Chapitre 35 : Espoir et renouveau.

La bataille était rude à l'extérieur du Temple. L'assaut des Gueule-de-dragon était brutal et implacable, à l'image de leur chef.

Ils pouvaient cette fois-ci chevaucher de majestueux dragons de bronze, généreusement confiés par le traître Kairoz, qui avait bel et bien planifié l'évasion de Garrosh Hurlenfer.

Ils attaquaient donc sur plusieurs fronts, et lançaient de minuscules bombes de mana du haut de leurs zeppelins.

L'un des ponts reliant les temples avaient été détruit, afin d'empêcher les Pandashans de se regrouper, et de rejoindre la Horde et l'Alliance qui défendaient le Temple principal.

Mais la victoire penchait en leur faveur, si bien que les guerriers pouvaient apercevoir quelques dragons de bronze battre en retraite.

Blessée par un sort de feu de Jaina, après un combat contre le roi Varian Wrynn, Zaela sonna la retraite, car elle avait eu confirmation que la diversion pour libérer son Chef de guerre avait réussi.

Les plus belliqueux, en revanche, n'en avaient pas tout à fait fini, et certains d'entre eux poursuivaient leur quête de massacre et de gloire. L'un d'eux s'attaqua au jeune prince de Hurlevent qui sortait du temple pour rejoindre son père.

Anduin se retourna lorsqu'il sentit la menace, mais n'était pas de taille à affronter l'immense guerrier dont la tête de la masse représentait trois fois sa propre tête. Il tenta d'invoquer la Lumière, et vit l'orc déchiré en deux, depuis l'épaule jusqu'au bassin dans un angle oblique.

Anduin regarda l'énorme épée qui l'avait occis, avant d'apercevoir l'individu qui la brandissait.

• Keera ! s'écria-t-il malgré l'absence de réaction de son amie.
• And … Anduin ? Mais …

Keera vacilla légèrement, soutenue par le prince qui ne comprenait pas son état de stupeur. Elle le dévisagea, examina ses vêtements, et passa une main sur son visage, comme pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un mirage.

• Anduin, j'ai cru... je t'ai vu là, en bas, mort et …
• C'était mon double, Keera, la rassura-t-il avec tendresse. Il m'a sauvé la vie. Tout comme toi, une fois de plus.
• 
  

Keera ne dit rien, et serra fort le jeune homme dans ses bras. Elle l'avait cru mort, et avait senti un tel poids sur son cœur qu'elle le pensait brisé, une fois encore. Anduin resserra alors son étreinte, et accueillit la frayeur de Keera qui tremblait encore. Il invoqua la Lumière pour l'apaiser, et tous deux tombèrent à genou, d'émotion et d'épuisement.

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Les combattants étaient épuisés. Leurs assaillants avaient fui, laissant derrière eux bon nombre de victimes, sans même parler des doubles que Kairoz avait invoqués, et qui s'étaient révélé des plus redoutables.

Et alors que les soigneurs commençaient à apporter les premiers soins, tous se regroupaient autour de Varian, qui déposait délicatement la mage Jaina sur le sol, mortellement blessée. Elle avait reçu une balle tirée par Shokia, l'orque à la solde de Garrosh, qui avait pris part à l'assaut contre le Temple.

Thrall et Aggra avaient accouru auprès d'elle afin de la soigner, mais Jaina respirait à peine.

• Jaina !

Anduin s'était rué à ses côtés, et en appela à la Lumière pour tenter de la sauver. Varian avait attrapé son fils par les épaules, et affichait l'air sombre qui signifiait qu'il n'y avait plus rien à faire.

Le roi leva les yeux vers Keera, qui s'avançait lentement vers la foule à la suite du prince, l'air hagard et exténué. Il la gratifia d'un sourire de soulagement, qu'elle lui rendit avec tendresse.

Puis, Keera baissa les yeux vers la mage, et regretta de n'avoir pas pu ériger une barrière de protection sur le Temple pour les sauver tous. Plutôt que d'occire son double rapidement, elle avait voulu en savoir plus sur son histoire, et le combat s'était éternisé.

