Âme de Pureté

Le soleil est déjà haut dans le ciel quand j’aperçois une espèce d’île à travers le hublot. Il s’agit très certainement l’endroit où Kaiba a prévu de lancer la dernière phase de son tournoi. Seule dans la chambre de Mai, je réalise difficilement que je suis parvenue au-delà de mes espérances. Moi, sur le point d’affronter un des quatre meilleurs duellistes de Bataille Ville ? Je pouffe doucement. Impensable.

- « Nous touchons au but quant à la conclusion de la finale et amorçons la descente sur l’île de la KaibaCorp. »

L’information provient d’un des nombreux haut-parleurs installés aux quatre coins du dirigeable. Collée dans mon fauteuil le temps que l’appareil se pose, je vérifie une dernière fois le contenu de mon deck. Bien que je me sois plutôt bien débrouillée avec les cartes prêtées par l’inventeur du jeu, Maximilien Pegasus, je compte bien utiliser mes propres cartes pour vaincre Kaiba et Marek.

Etrange, cinq duellistes pour la dernière phase du tournoi…

La pensée d’Eléonore me provoque un sursaut. Je n’avais plus entendu sa voix depuis de longues heures. D’un côté, je comprends qu’elle soit intriguée, moi-même je n’arrive pas à deviner de quelle manière Kaiba va nous départager. A la base, nous ne devions qu’être huit à participer à la deuxième phase du tournoi, mais il ne s’attendait pas à ce que je trouble ses plans.

- « Merci d’attendre nos instructions une fois arrivé au sol. »

Le dirigeable atterrit finalement sur la terre ferme. C’est l’heure. Etant donné que j’ai rendu à Joey son disque de duel, je me permets d’emprunter celui de Mai pour la suite. Loin de moi l’envie de finir électrocutée par l’autre engin de malheur, ou pire de brûler vif à cause d’une carte piège. Armée du gadget aux initiales KC, je quitte la chambre, non sans une pensée particulière pour la duelliste aux harpies.

- « Mademoiselle ? »

Au bout du couloir semble m’attendre un ancien concurrent. Affublé de son costume rouge criard, Monsieur Pegasus s’avance lentement jusqu’à moi. Comme lors de notre dernier affrontement, ses longues mèches argentées dissimulent une partie de son visage. Pourtant, malgré cette révélation plus que choquante, il aborde un large sourire, comme si rien ne s’était passé. Ah, c’est vrai ! Je ne lui ai pas encore rendu son deck Bête Spirituelle. Rangées dans la poche de ma jupe, ces cartes vont enfin retrouver leur propriétaire.

- « Bonjour Monsieur Pegasus, voici vos cartes ! » Je m’exclame en lui présentant son dû. « J’ai beaucoup aimé cet archétype. »

D’un signe de la main, le milliardaire m’indique qu’il ne compte pas les récupérer. Mais. Je ne vais décemment pas les garder, je ne les mérite pas !

- « Lorène Yuurei, c’est bien cela ? »

J’acquiesce. Ce n’est pas faute d’avoir répété plusieurs fois mon prénom la veille.

- « Lors de notre duel, tu as parlé d’une certaine Eléonore. »

Fuis. Fuis tant qu’il en est encore temps.

Perdue, je bredouille des mots insensés. Le flot de pensées d’Eléonore se mélange avec les paroles de Monsieur Pegasus. Je plaque une main sur ma tempe droite, sentant la migraine pointer à l’horizon.

- « P-Pourquoi ? »

Mon interlocuteur croise les bras. Il plisse et ouvre les yeux avec une telle insistance qu’il m’embarrasse. Je l’invite à poursuivre de plusieurs signaux différents.

- « Je ne comprends pas que tu ne m’aies pas reconnu… »

Il ne me regardait même pas, déviant ses yeux vers un point au-dessus de ma tête. Ses doigts entourent son menton, lui donnant un air songeur. S’adressait-il réellement à moi ? En tout cas, cette discussion n’a ni queue ni tête.

