Âme de Pureté

Chapitre 3 : Bataille Ville: chapitre 2

7516 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:31

- « Tu participes au tournoi de Domino City ? »

A peine ai-je ouvert mon casier pour y récupérer mes chaussures d'extérieur que Zoé m'interpelle. Hier soir, je lui ai raconté ma dernière mésaventure : mon nom figure par magie dans la liste des participants du tournoi de Bataille Ville.

- « Tu as dû mal me comprendre. Je n'y participe pas, on m'y a inscrite contre mon gré. Je n'ai aucunement l'intention de m'y montrer !

Son bras s’enroule autour de mon épaule et me presse fermement contre sa poitrine.

- Tu plaisantes ou quoi ? C'est l'univers qui t'envoie un message : participe, Lorène, participe à ce tournoi. »

Je me dégage difficilement de son étreinte. Ses moqueries ne m'atteignent pas, ma décision est sans appel et le restera jusqu'à ce que je sois déclarée forfait par la force des choses.

- « De toute façon, je ne peux pas y participer, je ne possède ni disque de duel, ni de carte translucide.

Mon amie brandit son téléphone portable juste devant mes yeux.

- Cela tombe bien, en regardant sur Internet tout à l'heure, j'ai trouvé une boutique à dix minutes du Tam-Tam qui en fournit. Regarde ! »

Elle a raison, mais ce n'est pas pour autant que cela risque de me faire changer d'avis. D'une main franche, j'appuie sur son poignet pour le baisser, agrippe mon sac de cours et me dirige vers la sortie, Zoé sur les talons.

- « Qu'est-ce que cela peut bien me faire si je ne compte pas y participer ?

- Ce serait drôle de te voir y jouer en public.

- Avoue que tu as surtout envie de me voir me ridiculiser par des gosses de seconde zone.

- Si ce sont des gosses de seconde zone et qu'ils te battent, réfléchis à quelle zone tu appartiens. »

Ses remarques cinglantes ont toujours été ce que j'apprécie le plus chez mon amie, à condition bien sûr que celles-ci ne me visent pas. Le chemin en direction du travail se déroule dans un calme relatif, jusqu'à ce que le bruit d'un moteur s'élève dans les airs.

- « Un dirigeable ? »

En effet, sur cette couche bleu violacé du ciel se dégage une forme de ballon équipé d'un écran géant aux initiales KC. Le jeune homme qui s'y présente doit être le fameux Seto Kaiba dont tout le monde parle. Zoé et moi stoppons notre marche pour écouter son message.

- « C'est le moment de mettre vos talents de duellistes à l'épreuve. J'espère que tous les concurrents ont bien compris que ce tournoi n'avait rien d'amical. Ce qui vous attend à Bataille Ville, c'est une guerre totale !

Mon amie ne manque pas de tiquer à ces mots.

- Seto Kaiba a le plaisir de nous présenter le nouvel Hunger Game.

- Avant que mon tournoi ne commence, je tiens à ce que les duellistes sachent ce qui les attend et peut-être que certains préféreront renoncer.

- Déjà fait.

- Pour commencer, parlons de mon nouveau disque de duel. Tous ceux que j'ai jugés assez compétents pour participer à mon tournoi en ont reçu un. Sauf ceux qui les ont revendus dès leur sortie, je ne suis pas dupe. Grâce à lui vous pourrez livrer vos duels où et quand vous le désirerez. Chaque disque est équipé d'un système de localisation qui me permet de suivre chacun de vos mouvements. »

Pardon ? C'est légal, ça ?

- « A présent, parlons de la règle la plus importante dans ce tournoi. Le perdant de chaque duel se verra dans l'obligation de remettre ses cartes les plus fortes au vainqueur. Alors si vous n'avez pas le cran de risquer vos cartes les plus précieuses, je vous suggère de déclarer forfait dès maintenant !

- Ce type me fiche la trouille.

- Si quelqu'un est assez fou pour me défier, qu'il n'hésite pas car j'ai décidé de prendre part à la compétition. Et ne vous faites pas trop d'illusions car je compte bien gagner ce tournoi. D'ailleurs il y a un duelliste parmi vous que j'ai particulièrement hâte de battre. En parlant de victoire, sachez que seuls les huit meilleurs duellistes accèderont à la grande finale et cette finale se déroulera dans un endroit tenu secret. Et pour connaître ce lieu, vous aurez besoin de vos cartes de localisation. Il vous en faudra six pour accéder à la finale ! »

S'en suit alors toute une explication sur l'empilement de ces cartes pour activer un satellite de localisation globale.

- « Attention chers duellistes. Que le tournoi de Bataille Ville commence ! »

Alors que les paroles de Seto Kaiba résonnent encore à travers toute la ville, l'écran qui projetait son visage se brouille, transformant le visage du PDG en une bouillie de pixels. Les dernières minutes m'ont jeté un froid glacial. Ce type a l'air encore plus bizarre que Joey.

- « C'est donc lui le directeur de la KaibaCorp ? Il paraît qu’il a notre âge.

- Pas possible !

- Tu serais surprise d'apprendre qu'il est dans la même classe que Yugi Muto. »

Etrange, Zoé semble très bien informée sur ces deux-là. Son gain d'intérêt soudain pour les duels de monstres proviendrait-il de nos dernières discussions ? Lorsque j'esquisse l'envie de reprendre notre chemin vers le travail, mon amie s'ancre dans le sol, les mains fermement posées sur ses hanches.

