Âme de Pureté

Chapitre 7 : Bataille Ville: chapitre 7

5598 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:36

- « Idiot de pharaon, tu nous as tous trahis. »

- « Qu’est-ce que tu viens de dire ? »

Cette fois, c’est un ton grave qui s’échappe de sa bouche. Les traits de son visage se sont également amplifiés, laissant place à un air sévère. Fondue dans mon mutisme, je fixe Yugi avec de grands yeux. Je ne réagis toujours pas quand celui-ci agrippe mon poignet pour m’attirer plus près de lui. Je me serais laissée entrainer si Joey n’avait pas brisé ce moment en appelant tout le monde.

- « Bon, les gars, on retourne au dirigeable ? »

Quoi ? Ai-je bien entendu un dirigeable ? Pourtant je ne vois qu’un immense stade de football juste à côté de nous. Je lance un coup d’œil vers Yugi, il dévie le regard vers sa bande d’amis qui se mettent en route. « Idiot de pharaon », je dois réellement manquer de sommeil pour sortir des âneries dans le genre. Le temps des pharaons est révolu depuis bien longtemps et Yugi ressemble à un lycéen tout à fait ordinaire. Je récupère mon sac et suis automatiquement le petit groupe à l’intérieur du stade. Tandis que les garçons marchent à l’avant, écoutant d’une oreille distraite les flatteries que Joey lance à sa propre personne, Sérénity et moi trainons à l’arrière.

- « Comment tu fais pour le supporter tout le temps ? »

La principale concernée m’adresse un regard surpris puis se radoucit.

- « Mon frère ? Je le trouve génial. Je préfère le voir se vanter à tout va plutôt que d’entendre qu’il s’est encore bagarré. »

Un court silence coupe notre discussion.

- « Bagarré ?

- Oui, Joey a tendance à appliquer sa propre justice parfois, Tristan aussi l’accompagne même s’il le nie quand je lui demande. »

Etrange, ce n’est absolument pas la vision que ces deux fanfarons m’ont donnée. Bien que je ne croie pas à leur histoire d’Apollon de Domino, je me plaisais à les considérer comme des clowns de service.

- « Désolée, je ne voulais pas te donner une mauvaise image d’eux… »

Sans que je m’en aperçoive, Sérénity avait baissé la tête et ses yeux fixaient ses chaussures.

- « Non, pas du tout ! Ça doit être le choc de tout à l’heure, je mets du temps à réagir.

- D’ailleurs, tu vas mieux ? Tu nous as fichus une sacrée frousse ! »

A moi aussi. Mécaniquement, j’enlace mon poignet, à l’endroit où mon disque de duel dysfonctionnel a électrisé ma peau.

- « Regardez-moi ce que ce mégalomane de Kaiba nous a encore dégoté ! »

Nous avons franchi l’enceinte du stade, au centre de celui-ci stationne un immense dirigeable aux initiales de la KaibaCorp. A quoi bon réserver un stade de football pour y foutre un dirigeable, sérieusement, Kaiba ? Soit, j’ai dur à m’imaginer livrer des duels dans les airs, ce qui semble pourtant être la seule raison de la présence d’un tel dispositif. A côté de celui-ci veillent deux hommes costumés aux lunettes noirs, accompagné d’un enfant, Mokuba Kaiba.

- « Vous êtes prêts à embarquer ? » Demande celui-ci en s’approchant du groupe.

- « Un peu qu’on est prêt, j’ai hâte de défoncer ton frère comme il se doit ! »

La remarque de Joey se perd dans les méandres du stade, le jeune Kaiba reporte son attention vers moi.

- « Tiens, tu es la duelliste qui a affronté ce pilleur de l’ombre ? »

J’acquiesce sans un mot. Sait-il seulement que son frère m’a rencontrée ?

- « Etrange, Seto m’a raconté qu’il avait réglé cette affaire de disque volé. »

Dans l’assemblée, les seuls qui ne réagissent pas sont Joey et Tristan. Les autres n’ont visiblement pas été mis au parfum de cette histoire.