Très bien. Si tu ne te décides pas, alors je…

- « Je risque d’être en retard pour mon prochain duel, Monsieur. A une prochaine fois, peut-être. »

J’insiste malgré moi sur le « peut-être ». En dépit de mon admiration pour cet homme qui a créé le jeu auquel je joue depuis sa commercialisation, cette atmosphère me dérange. Loin de moi l’envie de paraître malpolie, je me courbe en avant puis m’avance en direction de la sortie.

- « Ne fais pas comme si tu m’avais oublié, Eléonore ! »

Dos à lui, je stoppe le pas. Pourquoi s’est-il mis à crier, soudainement ? Tête penchée sur le côté, je lorgne Monsieur Pegasus dont les traits se sont brusquement froncés. Un léger rire gêné s’échappe de mes lèvres tandis que j’essaie d’apaiser la tension.

- « Ne vous inquiétez pas, Eléonore n’est qu’un esprit, elle ne vous blessera pas. »

Sur ce, je décide enfin de suivre l’avis du dit esprit et me dépêche de descendre du dirigeable. Tout le monde semble craindre Eléonore. Je veux dire, je comprends tout à fait les raisons pour lesquelles elle est effrayante. Mais de là à connaître tous les gens que je croise, ça commence à faire un paquet de monde à rassurer.

- « Lorène ! »

Des pas précipités s’élèvent dans mon dos alors que je m’apprêt à descendre. Essoufflée, Sérénity se penche en avant, mains sur les cuisses. Elle reprend difficilement son souffle avant de se redresser brusquement.

- « Je voulais te souhaiter bonne chance avant la prochaine étape du tournoi. »

Quel amour cette fille. Dans un élan d’affection, je saisis l’épaule de la petite brune et l’attire contre moi. Je suis définitivement jalouse de Joey pour avoir une petite sœur aussi adorable.

- « Merci beaucoup. » Je murmure, sentant l’odeur fruitée de ses cheveux. « Impossible de perdre avec tes encouragements. »

A contrecœur, je m’écarte d’elle pour ne pas l’étouffer de mon étreinte. Sérénity me gratifie d’un large sourire puis reprend un air déterminé.

- « Joey, Yugi et toi devez absolument vaincre Marek pour sauver Mai ! Je crois en vous ! »

Coudes pliés et poings serrés le long de sa poitrine, Sérénity rayonne d’une énergie que je ne lui connaissais pas. L’état de Mai l’affecte tout autant que moi, mais, dans son cas, elle ne peut rien faire si ce n’est rester à son chevet.

- « On va y arriver. » Je lui réponds, convaincue que ce n’est qu’une question de temps avant que Marek ne soit défait.

Au pied du dirigeable, mon souffle se coupe à la vue de cette immense tour de fer construite sur l’ile de Kaiba. Comment ce type se paie-t-il le luxe de s’acheter une île tout ça pour livrer des Duels de Monstres ? Ça me sidère. Au loin, Yugi, ses amis et Marek marchent tout droit vers la tour. Mon petit entretien avec Monsieur Pegasus m’aura retardé de quelques minutes mais en pressant le pas, je devrai les rattraper assez rapidement.

Lorène.

Mh ? Eléonore est bien loquace comparé aux dernières heures.

Maintenant que cette Mai a disparu dans le Royaume des Ombres, je n’ai aucune raison de penser que tu puisses te défaire de mon emprise si je le décide ainsi.

Le retour des menaces, j’aurai dû me douter qu’elle ne revenait pas pour faire dans la dentelle. Eh bien sache que je ne prévois pas non plus de me laisser faire.

Qu’il en soit ainsi. Nous sommes sur le point d’entamer la suite du tournoi et nous devons vaincre Marek.

Tiens, ton discours a changé ? Tu te ranges dans le camp des gentils ?