- « Bon, on doit te trouver un disque de duel et une carte de localisation. »

Loin de moi l'envie de la contredire, mais un simple coup d'œil à ma montre confirme que nous sommes déjà en retard de deux minutes sur notre service.

- « Tu vas participer à ce tournoi !

- Moi ? Et pourquoi pas toi ?

- Parce que je n'ai pas de cartes, contrairement à toi. Allez, ça sera amusant ! »

Bon sang, mais qu'est-ce qui lui prend ? Je hausse les épaules et secoue la tête en signe de refus. Nous avons assez perdu de temps avec ces histoires.

- « Je vais au Tam-Tam, que tu me suives ou non ! »

Pour appuyer mes mots, j'avance de quelques pas en direction de l'établissement, bien décidée à ne pas me laisser entrainer. Pourtant, après une vingtaine de pas, je me retourne et constate que Zoé m'a définitivement abandonnée pour se lancer à la chasse au disque de duel.

- « Quelle tête de mule... »

Peu importe, il faudra bien qu'elle réapparaisse à un moment ou un autre. Le temps s'écoule si vite que si je ne cours pas rejoindre mon poste, je crains la réaction disproportionnée de la patronne.

 

- « Où est-ce que vous étiez passées ?! »

Impossible de l'esquiver tant la Boss avait fusionné avec la porte pour ne pas nous manquer. Je me plie en avant, bredouillant des excuses sous les regards mal à l'aise de la clientèle accoudée au bar.

- « Yuurei, où est Soso ?

- Je ne sais pas, Madame.

- Tant pis, c'est de votre faute si j'ai dû faire votre travail. Alors tant que Soso ne rapplique pas, tu vas te charger du service et du bar ! »

Je blêmis rien qu'à l'idée d'exécuter les deux postes. Il n'y a aucune chance que cela se déroule bien. Les claquements de dents de la patronne me provoquent des frissons désagréables à travers tout le corps. A ce train-là, la meilleure décision aurait été de rentrer chez moi.

- « Non mais je rêve. Qu'est-ce qu'il se serait passé si je m'étais blessée pendant que vous batifoliez dehors ? Je vous rappelle que vous êtes payées grâce à moi, alors il est hors de question de me laisser berner par des gamines aussi insignifiantes que vous ! »

Ses éclats de voix vibrent dans toute la salle, si bien que je me sens obligée d'adresser un regard désolé aux clients venus pour un peu de tranquillité. Quand je me redresse et croise les yeux assassins de la Boss, mes jambes tremblent tellement que je doute qu'elles soient capables de supporter mon poids encore longtemps.

- « Le moindre écart ce soir et tu es virée, Yuurei.

- Oui, Madame. »

Sur ce, elle attrape ses affaires abandonnées sur le comptoir et quitte le bar. Un silence de corbeau s'installe dans la salle. Rien, pas le moindre insecte pour briser cette atmosphère tendue. Mes cordes vocales elles-mêmes ont choisi de s'éteindre au profit du calme pesant. Machinalement, mes pieds me guident jusqu'au vestiaire où je retire mon uniforme scolaire pour celui de l'établissement.

En cet instant de répit, je m'empare de mon téléphone pour prévenir Zoé de la douche froide que je viens de me prendre et lui conjure de rappliquer au plus vite. Pas le temps d'attendre sa réponse, je rejoins à la hâte la salle où plusieurs clients commencent déjà à s'impatienter.

 

Au bout d'une heure de calvaire, mes jambes menacent de s'effondrer alors que je sers une table de trois adultes ce qui pourrait s'apparenter à des milkshakes à la banane. Beaucoup trop de lait, beaucoup trop de sucre, un dosage plus que douteux pour l'apparence du vomi d'un étudiant de médecine un soir de baptême. Je me dépêche de retourner me cacher derrière le comptoir, priant pour que plus personne ne mette les pieds dans cet endroit. Accroupie dans un coin, je retire mon téléphone de ma poche, constatant que Zoé cherche à me contacter.

- « Bon sang Zoé, je te jure que tu as intérêt à avoir une bonne raison de m'appeler.

- J-J 'en ai un ! »

Mon ton menaçant retombe aussitôt que la voix à bout de souffle de mon amie me parvient aux oreilles.

- « Il y en avait un qui trainait dans la rue ! »

L'émetteur collé contre mon oreille, je perçois en fond des injures et autres cris lancés à l'attention de Zoé. Je dois me retenir de ne pas hausser le ton pour ne pas déranger les clients du bar.

- « Rejoins-moi près du port !

- Tu plaisantes ? Je suis en plein service, je te rappelle qu'on était censée travailler ce soir.

- Fais ce que je te dis ! »

Pas le temps de rétorquer quoi que ce soit, Zoé a déjà raccroché, probablement poursuivie par le type à qui elle vient de voler un disque de duel. Je pose une main sur mon front, affaiblie psychologiquement par l’attitude de celle qui est censée être mon aînée. Tout en me redressant face au comptoir, j'observe la poignée de personnes attablées. Non, je ne peux définitivement pas les laisser et partir sans prévenir la patronne.

« Le moindre écart ce soir et tu es virée, Yuurei. » Elle ne pouvait pas être plus claire. Ce n'est pas comme si ce travail m'était devenu indispensable au fil des mois... Soudain, mon téléphone vibre, Zoé, encore. Le vestiaire me servira de cachette pendant les prochaines minutes.