- « Oui, j’ai eu l’occasion de rencontrer ton charmant grand-frère il y a deux jours. »

J’insiste fortement sur le mot charmant avant d’enchainer.

- « Il m’a subtilisé les cartes de localisation remportées avec le disque de duel d’Aigawa avant de s’enfuir en limousine. Malheureusement pour lui, ça ne m’a pas empêché de récupérer ceci. »

Pour souligner mes mots, je plonge une main dans la poche avant de mon sac et ressors les six cartes translucides apparues cette nuit. Mokuba croise les bras, faisant mine de réfléchir. Certes, Kaiba m’a retiré toutes les cartes obtenues au cours de mes duels mais si j’ai été capable – d’une manière ou d’une autre – de gagner six autres cartes de localisation, il n’y a aucune raison que je ne puisse pas prendre part à la phase finale de ce tournoi.

- « Je ne peux pas prendre de décision à ce sujet. »

Mokuba me signale de le suivre à l’intérieur du dirigeable, rapidement talonné par le reste du groupe. A l’avant, je perçois quelques chuchotements à l’arrière. « C’est quoi cette histoire ? », « Je n’en sais rien, je savais juste pour le disque de duel volé, pas pour Kaiba. », « Six cartes de localisation en deux jours, c’est aussi étrange que Bakura. »

L’intérieur du dirigeable ressemble à une base secrète, des portes blindées séparent les différentes ailes de l’engin. Mokuba s’arrête subitement et se tourne dans notre direction.

- « Nous devons nous entretenir avec mon frère, vous pouvez rejoindre vos chambres. »

Sous-entendu : mon frère ne voudra certainement pas vous voir, donc si vous pouviez dégager, ce serait sympathique de votre part. Peu importe, dans mon cas, je serai aux premières loges pour assister à la réaction de Kaiba.

- « Ce n’est pas grave, on va aller dévaliser le frigo de la chambre de Joey. » Lance Tristan, aussitôt approuvé par l’autre jeune homme aux cheveux noirs et aux yeux turquoise.

- « Eh, pas touche à mon frigo, je vous rappelle que vous n’êtes que mes invités ! 

- Justement et tu es un hôte bienveillant, Joey, tu ne voudrais pas que nous mourions de faim ! 

- Pourquoi vous n’iriez pas visiter la chambre de Yugi ?

- Tu es malade ? Yugi a besoin de calme pour se préparer à ses futurs duels. On ne va pas le déranger. 

- Parce que je n’ai pas besoin de me concentrer moi ?! »

Leur joute verbale résonne dans tout le couloir, Mokuba pousse un long soupir et m’indique la porte à notre gauche.

- « Allons-y. »

Il frappe trois coups distincts à celle-ci avant d’insérer une carte magnétique pour débloquer l’accès. La pièce est plongée dans le noir complet, si ce n’est une série d’écrans accrochés au mur, affichant toutes les pièces du dirigeable. Des caméras de surveillance ? A première vue, aucune ne filme l’intérieur des chambres, c’est rassurant…

- « Grand-frère, nous avons un léger contretemps. »

Pour peu, je n’aurais pas reconnu la forme presque immobile qui scrutait attentivement les écrans de surveillance. Il grogne et maugrée quelques mots avant de se tourner dans notre direction. Je distingue à ce moment-là les yeux bleus perçants de l’administrateur de ce tournoi. Son air dédaigneux n’a pas changé, il s’accentue même à l’instant où il pose son regard sur moi.

- « Tu as retiré les cartes de localisation de cette fille, mais elle en a gagné six nouvelles avant la fin de la première phase. J’ai demandé à l’équipe de vérifier que ces cartes sont authentiques et c’est le cas, elles ont été toutes obtenues la nuit passée. »

Quand a-t-il eu le temps de vérifier la véracité de mes propos ? Sûrement quand nous marchions vers le bureau de Kaiba. Finalement, son petit-frère se révèle être aussi inquiétant que son ainé.