Je n’ai jamais considéré Marek comme l’un des miens. Il s’en est pris à Bakura et au pharaon. Il doit payer pour ses méfaits.

Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord. Rassemblons nos énergies pour combattre Marek et l’empêcher de nuire. Une seconde, tu défends le pharaon ? Depuis quand ?

Tu ne m’as jamais posé la question. Contrairement à ce que cette égyptienne de ces morts essaie de vous faire croire, le pharaon et moi ne sommes pas rivaux. Bien au contraire.

En route vers la tour, je tâche de rester concentrée sur notre discussion interne. A ma connaissance, il s’agit de la toute première fois que je réussis à communiquer clairement avec elle sans risque de subir ses remontrances.

Et contrairement à elle, je connais le nom du pharaon.

Je manque de trébucher sur le bitume et me rattrape in-extremis. Le nom du pharaon ? Nous naviguons entre rêve et cauchemar décidément. Je me doute que si je te demande son nom, tu refuseras de me le donner, n’est-ce pas ?

Tu as tout compris, chérie.

En un claquement de doigt, Eléonore vient de justifier la raison de sa présence ici. Elle connait le pharaon, elle connait très certainement le passé derrière lequel il court. Nous avons tout intérêt à la garder en moi maintenant qu’elle dispose d’éléments capitaux pour le destin de l’autre Yugi. Bien joué. A force de disséminer des informations au compte-goutte, Eléonore se révèle de plus en plus indispensable à la quête du pharaon. Et vu que je lui ai promis de l’aider tant que possible, je n’ai d’autre choix que d’apprendre à collaborer avec cet esprit.

L’île de Kaiba ressemble plus à une décharge qu’à autre chose. D’énormes tas de ferrailles jonchent le chemin menant à la tour. Pour peu, cet endroit s’apparenterait à l’hypothétique sixième continent, cet espace de déchets amassés pour former une nouvelle zone. En dehors du tournoi, je me demande ce que Kaiba peut bien trafiquer sur cette île… La tour de fer de Kaiba s’érige sur des centaines de mètres de hauteur. Cet attrait pour les duels dans les airs me déconcerte quelque peu. Je veux bien que Kaiba ait envie de s’envoyer en l’air de temps en temps mais là, ça tourne à l’obsession. A grandes enjambées, je finis par rejoindre le groupe à l’intérieur de la tour de duel aux portes automatisées – à l’image de toutes les créations de Kaiba. Sans surprise, c’est Roland, l’arbitre du tournoi, qui nous accueille au centre de celle-ci.

- « Votre attention s’il vous plait. Veuillez vous placer au centre de la tour. La seconde partie du tournoi de Bataille Ville va débuter ici-même. 

- Bah c’est pas si impressionnant que ça. » Commente Joey qui, comme nous autres, scrute les moindres recoins de la bâtisse.

Contrairement à l’extérieur où le soleil brûle de sa chaleur, la température à l’intérieur a considérablement chuté. A plusieurs reprises, je me frotte les mains pour les réchauffer.

- « Comme vous le savez déjà. » Reprend Roland, bras croisés dans le dos. « Il y a cinq finalistes en tête : Yugi, Joey, Lorène, Marek et évidemment, Monsieur Kaiba. »

Evidemment… C’est moi où il y a un certain conflit d’intérêt dans toute cette histoire ? Marek, en retrait du groupe, nous observe à tour de rôle. L’œil du millénium scintille sur son front. Il est notre cible numéro une à éliminer.

- « Comme vous le constatez, nous sommes entourés de cinq portes. »

Kaiba m’adresse alors un regard noir.

- « De base, il y en avait quatre mais un parasite nous a forcés à changer la structure de la tour. »

Loin de me démonter face à lui, je lève mon pouce droit en son honneur.

- « Champion ! » Je m’exclame d’un ton sarcastique.