- « Allô ? »

Pas de réponse, seule la houle du port anime la conversation. J'appelle mon amie à plusieurs reprises, quitte à crier au point que les clients m'entendent mais rien ne vient. Une sensation désagréable me parcourt de part en part. S'il était arrivé un accident à Zoé, j’aurai déjà dû être sur place pour lui porter secours. Le bruit des vagues persiste à l'autre bout du fil. Prise d'une bouffée d'adrénaline, je coupe l'appel, plonge le portable dans la poche de ma jupe et, toujours vêtue de l'uniforme du Tam-Tam, claque la porte du vestiaire et saute à l'extérieur. Cette fois-ci, il est hors de question que je laisse la peur me débiner. La porte ! Si quelqu’un vole la caisse, je suis une femme morte. Tant pis pour les clients, s'ils peuvent passer trois heures à siroter le même cocktail, une petite heure de plus ne saurait leur causer de tords. D'un geste précis et réfléchi, j'enfonce la clé dans la serrure et verrouille la porte du bar avant de sprinter en direction du port de Flem, jumelé à celui de Domino City.

Tout en dévalant les rues du village, je manque de bousculer une dizaine de passants s'étant réunis pour assister à des duels de monstres.

- « T'excuse pas surtout ! » Me lance l'un d'eux.

Peu importe s'il me faut pousser la Terre entière pour rejoindre les quais. Mes poumons se vident à la vitesse de la lumière, une douleur vive dans ma poitrine me conjure de ralentir le pas contrairement à mes jambes qui maintiennent la cadence. Au loin, la mer se dessine, plus qu'une bonne cinquantaine de mètres et j'entrerai enfin dans le port.

- « Zoé ! »

Je hurle son nom sans la voir, les quais s'étendent sur plusieurs kilomètres et aucune trace mon amie en vue. Mon corps tout entier subit le contrecoup de ma course acharnée et, avant d'être plombée sur place, je repars le long des quais à une allure plus modérée. Peut-être qu'elle décrochera si je l'appelle. Je tâtonne d’une main la poche de ma jupe, vide. Où est mon téléphone ?

- « Oh merde, j'ai dû le faire tomber en courant ou quand j'ai bousculé un de ces péquenauds... »

Si l'espoir de la contacter s'est envolé comme mon portable, je change vite d'attitude à la découverte d'un corps inerte une vingtaine de mètres plus loin. Je me précipite, n'écoutant que ma tête pour avancer. Cette forme est vêtue de l'uniforme orange et vert du lycée de Flem, je reconnais sans peine les beaux cheveux châtains de mon amie, couchée sur le côté. Morte d'inquiétude, je m'agenouille à ses côtés et la secoue avec la ferme intention d'obtenir réaction – même infime – de sa part.

- « Zoé, tu m'entends ?

- Lo... »

Un frisson la frappe si violemment que je le ressens à travers sa veste d'uniforme. Ses yeux me fixent tandis qu'elle s'étire pour me confier une machine serrée contre sa poitrine.

- « Tiens, c'est pour toi. »

Sa voix est si faible que j'ai l'impression d'avoir lu sur ses lèvres. J'accepte distraitement le disque de duel, le dépose à côté de nous et caresse son visage brûlant d'une main.

- « Qu'est-ce que tu as fait...

- Voleuse ! »

Cette injure provient d'un peu plus loin. Deux formes masculines se dégagent de l'horizon, poings levés en signe de rébellion. Il y a peu de chances pour qu'il s'agisse d'une erreur, j'imagine très clairement Zoé voler un disque de duel juste pour me satisfaire. Arrivés à notre hauteur, ils ignorent vaguement la position critique de la brune à mes pieds. Tout ce qu'ils leur importent, c'est de récupérer leur disque de duel.

- « Ce disque est à mon petit frère, alors tu vas me le rendre !

- Ne le laisse pas, s'il te plait. »

Une petite minute. Si ces mecs ont couru jusqu'ici sans jamais rattraper Zoé, alors comment s'est-elle retrouvée dans un tel état ? Sa main agrippe la mienne et la guide jusqu'à l'appareil tant convoité.

- « Tu ferais mieux de me le rendre, gamine, sinon ça risque de chauffer pour toi ! »

« Gamine » ? Pense-t-il réellement que j'abdiquerai sans broncher après m'avoir insultée ? Une fois Zoé en position assise contre une barrière, je ramasse le disque en question et pointe du doigt celui de l'aîné.

- « Eh, tu es un duelliste toi aussi, pas vrai ? Alors affronte-moi.

- Tu es stupide ou quoi ? Ce disque appartient à mon petit frère !

- La seule personne stupide ici, c'est celle qui a perdu un appareil de duel aussi précieux pour le tournoi. »

Ses mâchoires se serrent. Pour peu, il serait prêt à me sauter dessus pour récupérer son fichu disque. Et même si je ne prévois pas de participer au tournoi de Bataille Ville, je ne peux pas me résoudre à décevoir Zoé après ce qu'elle vient de faire pour moi.

- « Si je gagne, non seulement je garderai le disque de duel de ton frère, mais tu me donneras ta carte de localisation.

- Et puis quoi encore ?

- Grand-frère, je veux mon disque. »

Avec l'autre au bord des larmes à côté, son frangin risque de craquer d'une seconde à l'autre. J'en profite pour enfiler le disque au niveau de mon bras droit. Celui-ci s'allume automatiquement et projette un terrain holographique devant moi.

- « Tu l'auras cherché. Je vais gagner ce duel et récupérer le disque de duel de mon petit-frère. En garde ! »

Puis-je conclure que je suis donc l'antagoniste de ce duel ? Chacun à notre tour, nous mélangeons notre deck et l'insérons dans l'espace du disque prévu à cet effet. Non seulement je suis essoufflée de la dernière course à la recherche de mon amie, mais je ne suis pas du tout confiante quant à l'issue de ce duel.