- « Laisse-nous, Mokuba. »

Un léger frisson me parcourt l’échine. L’idée d’être seule dans le noir de Kaiba ne me rassure pas. Au contraire, après l’avoir contrarié dans ses plans, je crains subir un retour de flamme du PDG de dix-sept ans. Pourtant, Dieu sait le nombre de fois où j’ai imaginé ce moment, refermant le clapet de cet odieux personnage. Maintenant que ce moment est arrivé, je me liquéfie littéralement sur place. Ma gorge s’assèche alors qu’il ne m’a pas encore adressé le moindre mot. Tout en restant assis, Kaiba me fixe, mains croisées sous son menton.

- « Qui es-tu ? Et pourquoi est-ce que tu cherches à me nuire ? »

Un long silence suit ses deux questions. Pourquoi se positionne-t-il comme victime dans cette histoire ? Poings serrés le long du corps, j’inspire profondément avant de répondre.

- « Je m’appelle Lorène Yuurei, je ne cherche pas à te nuire, Kaiba. Par contre, j’ai du mal à comprendre ce qui t’as poussé à me retirer toutes les cartes que j’avais gagnées à la loyal. 

- Avec un disque volé. 

- Que tu as voulu détruire en l’explosant contre un piquet électrique. »

Un rictus étire soudainement ses lèvres.

- « Que tu as stupidement récupéré alors qu’il était dysfonctionnel. »

Une poussée d’adrénaline pulse dans mes veines, m’intimant à rejeter sur lui tous mes derniers malheurs en date. On pourrait facilement se demander s’il n’était pas au courant des dangers qu’un disque cassé pouvait provoquer sur le monde réel.

- « Si tu as gagné tes cartes de localisation à la loyal, tu n’auras pas de problème à répondre à ma question : combien d’adversaires as-tu combattu pour les obtenir ? »

Je…C’est facile, j’ai logiquement dû combattre six duellistes en une nuit pour les récupérer. Enfin, cette réponse aurait été parfaite si le cas s’était présenté lors de la première nuit du tournoi. Non, il est impossible que je n’aie combattu que des duellistes à une carte, ce qui fait au maximum trois duels cette nuit-là.

- « Alors ? »

Mon corps s’échauffe sous la pression. Je n’ai aucun souvenir de cette nuit, si ce n’est les douleurs rencontrées dès mon réveil. D’ailleurs, pourquoi me pose-t-il cette question ? Est-il au courant de ma subite crise de somnambulisme ?

- « Eh bien… 

- Si tu ne parviens même pas à répondre à cette question, c’est que tu as triché et que tu n’as pas mené le moindre duel.

- Mais Mokuba a dit…

- Mokuba a simplement dit que ton disque de duel avait enregistré des duels cette nuit-là, non pas que c’était toi qui les avais menés. Je te rappelle que tu es enregistrée sous le nom de Aigawa. »

Il marque un point. De toute évidence, il a compris mon petit jeu, plus que je ne l’ai moi-même compris. Je ferme les yeux un instant, fatiguée de cette journée à devoir me battre pour rien.

- « Deux. »

J’ouvre brusquement les yeux. Mes lèvres sont entrouvertes sans que je n’aie esquissé le moindre geste. Pourtant cette voix, c’était bien la mienne. Kaiba relève son visage vers le mien, un sourcil haussé. Bon sang, qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? Une vive chaleur s’empare de mes membres, j’étouffe dans cette pièce.

- « J’ai livré deux duels la nuit dernière. »

Kaiba fronce les sourcils et dévie le regard vers les écrans de surveillance.