Roland nous explique ensuite que nous devons choisir une des portes qui nous entourent. Celles-ci s’ouvrent en même temps. Méfiante à l’égard des installations de Kaiba, je préfère attendre qu’un des garçons se dévoue pour l’imiter. Par ailleurs, on dirait que je ne suis pas la seule sceptique face à ce soudain choix.

- « Et on est censé choisir sur quel critère ? Tu as une idée toi, Yugi ?

- A priori, il n’y a pas de mauvais choix. »

De ce que je sais à propos de Kaiba, il a décidé de nous départager en installant un piège derrière l’une de ses portes. Sûrement la dernière construite en date. Par réflexe, je scrute chacune des entrées, tentant de déceler le moindre indice. Joey, lui, opte pour tourner sur lui-même en pointant chaque porte avant de se décider.

« - Voyons voir, celle-ci, celle-ci, celle-ci, celle-là ou alors celle-ci ou pourquoi pas celle-là !

- Quel nigaud, il nous fait perdre un temps précieux. » Râle Kaiba en se dirigeant vers celle la plus proche. « Trêve de plaisanteries, fais ton choix ! »

Après tout, une porte reste une porte. Machinalement, je m’oriente vers celle qui se situe entre Marek et Yugi. Le grand blond continue son manège jusqu’à ce que tout le monde soit placé à l’intérieur de son habitacle Ces portes cachaient en réalité une petite plateforme sur laquelle, je devine, nous devons nous placer. Mon cœur s’emballe. J’ai la sensation de me trouver au sommeil d’une montagne russe, quelques secondes avant que le wagon dévale une pente raide. Mes jambes tremblent, j’inspire profondément avant de m’engager sur le dispositif. La machine s’active sous mon poids, les portes se referment brusquement et nous nous élevons tous, dans l’obscurité la plus totale. Une dizaine de minutes dans cette tour et je regrette déjà les simples duels au sol. Ou même mieux, les duels assis autour d’une table, sans disque holographique.

C’est maintenant que ça devient intéressant.

Dois-je comprendre que tu comptes m’aider pour ce duel ?

Je ne voudrai pas que tu me ridiculises.

Quelle bonté. Les plateformes franchissent un autre seuil où se tiennent Mokuba, Tristan, Téa, Duke et bien sûr, Roland. Nous nous élevons dans la tour jusqu’à une série de panneaux placés à notre droite, indiquant le nombre 4000. Un duel à cinq ?

- « Alors, en quoi ça consiste ? On fait un duel à cinq ou quelque chose dans le genre ?

- Roland va expliquer les règles, Wheeler. Je lui ai demandé de parler lentement juste pour toi. »

Joey ne l’aura pas volée celle-là.

- « Avant de désigner le gagnant de Bataille ville, nous devons d’abord départager les finalistes. Ce duel déterminera qui affrontera qui en demi-finale et qui sera disqualifié. Plus vous perdrez des points de vie plus votre terminal s’élèvera. Le premier duelliste qui atteint le sommet est éliminé et les deux suivants s’affronteront. Chaque duelliste a 4000 points de vie à son actif, une fois votre tour arrivé, vous pourrez affronter chacun des joueurs. Vos decks doivent se limiter à 40 cartes. Si c’est le cas, vous pouvez connecter votre disque de duel au moniteur juste en face de vous. »

Finalement, peut-être qu’on aurait dû emporter le disque de duel défaillant. Avec un peu de chances, il aurait court-circuité toute la tour.

C’était justement ce à quoi j’étais en train de penser. Au moins, maintenant, on sait à quoi sert l’embout en dessous du disque de duel. En principe, une fois la table virtuelle en face de nous reliée à notre appareil, les cartes s’afficheront en temps réel. Alors pourquoi utiliser un disque de duel plutôt qu’une table comme Kaiba en a déjà inventée ?

- « Cela veut donc dire que plusieurs duellistes peuvent se liguer contre un seul. » Constate Duke à l’attention de Téa et Tristan.