- « Commence. »

Le mec me l'a ordonné si froidement que j'ai pris quelques secondes de réflexion avant de tirer mes premières cartes. Nos disques affichent tout deux 4000 points de vie. Moi qui ai l'habitude de disputer des duels en ligne jusqu'à 8000 points de vie, cela ne va pas d'être une partie de plaisir.

- « Alors, tu joues ?

- Oui, ne sois pas si pressé de perdre, mon chou. J'invoque l'Ange Lumineux [1400|800] en mode attaque. J'active ensuite la carte magie Hinotama pour te faire perdre 500 points de vie. »

Je pose ensuite une carte face cachée et termine mon tour.

- « Je vois, mais je te préviens, des monstres aussi faibles ne résisteront pas à mon jeu. J'appelle mon Homard Enragé [1700|1000] sur le terrain. Détruis son Ange Lumineux ! »

Le monstre de cet inconnu mesure bien deux mètres de haut. Les hologrammes de la KaibaCorp sont vraiment impressionnants. Comme il l'avait prévu, son homard emporte mon monstre au cimetière d’un coup de pince, ainsi que 300 de mes points de vie.

- « En détruisant mon Ange Lumineux, tu me permets d'invoquer depuis mon deck un monstre lumière de maximum 1500 points d'attaque. Et je décide d'appeler l'Invocateur de Nova [1400|800] en mode attaque !

- Très drôle ton petit tout de passe-passe, mais ses points d'attaque sont toujours trop faibles pour combattre mon Homard. Je pose une carte face cachée et je termine mon tour. »

Comme si je ne le savais pas, pour qui me prend-t-il ? Je pioche une nouvelle carte. Mon cœur bat si fort sous la pression de ce premier duel que je peine à respirer correctement. Quand je m'imaginais combattre dans un tournoi, je ne songeais pas du tout à affronter le frère d'un gamin qu'on a racketté.

- « Très bien, je sacrifie mon Invocateur de Nova pour invoquer Saturne, Agent du Jugement [2400|0] en mode attaque. Saturne, détruis son Homard Enragé !

- Je ne crois pas, tu viens de déclencher ma carte piège Annulation d'attaque, ce sera pour une prochaine fois.

Frustrée, je serre les dents.

- Je termine mon tour.

- J'avais cru comprendre. A moi, je sacrifie mon Homard Enragé pour invoquer la Bête Amphibie [2400|2000] en mode attaque. »

Nous possédons désormais deux monstres de même puissance sur le terrain et rien dans ma main ne me permet de prendre l'avantage. J'espère qu'il aura autant de malchance que moi dans son tirage. Mon tour suivant consiste à déposer un monstre faible face verso.

- « Tu as fini ? »

Ce type commence sérieusement à me chauffer à force de me presser à jouer plus vite.

- « Non, désolée. Vu que je ne mène pas de Battle phase ce tour, je peux activer la capacité spéciale de Saturne. Tant que mes points de vie sont supérieurs aux tiens, je peux t'infliger la différence en dégâts directs ! »

Au moment où j'active l'effet de ma carte, l'hologramme se tourne vers moi et semble me dévisager avant de disparaître dans mon cimetière. Je... Quoi ?

- « Mes points de vie n'ont pas diminué d'un pouce. »

Il a raison, je ne comprends pas pourquoi l'effet de cette carte ne s'est pas réalisé. En appuyant sur mon disque de duel, je parviens à récupérer la carte et relire son effet.

- « Tant que vos points de vie sont supérieurs à ceux de votre adversaire, vous pouvez sacrifier cette carte pour infliger des dommages à votre adversaire égaux à la différence. Ne s'active que si vous contrôler Le Sanctuaire Céleste... »

Au fur et à mesure de ma lecture, ma voix s'étouffe au fond de ma gorge. Je suis morte de honte. Quel genre de duelliste ne lit pas les effets de ses monstres avant de les activer ? Mon adversaire, lui, ne manque pas cette occasion de se moquer de moi.

- « Je termine mon tour.

- Tu me facilites la tâche, je n'aurai jamais cru que je te remercierai. »

Il ne peut pas se la fermer et jouer tout simplement ?

- « Je pioche. J'invoque ensuite le Grand Blanc [1600|800] en mode attaque. Ma Bête Amphibie [2400|2000] va réduire ton monstre face cachée en poussière ! Et vu que tu ne possèderas plus de monstre sur le terrain, cela me laisse le loisir d'attaquer tes points de vie !

Son monstre poisson détruit ma carte face cachée, mais je ne peux pas me permettre de perdre 1600 points de vie.

- « Tu viens de détruire un autre Ange Lumineux [1400|800], ce qui me permet d'invoquer spécialement mon Invocateur de Nova [1400|800] depuis mon deck.

- Sauf qu'il est toujours trop faible ! Grand Blanc, attaque son Invocateur de Nova ! »

Mes points de vie descendent à 3500. Jusqu'ici, j'ai réussi à éviter la catastrophe, malgré mon erreur de débutante.

- Lorsque l'Invocateur de Nova est envoyé au cimetière, cela me permet d'invoquer un monstre lumière de type elfe de maximum 1500 point d'attaque. Je décide d'appeler Mercure, Agent de la Sagesse [0|1700] en mode défense. »

Mercure devrait pouvoir résister aux attaques de son Grand Blanc, ce qui va le forcer à utiliser sa Bête Amphibie pour le détruire. Ce duel ne se profile pas bien du tout ! Je joue beaucoup trop défensivement en cherchant davantage à me protéger de ses attaques qu'à le combattre moi-même.

