La voie du chasseur: Les pérégrinations d'une chasseresse Sin'dorei
Chapitre 2 : La quatrième guerre (première partie)
2925 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 18/08/2024 21:11
Faëline passa le portail et arriva dans la salle du Grand Sceau. Furieuse, elle se rendit directement dans ses appartements. Ce matin-là, quand la jeune trollesse qui lui apportait son petit déjeuner lui signala que Valeera Sanguinar souhaitait lui parler, elle n'aurait jamais imaginé terminer sa journée de la sorte.
En effet son homologue lui apprit qu'elle était conviée à la réunion de crise concernant N'Zoth qu'Anduin Wrynn tenait à Hurlevent. La chasseresse avait alors rejoint Baine Sabot-de-sang dans la capitale de l'Alliance. Elle n'avait cependant pas prévu l'arrivée de l'Orateur avec un nouveau conseiller. Irion se tenait fièrement aux côtés de Magni, un sourire triomphant sur le visage, se pavanant comme s'il ne s'était rien passé depuis le procès de Garrosh Hurlenfer. Le sang de la Sin'dorei ne fit qu'un tour quand elle le vit s'approcher et une partie d'elle jalousa un peu le jeune roi quand ce dernier balança un joli crochet dans la pommette du Dragon. Malheureusement pour l'elfe, cela ne doucha en rien la suffisance du Prince Noir qui, à la fin de l'entrevue et sans lui demander son avis, la convia (bien que cela ressembla plus à une exigence) à les rejoindre l'Orateur et lui en Silithus.
Fulminant toujours contre le fils d'Aile-de-Mort, le Maître-chasseur s'était mise à entasser ses affaires dans son sac quand elle attrapa le livre qu'elle avait commencé à rédiger.
Un sourire mesquin accroché au lèvres, elle ressortit son encrier et s'installa à table. Après tout, le « Prince » pourrait bien attendre quelques heures de plus. Il était grand temps pour l'elfe de sang de coucher sur le vélin le début de toute cette histoire.
*****
Tout commença peu de temps après que l'épée de Sargeras fut plantée en Silithus. Les gobelins comprirent rapidement que la mystérieuse matière qui jaillissait de la plaie pouvait être source de profits substantiels. L'azérite, comme elle fut appelée, engendra bien des convoitises et fournit à la Reine Banshee un excellent prétexte à ses sombres projets.
En effet, leur dirigeante ne laissa que peu de temps aux armées de la Horde pour se remettre de l'invasion de la Légion Ardente avant de déclarer ouvertement la guerre à l'Alliance. De par ses exploits, Faëline avait reçu l'immense privilège de faire partie des collaborateurs de sa cheffe de guerre. C'est ainsi qu'avec Varoc Saurcroc, elle se retrouva aux premières loges pour assister au plus grand génocide de tous les temps : l'incendie de Teldrassil.
Sylvanas avait envoyé une partie des forces de la Horde en Silithus pour faire diversion et occuper l'Alliance. Le plus gros des troupes marchait quant à lui sur Orneval. La résistance des elfes de la nuit fut âpre mais malgré tous leurs efforts, ils finirent par être repoussés aux confins de Sombrivage.
Menant l'assaut contre le village de Lor'danel, Faëline refusa d'assassiner de sang-froid les elfes qui s'y trouvaient encore, faisant d'eux des prisonniers de guerre avant de rejoindre le Haut-Seigneur Saurcroc dans les bois environnants. Elle le trouva face à Tyrande qui tentait de soigner la blessure de son époux. La Grande prêtresse d'Elune était dans une colère noire et vitupérait contre l'orc. Celui-ci, horrifié par le manque d'honneur dont il avait fait preuve en attaquant Malfurion Hurlorage dans le dos, subissait la diatribe sans broncher. La chasseresse aurait pu se saisir de son arc et tirer sur les deux dirigeants Kaldorei mais elle n'en fit rien, leur permettant d'utiliser une pierre de foyer, sauvant ainsi leurs vies.
Après cet échec, Sylvanas Coursevent accueillit le vétéran orc d'un regard glacial mais ne se détourna pas de son but. Elle échangea quelques paroles avec unes des sentinelles agonisant sur la plage et ordonna l'embrasement de l'arbre monde. Faëline resta sans voix. Elle aurait voulu hurler son incompréhension mais était comme pétrifiée, incapable du moindre geste. L'odeur de brûlé, les cris des habitants, l'horreur de la scène qui se déroulait sous ses yeux laissèrent la Sin'dorei dans un état cataleptique qui mit du temps à se dissiper. Elle entendit à peine les mots que sa cheffe de guerre lui adressa et qui la mettait en garde contre les représailles que l'Alliance ne tarderait pas à lancer.
