Âme de Pureté

Chapitre 29 : Corpse Party: chapitre 29

4428 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:55

Le week-end arrive à point nommé. Ayant mis de côté le problème « Yugi », je décide de dépenser mon temps à inscrire sur le papier toutes les données pour compléter mes souvenirs manquants. D’un côté, il y avait le sujet de l’adoption. Fille des époux Pegasus, j’ai été placée en orphelinat suite aux décès de mes parents. Cependant, Eléonore semble vouer une haine envers Pegasus que je ne comprends pas. Ces deux points m’apparaissent à la fois liés et totalement distincts l’un de l’autre. Ensuite, je note la relation qu’entretenaient Atem et Eléonore par le passé. Le destin les a forcés à se retrouver dans deux êtres : Yugi et moi. En revanche, contrairement au pharaon, Eléonore possède encore tous ses souvenirs malgré les milliers d’années qui se sont écoulées depuis. Sans oublier qu’Atem se manifeste par le puzzle du millénium alors que moi… je suis coincée avec elle.

- « Bonjour la migraine… »

Suite à ma brève altercation dans la chambre de Yugi hier, je suis rentrée plus tôt que prévu, l’occasion pour moi de profiter de ma mère. En fin de compte, je ne ressens aucune animosité à son égard, juste une crainte de laisser échapper un commentaire un jour sur mon appartenance à la famille Pegasus. Evidemment, ma petite escapade avec Joey n’est pas passée inaperçue. Vu l’heure tardive à laquelle je suis rentrée cette nuit-là, mieux valait laisser planer le mystère d’une relation inexistante que de lui avouer les endroits que nous avons visités.

Une grosse tache d’encre se forme sur le papier. Soudain, mon téléphone posé un peu plus loin vibre à plusieurs reprises. Un coup d’œil à l’écran. Zoé. Je m’étends pour attraper l’appareil et consulte le nouveau message dans la boite de réception.

« Hé, ça te dit une journée en ville ? »

Mes épaules s’affaissent. Le travail d’histoire… Bien que je n’aie pas touché de mot à Yugi concernant notre groupe, je me doute que je devrais effectuer quelques recherches de mon côté avant de le croiser lundi en cours. D’un autre côté, je n’ai pas eu l’occasion de parler seule à seule avec Zoé depuis bien longtemps. Mes doigts se baladent distraitement le long des touches.

« Place principale de Domino, d’ici vingt minutes. »

Je ne tarde pas à recevoir une confirmation de sa part. Aujourd’hui, pas de vélo, ni de précipitation. Le temps se veut chaud dehors, alors autant en profiter ! Pour la première fois depuis la fin du tournoi de Kaiba, j’enfile les vêtements gracieusement offerts par Mai Valentine. Quelle sensation étrange. Je me revois encore affronter Monsieur Pegasus sur le toit du dirigeable au-dessus de la ville. Il faudra que je recontacte la blonde pour avoir de ses nouvelles. D’instinct, mon regard se porte sur le disque de duel. Une semaine qu’il prend la poussière dans un coin de ma chambre. Après un long moment d’hésitation, il trouve place dans mon sac à main. Qui sait, pourquoi ne pas le ramener pour examiner ses défauts ? Pas besoin de chercher à tout prix Kaiba pour s’en occuper. Notre dernière discussion à ce sujet me paraît très claire.

- « Ma société n’a aucun compte à te rendre, Yuurei. » Je l’imite en tirant la langue.

Quel acharné, celui-là… Maintenant que j’y pense, mes souvenirs concernant l’orphelinat ne sont pas encore revenus. Peut-être me faut-il encore un peu de temps. Si ma théorie selon laquelle Eléonore choisit délibérément quels souvenirs elle reconnecte à ma mémoire s’avère exacte, alors il suffirait de lui demander simplement. Simplement.

Impossible.

Dans un geste las et peu assuré, j’attrape mon sac et le balance contre mon épaule. Heureusement, la douleur de mon ventre commence seulement à s’apaiser. M’abaisser relevait d’un véritable exploit. Un rapide coup d’œil dans le miroir et je quitte la maison, enjouée à l’idée de revoir ma fidèle partenaire.


