La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes
Chapitre 25 : Une question de choix.
Sur une île au large de la Forêt de Jade, comme à l'abri des conflits, l’Île du Temps Figé ne demandait qu'à révéler ses secrets. Découverte par un groupe de dragons de bronze, qui se faisait appeler les Marcheurs du Temps, l'île était l'objet de recherches et d'études menées conjointement par le prince de Hurlevent ainsi que le prince noir, Irion.
Les dragons de bronze étaient les gardiens du temps. Aussi avaient-ils tenté d'élucider la question de l'Anomalie Temporelle de l'île. Kairozdormu, le représentant de ce groupe, appelé Kairoz sous sa forme de haut-elfe, menait l'enquête, et travaillait de concert avec d'autres aventuriers dans le but de créer un artefact qui servirait d'outil à la compréhension des mystères qui entouraient l'île où le temps s'était arrêté.
Cependant, le prince Anduin avait dû cesser ses recherches, et rejoindre son père dans son entreprise de défaire Garrosh une fois pour toute. Irion s'était amusé de la réaction du prince humain, qui avait lutté contre sa soif irrépressible de connaissance.
« Vous n'êtes pas encore maître de votre destin, Anduin », lui avait dit le dragon noir. « Vous suivez le chemin que d'autres ont tracé pour vous ».
Mais Anduin ne s'était pas laissé moquer, et avait tenté d'expliquer les responsabilités qui incombaient à un prince, et qu'Irion, en tant que tel, se devait de considérer.
Et à présent que son ami était parti, le prince noir se retrouvait devant un autre choix.
- Gauche ! Droite ! fit-il à l'encontre de l'humaine et de l'orque qui l'accompagnaient partout. Nous devons partir pour les Terres de l'Angoisse au plus vite.
Le message de son espion ne souffrait en effet d'aucune hésitation.
Devant le départ précipité du prince noir, Kairoz sourit.
- Vous nous quittez donc ? Je vais devoir poursuivre seul ?
- Je vous rejoins très vite, Kairoz, le rassura Irion. J'ai moi aussi quelques devoirs voyez-vous, et je ne dérogerais pas à celui-ci.
Le dragon de bronze sourit, puis le regarda se téléporter, emportant ses gardes du corps dans le tourbillon créé par le sort. Le concours du jeune dragon noir dans ses plans était indispensable, et Kairoz savait qu'il respecterait sa parole et reviendrait.
La Vison du Temps, l'artefact qu'il avait créé, n'était pas achevée. Le sable qu'il utilisait pour l'alimenter lui avait permis d'entrevoir des brides du futur, et d'explorer différentes voies temporelles. Mais ces visions restaient imprécises, et sujettes à interprétation. Il lui fallait perfectionner l'objet, qui aurait une importance capitale pour l'avenir d'Azeroth.
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Les tambours de guerre retentissaient devant les portes d'Orgrimmar. Vol'jin avait réussi à rassembler bon nombre de trolls, d'orcs et de taurens pour faire face aux forces de Garrosh. Néanmoins, les rebelles n'étaient pas au complet. Le chef de la rébellion attendait les flottes elfes et réprouvées qui devaient accompagner celles de l'Alliance, et qui arriveraient par la Baie de Lamepoing, à l'est de Durotar.
Cependant, un clan orc opposait une résistance farouche, et défendait la côte efficacement. Sous le commandement impitoyable du seigneur de guerre Zaela, les orcs Gueule-de-Dragon les harcelaient, leur jetant des têtes de trolls et autres membres qu'ils n'avaient pas donné à manger à leurs dragons dressés.
Il demeurait donc difficile pour les armées alliées d'aborder la côte, d'autant que Thrall n'était pas encore revenu d'Orgrimmar avec des appuis potentiels.
- Que fait-on Vol'jin ? demanda Baine. Beaucoup de mes braves sont encore à l'intérieur de la cité.
- Et ce mastodonte de fer ne semble pas vouloir nous laisser passer, ironisa Chen devant l'énorme scorpion de fer qui les empêchait d'accéder aux portes de la cité.