- « Je perds mon temps avec toi. »

Toujours et encore le même discours, dois-je en conclure qu’il s’agit de la bonne réponse. Dans le cas contraire, il n’aurait certainement pas manqué l’occasion de pointer mes contradictions. Ensuite, plus rien. Quand Kaiba décide qu’une discussion est terminée, rien ne peut le troubler. Bon, j’imagine que je serai fixée sur mon sort bien assez tôt. Tandis que le PDG ignore ma présence à deux mètres de lui, je sors de la pièce. Le retour à la lumière se déroule en douceur, je cligne plusieurs fois des paupières pour m’y habituer, une main plaquée sur mon front.

- « Dis donc, quand Joey m’a dit qu’une autre fille était parvenue en phase finale, j’étais loin d’imaginer que ce serait toi. »

Apparue d’une des nombreuses portes automatiques du dirigeable, Mai Valentine s’avance dans ma direction. Un sourire satisfait ravit ses lèvres et son ton se fait plus amical.

- « C’est Lorène, c’est ça ?

J’acquiesce doucement, avant de remarquer un détail.

- Tu connais mon nom ?

- Ton amie barmaid me l’a dit, l’autre soir quand je suis passée. »

Zoé ? J’aurai dû m’en douter, elle ne peut définitivement pas s’empêcher de fourrer son nez dans mes affaires. L’atmosphère glaciale du couloir me donne des frissons, en contraste avec la fournaise de la salle de surveillance. Je suis chanceuse si je ne chope pas un rhume ou une merde dans le genre.

- « Tu as froid ? Viens, on sera mieux dans ma loge pour discuter. »

Ai-je bien entendu ? La grande Mai Valentine m’inviterait-elle à la rejoindre dans sa chambre ? Je la talonne sans omettre le moindre refus. Ce n’est pas que je ne supporte pas la présence de l’autre groupe de duellistes, mais un peu de calme me fera le plus grand bien.

- « Alors tu as réussi à te qualifier toi aussi ? Ça ne m’étonne pas, tu étais une des grandes favorites. 

- Tu vas me faire rougir, ma chérie. Mais oui, ça aurait été surprenant que je n’atteigne pas la phase finale, après ma performance au Royaume des Duellistes. »

Mais oui, j’ai cru lire quelque part qu’elle avait également participé au tournoi de Maximilien Pegasus.

- « Dommage que j’ai perdu contre Yugi, je me serai bien vue en finale. »

Je hausse les épaules et entoure mon menton entre mon index et mon pouce, le regard levé au plafond.

- « Perdre contre le gagnant du tournoi n’est pas une mauvaise fin en soi, je me trompe ? 

- Peut-être bien, c’est une motivation de plus pour moi de remporter ce tournoi. Yugi ou pas Yugi, le titre de Reine des jeux m’appartiendra bientôt. »

Je l’admire pour son assurance. La flamme dans ses yeux améthyste me subjugue à un tel point que les mots se bloquent dans ma gorge.

- « Qu’est-ce qu’il y a ? »

Mince, j’ai dû la fixer beaucoup trop longtemps. Je dévie le regard alors que nous arrivons enfin à sa chambre temporaire. Mai marque un temps de pause pour me laisser répondre.

- « J’aimerais bien avoir autant d’assurance que toi… Tu as l’air si sûre de toi, que ce soit pendant tes duels ou même dans la vie de tous les jours. »

Ma voix sonne plaintive, ce que je regrette amèrement. Cette femme est loin d’être un Dieu, je devrai être capable d’atteindre son niveau sans aide.

- « Tu as envie d’être comme moi ? »

Je hoche brusquement la tête, comme si le temps était compté.

- « Alors rentre. »

Mai ouvre la porte à la volée et me pousse à l’intérieur de la loge. Les chambres préparées pour les finalistes de Bataille Ville sont spacieuses et bien agencée. A première vue, les organisateurs ont mis à disposition un frigo complet, une cuisine, un séjour dans la même pièce ainsi qu’une salle de bain privative.

- « Déshabille-toi. »

Les joues rougies, je tousse légèrement pour cacher ma gêne devant la demande de Mai. Quand je disais l’admirer, je ne pensais à ce point-là, même si c’est une très belle femme au demeurant.