- « Tu as prévu de voyager ? »

Arrivée bien avant moi, Zoé pointe du doigt mon sac aux coutures distendues. Je n’avais pas envie que les gens remarquent mon disque de duel, alors je me suis efforcée à le faire entrer.

- « Non, juste un cadeau pour notre cher Seto Kaiba.

- Je suis certaine qu’il appréciera ! »

L’image du milliardaire me revient en tête. Vu son attitude détestable, je comprends qu’Eléonore ait voulu supprimer mes souvenirs. Si seulement elle pouvait l’effacer entièrement de ma mémoire. La première terrasse entourant la place devient notre terrain de chasse. Nous nous installons de sorte à avoir un point de vue imprenable sur les activités du centre. Cela fait si longtemps que je ne me suis pas retrouvée en tête à tête avec Zoé que je ne sais pas par où commencer.

- « Hier Tristan et moi avons commencé à travailler sur le projet d’histoire. Il m’a raconté que Yugi voulait absolument le faire avec toi, je te dis pas sa tronche quand il a refusé de se mettre en équipe avec elle. »

A première vue, Téa n’a pas réagi si mal que ça. Pour me proposer une trêve, elle doit probablement prévoir de quoi hameçonner le pharaon.

- « Il voulait se retrouver avec moi uniquement pour avancer sur cette histoire de mémoire perdue. » Je soupire en songeant à notre dernier échange dans sa chambre. « Des fois j’ai l’impression que s’il est si gentil avec moi, c’est seulement pour obtenir ce qu’il désire. »

Ma remarque intrigue Zoé, elle s’adosse à son siège tout en m’observant sous les angles.

- « Tu te fais des films, Lore. Yugi ne comprend pas ton manque de confiance en lui et je pense tout simplement qu’une bonne confrontation entre vous deux devrait régler tout ça. »

Une confrontation ? Inutile. Il ne faut pas être Einstein pour imaginer le résultat d’une discussion entre Yugi et moi, en présence de nos deux esprits respectifs.

- « Tu n’y vas pas de main morte non plus. » Ajoute-t-elle en croisant les bras.

Je m’enfonce un peu plus sur ma chaise. Alors une taupe se cache parmi nous ? Il est évident qu’elle fait référence à ma pitoyable tentative d’obtenir des informations sur le méchant Yugi. Ses yeux bruns accusateurs me plongent dans un profond mal-être jusqu’à ce qu’un rire aigu fuse de sa gorge.

- « Q-Quoi ?

- Trop drôle, Lore, je bluffais ! Mais de toute évidence, tu t’en veux pour quelque chose. »

Mes mains deviennent moites et l’ambiance se réchauffe étrangement. Quelle imbécile de me stresser de la sorte ! Son petit jeu semble l’amuser autant qu’il m’irrite.

- « A force de parler avec eux, j’ai cru comprendre que plusieurs événements tragiques se sont produits bien avant notre rencontre au Tam-Tam. Tristan n’a pas voulu m’en dire plus, Téa encore moins mais je parierai qu’il s’agit de Yugi. »

Un serveur dépose sur nos tables deux boissons fraiches. Silence. Tout en me redressant pour en siroter quelques gorgées, je perds mon regard sur la place à côté de nous. Alors Zoé aussi mène son enquête de son côté ?

- « J’imagine qu’il a enfin craché le morceau. » Me devance-t-elle en tapotant la table du bout des ongles.

J’oscille légèrement. De quoi parle-t-elle ?

- « Yoshida, l’hôpital. »

Mon visage s’illumine brusquement. Je me lève brutalement, manquant de faire tomber ma chaise, et la fusille du regard.

- « Tu étais au courant ?!

- Depuis le début ! Bon sang, que c’était drôle de te voir courir après Joey. »

Une main plaquée sur mon front, je réprime l’envie de l’engueuler au beau milieu de la terrasse. Rien que le crissement de ma chaise a attiré quelques regards curieux.

