La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 28 : La dernière réunion

2954 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 8 mois

Chapitre 28 : La dernière réunion.



Orgrimmar était à présent infestée de cadavres. Désormais débarrassés de l'influence de Hurlenfer, les lieux révélaient les atrocités commises à l'encontre de civils taurens, gobelins, elfes, et surtout trolls. Quelques kor'krons s'étaient rendus, expliquant qu'ils avaient été enrôlés sous la contrainte. Certains avouèrent avoir été témoins d'actes de barbarie sur d'autres orcs qui s'obstinaient à ne pas obéir, tandis que d'autres avaient été froidement exécutés.

Vol'jin allait devoir apprendre à discerner le vrai du faux parmi ceux qui avaient intenté à sa vie, ou juste obéi dans le but de survivre. Il allait également devoir faire face à certaines décisions à prendre rapidement, et cela pour assurer à la Horde paix et sécurité.


Les héros qui s'étaient enfoncés dans le Gouffre de Ragefeu ressortirent par la Faille de l'Ombre. Les citoyens d'Orgrimmar scandèrent quelques noms, et les saluèrent à mesure qu'ils réapparaissaient. Cependant, à la vue des soldats de l'Alliance, les civils se turent, ne sachant pas si la cité, à présent envahie par l'armée alliée, allait être mise sous loi martiale, ou si elle allait tout simplement l'occuper.

Ce n'est que lorsque le roi Varian Wrynn sortit des entrailles de la cité qu'ils obtinrent leur réponse, car le monarque annonça simplement que la Horde avait élu un nouveau Chef de guerre qu'il allait tenir à l’œil.


La rumeur du nom du nouveau chef avait néanmoins filtré, mais rien ne fut assuré jusqu'à ce que Vol'jin lui-même n'émerge des ombres pour annoncer l'arrestation de Hurlenfer et la volonté des pandarens de le juger. Mais ce fut Thrall qui proclama le troll nouveau chef de la Horde, déclaration qui fut suivie de vives acclamations. Vol'jin avait toujours joui d'un certain respect de la part des taurens, des orcs, et des elfes de sang, et même des réprouvés, qui semblaient rassurés par cette décision. Quant aux gobelins, qui avaient eux aussi souffert des exactions et des sévices de Hurlenfer et de ses partisans, ils accueillirent la nouvelle avec joie, car le troll représentait une sorte de sauveur à leurs yeux.


Quant à Garrosh Hurlenfer, Taran Zhu décida de le faire téléporter en Pandarie directement depuis son bunker. Aidé des elfes de sang mages, il le conduisit directement au Temple du Tigre blanc, avec la ferme intention de le mettre aux fers. Le chef des Pandashans avait voulu éviter de créer une émeute lors de leur sortie par le Gouffre, car le chef orc déchu n'aurait certainement pas survécu à une foule en colère. Et il était hors de question d'en faire un martyr, si tant est qu'il lui restait quelques partisans.


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Keera s'attarda quelque peu dans le repaire souterrain de Garrosh. Elle avait visité certaines ailes qu'elle n'avait pu voir, car Niuzao l'avait téléportée directement dans la ménagerie.

Elle avait récupéré le corps de Yarall au passage, et avait suivi le Chroniqueur Cho et Chen jusque la sortie du Gouffre.

Une fois à la lumière du jour, elle plissa légèrement les yeux, et un chaman vint prendre le corps qu'elle transportait pour le déposer auprès des autres, en attendant leur crémation.

Émergeant à peine des profondeurs d'Orgrimmar, la princesse leva les yeux et entendit un bruit assourdissant tout autour d'elle. Elle s'arrêta, et chercha un soutien, car elle n'avait jamais eu à affronter cela : une foule qui l'ovationnait.

Les yeux écarquillés, tenant Chen par le bras, Keera reprit son chemin à travers la Herse, et osait à peine saluer la foule.


À l'entrée de la cité, Varian organisait le départ de l'Alliance, qui repartait par bateau. Quelque peu irrité par les hourras qui parvenaient encore jusqu'à eux, le roi préférait presque affronter le regard désapprobateur de Jaina qui l'avait encouragé à profiter du chaos pour détruire la Horde. Mais Varian avait choisi d'écouter les conseils de son fils, et maintenir une sorte d'entente avec une Horde qui s'était dressée contre Garrosh.


  • Père ! Là-bas ! fit le prince avec enthousiasme.