- « Ne me regarde pas bizarrement, je ne compte pas te violer. C’est juste que le look lycéenne, ça fait beaucoup trop petite fille. »

Tout en critiquant mon style vestimentaire, la duelliste à la longue chevelure s’aventure dans son placard à vêtements. Apparemment, même s’il s’agit d’un tournoi de quelques jours, elle a prévu suffisamment d’habits de rechange pour un défilé entier. Je suis sur le point de lui demander des explications quand elle me lance soudainement une série de vêtements : un T-shirt blanc, une jupe bordeaux plissée ainsi qu’une paire de chaussures. Je tente difficilement de rattraper ses projectiles et manque la crise cardiaque quand ils s’accompagnent de sous-vêtements plutôt osés.

- « A-Attends ! 

- Bah quoi, ce n’est pas ta taille de seins ? »

Sa remarque m’embarrasse, mes joues brûlent si fort que je dois ressembler à une crevette brûlée. D’une main tremblante, j’attrape le sous-vêtement en dentelle blanche pour inspecter l’étiquette. Cette femme…

- « Je me trompe rarement sur la poitrine des autres filles. Enfile-moi ça, même des poitrines à peine matures méritent le meilleur soutien qu’il soit ! »

Cette femme est pire que ma mère ! Je jette un regard résigné vers les tissus empilé dans mes bras. Après tout, j’ai accepté son aide, je peux bien enfiler ce genre de choses… Par contre, hors de question pour moi de me déshabiller dans cette chambre. Même si je n’ai pas capté la moindre caméra dans le studio de Kaiba, qui sait ce qu’il peut bien cacher dans ce dirigeable.

- « Je t’emprunte ta douche. »

Mon hôte d’un soir ne réplique rien tandis que j’entre dans la seconde pièce. Cette salle de bain n’a rien à envier à celles des hôtels étoilés. J’ai du mal imaginer qu’un simple dirigeable renferme autant d’endroits aussi bien agencés. M’enfin, prononcer le mot « simple » avec une lubie de Kaiba sonne incroyablement faux à mes oreilles. Après ma série de bouffées de chaleur, une douche froide réveille mes membres toujours douloureux de la veille. D’habitude, la douche sert d’exutoire à mes pensées, je les laisse vagabonder entre les souvenirs de la journée et la tournure des différents scénarios de ma vie si j’arrivais une bonne fois pour toute à montrer de l’assurance. Pourtant, depuis hier, je ne parviens pas à aligner la moindre pensée, à poser de simples mots sur une situation si compliquée de prime abord.

Qu’est-ce que cette voix qui parle à ma place ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me rappeler quoi que ce soit à propos de la nuit dernière ? Je suis en train de devenir folle, il n’y a aucune autre possibilité.

Les gouttes d’eau se réchauffent progressivement. Main sur le levier de température, je colle mon front à la paroi de la douche, percevant mon reflet flou dans le verre. Je ne peux en parler à personne. Qui me croira de toute façon ?


Sortie, séchée et habillée, je lorgne ma silhouette dans le miroir au-dessus de l’évier. C’est plutôt court comme style, mais venant de Mai Valentine, ça ne m’étonne guère. Pendant une poignée de minutes, je cherche le juste milieu entre mon t-shirt qui remonte un peu trop et ma jupe qui dévoile un peu trop mes cuisses à mon goût. Lorsque je quitte enfin la salle de bain, Mai a disparu – probablement a-t-elle rejoint les autres duellistes.

- « Je me demande quels sont les autres finalistes. » Je marmonne pour moi-même avant de rejoindre le couloir.

Mais au moment de franchir la porte, je me sens bousculée contre une forme humaine, suffisamment solide pour me déséquilibrer. Je manque de me retrouver les quatre fers en l’air si mon réflexe n’avait pas été d’agripper la poignée de la porte comme si ma vie en dépendait.

- « Pardon ! Je ne t’avais pas vue. 

