La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 35 : La rencontre du passé

2495 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 6 mois

Chapitre 34 : La rencontre du passé.



Alors que le procès de Garrosh Hurlenfer touchait à sa fin, il lui avait été offert de pouvoir s'exprimer librement devant l'assemblée, après le discours de l'Accusatrice et du Défenseur.

Et Garrosh ne se priva pas d'alimenter encore davantage la haine que chacun lui vouait en clamant haut et fort qu'il ne regrettait absolument rien.


Et après un récit des plus méprisants et venimeux, la foule voulut se jeter sur lui, mais l'orc fut protégé par un énorme portail qui apparut tout à coup, après que Kairoz ait laissé la Vision du Temps se briser sur le sol. Depuis le portail, des guerriers, mages, assassins, et autres personnages, tous plus malveillants les uns que les autres, émergèrent.


Thrall et Varian se ruèrent vers l'extérieur du Temple, également attaqué, mais cette fois par des habitants d'Azeroth bien réels : le clan des Gueule-de-dragon, mené par Zaela en personne. Elle avait apparemment survécu à sa chute durant le siège d'Orgrimmar, et avait organisé le sauvetage de son Chef de guerre.


Le danger venait donc de partout, si bien qu'il fallut quelques minutes à ceux restés à l'intérieur pour comprendre le piège : Kairoz avait invoqué des doubles de chacun des participants au procès en brisant la Vision du Temps, afin qu'ils les attaquent. Chacun d'eux provenait d'une ligne temporelle alternative, et avait été choisi en fonction de son agressivité et de son hostilité.

Et tandis que tous se battaient, ils le virent auprès de Garrosh, en train de disparaître sous terre au moyen d'un sort.


Garrosh savourait le chaos qui se jouait devant ses yeux plissés de satisfaction. Ci et là, des cadavres gisaient déjà, décapités, mutilés, éviscérés. Mais les braves se battaient avec courage et honneur, ce qui força son respect.


Presque subjugué par la scène, il ne vit pas la forme furtive se dresser devant eux, et frapper son complice qui para d'un bouclier magique, dont il ajusta la portée pour que Keera ne les atteigne pas. Mais la princesse n'avait pas dit son dernier mot, et lorsqu'elle fut attaquée par un orc énorme, elle esquiva le coup de hache, lui prit des mains pour le frapper avec le pommeau, puis frappa la barrière magique à l'aide de sa tête.


Garrosh souriait devant le sang qui giclait sur le bouclier magique, et quand Keera comprit que la barrière ne céderait pas, elle laissa tomber le corps sans vie, et asséna le mur magique de coups de poing.

Elle dût frapper vite et fort pour l'effriter, et y passa une main pour attraper le bras de Garrosh. Elle tira fort pour le ramener, et sentit que l'orc avait lui aussi empoigné son bras.


  • Es-tu fou ? Lâche-là donc ! s'écria Kairoz qui scia la main de Keera au niveau du poignet à l'aide d'un sort arcanique.


Après un cri de douleur, Keera chancela en arrière, la main coupée, tandis que Hurlenfer disparut, la main encore accrochée à son bras.


Alors qu'elle se relevait, Keera fut rejointe par une femme étrangement familière. Elle venait de massacrer trois soldats humains en un claquement de doigt, et laissa tomber au sol la jambe de l'un d'entre eux.

Sa tenue ne ressemblait à rien de ce qu'elle connaissait. Une tunique en tissu blanc ceinturée au niveau de la taille, encadrée par des épaulières finement travaillées mais néanmoins imposantes, assorties au plastron cuivré, ainsi qu'aux bottes hautes qui la protégeaient du moindre choc. Armée de l'énorme épée qu'elle avait vu dans la vision de son passé, et dont le pommeau rappelait l'ensemble d'armure, son double arborait les mêmes yeux dorés, ainsi qu'une aura si maléfique que Keera tressaillit.


  • Nous voilà donc face à face, votre Majesté, dit son double dans la langue de leur peuple.


W


De toute évidence, son double venait aussi d'un passé alternatif. Comme tous les autres doubles invoqués, elle provenait d'une époque aujourd'hui révolue, et avait été choisie pour sa force et, assurément, sa malveillance.

Et alors que sa main repoussait, Keera dit :


  • Tu m'appelles Majesté, mais sais-tu seulement que notre peuple appartient au passé. Je ne suis la reine de rien du tout.
  • Parce que tu as échoué à les soumettre, cracha Sindri'la du passé. Par ta faute, ils sont tous morts.
  • Que sais-tu de mon passé ? s'écria Keera.
  • Le dragon de bronze m'a tout raconté, Sindri'la, répondit son double. Tu as tué notre mère, certes, mais tu n'as pas tué notre père.
  • Comment ? J'ai … j'ai tué notre mère ? demanda Keera, effarée.
  • Évidemment. C'était nécessaire N'as-tu donc aucun souvenir de ton passé ?