Il a raison. Voilà l’occasion pour nous de nous débarrasser de Marek. A trois contre un, il n’a aucune chance de s’en sortir. Et pour peu que le QI de Kaiba dépasse les deux chiffres, nous pouvons considérer que Marek est hors d’état de nuire.

Tu sembles avoir oublié un détail primordial.

Ah bon ? Explique-toi.

Si ce duel sert à éliminer le duelliste en trop dans cette compétition, il révélera aussi qui s’affrontera lors des prochains duels individuels. Kaiba va s’assurer qu’il affronte Yugi ou Marek pour être certain d’obtenir une de leur carte de Dieu égyptien.

C’est vrai, Joey et moi ne possédons aucune de ces cartes. Il serait donc logique qu’il veuille éliminer un de nous deux de la phase finale du tournoi, tout en se préservant d’affronter l’autre lors de la demi-finale.

- « Maintenant, nous allons déterminer lequel d’entre nous commencera. Vous allez choisir une carte monstre qui déterminera celui qui débutera. Sachez que vous ne pourrez pas utiliser le monstre choisi au cours de ce duel. »

Je lève un sourcil. Quel est l’intérêt alors de nous avoir obligé à choisir 40 cartes pour composer notre deck si on en retire déjà une ? Bref, toujours est-il que je dois sélectionner une carte à abandonner lors de ce duel et, au vu du sourire satisfait sur les lèvres de Kaiba, il n’hésitera pas à sacrifier un monstre puissant pour débuter ce duel. Bon, celle-ci devrait faire l’affaire.

- « Veuillez révéler votre carte ! »

A l’unisson, nous brandissons une de nos cartes monstres. Comme escompté, Kaiba n’a pas lésiné sur les moyens, il abandonne un monstre de niveau 8 pour prendre la tête. Ensuite viennent Marek, Yugi puis moi, ayant désigné mon Chevalier Commandeur. Joey ferme la marche après avoir choisi son Spadassin de Landstar. Kaiba arbore un large sourire, visiblement satisfait du résultat.

Tout va se jouer ici et maintenant, dans cette immense tour de fer. Nuque relevée, je n’en aperçois même pas le sommet. Ce duel promet d’être redoutable. Bordel, nous n’avons pas encore commencé le duel que je frissonne rien qu’à l’idée d’affronter Marek ! Du calme, Lorène, du calme.

- « Allez commençons ! » S’exclame Kaiba en tirant sa première carte. « Je pose une carte face cachée puis j’invoque Vorse Raider [1900|1200] en mode attaque. Ça conclura mon tour.

Le premier tour de chaque joueur s’enchaine assez vite. Marek invoque Newdoria en mode défense [1200|800]. A son tour, Yugi protège son terrain de Gadna, le bouclier géant [100|2600] et ajoute deux cartes faces cachées. Comme eux, je décide de la jouer défensif en posant un monstre et une carte face cachée avant de donner la main à Joey. A la tête du blond, il n’a rien tiré d’intéressant. Mes soupçons se confirment quand il ne pose qu’une carte face cachée.

Attaquons-le.

Quoi ? Mais je pensais qu’on était d’accord pour cibler Marek !

Certes Marek est un adversaire redoutable, mais Wheeler n’a rien à faire dans ce tournoi. Il ne possède ni carte de Dieu égyptien, ni d’esprit ancien dans sa tête.

Parce qu’avoir un esprit qui t’interrompt toutes les dix minutes c’est un gage de qualité ?

Cela va de soi.

Dans tous les cas, je me conformerai au plan d’origine, à savoir éliminer Marek en premier.

- « C’est bien ce que je pensais, tu n’as pas grand-chose à faire ici, Wheeler. » Ricane Kaiba en reprenant à la main. « Alors je crois que je vais nous faire une faveur à nous tous et t’éliminer de ce duel. Vorse Raider, attaque ses points de vie, maintenant ! »

Mince, il n’a pas l’air d’avoir de quoi se défendre. Je crois qu’il est temps de…

Il est temps de rien du tout.