- « Tu veux dire que tu m’as regardée me ridiculiser auprès de cette asperge pendant que tu savais très exactement où ils avaient bougé le cadavre ?! »

Dans mon excitation, je ne remarque pas directement que les autres clients se sont brusquement tus pour nous dévisager. Zoé, visiblement amusée par la situation, frappe à plusieurs reprises dans ses mains et siffle un bon coup.

- « Wow, quelle prestation Lore-chan ! Tu es enfin prête pour le spectacle de théâtre ! » S’exclame-t-elle à l’attention des curieux. « On va faire un carton, c’est sûr ! »

Dépitée, je m’affale sur mon siège et vide mon verre d’une traite sans la quitter des yeux. Cette fille… m’en veut pour une raison que j’ignore.

- « Allez, ne fais pas la tête. C’est Joey en personne qui me l’a demandé, puis je trouvais ça plutôt drôle sur le coup. »

Ils étaient donc deux voire trois dans la magouille. Très bien, la prochaine fois qu’une envie d’envoyer quelqu’un au Royaume des Ombres m’effleure, je saurai vers qui me tourner. En haut de ma liste : Joey Wheeler.

- « D’ailleurs en parlant de lui… Tu n’as pas remarqué quelque chose de bizarre dernièrement ? »

Sa question me tire de mes ébauches maléfiques. Joey, étrange ?

- « Il est toujours louche, tu sais.

- Non sérieusement. »

Son ton grave m’efface toute envie de plaisanter. Mes doigts se baladent le long du verre, chassant les gouttes formées par la fonte des glaçons. Maintenant que j’y repense, il ne m’a toujours pas expliqué la provenance de ces coups sur son bras.

- « Sérénity m’a dit au début du tournoi qu’il se battait souvent avec Tristan. Ah ! L’autre jour, il s’est vanté d’avoir gagné une bagarre. »

La brune se mord la lèvre inférieure puis lève les yeux au ciel. Mis les bouts à bouts, il semblerait que Joey mène une vie de bandit, contrairement aux beaux discours sur l’amitié qu’ils servent tous dans sa bande. Lorsque Zoé inspire profondément, je sens une pointe d’inquiétude m’envahir.

- « Tristan m’a demandé de me méfier d’un certain Hirutani, un mec pas net qui trainerait dans les environs. 

- Hiruta… ! »

Mes mots se coupent quand le nom inscrit sur l’écran de téléphone de Joey surgit brusquement dans mon esprit. Zoé écarte son verre pour se pencher vers moi.

- « Tu le connais ? »

Je secoue la tête.

- « Non, j’ai juste vu son nom. Joey a reçu un appel de sa part il y a deux jours. »

Un appel au beau milieu de la nuit, de quoi faire flipper n’importe qui. Dans mes souvenirs, Joey a simplement fourré son téléphone dans sa poche sans y donner suite.

- « Tu pourrais lui en toucher deux mots en cours, non ? »

La proposition de Zoé me rend perplexe.

- « Bah quoi ? Vous êtes plutôt proches maintenant, il connait tes pires vices. »

Balancée ainsi, sa constatation me plante en pleine poitrine. A chacun de mes faux pas, Joey se trouvait à proximité pour solutionner mes moindres problèmes. Suis-je égoïste au point de ne pas avoir remarqué que lui aussi a besoin d’aide ? Une main se pose doucement sur mon poignet, me provoquant un léger sursaut. Zoé me gratifie d’un regard doux et caresse distraitement ma peau du bout des doigts.

- « Qu’il le veuille ou non, on va le sortir de cette merde, d’accord ? »

J’acquiesce presque immédiatement. Dès lundi, je lui sauterai dessus.


La tour de la Kaiba Corp s’impose en maître au centre-ville de Domino City. Peu importe de quel côté de la ville on se place, ce building aux initiales des frères reste éternellement dans notre champ de vision. Ainsi, lorsque je propose à Zoé de s’y rendre afin de leur confier mon disque de duel dysfonctionnel, il nous a suffi de contourner les autres bâtiments pour l’atteindre.