Keera hocha la tête de droite à gauche. Elle n'avait jamais eu aucun souvenir de son passé, en effet, malgré la vision que Baine avait montré durant son audition. Et si elle avait effectivement tué sa mère, il valait mieux ne rien savoir.


  • Attends, comment ça nécessaire ? demanda tout de même Keera.
  • Cessons de jaser. Voyons un peu ce que tu as dans le ventre, fit le double, un sourire narquois aux lèvres.


Keera n'avait pas d'arme, car aucune arme ni armure n'était tolérée durant le procès. Elle soutint donc sa garde, les poings levés, pour faire face à l'énorme épée que la Sindri'la du passé alternatif brandissait.

Il était très étrange de se retrouver face à son double. Et, bien que Keera notait quelques différences, les similitudes étaient évidentes. Et elle serait une adversaire coriace.


Souhaitant lui prouver qu'elle ne la craignait pas, Keera la chargea, et passa sous l'immense épée pour lui asséner un violent coup de poing dans le ventre. Surprise par une telle pratique, l'autre se massa le ventre, et prit de l'élan pour tenter de décapiter Keera à coup d'épée. La princesse esquiva de justesse, car l'arme était très longue, et son adversaire extrêmement rapide.

Elle fut néanmoins entaillée au niveau de l'épaule lorsque son double enchaîna avec un coup en oblique.


Keera trouva heureusement quelques armes au sol, et s'empara d'une hache qui servit à bloquer la nouvelle attaque de l'autre Sindri'la. À quelques pas de distance l'une de l'autre, elles reprenaient leur souffle.


  • On te dit redoutable, fit celle du passé. Je comprends pourquoi notre Gardien est intervenu pour t'arrêter. Ce sera un grand honneur pour moi d'achever celle d'entre nous qui aura traversé les âges, et qui aura obligé notre Gardien à condamner notre peuple.
  • Crois-tu que ton destin soit différent ? l'interrogea Keera.
  • Il l'est déjà, affirma l'autre. Je n'ai pas fait la même erreur que toi, et je règne sur notre peuple.
  • Quelle erreur ? l'interrogea Keera.
  • Celle d'avoir épargné notre père. Et alors, ton pouvoir aurait été complet !


Abasourdie par ces révélations, Keera souhaitait en savoir plus. Mais une voix en son for intérieur la mettait en garde. Celle-ci avait dû tuer père et mère pour obtenir son pouvoir. Quelle sorte de peuple était donc ce peuple qu'elle avait en grande partie décimé ?

À présent en proie au doute, la princesse commençait à voir les choses autrement. Une question lui vint alors à l'esprit :


  • Dis-moi juste si notre mère était quelqu'un de bon ? Si je n'ai pas tué notre père, c'est qu'il devait y avoir une différence notable ?
  • Notable, le mot est faible ! cracha presque son double. Je ne compte plus le nombre de tentatives d'homicide auxquelles j'ai réchappé. Et j'étais très petite lorsqu'elle a décidé que je représentais un danger. Il a dû en être de même pour toi j'imagine.


Quelle horreur ! Quelle était donc cette histoire de parricide ? Et cette fille lui racontait tout cela avec une telle désinvolture que Keera se demandait si elle avait un cœur. Avait-elle été comme cela, aussi froide et indifférente ?


W


Leur duel reprit après ces échanges très intrigants et déroutants. Keera devait en finir vite, car son double menaçait de massacrer les combattants tout autour. Mais se battre contre soi-même faisait un drôle d'effet. Et le coup d'épée qu'elle esquiva de nouveau pourfendit un tauren qui se battait un peu trop près d'elles.


  • Ces bêtes sont vraiment hideuses ! grimaça son double en regardant tomber le tauren. Voilà donc ces hybrides que les millénaires ont déformés.
  • Beaucoup de races ont évolué avec le temps, rectifia Keera. Et ce sont des êtres forts et honorables.
  • Eh bien, te voilà devenue la bienfaitrice de tous les peuples, se moqua l'autre. Je n'en reviens pas de ce revirement. Je me demande ce qu'a bien pu te faire Archaerdas. Te craignait-il au point de te transformer ?
  • Peut-être qu'un long séjour au sein d'un arbre te ferait le plus grand bien. Si pour toi vivre signifie détruire et régner sur des ruines et un peuple soumis, alors tu ne retourneras pas dans ton monde alternatif, fit la princesse tandis que les marques écailleuses de son visage apparurent.


Sur quoi Keera laissa l'essence de dragon noir l'envahir, et observa la mine intriguée de son double. Elle voulait un beau combat, elle allait l'avoir.

Resserrant sa garde, la Sindri'la du passé attendit qu'elle attaque, et reçut un sort de nature combiné à un sort d'ombre. Malheureusement pour elle, Keera connaissait ses faiblesses. Elle puisa donc dans ses nouvelles forces, et lui administra un second sort ténébreux plus puissant. Car elle savait parfaitement que les attaques physiques étaient inutiles.