Le monarque pivota vers la populace qui accueillait des héros de la Horde, mais également des pandarens accompagnés d'une elfe au physique atypique.

Reconnaissant Keera à sa démarche et sa pudeur face à la foule, Varian sourit, rassuré de la voir une fois de plus revenir saine et sauve. Il épaula son fils, et dit :


  • Allons-y Anduin, les soldats ont hâte de retrouver leur famille.


Le jeune prince eut une moue boudeuse. Il aurait aimé approcher la princesse et la saluer. Tout comme il pensait que son père aurait aimé la rejoindre. Soudain, il fut pris de compassion pour son père, qui devait sûrement souffrir de cette situation. Il le regarda alors avec admiration, car il le savait impétueux et surtout impatient. Et il semblait respecter la distance cordiale entre eux, car, de toute évidence, ils ne pouvaient décemment pas s'étreindre ainsi aux yeux de tous. Et encore moins au sein de la cité qui portait le nom du défunt époux de Keera.

Tout à ses pensées, il suivit son père, et tous deux franchirent les portes imposantes d'Orgrimmar.


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Après avoir passé quelques jours à aider ses amis de la Horde à remettre leur cité en état, Keera partit pour Loch Modan. Elle avait reçu une missive de Dagor à propos du testament d'Hermand, et tous deux devaient se rejoindre directement chez leur ami défunt. Des funérailles officielles étaient prévues dans les jours qui suivraient à Forgefer, en l'honneur des explorateurs de la Ligue qui avaient donné leur vie en Pandarie pour défendre le Val et ses secrets.


Durant le voyage par zeppelin, Keera se remémorait les bons moments passés avec son ami depuis leur rencontre. Que d'événements depuis. Et les nombreuses années passées avaient fait d'eux les meilleurs amis, connaissant tout l'un de l'autre, au point de se comprendre parfaitement.


Le zeppelin traversait paisiblement les contrées enneigées de Dun Morogh, puis arrêta sa course à la pointe ouest des Paluns. De là, Keera appela une wyverne qui la transporta jusque Thelsamar.

Encore endeuillée, la princesse ne s'attarda pas dans la ville, et prit le chemin du sud pour atteindre la maison d'Hermand. Elle ne voulait pas croiser leurs amis communs, car elle n'était pas encore prête à affronter leur mine triste et compatissante.


Depuis la Falaise de Vieillegriffe, elle contempla le panorama encore défiguré par le passage d'Aile-de-Mort. Elle avait appréhendé de revenir ici sans son ami. Et de pénétrer dans sa masure vide n'avait rien arrangé. Elle put y admirer le joyeux capharnaüm qui y régnait, témoignage du caractère désordonné mais enjoué d'Hermand. Tel quel, l'intérieur laissait penser qu'il allait rentrer à tout moment, un refrain entêtant aux lèvres, et armée d'une boutade de sa confection.

Keera promena son regard d'un bout à l'autre de la pièce, et s'avança d'instinct vers plusieurs manuscrits de son ami qui étaient empilés sur son bureau. Elle choisit celui du dessus, et en lut quelques lignes. Évidemment, les nains n'écrivaient pas comme ils parlaient. Et c'était heureux, car il aurait été difficile de les déchiffrer.


Puis, elle chercha ses écrits les plus anciens, jusqu'à en trouver un qui datait d'avant la Troisième Guerre. Datant de leur rencontre. Et elle le trouva.

De sa main tremblotante, elle s'assit au sol, l'ouvrit, et lut :

« La Lumière m'en soit témoin, jamais je n'aurais cru rencontrer un jour un tel couple de personnages aussi inhabituel. C'est même pas croyable ! ».

Keera hésita à poursuivre, mais ne put s'en empêcher.

« Je tiens quelque chose, j'en suis sûr. Elle ne ressemble à rien de ce que j'ai vu, même dans les vieux grimoires de Forgefer. Mais elle reste accrochée à son orc de mari, ça va pas être de la tarte ! ».


Les yeux remplis de larmes, la princesse referma l'ouvrage, et laissa toute sa peine se déverser. Agenouillée au sol, elle n'entendit même pas la porte se refermer. Silencieusement, elle sentit deux mains se refermer sur ses épaules, puis s'enrouler autour d'elle.

Dagor l'avait rejointe, et Keera se tourna vers lui pour s'enfouir dans ses bras musclés. Il referma son étreinte, et se blottit tout contre elle. Tous deux pleurèrent leur ami parti bien trop tôt, et qui laissait une trace indélébile dans leur cœur.