Ce n'est que bien après le départ de la Reine Banshee que le Maître-chasseur sortit de sa léthargie. Elle se dirigea vers le camp de prisonniers. Ces derniers avaient assisté impuissants à la destruction de leur foyer. Le visage fermé et les yeux brillants de larmes contenues, elle s'approcha de la cage et devant tous ces regards accusateurs et silencieux, baissa honteusement la tête. Avant de s'éloigner, l'elfe de sang fit « accidentellement » tomber la clef de leurs entraves au travers des barreaux.
Varoc Saurcroc, qui n'avait rien perdu de la scène, ne releva pas son geste, se contentant de l'accompagner jusqu’au palefrenier qui avait pris soin de préparer son loup-faucon.
- Où comptez-vous aller ? S'enquit-il de sa voix grondante.
- À Lune-d'Argent. Je souhaite revoir ma patrie au cas où nos ennemis la prendraient pour cible de leur riposte.
La contre-attaque ne se fit pas attendre mais ce fut Fossoyeuse qui l'essuya de plein fouet. Là encore, la chasseresse assista impuissante à un véritable massacre. Les réprouvés utilisèrent une de leur souche de peste sur le champ de bataille et celle-ci emporta sans distinction ennemis et alliés. Seule l'intervention impromptue de Jaina Portvaillant permit à l'Alliance de s'emparer de l'ancien cœur du royaume de Lordaeron.
Le Grand chef tauren Baine Sabot-de-sang était en colère contre les agissements de Sylvanas. L'implacable Banshee, qui n'avait pas hésité à abandonner Varoc Saurcroc à une mort certaine, lui rétorqua qu'il s'agissait du choix de l'orc lui-même mais qu'il était libre de le rejoindre s'il le désirait.
Faëline et Baine n'eurent d'autre choix que de laisser le Haut-Seigneur aux mains de leurs adversaires et d'assister à la contamination de ce qui était encore quelques heures plus tôt la capitale des morts-vivants de la Horde. Le Maître chasseur allait de désillusion en désillusion. La Dame Noire souillait tout ce que représentait la Horde aux yeux de la Sin'dorei mais contester les actions du Chef de guerre était synonyme d'une mort assurée. L'elfe se contenta donc de se taire et continua d'obéir, bien que sa loyauté envers celle qui était autrefois une héroïne pour son peuple fondait comme neige au soleil.
La chasseresse put profiter d'un court répit lorsqu'elle fut convoquée en Silithus par l'Orateur en personne. Elle découvrit alors la Chambre du Cœur et la tragédie qui touchait leur chère planète. C'est à ce moment qu'Azeroth fit d'elle son Champion. Malheureusement la dure réalité de la guerre la rattrapa et sa fidélité envers sa dirigeante fut définitivement remise en cause lors d'une mission à haut risque à laquelle elle participa.
- Vous vous introduirez dans la prison de Hurlevent pour y libérer deux détenus de grande valeur ! Tels furent les ordres de la Reine Banshee.
Un groupe restreint fut constitué, composé des meilleurs éléments de la Horde. Le plan avait été minutieusement préparé et pourtant un grain de sable s'était pris dans l'engrenage. La cité humaine était en état d'alerte, la sécurité avait été renforcée et les mages de bataille s’avérèrent extrêmement efficaces. Heureusement l'expédition ne fut pas un fiasco total. Rokhan, la princesse Talanji et le prophète Zul avaient réussi à s'enfuir avec l'aide de Thalyssra et de Nathanos. Faëline savait que sa capture n'aurait pas dû avoir lieu. Le Flétrisseur avait été très clair : en cas de problème, une fiole de poison devait empêcher toute tentative d’interrogatoire. L'elfe de sang avait commis une erreur. Lorsque le piège s'était refermé sur elle, la Sin'dorei avait eu un instant d'hésitation. Les paroles de Saurcroc, lorsqu'il avait refusé leur aide, tournaient en boucle dans son esprit. Était-elle vraiment prête à mourir pour son chef de guerre ? Non. Depuis l'incendie de Teldrassil, la chasseresse avait perdu toute estime pour Sylvanas Coursevent. Les quelques secondes que lui prirent cette réflexion permirent aux gardes de subtiliser la fiole mortelle et de les enchaîner elle et ses familiers. L'elfe était maintenant enfermée dans un des cachots, attendant patiemment l'heure du jugement.