Son double en fut affaibli, mais grâce à ses capacités régénératrices, elle réussit à relever sa garde, et laissa son pouvoir s'emparer d'elle. Ses yeux se mirent à luire d'un blanc immaculé, et elle chargea Keera avec une hargne et une violence inouïe. Son aura changea, et devint si sombre que la princesse sentit quelques combattants alentours frémir. Elle-même tressaillit légèrement, et para le coup de ses ailes.


Totalement ébahie par ce qu'elle voyait, la Sindri'la du passé parut d'abord choquée, puis éblouie. Une telle transformation physique la laissa sans voix. Le temps de la toiser, elle se reprit cependant :


  • Le dragon de bronze m'avait promis un adversaire de choix. Tes pouvoirs sont à la hauteur de l'héritière de notre lignée ! Comment t'es-tu procuré de telles facultés ?
  • C'est un don qui m'a été offert, répondit Keera. Et tu ne pourras jamais t'en emparer, ajouta-t-elle, sachant pertinemment ce que son double avait derrière la tête.
  • Hin ! Tu connaissais donc mes desseins ! Bien, il est vrai que tu es mon alter ego, après tout, fit-elle dans un sourire sournois. Mais le dragon de bronze m'a promis tes pouvoirs, et je compte bien les obtenir !


Mais Keera ne lui laissa pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, et fondit sur elle. Elle lui envoya un coup de poing en pleine figure si rapide que son double n'eut pas le temps de parer, et le reçut de plein fouet. Elle fut envoyée loin en arrière, et se cogna contre le corps d'un jeune humain étendu au sol. Blessée, et dégoûtée à la vue du corps de l'humain, elle l'attrapa par la tête, et dit :


  • Ces races jeunes sont vraiment répugnantes.


Elle souleva alors le corps mort et le jeta au loin. Cependant, Keera eut le temps de le reconnaître. Le ventre transpercé, le corps démantibulé telle une poupée de chiffon, et le visage beau et encore jeune.


  • Anduin !


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Une fois de plus, tout son monde s'écroulait. Dans un état second, Keera sentit comme un déclic en elle, une rupture qui, à nouveau, déclencha quelque chose.

Et cette fois, le changement physique se produisit au niveau de son regard, qui devint si sombre et noir que la Sindri'la du passé alternatif ressentit une émotion qui lui était alors inconnue : la terreur.


Des larmes coulant le long de ses joues au visage déformé par la douleur, Keera ferma les yeux. Son double crut alors à un répit illusoire lorsqu'elle la vit garder ses yeux clos. Elle remarqua que ses yeux roulaient sous ses paupières, puis commencèrent à s'ouvrir lentement. Aucune lueur n'émanait de ce regard sinistre, et une fois ouvert, il paralysa son adversaire, qui ne pouvait s'empêcher de fixer ces yeux effroyables. Les iris de Keera présentaient désormais une hétérochromie, un dégradé de couleur jaune, et son regard était durci par de fins tracés noirs autour de ses yeux. Les traits noirs se dessinaient jusque sous ses yeux, telles des larmes.


Son double comprit alors que ce regard l'avait pris au piège. Elle sentit son bras bouger de lui-même, et essaya d'en reprendre le contrôle. Mais en vain. Sa main jeta son épée vers Keera, qui s'en approcha pour la saisir, son nouveau pouvoir toujours activé. Elle souleva l'arme, particulièrement lourde, et la brandit devant l'autre, dont le regard trahissait la lucidité, car elle savait qu'elle allait mourir.

Toujours sous l'effet de son nouveau pouvoir, Keera leva l'épée bien haut, et l'abattit sur son double, la décapitant sur le coup. Sa tête roula étrangement vers le corps d'Anduin, dont elle ne reconnaissait pas les atours.


La princesse tenta de recouvrer ses esprits. La colère bouillonnait en elle, mais elle ne voulait pas faire plus de dégâts, et repensa à Tula, dont la mort l'avait fait enrager. Elle ne voulait plus de cela. En réalité, elle était lasse. Fatiguée.


C'est alors qu'elle entendit une voix, à la fois douce et forte, qui semblait pénétrer son âme.


« Trouve l'équilibre. Ne te laisse pas submerger par ta colère. Elle ne peut que détruire, et te détruire. »


C'était Yu'lon, le grand Serpent de Jade et Astre Vénérable qui se tenait aux côtés des trois autres, sur l'estrade supérieure du Temple. Il lui insufflait sa sagesse, dans l'espoir qu'elle trouve l'équilibre. Et, comme toujours, le moindre contact de ces êtres purs et mystiques suffit à l'aider et à l'apaiser.


Le pouvoir de ses yeux s'évanouit.

Elle baissa alors les yeux vers l'épée ensanglantée qu'elle tenait encore, regarda alentours, et posa son regard sur le corps du jeune prince. Varian ! Où était-il ? Savait-il pour Anduin ?



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