- Pour le moment, on garde la place, fit le chef des Sombrelance. On a sécurisé ici, et le canyon jusque Tranchecolline. L'Alliance, Lor'themar et Sylvanas, ils vont arriver et défoncer les défenses de cette harpie de Zaela. On a pas de quoi leur préparer le terrain plus que ça. Et les éclaireurs ils ont vu Saurcroc entrer dans Orgrimmar avec Thrall. Seront pas trop de deux pour convaincre ce satané Hurlenfer.
- Les vaisseaux de l'Alliance sont en vue ! s'écria l'un des messagers trolls. Le roi Wrynn va essayer d'accoster !
- Par les Loas, pourvu qu'il ait prévu l'artillerie lourde, sans quoi il va prendre une belle dérouillée, pensa tout haut Vol'jin.
Rien n'était moins sûr, car le roi Varian ne pouvait non plus se permettre d'attaquer avec l'intégralité de ses forces navales, dont une partie mouillait également les eaux de Pandarie où il devait maintenir ses places fortes.
L'assaut de l'Alliance débuta, mais la riposte des Gueule-de-Dragon fut immédiate et particulièrement efficiente. Du haut de son proto-dragon, Galakras, Zaela beuglait ses ordres, et les deux tours qui avaient été érigées aux abords de la baie tiraient à coup de canons.
Pour l'heure, il était impossible à l'armée de l'Alliance d'accoster.
- Maudit Garrosh ! jura Varian. Je croyais que la baie serait sécurisée pour notre arrivée, mais on ne peut même pas approcher de la plage, fit-il en direction de Sully.
- La rébellion Sombrelance est aussi en sous-effectif, sir, expliqua le nain. Mais la flotte...
- Ah, Jaina. Je ne suis pas mécontent de vous voir, dit Varian en apercevant l'Archimage apparaître. Vol'jin et ses forces n'ont pas réussi à s'emparer du littoral. Nous n'arrivons pas à accoster.
- Votre Majesté, j'ai amené des renforts. Nous allons bouter ces criminels hors de la baie et la protéger. Je vais ouvrir un portail pour débarquer les troupes sur les quais.
- Fort bien, acquiesça Varian qui scruta l'horizon.
Plusieurs bâtiments de la Horde arrivaient. Le pavillon des elfes de sang, menés par Lor'themar Theron lui-même, était tiré sur le vaisseau amiral. À ses côtés, Sylvanas Coursevent, la reine banshee et dirigeante des réprouvés, avait également dépêché de nombreux vaisseaux.
Rassuré, Varian observa le vaisseau amiral déployer la flotte qui déferla sur les rives. Une fois les Gueule-de-Dragon repoussés jusqu'aux tours, à la Barricade de Draenosh'ar, tous débarquèrent et purent affronter de concert les forces de Garrosh Hurlenfer.
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- Nous ne devons pas abandonner !
Yalia Sage Murmure était bien décidée à retrouver la princesse Keera. Prêtresse et membre éminent des Pandashans, Yalia était une pandarène forte et déterminée. Sur ordre direct de Taran Zhu, elle avait réuni une troupe de Pandashans et tenté de suivre la trace des mantides qui avaient emmené Keera jusqu'aux Terres Ingrates. Passé l’Échine du Serpent, ils furent cependant déroutés par les essaims mantides qui pullulaient, et en étaient encore à essayer de comprendre pourquoi cet enlèvement.
- Si nous parvenons à saisir leur but, nous la retrouverons, conclut Yalia avec la force qui la caractérisait. Maître Zhu nous fait confiance, et nous n'échouerons pas !
- Keera est des nôtres, et nous ferons honneur à notre Ordre, affirma un autre Pandashan.
À l'évidence, tous paraissaient galvanisés, ce qui était une bonne chose. Car, ils avaient réellement perdu la trace de la princesse.
- Un petit coup de main, peut-être ?
Stupéfaite par l'apparition du jeune humain aux allures plus exotiques qu'un pandaren, la troupe prit une posture défensive.
