La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes
Chapitre 30 : De retour en Pandarie.
- Nana, ne pleurez pas.
La vieille nourrice avait tenu à accompagner le roi Varian jusqu'aux portails de téléportations de Hurlevent, dans le Quartier des Mages. Ayant déjà fait ses adieux à Anduin et Keera en privé, il avait décidé de la laisser les suivre, d'autant qu'elle ne montrait pas autant d'attachement à leurs hôtes d'habitude. Et il trouvait cela touchant.
Keera trouvait ce quartier très différent des autres. La couleur de tous les toits était uniforme, comme pour les autres quartiers, mais l'architecture rendait le tout féerique. Les toits violets rappelaient Dalaran, certes, mais beaucoup d'habitations étaient habillées de lierre, et présentaient une forme arrondie.
Et la tour qui dominait le quartier était remarquable. Haute mais étroite, elle donnait l'impression de sortir tout droit d'un conte de fée. De même que la magie mystique qui s'en dégageait était palpable.
C'est donc au sommet de la tour que le groupe se fit ses adieux, et Anduin fut heureux de constater que Keera osa l'accolade pour saluer son père. Quelque peu pris au dépourvu, Varian considéra son fils avant de refermer ses bras autour de la princesse. Nana les attendait en bas, et les gardes avaient été sommés de rester à ses côtés. Ils n'étaient donc que trois, et le roi se rappela ce que Keera lui avait dit : « Le meilleur moyen de se cacher, c'est encore de se montrer ». Il réalisa tout à coup que cela aurait effectivement pu paraître suspect de ne pas répondre à son étreinte.
- Soyez prudents, tous les deux, ne put s'empêcher Varian. Et faites bon voyage.
- Tout ira bien, père, la paix règne de nouveau sur la Pandarie.
Keera épaula le prince, et sourit chaleureusement au roi, qui les regarda traverser le portail, la lueur bleue violâtre les enveloppant avant de les faire disparaître.
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De retour à la Forêt de Jade, et plus précisément au village de Pao'don, Keera et Anduin furent immédiatement revigorés à la seule vue des cerisiers en fleur. La sérénité des lieux les saisit aussitôt, si bien qu'ils marchèrent jusqu'à la clairière, instinctivement et sans un mot.
- Enfin de retour, fit Anduin comme s'il respirait de nouveau. J'ai presque l'impression de rentrer chez moi.
- Oui, la Pandarie nous fait nous sentir chez nous. Un de ses secrets les mieux gardés j'imagine.
- Et donc, tu retournes au Val, reprit le prince. Je t'y accompagne, et je me rendrais au Temple du Tigre blanc ensuite.
- Je ne pense pas que Taran Zhu acceptera que tu rencontres Garrosh, si c'est cela que tu veux, le prévint Keera.
- Oh, je n'en doute pas. Non, j'aimerais y poursuivre ma quête de connaissances. Je verrai bien où mes recherches me mèneront, sourit-il.
- Bien, demande un serpent-nuage à chevaucher, le temps que Saja nous rejoigne.
- Tu l'as déjà appelé ?
- Il est en chemin, oui, confirma la princesse.
Anduin aussi rêvait d'une telle amitié avec une créature mystique de Pandarie. Mais l'élevage et le dressage demandaient de longs mois, et il doutait d'avoir le temps de se lancer dans cette entreprise.
À l'approche du serpent-nuage, Anduin l'observa nicher son museau moustachu contre Keera, qui lui caressa tendrement la crinière.
- Nous pouvons partir, fit le prince qui venait de monter un serpent-nuage de jade.
Ils prirent donc la direction de l'ouest, et arrivèrent au Val au crépuscule.
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Les dégâts étaient considérables. Depuis les hauteurs du Sanctuaire des Sept Étoiles, Keera et Anduin pouvaient réaliser l'ampleur de la souillure d'Y'Shaarj et l'étendue de la corruption du Val, depuis le Palais Mogu'shan jusqu'au Lac Blanc-Pétale.
- Quelle désolation, se lamenta Anduin devant le spectacle.
Après quelques secondes de silence, et s'inquiétant de n'entendre pas Keera répondre, il pivota vers elle, et vit ses yeux briller. Elle retenait ses larmes, et semblait incapable de parler. Une telle dévastation, qui plus est pour quelqu'un qui ressentait les maux de la Terre, devait être un tel choc.
Silencieusement, le jeune prince prit la main de Keera, et dit avec empathie :
- Je ne peux même pas imaginer ce que tu ressens.
Pour toute réponse, la princesse tourna la tête de gauche à droite. Elle finit néanmoins par dire :
- Tu sais, ce n'est pas tant l'état épouvantable dans lequel se retrouve le Val. Cela, je crois que je ne l'ai pas encore réalisé. Mais, la douleur que je ressens là, dans la poitrine, c'est une fois de plus la trahison.
Anduin la dévisagea, et la laissa poursuivre.
- J'ignore pourquoi je gardais encore l'espoir qu'un jour, Garrosh évoluerait. Mais je n'ai pas le droit de pleurer. Ce qui est arrivé est aussi arrivé parce que j'ai refusé de le tuer quand j'en avais l'occasion.
- Keera, tu ne peux pas prendre cette responsabilité.
- Et pourtant, je le suis en partie, Anduin.
- Mais tu n'es pas responsable des actions des autres ! Tu ne pouvais pas savoir ce qu'il tramait. Il est seul responsable de ses actes.