- « Hé, c’est pas Téa là-bas ? »

Au détour d’une rue remplies de boutiques de vêtements, notre allure ralentit à la vue de deux jeunes filles curieusement familières. D’un côté, Téa, vêtue d’un crop top à col roulé vert empire et d’un jean taille haute. Pour peu, je ne l’aurai pas reconnue à cause de ses cheveux attachés en queue de cheval. A ses côtés, une jeune fille plus petite à la longue chevelure châtaine tirant vers le roux. Lorsqu’elle dégage quelques mèches derrière son oreille, j’identifie enfin Sérénity, dont le t-shirt gris est enfoncé dans un short en tissus.

- « Si, on dirait qu’on n’est pas les seules à profiter du beau temps. »

Comme si elles avaient senti nos regards insistants, elles se tournent toutes les deux dans notre direction. S’en suit un moment de flottement gênant où aucune d’entre nous ne décide de la marche à suivre. Mon attention se porte davantage sur la sœur de Joey. Notre dernière discussion remonte au tournoi de Bataille Ville. Si notre relation se profilait comme une belle amitié, il s’est avéré qu’elle me craignait – ou plutôt qu’elle craignait Eléonore. A l’instar de Tristan et Duke, elle avait préféré se taire lorsque Téa m’avait accusée d’avoir provoqué la perte de Joey contre Marik.  Une sensation dérangeante me pèse sur l’estomac. Peut-être a-t-elle toujours peur de moi ? L’envie me prend de la rejoindre pour éclaircir ce point quand elle secoue faiblement sa main en guise de bonjour. En même temps, elle échange quelques paroles avec Téa puis détourne le regard pour partir un peu trop précipitamment à mon goût.

- « Ça alors… » Soupire Zoé, mains posées sur les hanches. « Elles nous snobent complètement ! »

Rien à ajouter. Une pointe de déception. Je ferme les yeux. Il y a bien pire que ça, je ne dois pas l’oublier. Un coup de coude de la part de mon amie m’oblige à les ouvrir.

- « Allez viens, je t’emmène dans un café près d’ici.

- Et mon disque de duel ? »

Zoé lève un sourcil et réprime un petit sourire moqueur.

- « Crois-moi, après un mois, ça m’étonnerait qu’ils cherchent à le récupérer. Surtout si c’est pour cet empoté d’Aigawa. »

Pas le temps de répliquer quoi que ce soit qu’elle a attrapé ma main dans la sienne pour m’attirer dans des rues de Domino que je n’avais pas explorées jusqu’ici. Nous fendons la foule qui s’agglutine aux abords des commerces. Tout en me laissant entrainer dans un endroit inconnu, je peine à garder un pied devant l’autre tant Zoé marche vite.

- « Ah, le voilà. »

Le temps de lire le nom de l’enseigne et je me retrouve à l’entrée d’un café tout ce qu’il y a de plus normal. En ce jour de week-end, la majorité des tables ont été prises d’assaut par des étudiants de notre âge. Par chance, nous nous dégotons un coin proche de la sortie. Alors que je m’apprête à m’asseoir sur le siège en cuir, Zoé me devance et m’intime de prendre place devant elle.

- « Pourquoi ici ? » Je demande en explorant la carte des boissons. « Et pourquoi ce sourire béat ? »

Son attitude commence sérieusement à me flanquer la frousse.

- « Je ne sais pas, mon petit doigt m’a dit que tu adorerais cet endroit ! » S’exclame-t-elle en dandinant des épaules.

J’examine minutieusement les lieux. L’agencement est plutôt sommaire, les banquettes en cuir sont agréables et les murs parsemés de décorations en bois amènent une ambiance chaleureuse. Quel était son but en m’emmenant ici ?

- « Ah, serveur ! »

Surprise par son comportement, je lève le nez de la carte. Jamais lors de nos sorties, Zoé n’a hélé le moindre employé comme elle vient de le faire. Elle se retient de rire lorsqu’un jeune homme se présente à notre table.