Alors que je m’apprêtais à activer ma carte face cachée dans le but de sauver Joey de la perte de ses points de vie, ma gorge se bloque. Mes cordes vocales se pétrifient, comme si on les avait brusquement coupées. Par réflexe, je plaque une main contre ma peau, comprimant ma gorge.

C’est beaucoup mieux ainsi, tu ne trouves pas ?

Malgré mes multiples tentatives d’exprimer la moindre onomatopée, rien ne parvient à sortir de ma bouche. Entretemps, Yugi a activé une carte piège pour sauver Joey de l’attaque de Kaiba.

- « Merci Yugi !

- De rien Joey, toi et moi formons une équipe et je te protègerai à jamais ! »

Une chance que Yugi soit intervenu. De mon côté, je crains que les tours à venir deviennent très pénibles sans l’entière possession de mon corps. Comme si la tension de ce duel n’était pas suffisante… Au moins, tant qu’ils s’affrontent entre eux, je ne risque rien. 

- « Réveille-toi Wheeler. » Reprend le grand brun. « Un duelliste de seconde zone comme toi ne peut pas se permettre de rêvasser. »

Qu’est-ce que j’avais dit à propos du prochain qui sortirait cette expression ? 

- « Je pensais à une stratégie.

 - Pour cela il faudrait que tu sois capable de comprendre comment on joue. Si tu es là, c’est juste parce que Yugi a toujours été là pour te dépêtrer. Tu es pathétique. Et si tu veux mon avis, c’est aussi ce que ce cher Yugi pense de toi. Pourquoi aurait-il gaspillé sa carte piège alors ? Il pense que tu es incapable de le faire toi-même et il a raison. Non seulement tu n’as pas le talent pour gagner la finale, mais en plus tu es un des deux seuls à ne pas posséder de Dieux égyptiens. »

Quel enfoiré ce type.

- « Quel homme merveilleux, ce Kaiba ! »

Tiens, mes cordes vocales sont soudainement revenues. Je m’en serais réjouie si Eléonore n’en avait pas profité pour crier des conneries.

- « Eh, pour qui tu tiens, toi ?! » S’énerve Joey, ayant visiblement oublié mon dédoublement de personnalité.

- Je me passerai de tes acclamations d’hystériques, Yuurei. » Ajoute Kaiba, hermétique à toute forme d’amour. « Toujours est-il que nous sommes tous d’accord ici pour dire que Wheeler n’a pas sa place dans ce tournoi. »

Bien joué, Eléonore. Jamais dans ma vie je ne me suis faite refouler par deux garçons en l’espace de dix secondes. Une première.

- « C’est faux Kaiba ! » S’insurge Yugi.

- « Allons Yugi, tu sais que depuis le début il n’a pas la moindre chance, soit honnête ! Laisse donc ton ami Wheeler se débrouiller seul.

 - Kaiba ! »

Avant que le champion en titre ne rétorque quoi que ce soit, Joey l’interrompt brusquement.

- « Non attends Yugi, il a raison là-dessus. Je vais prouver que je peux m’en sortir tout seul, je n’aurais aucun mérite si je gagnais ce tournoi avec ton aide. On se retrouvera en finale, d’accord ? »

Fascinant ce nouvel épisode de confessions intimes sur les joueurs de Duel de Monstres. De son côté, Marek semble aussi intéressé que moi par le débat de mérite qui se joue sous nos yeux. Par contre, tout le monde s’en branle qu’un esprit contrôle mes moindres faits et gestes ? Ne répondez pas.