- « Je pioche ! Je sacrifie Mercure, Agent de la Sagesse pour invoquer Parshath le Chevalier du Ciel [1900|1400] ! Parshath, détruis son Grand Blanc [1600|800] ! »

Aucune carte piège à l'horizon, les points de vie de mon adversaire retombent à 3200, ce qui me donne l'avantage mais uniquement de ce point de vue.

- « Lorsque Parshath parvient à t'infliger des dégâts, j'ai le droit de piocher une carte. Et je termine mon tour. »

Plus les tours défilent, plus je remarque les faiblesses de mon deck. Les cartes clés ne reposent au fin fond du tas de cartes.

- « A moi de jouer ! Et tout d'abord, je vais détruire ton Chevalier du Ciel avec ma Bête Amphibie [2400|2000]. »

Et donc me faire perdre 500 points de vie. Il pose une nouvelle carte phase cachée et c'est de nouveau mon tour. Je pioche et tâche de ne pas montrer à ce type qu'il a clairement l'ascendant sur ce duel.

- « J'invoque Meltiel, Sage du Paradis [1600|1200] en mode défense et je termine mon tour.

- Ce duel est beaucoup trop ennuyant. Un seul monstre de niveau 6 et tu te retrouves à sacrifier toutes tes cartes. Il est grand temps d'en finir. J'active la carte magie de terrain Umi ! »

Sans savoir pourquoi, les vagues qui s'écrasaient contre le port s'agite de plus en plus, au point de déverser de l'eau sur le terrain. As-tu vraiment prévu tout ça, Seto Kaiba ?

- « A compter de maintenant, tous mes monstres de type poisson, serpent de mer, tonnerre et aqua profiteront d'un bonus d'attaque et de défense de 200 points. D'ailleurs, ma Bête Amphibie va te faire l'honneur de te le montrer ! [2600|2200] J'invoque ensuite mon Démon Kraken [1400|1600] depuis ma main. En temps normal, son attaque n'est que de 1200, mais grâce à Umi, il va pouvoir détruire ton monstre ! »

Beaucoup de blablas pour annihiler tout ce qui me restait de défense sur ce terrain.

- « Bête Amphibie, attaque directement ses points de vie ! »

Bon sang, qu'est-ce que c'est impressionnant pour un simple hologramme ! Lorsque la bête se jette sur moi, je manque de prendre mes jambes à mon cou et déguerpir d'ici, quitte à abandonner Zoé sur le côté.

Mon disque de duel affiche désormais le magnifique résultat de 400 points de vie, tandis que lui se trouve toujours à 3200 points. Avec un peu de chance, je pourrai retourner chez moi avant la tombée de la nuit.

- « A ton tour. »

Tiens, peut-être quelque chose qui peut me tirer d'affaires.

- « Active la carte magie Elégante Charité, qui me permet de pioche 3 cartes à condition d'en envoyer 2 directement au cimetière. »

Au moins, cette carte me permettra d'échanger des cartes inutiles en l'instant présent pour de nouvelles. Bingo, ma carte fétiche a enfin décidé de se montrer.

- « Je pense que j'ai de quoi pimenter la partie finalement.

- Vraiment ? Tes larmes auraient pourtant suffi.

- Très drôle. Tout d'abord, je vais invoquer Vénus, Agent de la Création [1600|0] en mode attaque.

- Beaucoup trop faible.

- Je n'ai pas fini. Ensuite, je décide de retirer deux monstres lumières de mon cimetière pour invoquer spécialement l'une de mes meilleures cartes : Âme de pureté et de lumière [2000|1800] ! »

Ma carte maîtresse apparaît sur le terrain. Ce monstre atteignant seulement les 2000 points d’attaque représente un esprit féminin aux cheveux longs et blancs. D’immenses ailes d’ange recouvrent son corps frêle. Tout en admirant l’hologramme de mon monstre fétiche, je ne manque pas de remarquer les gloussements du drôle de type.

- « Je pose une carte face caché et je termine mon tour.

- Quoi, c'est tout ? Tout ce que tu as accompli, c'est de mettre tes derniers points de vie à ma merci ! Bête amphibie [2600|2200], détruis son Agent de la Création ! Tu vas pouvoir me rendre ce disque de duel !

- Sauf si j'active la carte magie Fontaine du Ciel. Lorsqu'un de mes monstres est détruit au combat, je le retirer pour ajouter l'équivalent de ses points d'attaque à mes points de vie ! »

Ainsi, avant le calcul des dommages, je récupère 1600 points de vie avant d'en subir 1000. Heureusement, la carte Fontaine du Ciel est une carte de magie continue, je pourrai donc m'en resservir à chaque tour.

- « Je vois. A ton tour.

- Alors, on ne dit plus rien ? »

A l'instant où je pioche une nouvelle carte, une petite idée germe dans mon esprit. Dans l'état actuel du duel, je ne pourrai jamais détruire sa Bête Amphibie. De plus, étant donné que j'ai pioché plus de cartes que lui, récupérer des points de vie jusqu'à la fin du duel ne m'aidera pas, mon deck sera totalement épuisé avant le sien.

- « Je termine mon tour.

- Ce tour sera le dernier. Je pioche ! Si tu pensais gagner du temps avec ta carte magie, je pense que tu as oublié quelque chose, si mon monstre a une attaque assez élevée, même récupérer des points de vie ne suffira plus à te protéger de la défaite ! »

Au contraire, je le sais.