- Ce n’est rien ! »

Bah ça alors, encore un de ces objets étranges ! Le jeune homme devant moi mesure quelques centimètres de plus, les cheveux blancs et les yeux bruns. Mais ce qui m’interpelle immédiatement, c’est son pendentif en forme de cadran entouré de piques tombantes, au centre brille un autre œil du millénium.

- « Joli ton pendentif ! »

Le jeune homme se raidit et recule brusquement. Ai-je dit quelque chose de mal ?

- « M-Merci, mais tu ne devrais pas t’en approcher. »

Son attitude contraste complètement avec celle de Yugi, lui m’a presque invité à toucher son puzzle du millénium. Soit, chacun ses petites lubies, je vais simplement ignorer sa remarque.

- « Je m’appelle Lorène, et toi ? Tu es aussi finaliste ? 

Une lueur d’inquiétude voile son regard.

- On m’appelle Bakura, oui je suis en phase finale. »

Je tente alors d'aller plus loin dans notre conversation, mais ce Bakura porte une main à son anneau, lançant des regards de tout côté, comme s'il craignait quelque chose.

- « Quelque chose ne va pas ? » Je demande, à la fois inquiète et vexée du peu d'attention qu'il m'accord.

Le jeune homme semble se tortiller dans tous les sens.

- « J-Je dois y aller. »

Notre échange fut si bref qu'il me laisse un goût d'inachevé. Pourquoi semblait-il si réticent à l'idée que j'inspecte son pendentif ? Enfermés dans un dirigeable, je n’aurais pas pu m'enfuir bien loin si j'avais essayé de le lui voler. J'espère qu'il ne me prend pas pour une voleuse à cause de ce sursaut de curiosité.

- « Lorène ? »

A l'autre bout du couloir apparait Yugi Muto, une expression bienveillante sur le visage. Etrange, il est seul, ses amis n'ont-ils pas daigné l'accompagner ?

- « Salut Yugi. »

Maintenant que j'y pense, c'est la première fois que je me retrouve en tête à tête avec le champion du Duel de Monstres et rares sont les occasions de lui parler tranquillement sans l'intervention d'un de ses amis.

- « Tu vas pouvoir participer à la phase finale ?

- Je ne sais pas trop, Kaiba avait l'air très embêté que je déroge une nouvelle fois à son autorité. De toute façon, je ne pense pas que mon deck soit suffisamment puissant pour remporter les prochains duels. »

Du moins, pas avec le deck elfe que j'utilisais jusqu'ici. D'un autre côté, avec les nouvelles cartes d'on ne sait où, mes chances ont peut-être été multipliées par deux.

- « Pourtant, tu t'en es bien sortie face à PaniK et les frères Paradoxe. Sans oublier que tu as réussi à collecter plus de cartes de localisation que n'importe qui dans ce tournoi ! »

Les encouragements de Yugi me réchauffent le cœur. Au sourire qu'il m'adresse, je comprends qu'un réel champion se tient devant moi, à la fois gentil et combattif.

- « Merci Yugi, nous verrons bien.

- Au fait... Je voulais te parler. »

Son soudain ton sérieux me surprend, il me regarde droit dans les yeux avec un air déterminé.


- « Je t'en prie, dis-moi.

- Tout à l'heure, tu as dit quelque chose d'étrange en rapport avec un pharaon. Est-ce que Joey t'en a déjà parlé ? »

Joey ? Non, nous avons brièvement discuté de choses et d'autres, mais jamais il n'a évoqué le moindre pharaon, ni même l'Egypte en règle générale. Je secoue la tête en guise de réponse.

- « Alors comment peux-tu savoir... »

Ses mots ont été prononcés dans un murmure, comme s'il ne s'adressait pas à moi directement. Il place une main sur son menton, le regard déviant du plafond à moi. Je commence à me sentir terriblement mal à l'aise.