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  • J't'assure qu'il était là.


Dagor et Keera avaient passé deux jours à trier les affaires d'Hermand. Ce qui n'était pas une mince affaire.


  • Non, il devait être là, fit la princesse.
  • Ah, le voilà ! (Dagor compulsa le document officiel) Oui, c'est bien ça. Là, tu vois, fit-il en montrant une phrase du doigt.
  • Mais... enfin ! Et tu étais au courant de ça ? demanda Keera.
  • Bah, il m'l'avait plus ou moins fait comprendre, avoua le nain.
  • Mais, et sa famille ?
  • Le peu qu'il reste s'bat en Alterac, et ils étaient pas bien proches tu sais.


Keera se renfrogna.

  • Sois pas gênée, c'était ses volontés, et on doit les respecter.
  • Je sais, c'est juste que cette question d'héritage ne se poserait pas s'il était...


La princesse réprima son envie de pleurer. Retrouver et classer les affaires d'Hermand la rendait nostalgique, et faisait remonter des souvenirs encore douloureux. D'une certaine façon, il était aussi ce qui la reliait encore à Orgrim, car il l'avait connu bien plus que Thrall. Grom étant lui aussi mort, il ne restait que Saurcroc, Eitrigg, et ce pauvre Drek'Thar qui l'avait bien connu, mais celui-ci perdait peu à peu la raison.


Tourner cette page de sa vie signifiait aussi fermer un livre qu'elle avait écrit depuis ses dix-sept ans, si l'on ne considérait pas son vrai âge. Et continuer en s'accrochant à ceux qu'elle aimait pouvait également signifier continuer de perdre d'autres proches, et revivre ces douloureux moments.


Mais la vie était ainsi faite, et en rappelant des proches, elle enseignait l'importance de choyer ceux qui demeuraient.

  • Keera, je sais, p't'être mieux que quiconque, combien vous étiez proches, fit Dagor, ce qui la fit sortir de ses pensées. C'est pour ça qu'tu dois accepter d'être son unique héritière. Ça s'ra ta façon d'honorer sa mémoire et ses dernières volontés.


Et c'était vrai. Hermand voulait que sa maison lui revienne, ainsi que tout ce qu'elle contenait. Il voulait qu'elle poursuive sa quête de mystères irrésolus, et qu'elle assume pleinement ses origines terrestres qui étaient un don à ses yeux, et une chance de faire des découvertes inédites.

Il fallait juste un peu de temps à Keera pour assimiler tous ces événements. Car depuis la mort d'Hermand, le monde avait changé en si peu de temps.


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Le mystère qui planait au-dessus d'un petit campement gnome, à l'ouest de Dun Morogh, avait été l'objet de recherches stériles. Le mystère s'était épaissi lorsqu'un site enneigé et vierge avait été découvert, encore plus loin à l'ouest. À première vue, les lieux ne présentaient rien de particulier. C'était une vaste plaine dont le plateau neigeux menait vers la Grande Mer.

Cependant, après de nombreuses fouilles, les explorateurs découvrirent d'étranges marques circulaires sur l'une des parois de la montagne. Elles étaient indélébiles et inaltérables, et représentaient de petits cercles entourés de traits parfaitement symétriques. Ce qui n'était pas anodin.


C'était ici que les nains avaient décidé d'officier les funérailles des explorateurs disparus en Pandarie. La cérémonie rassemblait les membres les plus éminents de la Ligue, ainsi que les trois représentants nains du Conseil des Trois Marteaux : Moira Barbe-de-bronze Thaurissan, Muradin Barbe-de-bronze, et Falstad Marteau-Hardi.


À cette occasion, et comme pour la plupart des événements officiels de Forgefer, une délégation de Hurlevent avait été dépêchée. En effet, les nains et les humains du royaume de Hurlevent entretenaient depuis longtemps des liens fraternels, et les récents événements du Cataclysme avaient réuni les trois clans nains à Forgefer sur proposition du roi Varian Wrynn. Une coalition politique encore fragile, mais la méfiance ancestrale que se vouaient les trois clans nains semblait se dissiper.


La cérémonie serait différente des rites habituels, car aucun corps n'avait été retrouvé, et ne seraient ensevelis dans la montagne, afin de ne faire plus qu'un avec la Terre. Seul le corps embaumé d'Hermand avait été enterré près de sa demeure, en Loch Modan. L'explosion qui avait causé la mort de ces fiers explorateurs comptait une unique survivante : Keera.