- « Bien, j'active la carte magie équipement Puissance du Mage ! Tu dois te demander ce qu'une telle carte fiche bien dans un deck aqua comme le mien, mais c'est juste le trophée de ma première victoire en tant que futur finaliste du tournoi de Bataille Ville. »

La carte Puissance du Mage octroie au monstre équipé 500 points d'attaque pour chaque carte magie et piège sur le terrain. Si mes calculs sont bons, nous présentons un total de trois cartes ce qui ajoute 1500 points d'attaque à sa Bête Amphibie.

- « Ma Bête Amphibie possède désormais 4100 points d'attaque ! Ce duel est terminé, Bête Amphibie, réduis Âme de Pureté et de Lumière en cendres ! »

Mon cœur s'emballe, c'est le moment ! D'un geste hésitant, je brandis une carte de ma main vers le monstre aquatique. Celle-ci scintille de mille feux et réagit à la présence de mon monstre. Âme de Pureté déploie ses ailes et annihile la Bête Amphibie d'un battement de ses ailes d'ange.

- « Q-Quoi ? Qu'est-ce que tu as fait ? Pourquoi tes points de vie sont-ils toujours à 1000 ? Ils devraient être à 0 !

- Cela aurait été le cas si je n'avais activé l'effet de mon monstre Ange de Loyauté [1100|1900]. Lorsque mon adversaire attaque l'un de mes monstres lumières, je peux envoyer cette carte de ma main au cimetière pour ajouter aux points d'attaque de mon monstre l'équivalent de ceux de l'autre monstre. Mon Âme de Pureté a donc atteint les 6100 points d'attaque. »

L'écart entre nos deux monstres a été réduit à 2000 points. Cependant, lorsque le garçon jette un œil à son disque du duel, il me lance un regard foudroyant.

- « Mes points de vie devraient être à 1200 et non 900. Tu as triché !

Quelque peu amusée par sa soudaine colère – en parfait contraste avec son comportement durant tout le duel – je secoue la tête et indique mon monstre du doigt.

- « C'est grâce à la capacité spéciale d'Âme de Pureté et de Lumière. Lorsqu'elle attaque, tous tes monstres perdent automatiquement 300 points d'attaque. »

Cette fois-ci, j'ai récupéré à la fois l'avantage sur les points de vie, mais également au niveau des monstres sur le terrain. C'est simple, il ne reste plus que mon Âme de Pureté [2000|1800].

- « C'est à mon tour. Âme de Pureté et de Lumière, réduis ses derniers points de vie à néant ! »

Une ultime frayeur me parcourt quand je songe au possible piège qu'il pourrait me ressortir, mais mes doutes disparaissent lorsque son disque de duel atteint enfin le 0.

- « J'ai gagné. »

Malgré le sourire victorieux que je peine à cacher, je ne comprends pas comment j'ai réussi à le battre avec l'énorme erreur commise en début de duel. J'envoie valser son petit frère qui braille toujours pour récupérer son disque de duel pour lui demander mon rendu.

- « Allez, tiens et laisse-nous tranquille.

- Mh... Dis donc, Kaiba n'a-t-il pas précisé que nous devions mettre nos meilleures cartes en jeu ?

Il me foudroie du regard.

- Tu plaisantes, j'espère ? Tout d'abord ton amie rackette mon petit-frère et maintenant tu veux me dépouiller de mes cartes ?! »

Au début du duel, je n'avais pas réfléchi à cette règle énoncée plus tôt dans la journée. Pourtant, après l'avoir vu jouer une certaine carte, j'ai bien envie d'en profiter. Sans me soucier de ce pauvre type, j'attrape son paquet de cartes dans son disque de duel et récupère sa carte magie d'équipement Puissance du Mage.

- « Hey !

- Les cartes de localisation.

- Comment ça, « les » ?

- Tu as dit plus tôt que tu avais déjà combattu un autre duelliste. C'est comme ça que ça marche, tu ne voudrais pas que je porte plainte auprès des organisateurs pour non-respect des règles, n'est-ce pas ? »

Bien qu'il aurait pu porter plainte à son tour pour vol de disque de duel, le mec cède d'un air dépité et me tend ses deux cartes translucides. J'aurais juré avoir vu des larmes au bord de ses yeux.

- « Viens, on rentre.

- Mais grand...

- Tais-toi, on rentre. »

Sourd aux braillements du gamin, il finit par le trainer par le col de son manteau, s'éloignant peu à peu à l'autre du bout du port.

Le temps du duel aura au moins permis à Zoé de se reposer. Je m'accroupis à côté d'elle et enroule son bras pour la soulever et rebrousser chemin depuis le port.

- « Je te l'avais dit.

- Un mot de plus et tu te démerdes pour rentrer. »

Son rire cynique m'en arrache un autre. Quelle idiote, se mettre de tels états pour me prouver que j'ai tort... Le soleil s’est éclipsé depuis un moment, mais je suis persuadée que d'autres duels se jouent aux quatre coins de la ville. D'une allure lente et boiteuse, nous entrons enfin dans des rues plus fréquentées.

- « J'ai essayé de t'appeler avant le duel, comme tu n'as pas décroché, j'ai bien cru que tu ne viendrais jamais.

- Mon téléphone ! Il est tombé de ma poche quand j'ai couru... »

Je pleure la perte de cet être tant aimé. Mes chances de le retrouver par terre sont si infimes que je rechigne le moindre coup d'œil sur le bitume.

- « Au moins, la patronne ne pourra pas te joindre. »

La patronne. Le bar. Plein. Les gens dans le bar. La clé. Les gens enfermés à clé dans le bar.