Elle fit un tour d'horizon, et vit Vol'jin et Baine face à elle, puis Tyrande, Lor'Themar, et bien d'autres qui avaient d'une façon ou d'une autre connu Jaina Portvaillant.

• L'espoir vit en chacun de vous. Vous avez combattu côte à côte, et avez affronté la mort.

C'était Chi-ji, l'Astre Vénérable, qui s'avançait paisiblement vers eux. Derrière lui, les autres Astres les avaient rejoints, et beaucoup dans l'assistance s'étaient alors plaints de leur inaction durant l'assaut.

Chacun d'eux avait pourtant insufflé courage et force aux combattants, et les avait aidés à combattre leur double. Et pour honorer leur courage, et le sacrifice de ceux qui avaient donné leur vie, Chi-Ji bénit chacun d'entre eux, et redonna vie à tous ceux qui étaient tombés au combat.

C'est ainsi que Jaina, comme tous les autres, eut une seconde chance, et sentit peut-être se refermer en elle une blessure très profonde. Et lorsque Kalec l'aida à se redresser, elle accepta les mains tendues de Thrall, dont l'amitié avait été brisée le jour où il l'avait enjointe à renoncer à la vengeance contre la Horde, détruite en même temps que Theramore. Tous deux savaient que rien ne serait jamais comme avant. Mais l'espoir pourrait renaître.

Les Astres annoncèrent également leur verdict concernant Garrosh. Un verdict qui divisa, puisque depuis le début, ils avaient pris leur décision. Ils annoncèrent alors que Garrosh devait vivre, afin d'apprendre. Car, comme cela avait été dit durant le procès, chaque chose au monde pouvait évoluer, tant qu'il y avait de la vie.

De plus, ce procès n'avait pas eu pour unique but de juger Garrosh, mais de juger également chacun des participants. À la recherche constante d'équilibre, les Astres cherchaient à apporter à chacun un recul sur lui-même, afin de trouver la paix intérieure.

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Rassurés et apaisés, les membres de l'Alliance et de la Horde pouvaient à présent panser leurs plaies. La rencontre avec leur double laisserait une trace indéfectible. D'autant qu'à part celui d'Anduin, les autres avaient été des plus belliqueux et effroyablement puissants.

Ressassant encore les paroles de Chi-Ji, Keera ne remarqua pas Varian qui s'était approché d'elle. Elle le fixa, et regarda autour d'elle, tandis qu'il prenait son visage dans ses mains. Quelle étrange sensation de ne plus avoir à se cacher. Les regards braqués sur eux la laissaient cependant toujours mal à son aise. Et dans le même esprit que le début de sa réconciliation avec Jaina, Thrall s'avança vers eux, sous le regard méfiant de Varian.

L'orc rendit son regard au roi de Hurlevent, puis posa ses yeux bleus sur la princesse.

• Keera, tu seras toujours mon amie, ma sœur, et celle de la Horde. Tu as participé à écrire notre histoire, et à préserver la paix. (il leva les yeux vers Varian) Keera est un diamant à l'état brut. Ne cherche pas à la modeler, ni à l'entraver, sans quoi, elle perdra son éclat.

Sur ces paroles, Varian releva le menton, et ajouta :

• Nul besoin de conseils, je sais pertinemment à qui j'ai affaire. Et, la Lumière m'en soit témoin, personne ne se mettra en travers de notre chemin.

Devant cette preuve d'affection évidente, mais néanmoins directe et tranchée, à l'image du roi, Thrall se rassura, et rejoignit les autres après un hochement de tête.

Keera, quant à elle, se serra contre Varian, quelque peu rassurée, elle aussi, bien que toujours surprise par l'impétuosité de son amant qui ne manquait jamais de rappeler à la Horde de ne pas oublier à qui elle avait affaire.