- « Oui, il vaudrait mieux que tu lui parles toi-même... »

Encore un chuchotement, que j'ai parfaitement entendu. Ce garçon qui me semblait adorable il y a deux minutes devient de plus en plus bizarre à se parler à lui-même comme si j'étais invisible.

- « D'accord. Excuse-moi d'être aussi confus, mais quand tu nous as parlés tout à l'heure, l'esprit qui réside dans mon puzzle a réagi. Il a besoin de te parler. »

Soudain, une vive lumière émane du centre de l'œil de son puzzle. Les traits de Yugi se froncent, renvoyant un visage plus mature que celui que je connaissais.

- « Mieux vaudrait discuter dans un endroit plus calme. Les rares Hunters se trouvent à bord de ce dirigeable et peuvent nous entendre à n'importe quel moment. Soyons prudents. »

La voix grave de ce personnage résonne dans le couloir. Je me perds à penser que je pourrai l'écouter parler pendant des heures. Sans me demander mon avis, le maître des jeux se retourne et m'indique une pièce plus loin. Sa chambre se situe à proximité de celle de Mai, raison pour laquelle il m'a trouvée aussi rapidement après ma sortie. La pièce ressemble comme deux gouttes d'eau à celles de la duelliste Harpie, même agencement, même confort. Je m'autorise à m'asseoir sur son lit, sans m'inquiéter de Yugi. Celui-ci referme la porte, vérifie que personne n'écoute et s'avance finalement à côté de moi.

- « Tu dois avoir plein de questions à me poser. »

A vrai dire, pas vraiment. Mon esprit embrouillé refuse d'intégrer la moindre information reçue depuis ce matin, même si je dois avouer que son changement de personnalité commence à m'inquiéter.

- « Mh... Pour être honnête, je suis complètement perdue en ce moment. Mais je t'en prie, explique-moi ce qu'il se passe. »

Je ferme longuement mes paupières. Je ne sais si c'est la lumière de la chambre ou la présence de ce garçon, mais mon rythme cardiaque s'est légèrement accéléré depuis que je suis entrée dans cette pièce. Comme ce matin, mes oreilles bourdonnent, je tâche cependant de ne pas partager mon trouble, impatiente d'écouter ce que Yugi doit me dire.

- « Il y a fort longtemps, un esprit a été enfermé dans ce puzzle, celui d'un ancien pharaon d'Egypte. Cet esprit, c'est le mien, je pense... A vrai dire, j'ai perdu tous mes souvenirs liés à mon ancienne vie. »

Son discours, quoi que confus, me renvoie l'image d'un jeune homme totalement perdu. Un détail me saute aux yeux.

- « Alors, tu n'es pas Yugi ?

- Non, Yugi est celui qui a accepté de partager son corps avec moi. »

Cela sonne comme de la prostitution, mais je ne relèverai pas.

- « J'aimerais comprendre ce que j'ai ressenti tout à l'heure, quand tu m'as dit que t'avais trahie. »

Mes paroles exactes étaient « Idiot de pharaon, tu nous as tous trahis », il n'y avait pas que moi dans l'équation. Malgré cela, je suis incapable de lui expliquer ce qu'il m'a pris. Une sorte d'absence sans doute, qui aurait tapé dans le mille dans le plus grand des hasards.

- « J-je suis désolée de te décevoir, mais je n'ai aucune idée de la raison qui m'a poussée à te dire une chose pareille.

- Tu en es sûre ? »

Son regard s'accentue, il s'est penché vers moi de sorte à ce que son souffle caresse ma joue. Les bourdonnements s'intensifient, je peine à maintenir le haut de mon corps droit. Tout mon être m'invite à me coucher sur le matelas plutôt que de soutenir le contact de ses yeux améthyste.

- « N'insiste pas, je ne sais rien de tes histoires et ça ne me concerne pas. »

Un cri s'échappe de ma gorge quand sa main agrippe mon épaule et me plaque contre le matelas, à sa merci. Sa poigne est suffisamment forte pour me maintenir couchée, mais pas assez pour me faire mal. 