Les nains lui avaient réservé une place d'honneur dans le cortège, et elle fut positionnée parmi les autres membres de la Ligue afin de rendre hommage aux défunts, et dont elle avait hérité le nom de l'un d'eux. Tous portaient un vêtement noir, symbolisant à la fois la noblesse, la dignité, et l'un des versants de la vie, et un vêtement blanc, représentant la pureté, la paix, et l'autre versant de la vie.


Les trois dirigeants nains arrivèrent en dernier sur les lieux du rite funéraire, et contre toute attente, le roi Wrynn en personne s'était déplacé, accompagné de son fils. Tous deux portaient leur costume cérémoniale le plus sobre, habituellement réservé aux événements solennels et graves.

Ne s'étant pas attendue à leur présence, Keera leur lança un regard reconnaissant.

La cérémonie pouvait donc commencer.

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Le ciel clair et bleu rendait le froid encore plus mordant, et plusieurs participants, dont le prince Anduin, remontèrent leur col et réprimèrent un frisson. Au sommet de la montagne, le rite funéraire en hommage aux explorateurs disparus commença par un chant, puis les trois dirigeants nains firent un discours en l'honneur du courage et de la ténacité des explorateurs, dont l'implication et la dévotion à la connaissance servaient chaque peuple d'Azeroth.


Muradin, en particulier, fut ému par les mots de ses pairs, et rendit un hommage poignant. Il évoqua également son frère aîné, Magni, emprisonné dans un diamant brut après avoir tenté d'entrer en contact avec la Terre. Brann, leur frère cadet, qui se tenait dans les rangs de la Ligue, eut quelques larmes. Il sentit alors une main fine et douce se glisser dans la sienne, et vit le visage de Keera empreint de dignité. Elle serra sa main dans la sienne, et Brann inspira, reprenant courage.


Enfin, le dernier discours était donné par Brann, actuel chef de la Ligue. Il fut invité à se joindre aux dirigeants nains, et fit face au groupe d'explorateurs. Il prit le temps de les observer, un à un, et vit les visages graves et emplis de tristesse.

Le nain mit un point d'honneur à nommer chacun des disparus, dont les familles se tenaient à la gauche des membres de la Ligue. Et lorsque vint le tour d'Hermand, Keera serra les dents. Elle tenait à faire honneur à son ami, et écoutait Brann avec attention. Elle sentit un visage se tourner vers elle, et vit Harrison Jones la regarder avec retenue et empathie. Elle fut touchée par cette marque de respect, car l’exubérance de l'humain était notoire. Elle évita néanmoins de se tourner vers Varian, dont elle savait qu'il lui témoignerait la bienveillance qui la ferait s'effondrer.


  • … et par son courage et sa volonté, il a contribué à sauver la seule rescapée d'cette expédition. Il demeure à jamais dans le cœur de Keera, son amie, sa sœur, sa confidente, dont il disait l'avoir découverte parc'que c'était son destin de mettre à jour l'une des merveilles cachée d'Azeroth.


Keera avait bien lu cette phrase dans le testament d'Hermand. En revanche, elle ne s'était pas attendue à ce que Brann la connaisse, ni qu'il la dise à haute voix. Elle ne put retenir les larmes qui perlaient dans ses yeux, coulèrent le long de ses joues, et s'évanouirent, emportées par le souffle glacé des montagnes pures et immaculées de Dun Morogh.

Le récit toucha particulièrement Anduin, qui renifla discrètement, tandis que Varian eut le cœur serré en voyant le visage meurtri de Keera.


L'hommage s'acheva sur un chant des plus anciens et mystérieux : une élégie écrite en langue terrestre, et qui débutait par une introduction chantée par Keera elle-même. Elle avait été choisie pour ouvrir ce dernier hommage car elle était la seule survivante de l'expédition, et la seule Terrestre présente.


Brann reprit sa place auprès d'elle, et tous attendaient qu'elle se lance. Seuls les invités ignoraient le contenu de la cérémonie, et ne savaient à quoi s'attendre. Keera entonna alors les premières lignes de l'élégie. Sa voix cristalline se mêlait parfaitement à la douce brise, et beaucoup dans l’assistance fermèrent les yeux. Le son mélodique de sa voix fut rejoint par les chœurs, et tous chantèrent de concert.


Les funérailles s'achevèrent sur ce chant antique, et le cortège reprit la route vers Forgefer, mené par les explorateurs et les familles des défunts.

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