- Mais je savais qu'il ne s'arrêterait pas à Theramore, Anduin. Et je ne l'ai pas arrêté. Je n'ai pas pu.
Le jeune prince la regarda avec incrédulité et curiosité.
- Il est très difficile de s'imaginer tuer un ami, Keera. Personne ne peut te reprocher de n'avoir pas pu.
- Ce n'est pas vraiment cela, Anduin. À mon sens, nous n'étions pas des amis si proches.
- Alors pourquoi as-tu tant hésité ? l'interrogea-t-il, même s'il s'agissait d'une question pour le moins personnelle.
- Par respect pour Grommash. Et je sais que ça n'est pas facile à admettre pour quelqu'un qui ignore combien l'honneur d'une promesse est important pour les orcs.
- Eh bien, peut-être avais-tu fait la promesse à son père que tu le protégerais, ou bien que tu le guiderais ? Cela je peux le comprendre, expliqua Anduin.
- Sauf qu'il ne s'agit pas de cela, fit Keera évasive.
- Et de quoi s'agit-il alors ?
Keera dévisagea le prince, et dit :
- C'est lui qui avait juré de me protéger. Et je me suis enfuie. Grom n'a donc pas pu tenir sa promesse à Orgrim, par ma faute. Il est donc hors de question que je tue son fils.
Keera ne lui avait jamais raconté cela. Il savait Thrall honorable, mais avait été loin de s'imaginer Grommash Hurlenfer aussi respectable. Le sens de l'honneur des orcs n'en finissait pas de l'émerveiller. Mais l'air contrarié de la princesse l'incita à ne pas la questionner davantage.
Il se tourna alors vers le paysage sinistré, et observa les dégâts.
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Contre toute attente, la magie de l'espoir était à l’œuvre au Val de l’Éternel Printemps.
Le Chroniqueur Cho avait trouvé le moyen d'entrer en contact avec l'esprit disparu de l'Empereur Shaohao, dont la forme onirique avait fait renaître la végétation du Val.
En récompense pour avoir chassé pour toujours les ténèbres qu'il combattit autrefois, l'Empereur avait fait ce dernier don à la Pandarie et ses habitants.
- Sais-tu que l'Empereur a répondu à la question que nous nous posons tous depuis le début de ce conflit ?
- Quelle question, Cho ? demanda Keera, qui était assise à ses côtés.
- « Pourquoi nous battons-nous ? », énonça le Chroniqueur.
- Hum, cela vous ressemble bien, sourit la princesse. Et donc, qu'a-t-il répondu ?
Cho prit une grande inspiration, et récita :
« Se battre par colère ou par peur, c'est livrer une guerre sans fin.
Affrontez vos peurs, apaisez vos haines, trouvez la paix intérieure, pour que vous puissiez la partager avec le monde qui vous entoure.
Ce sont là les plus grands trésors de la vie, et ils valent certainement la peine de se battre ».
Quelle belle leçon de vie, pensa-t-elle. Digne du plus grand Empereur pandaren qui donna sa vie pour protéger son peuple. Keera sourit, et prit le temps de s'imprégner de ces paroles.
Une fois arrivée au Val, Keera s'était imaginée invoquer l'aide du Cercle terrestre pour soigner le Val, mais de toute évidence, sa rémission était en cours. Bien que les effets du sort de l'Empereur demeuraient encore discrets.
Elle avait cependant aidé à débarrasser les environs des manifestations d'orgueil qui s'étaient manifestées suite à l'apparition du Sha de l'orgueil, et qui avait été vaincu au moment du Siège d'Orgrimmar. Les pandarens de l'Ordre du Lotus Doré, qui étaient les protecteurs du Val, avaient entrepris de chasser ces abominations, et de purifier la contrée de l'influence d'Y'Shaarj, dont Garrosh avait réanimé le cœur en le jetant dans les eaux sacrées.
Après quelques jours à nettoyer le Val de ses nuisibles, Keera repartit pour la Vallée des Quatre Vents. Un retour aux sources bienvenu, puisque son dernier véritable séjour parmi les laboureurs datait d'avant l'arrivée de la Horde et de l'Alliance en Pandarie.
Elle passa commande auprès de son amie Min des Champs Soyeux afin qu'elle lui confectionne une nouvelle tenue, puis s'était rendue à la Nouvelle-Cifera, petit village à la base du Bassin de la Pureté, dont les eaux provenant du Val étaient responsables du volume impressionnants des cultures de la Vallée. Elle tenait à vérifier si cette eau pouvait avoir été elle aussi corrompue.
- Keera ?
- Je suis ici, répondit-elle au Pandashan qui venait d'arriver par serpent-nuage.
- Ah oui, c'est bien vous. Je suis l'envoyé de Xuen. Voici un message du grand Astre, fit-il en lui tendant la missive.
- Merci, acquiesça Keera en prenant le parchemin, tandis que le messager se détourna. Xuen n'attend-t-il pas de réponse ? demanda-t-elle en le voyant s'éloigner.
- Plutôt votre concours, sourit le Pandashan avant de disparaître.
Intriguée, Keera lut la missive avec curiosité. À mesure de la lecture, elle fronça les sourcils.
C'était une convocation.
- Une mauvaise nouvelle ? demanda Rin Front de Charbon qui s'était approchée, quelque peu inquiète de son renfrognement.
- Non, c'est... juste un mauvais pressentiment.