Le seigneur de Hurlevent entoura la princesse de ses bras puissants, et dit :

• Rentrons. Nous avons eu assez d'émotions fortes pour un moment. Et le vol de bronze va devoir rendre des comptes.
• Le vol de bronze n'y est pour rien, père, affirma Anduin. Chromie a elle aussi été victime des machinations de Kairoz. Quant à Irion...
• Oui, il faisait partie du plan ! gronda Varian. Je t'avais pourtant mis en garde contre ton soi-disant ami !
• Varian, le coupa Keera. C'est vrai, d'après ce qu'Anduin a vu, Irion a participé aux plans de Kairoz. C'est aussi lui qui m'a laissée dans le kypari le temps que le siège d'Orgrimmar se termine. Et la femme qui m'a entraînée hors de la salle du procès devait être l'une de ses gardes du corps. Mais, je ne sais pas... je ne ressens aucune hostilité chez lui, ni aucune volonté de nuire.
• Alors comment expliques-tu tout ce désastre ? s'emporta le roi humain. Il en est pourtant en partie responsable !
• Je sais, et je ne l'explique pas, dit calmement Keera pour tenter d'apaiser son compagnon. Mais crois-moi, il n'est pas malfaisant.

Bien que dubitatif sur les assertions de Keera, Varian lui faisait suffisamment confiance pour savoir qu'elle avait de l'instinct. Il savait aussi qu'elle ressentait les dragons noirs et leur essence. Il fallait espérer que le temps confirmerait ses dires.

En attendant, chacun retourna dans son foyer, attendant de voir ce que donneraient les recherches à propos de la disparition de Garrosh, et du lieu où il avait pu se réfugier. Sans compter qu'il n'en resterait sûrement pas là, et chercherait à revenir, et peut-être même, à se venger.

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De retour en Pandarie, après quelques semaines passées entre Hurlevent et Loch Modan, Keera avait quelque chose à vérifier. Laissant derrière elle un compagnon plus qu'occupé, ainsi qu'un jeune prince trop avide de découvertes pour l'accompagner sans faire de halte à chaque bout de chemin, la princesse se rendit sur les Terres de l'Angoisse.

Sur le dos de Saja, elle chercha l'arbre immense dans lequel … là !

Contre toute attente, Irion n'avait pas menti. Sans réellement l'affirmer, il avait évoqué ses capacités régénératrices. Et, effectivement, elle pouvait reconnaître le fragment d'arbre où elle avait été emprisonnée à son état de régénérescence. Aucun trou n'apparaissait. En revanche, le creux du tronc où son corps avait agi n'était pas touché par les émanations du Sha, formant un segment assez large depuis la racine jusque la branche située au-dessus. Quelques bourgeons verts commençaient à poindre au bout de cette branche.

C'était donc vrai. Son corps permettait la renaissance. Et pas uniquement ses sorts.

Elle poursuivit son inspection, et vit que quelques racines redevenaient vertes elles aussi. Elle s'approcha donc d'une partie du tronc encore corrompue, et y appuya sa main. Elle ressentit l'essence de l'arbre, perçut sa souffrance, et le laissa accueillir sa main. De fines lignes noires infiltrèrent son bras, dont des traces étaient visibles sur sa peau. Keera ressentit comme des picotements, et une douleur tantôt vive, tantôt discrète.

Devant la manifestement sur sa peau, elle se demanda ce que cela lui ferait, si elle y restait jusqu'à ce que le kypari soit complètement guéri. Et plus fondamentalement, était-ce son devoir ? Était-ce pour cela qu'elle était née ? Qu'elle avait traversé les âges, et que le temps ne semblait pas avoir de prise sur elle, comme les autres Terrestres qui avaient subi la malédiction de la chair ?

Perdait-elle son temps à aider l'Alliance et la Horde à cohabiter sur Azeroth, au lieu de la soigner ?

Keera regarda le ciel, si vaste et pur. Elle repensa alors à Varian, à Thrall, et à la vie qui poursuivait sa route, insouciante et déterminée.

Où était donc sa place ?