- « Très bien », reprend le possesseur de la baguette du millénium. « Je crois qu’il est temps pour moi de prendre ce duel en main. Je pose cette carte face cachée. Ensuite, j’appelle le Seigneur Poison en mode attaque [1500|1000]. Kaiba, j’espère que tu es près à subir la colère de mon jeu. Newdoria, attaque son Vorse Raider ! »

Mais son monstre est plus faible que celui de Kaiba, il n’aura aucun mal à contre-attaquer. Newdoria rejoint le cimetière, non sans arracher un rictus à son propriétaire.

- « Lorsque Newdoria est envoyé au cimetière, il me permet de détruire n’importe quelle carte se trouvant sur le terrain. Tu peux dire adieu à ton Vorse Raider ! »

Génial, Kaiba se trouve désormais en mauvaise posture sans aucune barrière de défense !

- « Mais ce n’est pas tout, je vais activer « Le sort de douleur » mais contre qui… eh bien je choisis Lorène ! »

Quoi ? Mais pourquoi ? Il était bien parti contre Kaiba !

- « Tu vas perdre les points que j’aurais dû subir en attaquant le monstre de Kaiba. »

Mes points de vie sont les premiers à descendre à 3300. La machine sur laquelle je suis installée grimpe cinq mètres quelques secondes.

- « ça va Lorène ?! » S’inquiète Joey devant mes gémissements de peur.

- « Je préviens, je vais gerber avant la fin du duel ! »

Pourquoi Kaiba a-t-il eu l’idée de construire cette tour ? J’aurais dû leur indiquer dans mon dossier que j’avais le vertige ! Après Marek, c’est au tour de Yugi de jouer.

- « Prends garde Kaiba ! Je sacrifie Gadna le bouclier géant pour invoquer ma Bête de Gilfer [2200|2500]. Bête de Gilfer, attaque maintenant les points de vie de Kaiba !

- Tu viens de déclencher mon piège ! Grâce à l’Armure Redirectrice d’attaque, je peux la renvoyer sur n’importe quel monstre présent sur le terrain ! »

Oubliez-moi, s’il vous plait. De toute façon, il n’aurait aucun intérêt à attaque un monstre caché en mode défense. Il ne peut pas non plus cibler Joey qui ne possède aucun monstre sur son terrain. Ses choix se limitent donc à Yugi et Marek.

- « Mon choix va se diriger sur Seigneur Poison [1500|1000] ! 

- Pas si j’active la Force Miroir ! Tu peux dire au revoir à ton monstre Yugi.

- Ne crie pas victoire si vite, Marek. » Rétorque ce dernier. « J’active à présent ma carte piège, les Sept outils du bandit ! Elle désactive ta Force Miroir, bien essayé mais ton piège n’a pas fonctionné. »

La boule de feu de Glifer s’abat finalement sur le Seigneur Poison, entrainant avec lui 700 points de vie de Marek. A l’image du dernier tour, son appareil s’élève dans la tour et s’arrête à ma hauteur. Tout compte fait, il était beaucoup moins effrayant en bas.

- « Je pose une carte face cachée. Je ne suis pas le seul à avoir perdu des points de vie, la carte jouée par le pharaon requiert 1000 points de vie à l’activation. »

Kaiba est donc le seul qui restera en bas avec les spectateurs. Hors l’élimination de l’un d’entre nous, l’issue de ce duel déterminera l’ordre dans lequel s’effectuera les matchs. Yugi souhaite probablement affronter Marek dans le cas où nous n’arrivions pas à l’éliminer tout de suite.

C’est là où tu te trompes, honey. Le seul moyen pour que vos amis récupèrent leur âme, c’est d’affronter Marek en duel des ombres comme il l’a fait pour Mai.

… Pourquoi tu ne me préviens que maintenant ? Cela n’a plus aucun sens de le viser désormais, nous devons concentrer nos attaques sur Kaiba !

Ce ne serait pas drôle si je te dévoilais toutes les ficelles.

Eh merde, ce duel s’annonce beaucoup plus complexe que prévu…