

Je me racle la gorge, mal à l'aise.

- « O-Oui. Mais, qui te l'a dit ? »

Son visage s'adoucit tandis que le mien se raidit. Sur le coup, je suis si troublée que mon cerveau n'arrive pas à procéder correctement.

- « C'est Joey qui nous l'a dit. »

...Joey ? Nous ? Ce n'est même plus une douche froide mais un torrent qui s'abat sur moi à cet instant. La grande brune tente de se rattraper en m'assurant que mon secret sera parfaitement gardé dans le groupe. Lui et Zoé étaient les seuls à qui je me suis permise de me confier sur cette découverte. Il était évident que ma copine ne trouverait aucun compte à leur balancer ça de la sorte. En revanche, je ne comprends pas trop la raison pour laquelle il leur aurait tout raconté comme ça.

Une minute, est-ce que ça signifie que Téa est aussi au courant pour le cadavre ?

Quelle magnifique journée ! Ma proposition de shopping en ville tient toujours.

Malheureusement pour Eléonore, la cloche annonce la reprise des cours. Machinalement, je marche aux côtés de Téa jusqu'à la salle de cours et m'installe naturellement à ma place. Lorsque le regard de Tristan se porte sur moi, je me sens soudainement bien mal à l'aise.

- « C'est réglé ? »

La gorge sèche, je me contente d'hocher mécaniquement la tête.

Ils doivent certainement se demander s'ils préfèrent te surnommer la pyromane ou l'orpheline abandonnée par son oncle riche et célèbre.

Même le cynisme d'Eléonore ne parvient pas à me décocher un sourire. En fin de compte, peut-être qu'ils auraient fini par l'apprendre au fil des semaines. Mais pourquoi est-ce que je me sens aussi trahie ?


La suite des cours se poursuit péniblement. Je m'efforce de rester concentrée sur mes notes sans trop penser aux paroles de Téa. C'est un soulagement total quand la sonnerie annonce la fin des cours et le début des activités du club. Inscrite à celui de l'embellissement de l'école, je quitte rapidement la classe pour me charger du ramassage de déchet de l'étage supérieur. Au moins, dans ce club, je trouve une certaine utilité puis les discours de Tristan sont plutôt distrayants. Nos discussions banales animent le couloir dans lequel nous nous appliquons à passer la serpillère.

- « Alors vous n’étiez pas dans la même classe à Flem ? »

J’enfonce mon bâton dans le seau d’eau savonnée.

- « Non, on a toujours été séparée en cours. J’étais en 2-B et elle en 2-A, on se retrouvait uniquement après journée pour servir au Tam-Tam.

- Pourtant, on dirait que vous êtes très proches. »

Un pouffement m’échappe du nez. S’il croit que je n’ai pas remarqué son petit rapprochement avec mon amie ou le fait qu’il ait commencé à l’appeler Zoé, il se trompe lourdement. En guise de réponse, je lui adresse un petit clin d’œil et m’applique à nettoyer au mieux les dernières parcelles du sol.

- « Ah, avant que tu ne partes. Joey m’a demandé de te dire de l’attendre au niveau des casiers. »

Joey… Je ne peux m’empêcher d’étouffer un râle. Il est gentil, mais après les retours de Téa tout à l’heure, ce n’est pas la première personne à qui j’ai envie de taper la causette.

- « Pourquoi ? »

Ma question semble l’étonner.

- « B-Bah, je ne sais pas trop… 

- Tu ne sais pas ou tu ne veux pas le dire ? »

Prise au dépourvue, ma bouche reste grande ouverte. Je ne m’attendais pas à ce qu’Eléonore s’incruste dans notre discussion. Mais dès que sa poigne se resserre sur le manche de sa serpillère, je penche la tête sur le côté et hausse des épaules.

- « Laisse tomber, je dois y aller de toute façon. Ce sera pour une autre fois. »

Malgré mon ton amical, l’expression inquiète sur le visage de Tristan ne s’efface pas. Quelque part en ce moment, Kageyama attend de recevoir une petite correction de ma part et il serait malvenu que je la fasse patienter aussi longtemps. Une fois mes ustensiles rangés dans le placard de l’étage, je souhaite une bonne soirée à mon ami et me dépêche de rejoindre le rez-de-chaussée. Sur le chemin, je jette des coups d’œil dans tous les sens pour vérifier que Joey ne traine pas dans les environs.

Tristan savait. J’en mettrai ma main à couper.

Pas besoin d’être un esprit vieux de trois mille ans pour le remarquer. Chance, pas de blondinet en vue lorsque je chausse mes baskets. Mes mouvements sont précipités, voire affolés. Cet empressement perdure jusqu’à ce que je franchisse enfin le portail du lycée. A partir de là, j’entreprends une marche plus lente en direction du coin indiqué sur la lettre de Kageyama.

Tu te rends compte que cette meuf est entrée dans ce lycée juste pour te laisser un petit mot ? Si ce n’est pas de l’amour véritable…

Tu as raison. Cette fille doit très certainement avoir développé un amour inconditionnel à mon égard et il ne peut s’épanouir qu’en voyant ma petite gueule en sang par terre.

D’un autre côté, je repense à son pauvre père et aux supplices qu’il endure en ce moment-même, au Royaume des Ombres. Ressortira-t-il un jour de cet endroit ? Si oui, comment ? Et est-ce qu’il se souviendra de ses derniers instants au commissariat ? Mes méninges fument, mais aucun de mes questionnements ne trouvent de réponse satisfaisante.


Au détour d’un parc, je reconnais une rue étroite qui semble être notre lieu de rendez-vous. Comment le sais-je ? Très simple : les deux meufs aux uniformes scolaires différents qui se chuchotent entre elles dès que j’entre dans leur champ de vision. Toutefois, si leur accoutrement diffère du mien, je suis surprise d’apercevoir deux copies conformes de Kageyama. Des triplées ? Ma main se dresse brusquement pour les héler.

- « Coucou les copines ! »

Aucune crampe. Inutile de lutter contre les lubies d’Eléonore. Au contraire, j’attends d’elle à ce qu’elle me sauve la mise, une fois de plus.

Alors, on joue aux héroïnes ?

- « Tu auras ton Atem. Mais d’abord, allons nous amuser un peu ! »

Il est fort à parier que les filles m’ont entendue car elles me toisent comme si j’étais folle. Avec les bandages sur mes bras et mon pansement sur la joue, je doute qu’elles imaginent l’issue de notre dernier combat.

- « Yuurei. »

De la ruelle se dégage la troisième, cette fois vêtue de la même veste que moi. Ses prunelles émeraudes me foudroient. Pas d’hésitation, celle-ci est ma Kageyama.

- « Si j’avais su que tu me présenterais à toute ta famille ! Enchantée les filles ! »

Celles-ci ne répondent rien que des grognements.

- « La ferme ! » Crie Risa.

Ses doigts s’enfoncent dans les plis de ses manches, trahissant un semblant de trouille. Ses deux sœurs surveillent les environs puis m’indiquent de les suivre dans la ruelle. Confiante, je plonge les mains dans les poches de ma veste et avance comme si de rien était. Avant de franchir le pas de la rue, une brise plus violente que les autres soufflent mes cheveux dans mes yeux. Je frisonne. Derrière les sœurs Kageyama, je ferme les yeux et inspire profondément avant d’abandonner le contrôle de mon corps pour Eléonore.



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