- « Pour une surprise, salut vous deux ! »

Vêtu d’un t-shirt rouge au nom de l’établissement, Joey nous adresse un grand sourire et s’arme d’un calepin coincé entre son tablier et son pantalon. D’abord surprise, je fusille Zoé du regard. Ça y est, j’ai saisi et ce n’est pas franchement joli de sa part.

- « Lorène n’a pas arrêté de me demander pour venir, alors j’ai cédé. »

Sentant le rouge me monter aux joues, je secoue précipitamment les mains devant moi.

- « P-Pas du tout ! C’est toi qui m’as trainée ici ! »

Mon embarra provoque une certaine euphorie chez mes deux amis qui se mettent se foutre de ma gueule. Du coin de l’œil, je parcours sa silhouette et remarque rapidement la présence d’hématome au niveau de ses bras et même au creux de son cou. Les paroles de Zoé me reviennent en tête. Serait-ce ce Hirutani qui l’aurait violenté à ce point ? A moins que ça se soit passé hier après mon appel ?

- « Au lieu de te foutre de moi, Joey, tu pourrais nous dire pourquoi tu étais absent hier ? »

La manière dont je l’ai épinglé me donne l’impression de jouer au rôle de sa mère.

- « Eh, parce que quelqu’un m’a fait veiller jusque très tard. D’autres questions ? »

Bien qu’il m’ait répondu sur son habituel ton plaisantin, je reconnais un mensonge quand j’en entends un. En dépit de mes efforts, je ne parviens pas à décocher un faux sourire. Je préfère me reconcentrer sur la carte sous mes doigts.

- « Que puis-je vous servir, mesdemoiselles ?

- Une limonade au citron pour moi.

- Deux. » J’enchéris sans les regarder.

Restons sur quelque chose de simple qui ne comporte aucun risque. Les pas de Joey s’éloignent dans mon dos, il est fort à parier que Zoé m’a postée de ce côté de la table pour ne pas que je puisse le voir venir. Entre les livraisons tardives et ce boulot de serveur, je me demande comment il tient toute la semaine en cours, celui-là…

- « Alors, ce café ? Génial hein ? 

- Profite, ce sera très certainement ton dernier repas.

- Ouh, direction le Royaume des Ombres ? » Chantonne-t-elle en agitant les doigts dans ma direction.

Bien pire, si elle savait le nombre de scénarii qui se jouent dans ma tête. Mais je lui réserve la surprise de découvrir la manière dont je vais la buter, sinon ce n’est pas drôle. Le visage tourné vers la chaussée, je ressasse l’attitude de Sérénity. J’ai beau me creuser les méninges, je ne comprends pas comment d’une complicité spontanée nous nous sommes retrouvées à ne pas nous adresser la parole. Peut-être faut-il attendre un nouveau drame pour que tout redevienne comme avant. Je grimace.

- « Au fait, Zoé, vu que le Tam-Tam a été fermé, tu travailles toujours ?

- Je n’ai rien trouvé de très probant pour le moment, mais ça ne saurait tarder. Heureusement qu’on a vidé les caisses avant de partir. »

En effet, j’avais oublié de mentionner ce détail. Difficile de résister à la tentation de tout cet argent durement mérité.

- « Je me doute que tu n’as pas eu le temps de chercher. Tu cours partout, on dirait. »

Je m’enfonce un peu plus dans mon siège et lui réponds d’un haussement d’épaules. Entre mes drames familiaux, les deux âmes perdues au Royaume des Ombres et les cours, il est clair que mon quotidien a été assez… perturbé.

- « Et encore ce regard triste. »

Coupée de court, je me redresse et fixe Zoé qui lève les yeux au plafond.

- « A chaque fois qu’on parle de tes magouilles secrètes, tu deviens silencieuse avec un visage digne d’un enterrement ! 

- Eh, j’aimerais t’y voir, toi !