On lui avait attaché les poignets à des chaînes pendant au mur et suffisamment hautes pour qu'elle ne puisse pas soulager ses épaules. Ses bras la faisaient souffrir mais elle aurait préféré s'arracher la langue plutôt que de supplier un humain de la détacher.
Un grincement, une clef que l'on tourne dans une serrure mal huilée, attira l'attention de la chasseresse. Elle fixa ses yeux d'un vert flamboyant sur la lourde porte en bois bardée de métal. Faëline réprima une grimace lorsque celle-ci s'ouvrit pour laisser passer un homme à la chevelure argentée. Genn Grisetête, le roi worgen en personne, venait se charger de son interrogatoire. Mais le vieux loup n'était pas seul. Le rythme cardiaque de la Sin'dorei s'accéléra quand son regard rencontra celui du jeune roi de Hurlevent. Elle avait fait la connaissance d'Anduin Wrynn trois ans plus tôt lors de son séjour sur le continent de Pandarie. Il n'était alors qu'un lionceau idéaliste. L'elfe avait appris à apprécier le garçon rêveur et utopiste. Elle s'était même laissée aller à penser que le jour où il deviendrait roi, il pourrait bien obtenir cette paix qu'il désirait tant. Mais ça, c'était avant la nomination de la Reine Banshee comme cheffe de guerre de la Horde.
- Le Maître chasseur en personne ! La voix de Grisetête claqua dans le silence de la prison. Cette vipère de banshee n'a pas hésité à nous envoyer la fine fleur de son armée.
Dans la bouche du vieil homme, cette remarque était tout sauf un compliment. Il allait poursuivre ses invectives mais le Haut roi l'interrompit d'un geste.
- Je me charge de questionner notre prisonnière ! Déclara le jeune homme sans quitter l'elfe des yeux. Rentrez au donjon, je vous y rejoindrai lorsque j'aurai terminé.
- Mais enfin mon garçon vous n'y pensez pas! S'indigna le worgen.
- Contesteriez-vous mes ordres ? Demanda Anduin d'une voix glaciale.
- N... non ! Se résigna le Gilnéen en quittant la cellule.
Une fois son conseiller parti, le jeune homme s'adressa aux gardes :
- Surveillez l'entrée menant à ce couloir. Je ne veux être dérangé sous aucun prétexte !
*****
Escortée par deux gardes, Faëline fut menée jusqu'au lieu de son procès. Ses poignets, toujours entravés, la torturaient mais elle n'en montra rien. Impassible, elle pénétra dans la salle où attendaient les représentants des différents peuples de l'Alliance ainsi que quelques agents du S.I.7 triés sur le volet.
La séance se déroula à huis clos. Le jeune souverain de Hurlevent espérait ainsi tenir le plus éloignés possible les espions de la Horde. L'imposant trône sur lequel siégeait le roi n'en était pas moins majestueux avec ses quatre lions d'or et ses vitraux bleus et en toute autre circonstance, la Sin'dorei aurait pu apprécier la visite. Quand son regard croisa celui de Genn Grisetête, la chasseresse serra les dents et les traits de son visage se crispèrent. Elle continua néanmoins sa progression avant de s'arrêter devant Tyrande et Malfurion. Comme elle l'avait déclaré un peu plus tôt à Anduin, ils étaient les seuls dont elle accepterait le jugement. Le lourd silence qui s'était installé fut brisé par la voix claire du roi Wrynn.
- Maître chasseur Faëline Étoiledusoir, vous n'ignorez pas la raison de votre présence ici ?
L'elfe se tourna vers le fils de Varian mais ne desserra pas les lèvres, se contentant d’acquiescer. Ce manquement au protocole provoqua des murmures consternés et indignés qui se répandirent parmi les personnes présentes. Le jeune homme n'en prit cependant pas ombrage et récita la liste des griefs qui étaient reprochés à la chasseresse.
- Que plaidez-vous ? Finit-il par demander après une courte pause.
- Nous sommes en guerre, la seule chose dont je suis coupable est d'avoir obéi aux ordres.
- Vous reconnaissez donc être complice de la destruction de la civilisation Kaldorei ?! La voix de Tyrande vibrait d'une colère difficilement contenue. Et vous acceptez donc la sentence réservée aux meurtriers ?
L'elfe de sang soutint le regard de la Grande prêtresse d'Elune. Une part d'elle comprenait l'épouse de l'archidruide Hurlorage car cela lui avait rappelé la tragédie du Puits de soleil.