- « J'ai enfermé les clients à clé dans le bar ! »

Cette fois, je n'y échapperai pas, je suis officiellement renvoyée du Tam-Tam. Plus nous nous rapprochons de ce dernier, plus les rues sont bondées et les lumières d'alerte d'un camion de pompier bloquent le passage piétonnier. Préférant éviter à Zoé un bain de foule, je nous décale sur le côté, prête à laisser cette histoire de clé de côté jusqu'à demain. C'était sans compter sur des passants eux aussi intrigués par le raffut.

- « Il paraît que des gens étaient enfermés dans ce bar à cocktails tu sais ?

- Non, sérieux ?

- Oui, l'un d'eux a dû appeler les pompiers pour défoncer la porte ! Tu imagines, c'est une serveuse qui les a enfermés. »

Les nouvelles vont vite, à ce que je vois. Ceci clôture définitivement cette journée beaucoup trop longue à mon humble avis. Effrayée à l'idée de croiser la route de la Boss, je resserre mon emprise sur les hanches de Zoé et tourne les talons, direction la gare.

- « Tu comptes m'expliquer comment tu t'es retrouvée aussi amochée ? »

Seul un léger ronflement me répond, elle se moque de moi ? Pourtant, son visage si paisible s'est belle et bien fermé, emporté par le sommeil. Tandis que je l'installe à mes côtés dans le dernier train en direction de chez moi, je songe au fait que, sauf une série de détails futiles, je ne connais pas grand-chose sur Zoé. Par exemple, où elle habite.

- « Si tu crois t'en sortir en dormant, c'est bien mal me connaître. »

A moitié affalée contre mon épaule, Zoé semble dormir profondément. Naturellement, je calque ma respiration sur la sienne, prête à m’endormir à ses côtés. Une dizaine de minutes s'écoulent jusqu'au prochain arrêt, le nôtre. Sans téléphone, impossible de prévenir ma mère qu'une squatteuse va occuper mon lit cette nuit. Elle aura la surprise demain matin. Mais comment je vais justifier toute cette merde à la patronne du Tam-Tam ? « Bonjour Madame, au fait, concernant les pompiers qui ont détruit la porte du bar hier, vous allez rire mais c'est une très longue histoire ! »

- « Aucune chance que cela fonctionne. » Je bredouille en descendant du train.

Chaque scénario défile dans mon esprit, pas un seul ne me paraît agréable. Si mon téléphone n'était pas tombé de ma poche durant ma course, qui sait si elle ne m'aurait pas harcelée jusqu'à ce que je réponde. Finalement, il s'agit peut-être d'un coup de chance du destin.

- « Eh ! »

Dans mon dos s'élèvent des bruits de pas précipités dans ma direction. Prise de panique, je sursaute et me tourne avant de trébucher en arrière, emportée par le poids brut de Zoé dont j'amortis le choc.

- « Ah, je t'ai fait peur ? »

Affalée sur le bitume de la rue marchande, je ne prête pas attention à ce type qui a jugé bon de me crier dessus en début de nuit. Eh merde, je crois que mon bas s'est déchiré dans ma chute. Il ne manquait plus que ça pour combler ma journée. Je me mets alors à grogner tout bas.

- « Qu'est-ce que j'ai fait de mal, à part voler le disque de duel d'un gosse, pour mériter ça ?

- Rien de cassé ? »

Au bout de la troisième fois, mon interlocuteur réussit à capter mon attention. Je tombe nez à nez avec cette grande asperge de Joey, accroupi devant moi.

- « Non, ça devrait aller, je pense. »

Je suis vide de toute énergie, trop vide pour lui rappeler son mensonge de la veille devant ses amis au bar. Au risque de me tromper sur sa personne, je suis bien obligée d'admettre que sa présence au beau milieu de cette rue inhabituellement déserte me rassure.

- « Je vais t'aider.

Mais à peine ai-je attrapé main qu'il me tendait qu'une violente douleur me force à lâcher prise. Une nouvelle chute.

- « Il y a des moments dans ma vie où je préférerai mourir plutôt que d'affronter la réalité. »

Il en a fallu peu pour que Joey se moque de moi, tout en agrippant mon autre poignet pour me redresser.

- Tu es aussi maladroite en vrai qu'au duel de monstres. »

Je le laisse me relever sans la moindre réticence. Ai-je bien entendu ?

- « Pas possible ! Tu m'as vue ?

- Totalement par hasard, ce gosse qui chouinait pour son disque de duel s'est fait voler par ton amie, c'est ça ? »

J'acquiesce, l'image en tête de Zoé extirpant des mains d'un enfant un appareil comme n'importe qui l'aurait fait pour un IPhone. Tel l'homme de la situation, Joey relève aisément la jeune brune et se tourne vers moi.

- « Je te raccompagne ? »

Ma première pensée est de refuser, quitte à trainer ce corps jusqu'à chez moi, ce qui représente tout de même une sacrée trotte. D'un autre côté, ce type m'a vue jouer et pourtant, ne s’avère pas aussi désagréable que je ne l’aurai cru.

- « Ce n'est pas trop loin pour toi ?

- Si je te propose. Tu es peut-être un danger public, mais ce serait malvenu de te laisser dans ce pétrin. »

Evidemment, j'ai parlé beaucoup trop vite. Bras croisés en-dessous de ma poitrine, je prends une grande inspiration et reprends ma marche.

- « Alors toi aussi, tu es un duelliste ?

- Et comment ! J'ai fini 3ème au tournoi du Royaume des Duellistes tout de même.