Légèrement amusé par la méfiance des Pandashans, Irion dit sereinement :
- Vous êtes sans doute à la recherche de la personne que je recherche. Keera, c'est bien cela ?
- Comment le savez-vous ? Qui êtes-vous ? le questionna Yalia.
- Attends Yalia, je le connais ! fit l'un des Pandashans. Je l'ai vu à la Taverne dans les Brumes. Avec ces deux femmes, ajouta-t-il en désignant l'humaine et l'orque derrière lui.
- Je suis Irion, le prince noir, se présenta-t-il poliment. Et voici mes gardes du corps, Gauche et Droite. Je sais qu'un assaut sur Orgrimmar se prépare, et mes espions m'ont rapporté que votre alliée Keera avait été emportée par les mantides.
- Et en quoi cela vous concerne-t-il ? se méfia encore Yalia.
- L'issu du conflit en cours nous importe tous, et Keera pourrait bien faire pencher les chances en faveur du camp qu'elle souhaitera soutenir, expliqua le jeune dragon.
- Vous êtes donc de notre côté ? sourit le Pandashan qui l'avait déjà vu. Vous allez nous aider à la délivrer ?
Irion le regarda avec une incrédulité feinte. Puis, il tourna la tête vers Yalia qui semblait mener la petite troupe.
- Veuillez me pardonner, fit-il. Je crois que vous m'avez mal compris.
Il leva alors les mains, et tous les pandarens tombèrent, endormis par le puissant sort. Le prince noir les regarda, et dit :
- Mais il est vrai que vous ne pouviez comprendre sans quelques précisions, ironisa-t-il. Je voulais dire que si Keera participe à l'assaut sur Orgrimmar, le camp qu'elle aura choisi remportera indubitablement la partie. Et ce n'est pas ce que je veux.
Sur ces mots, il reprit la route vers le lieu que son espion lui avait indiqué.
La contrée était assurément défigurée, et ne recouvrirait pas sa splendeur d'antan avant un bon moment. Les émanations du Sha de la peur, le plus puissant des Sha, avaient achevé de corrompre le paysage. Le sol était balafré d'un long sillon noirâtre d'où s'élevaient les énergies néfastes du Sha. Les arbres immenses, appelés kyparis par les mantides, et qui avaient été touchés, étaient malades, lovés dans cette volonté de dénaturer toute chose et de la tordre, ponctionnant tout ce qui était vie, pour le remplacer par le tourment et la désolation.
Cette vision des plus lugubres était indigne, et les Parangons mantides avaient été bien avisés de placer Keera au sein même de l'un des kyparis corrompu. Cachée par les lourdes branches noircies, disposé au creux du tronc de Kypari Vor, le haut de son corps ressortait de l'arbre, tandis que ses jambes jusqu'à son bas ventre étaient enfoncées dans le tronc, comme s'ils avaient fusionné avec le kyparis.
Irion s'approcha doucement, et vit que même sa tête était reliée à l'arbre par ses cheveux qui eux aussi étaient pris dans le tronc, tirés en arrière. Il vit également ses mains ouvertes sous son torse, comme si quelque chose y reposait. Elle semblait dormir.
Cependant, rien ne garantissait qu'elle ne souffrait pas, car au creux de ses joues et le long de ses bras apparaissaient les mêmes traces noires émises par les émanations du Sha. Et il ne faudrait pas non plus que ces énergies s'emparent d'elle, si toutefois elle était impuissante à se défendre.
À la fois étrangement inquiet et curieux de voir si ses pouvoirs curatifs pourraient guérir le kypari, Irion décida de la faire surveiller, le temps pour le conflit en cours de se terminer sans son influence. Car après tout, rien ne garantissait qu'elle ne réussisse à s'en échapper. De ce que lui avait rapporté son espion, aucun mantide ne semblait la veiller. Cette prison devait donc suffire à la garder captive.
- Repose-toi, ma sœur, susurra-t-il. Ce combat n'est pas le tien, et l'heure de ton choix n'est pas encore venue.
Irion toucha l'une de ses mains, et s'en fut vers l'est, impatient de connaître le dénouement de l'histoire.