- « Alors pourquoi ?! »

J'ai peur. Mon cerveau me crie d'appeler à l'aide, mais aucun son ne sort de ma bouche, pétrifiée par la peur. Ses yeux s'assombrissent et ses traits se froncent devant mon absence de réaction. Intérieurement, je supplie le vrai Yugi de reprendre le contrôle de son corps, mais rien, sa main contrôlée par l'esprit renforce son emprise sur mon épaule. Qu’est-ce qui lui prend si soudainement ? Pourquoi Yugi ne réagit-il pas ?

- « Yugi ? Qu'est-ce qui se passe ici ? »

Pris en flagrant délit d'agression, Yugi s'écarte de moi d'un bond, les yeux tournés vers mon sauveur. Dans un sursaut de survie, je me relève du lit et me précipite vers la porte d'entrée, derrière un autre jeune homme aux cheveux blancs mais à la peau beaucoup plus bronzée.

- « Ce n'est pas ce que ... »

Mon sauveur interrompt l'esprit du puzzle dans sa tentative de justifier ses actes.

- « Il vaudrait mieux en reparler au calme plus tard. Je vais la raccompagner. »

Il pose alors une main bienveillante sur mon épaule, à l'endroit où Yugi avait déposé la sienne. Je me sens plus détendue et sereine, malgré la frayeur. L'inconnu décide de refermer la porte dernière nous, m'invitant à rebrousser chemin.

- « Désolé de ce qui vient de se passer. »

Ledit Namu me tapote doucement le dos tandis que nous nous éloignons du couloir des chambres. J'étais choquée par l'attitude de Yugi, bien qu'il ne s'agisse que d'un autre esprit. Cette histoire dépasse l'entendement, je l'ai écouté déblatérer son histoire sur son passé oublié sans me poser la moindre question et j'ai manqué de me faire agresser la seconde qui suivait. Quelque chose ne tourne pas rond dans le coin, quelque chose de pire que le caractère de Seto Kaiba.

- « Tout va bien ? »

Je hoche laconiquement la tête, tel un automate. Mon esprit me renvoie sans cesse l'image des yeux perçants de ce type que j'adulais sans le montrer. Arrivée à une nouvelle porte automatique, je ralentis le pas jusqu'à m'arrêter sous le regard surpris de Namu.

- « Désolée, je ne me sens pas très bien, je vais aller me coucher dans la chambre de Mai. »

Une sieste me semble la meilleure solution à mes problèmes. Ma tête ne procède plus rien, la fatigue me gagne petit à petit et mes oreilles bourdonnent toujours bien que plus faiblement qu'en présence de Yugi. Je ne supporterai pas ce genre d’incident une fois de plus, je préfère retourner me coucher avant de connaître la décision de Kaiba à mon sujet.

- « Moi aussi je suis désolé, je ne peux pas te laisser partir après ce trouble que tu as causé au pharaon. »

J'étais déjà tournée pour rejoindre la chambre quand les paroles de mon prétendu sauveur me glacent le sang. Au coin de l'œil, je croise le visage satisfait de Namu, il brandit une sorte de sceptre doré surmonté d'un œil du millénium auquel sont accrochées deux crochets.

- « Désormais, tu exécuteras la moindre de mes demandes. Nous allons profiter de ta présence pour réduire le pharaon à néant. »

Par réflexe, mon regard se porte instantanément sur cet œil qu'il présente à quelques centimètres de mon visage. Comme lors de l'échange d'âme entre Yugi et le pharaon, l'œil scintille de mille feux, m'éblouissant d'une lumière insupportable à ma rétine. Soudain, sans comprendre ce qu'il est en train de se jouer devant moi, une intense douleur suivie d'un sifflement aigüe m'assaille ma tête. Les bourdonnements s'intensifient au point de me déséquilibrer, mes genoux se heurtent au sol. Ma vue devient floue, la vive lumière qui m'agressait s'efface pour un trou noir.


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