- Bah justement, j’aimerais savoir ce qui se trame dans mon dos. »

Sa dernière exclamation se teinte de frustration, bien qu’elle s’efforce de garder un air cool et assuré. Comme à son habitude, Zoé change immédiatement de sujet et se plaint des cours beaucoup trop faciles à son goût. De mon côté, je reste bloquée sur ce reproche ô combien justifié. Quand on y repense, sans Zoé, je ne me serai probablement jamais lancée dans le Duel de Monstres autre que sur simulateurs. Sans son vol de disque de duel, mon tournoi de Bataille Ville se serait résumé à suivre la compétition en ligne. Cela signifie pas de contact avec les objets du millénium, pas d’Eléonore. Bon, l’incendie de notre ancien lycée n’aurait jamais existé donc c’est également de sa faute si nous suivons les cours à Domino avec Yugi et les autres.

Alors qu’elle débite des banalités sans se préoccuper de capter mon attention, je remarque que Zoé a causé beaucoup plus de changements dans ma vie que je ne l’imaginais. 

- « Soso.

- Oui ?

- Tu sais que je t’aime ? »

Evidement, le destin décide que c’est le moment parfait pour que Joey s’arrête à notre table, armé de nos boissons. Zoé plaque une main contre sa bouche pour s’empêcher d’éclater de rire tandis que je songe sérieusement à m’enterrer à cet endroit précis, sous la banquette noire.

- « Deux limonades pour vous. » Dit-il non sans pouffer.

- « Moi aussi je t’aime Lore-chan, marions-nous bientôt ! Joey sera notre demoiselle d’honneur, pas vrai ? »

J’ignore son commentaire et me bouche les oreilles pour ne pas entendre le blond surenchérir. C’est à mon tour de régler nos consommations, j’en profite pour ajouter un peu de monnaie en guise de pourboire.

- « Tu n’es pas obligée de…

- Si, après tout, je suis riche maintenant. » Je réponds en lui lançant un bref regard en coin.

Face à mon argument, Joey capitule et me remercie du bout des lèvres avant de repartir avec son plateau. Zoé me dévisage durant de longues secondes.

- « Il y a quelque chose que je dois t’avouer. »

Il me faut un bon moment pour trouver les mots justes pour lui expliquer mes récentes découvertes : mon lien de parenté avec Maximilien Pegasus, la mort de mes parents, ainsi que toutes les zones d’ombres qui m’entournent encore. Ma brune s’accroche à mes lèvres, mordant parfois la paille de sa limonade entre deux hésitations de ma part.

- « Je crois que c’est tout.

- Ecris une autobiographie. Les gens ont gobé Cinquante Nuances de Gris, ils vont forcément adorer ça. »

Je fronce un sourcil et sirote une gorgée de ma boisson froide.

- « Nan, ça manque de mec sexy et dérangé.

- On a Kaiba, il sera parfait pour ce rôle. »

Kaiba en bel étalon brun avec une pièce remplies d’objets coquins ? Je chasse directement cette idée de ma tête, je préfère encore l’entendre s’acharner sur Yugi plutôt que d’imaginer que ce type a une vie sexuelle.

- « Merci. »

Je la gratifie d’un clin d’œil. A vrai dire, me confier à cette fille m’a retiré un certain poids. A force de dissimuler des parties de ma vie aux gens qui m’entourent, je finis par ne plus me souvenir des connaissances de chacun. Zoé et Joey savent désormais tout, c’est largement suffisant.

- « Bon sang, vous êtes là ! »

Une silhouette franchit précipitamment la porte du café. Tout comme les autres clients, nous nous retournons et apercevons Téa, une main plaquée sur sa poitrine, la respiration saccadée comme si elle venait de courir un marathon. Son regard s’attarde sur nous puis sur Joey occupé au bar. Ses prunelles bleues s’agitent dans tous les sens. C’est la première fois que je la vois dans cet état.

- « Qu’est-ce qui se passe Téa ? » Demande Joey en déposant son plateau sur une table.

- « C’est Sérénity ! Je ne la trouve plus ! »


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