- Je l'accepte. Finit-elle par répondre.
- Il semblerait pourtant que vous ne soyez pas le monstre que vous voulez nous faire croire.
Cette fois, c'était Malfurion qui lui avait adressé la parole. L'imposant elfe de la nuit était bien plus grand qu'elle mais la Sin'dorei ne se laissa pas impressionner et resta stoïque.
L'archidruide poursuivit :
- Des survivants de Lor'danel nous ont affirmé que vous leur aviez sauvé la vie. Faire des prisonniers contre l'avis de votre supérieure et puis leur donner la clef leur permettant de s'échapper, cela ne semble pas correspondre à votre version des faits. Certains réfugiés ont même affirmé avoir vu briller des larmes dans vos yeux...
- La fumée était âcre ; quant à la clef, une simple maladresse de ma part.
- Assez ! Fit Anduin, excédé par l'obstination du Maître-chasseur. Cessez de vous faire passer pour ce que vous n'êtes pas ! Si vous aviez réellement foi en Sylvanas Coursevent, vous n'auriez pas hésité à boire la fiole de poison qui vous avait été remise et nous ne serions pas là aujourd'hui.
- Finissons-en ! Lança Tyrande d'une voix dure. Parce que je ne mets pas en doute la parole des témoins et parce que vous nous avez laissé partir mon époux et moi alors que vous auriez pu nous tuer, je vous laisse le bénéfice du doute... Pour cette fois... Murmura-t-elle glaciale. Mais mettez-vous une nouvelle fois sur mon chemin et je prendrai votre vie moi-même.
Elle quitta alors le procès, suivie rapidement par tous ceux qui y avaient assisté. Le dernier à sortir fut le souverain de Gilnéas, frustré par le verdict qui venait d'être rendu.
S'attendant à ce que les gardes l'emmènent à nouveau, Faëline ne put cacher sa surprise lorsque Anduin Wrynn l'escorta jusqu'au jardin privé situé près de la salle du trône. Là deux immenses cages, d'où s'élevaient feulements et grondements indignés, les attendaient.
- Comme vous pouvez le constater, nous avons pris soin de vos félins. Fit le jeune homme en désignant le lion noir et le sabre de mana encore enfermés.
Le souverain ouvrit prudemment les verrous et laissa sortir les fauves qui rejoignirent immédiatement la chasseresse.
Les soldats qui avaient accompagné le roi pour assurer sa sécurité portèrent la main à l'épée, prêts à réagir au moindre signe d'attaque de la part des deux prédateurs.
Mais ces derniers ne semblaient pas s’intéresser à Anduin et ne bronchèrent pas lorsque celui-ci s'approcha de la Sin'dorei pour lui ôter ses fers. L'elfe grimaça de douleur quand ses poignets meurtris retrouvèrent leur liberté.
Abandonnant pour quelques instants son statut de roi au profit de celui de prêtre, le jeune humain se mit à incanter un sort de soin pour la soulager. Le Maître-chasseur sentit une douce chaleur l'envahir et apaiser son âme tandis que les prières guérisseuses résonnaient dans le calme des lieux. La lumière fut bientôt si éblouissante que l'elfe de sang dût fermer les yeux. Quand elle les rouvrit, Anduin était toujours auprès d'elle.
- Il va me falloir un peu de temps pour m'y habituer ! Fit-il, énigmatique. Mais cela vous va très bien ! Ajouta-t-il avec un sourire.
Soudain suspicieuse, Faëline chercha un moyen d’apercevoir son reflet.
Sur un signe de son dirigeant, un des soldats présenta son arme à l'elfe qui resta coite devant ce qu'elle vit s'y refléter. Elle frotta doucement ses paupières pour vérifier qu'elle n'avait pas rêvé, mais non : sur le métal poli continuaient de briller deux yeux dorés.
Le Haut roi de l'Alliance était un élu de la lumière qui avait réussi à accomplir un miracle, là où tant de guérisseurs avaient échoué. Ses yeux ne redeviendraient probablement jamais bleus mais elle n'aurait plus à supporter ce vert gangrené qui lui déplaisant tant, car elle était désormais purgée des dernières traces de corruption qu'elle avait portées en elle.
*****
Faëline posa sa plume et sécha rapidement l'encre du dernier paragraphe qu'elle venait de consigner. Elle avait encore tant de choses à raconter mais cela devrait attendre encore un peu. Elle n'avait que trop retardé son départ pour Silithus.