Ce mec, chez Pegasus ? Pas possible, c'est sûrement un autre mensonge.

- Tu te moques de moi, pas vrai ?

- Pas du tout. Tu ne t’en rends certainement pas compte, mais c’est un véritable champion qui se trouve à côté de toi en ce moment-même ! Même si c’est aussi grâce à mon ami Yugi. Il était au bar avec moi l'autre soir. »

...Pardon ? Hier soir le grand Yugi Muto se trouvait dans le Tam-Tam ? Une minute, ce ne serait pas l'autre adolescent aux cheveux en étoile ?

- « Tu as l'air vraiment surprise.

- Tu m'étonnes ! Yugi Muto est en train de devenir une véritable icône chez les débutants au duel de monstres. On raconte même que Kaiba aurait organisé le tournoi de Bataille Ville pour l'affronter une nouvelle fois. »

Ces rumeurs, je les ai lues sur des forums du site de duel. Plusieurs postes concernant la défaite de Seto Kaiba contre le champion en titre ont été supprimés par l'administrateur lui-même.

- « J'ai été surpris de te voir jouer tout à l'heure, mais quelque chose m'échappe : tu participes au tournoi ou pas ? »

Nous poursuivons notre marche dans le silence. Moi-même incapable de répondre à cette question, je n’y ai pas réellement réfléchi lors de ce premier duel. Ai-je vraiment envie d'y prendre part quand on connait les desseins de Kaiba ? Finalement, devant mon absence de réponse, c'est Joey qui brise le silence au bout de quelques minutes.

- « J'y participe pour prouver à Yugi que je suis capable de parvenir en finale et de l'affronter en duel.

Je lève un sourcil face à sa détermination.

- C'est un peu bizarre comme but. »

Je tâche de ne pas paraître dure dans mes mots, n'ayant pas particulièrement envie de le froisser. Pas ce soir.

- « Tu trouves ? Moi je pense que c'est un but génial. Pourquoi tu rigoles ? »

Nerveusement, je me suis mise à rire tout bas. Un rire gêné dissimulé derrière ma main. Ce garçon est définitivement bizarre. Pourquoi n'affronte-t-il pas directement son ami en duel, plutôt que d'attendre un tournoi pour le faire ?

- « Pour répondre à ta première question, je ne sais pas si je compte participer au tournoi de Bataille Ville. Je n'ai certainement pas le niveau pour atteindre le peloton de tête.

- Pourtant je t'ai trouvé bonne. »

L'usage des mots de Joey laisse clairement à désirer. Malgré moi, je sens mes joues chauffer et dévie le regard pour ne pas qu'il aperçoive mon visage rougi. Lui, par contre, n'a pas l'air d'avoir remarqué quoi que ce soit.

- « On est arrivé. »

En effet, ma maison se profile au bout de la rue. Je propose à Joey de récupérer Zoé, toujours plongée dans un sommeil profond. Quand je repense au chemin que nous venons de parcourir. Même si c’est un menteur et un vantard de catégorie une, je ne peux qu'être reconnaissante envers lui.

- « Merci.

- Il n'y a pas de quoi. Au fait, avant que tu ne me prennes pour un mec bizarre à t'avoir suivie, je voulais te rendre ça. »

Après avoir rapidement fouillé dans la poche de sa veste, Joey me ressort un téléphone portable noir, quelque peu abimé sur les bords.

- « Mon téléphone ? Tu l'as retrouvé ?

- Il était par terre dans la rue. C'est bien toi sur le fond d'écran, n'est-ce pas ? »

Pour confirmer ses dires, j'allume mon portable, affichant une photo de ma mère et moi, prise à l’aéroport de Zaventem, avant notre départ pour le Japon.

- « Oui, je pensais l'avoir vraiment perdu. Je ne sais pas quoi dire.

L’idée que ce soit lui qui me l’ait rapporté se révèle extrêmement gênant.

- Un simple merci suffira. »

Il a raison. Veillant à ne pas lâcher Zoé collée à ma hanche, je me penche légèrement en avant.

- « Merci.

- Ça me fait penser, on n'a pas vraiment été présentés malgré toutes les fois où on s'est croisés. Moi, c'est Joey Wheeler.

Ne t'inquiète pas, j'ai largement eu le temps d'apprendre ton prénom. Les yeux fixés dans les siens, je lui présente ma seule main libre.

- Lorène Yuurei. »

Il n'hésite pas à glisser sa main dans la mienne, d'une douceur pour ne pas réveiller la douleur de mon poignet. Pourquoi sa main est-elle si chaude comparée à la mienne ? J'ai vaguement l'impression qu'une bouillotte recouvre toute ma peau, c'est plutôt agréable. Lorsqu'il retire sa main, je manque de la reprendre juste pour allonger ce moment.

- « Bon, il se fait tard, je pense que tu devrais aller coucher ton amie.

- Soso, elle s'appelle Soso. »

D'un bref geste de la tête, Joey me souhaite d'une bonne soirée puis rebrousse chemin. J'espère que ce détour ne lui causera pas trop de soucis. Je baille. Il est grand temps pour nous de mettre un terme à cette journée presque cauchemardesque. Une fois à l'intérieur de la maison, je veille à ne pas réveiller ma mère en hissant Zoé en haut des marches. La diode de mon téléphone clignote en permanence, mais je n'ai pas l'énergie de m'occuper de tout ça aujourd'hui. C'est lentement et lourdement que je m'effondre sur mon lit, toujours affublée de mon uniforme du Tam-Tam – sûrement pour la dernière fois.

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