La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes
Chapitre 22 : Les préparatifs.
L'élaboration du bunker avançait. Garrosh était particulièrement fier de ses kor'krons qui se démenaient pour amasser les ressources nécessaires dans les Tarides. Les gobelins avaient été ingénieux, et avaient su proposer au Chef de guerre des machines capables de percer le roc pour creuser encore plus profondément dans le Gouffre de Ragefeu, un réseau de souterrains volcaniques situé sous la cité.
Depuis le Sanctuaire des Deux Lunes, Garrosh supervisait l'avancée des travaux à Orgrimmar, en confiant notamment la direction des opérations à Nazgrim et Malkorok.
Il attendait patiemment que ses kor'krons, aidés des chamans sombres, trouvent le moyen d'approcher la chose emprisonnée dans le contenant de fer trouvé à l'intérieur du caveau dans le Val.
Car, dès lors que l'on s'en approchait, l'essence maléfique de l'entité se déversait et corrompait toute âme vivante alentour.
Le gardien du caveau, un certain Norushen, ne réagissait pas, ni ne répondait aux questions posées par les orcs. Ils n'allaient donc pas pouvoir compter sur son aide.
Quant à cette racaille trolle, qui semblaient vouloir le défier en attaquant les convois dans les Tarides, il allait s'en occuper sans délais.
- Tarokk, rends-toi à Orgrimmar, et ordonne à Malkorok d'augmenter le nombre d'exécutions de trolls, et que leurs têtes soient empalées sur des piques devant l'entrée. Ordonne aussi le couvre-feu, et prends ce document, il promulgue la loi martiale sur tout le territoire.
- Ce sera fait, Chef de guerre.
- Le clan Gueule-de-Dragon se tient prêt, et assure déjà la sécurité de Durotar. Qu'il rassemble ses forces et s'assure du traitement des trolls.
- Bien, Chef de guerre.
Puis Tarokk s'éloigna à grands pas.
Tout en regardant le kor'kron disparaître, Hurlenfer espérait que ces nouvelles mesures allaient descendre les trolls plus bas que terre, et qu'ils resteront à leur place, dans la bauge qui leur servait de demeure. Il se demandait cependant ce qui pouvait bien leur donner le courage d'attaquer les kor'krons. Sans un cri de ralliement, Garrosh doutait qu'ils puissent s'en prendre aux orcs ainsi. Cet élan leur venait certainement de ce faible de Thrall, qui avait apparemment libéré les Sombrelance de son emprise sur les Îles de l’Écho.
Sa répugnance pour ce traître adorateur de la paix l'ulcérait au plus haut point. Bien qu'il s'était montré protecteur envers lui, lorsqu'il apprit son existence à Nagrand, Garrosh avait vite compris la faiblesse qui habitait l'ancien Chef de guerre : son amour pour la paix, et son attrait pour les autres races, particulièrement les humains, dont les spécimens femelles semblaient l'avoir corrompu. Il pensait à son amie humaine, Taretha, qui lui permit de se libérer des humains, mais surtout à Jaina, qu'il rencontrait en cachette pour bavarder entre deux marécages.
À ses yeux, Thrall n'avait jamais eu l'étoffe d'un vrai Chef de guerre. Il devait sa légende au seul fait que l'un des plus grands, Orgrim Marteau-du-destin, l'avait désigné comme son successeur. Alors que lui-même avait été choisi pour sa force, comme le lui avait expliqué Thrall.
Rien d'étonnant à ce qu'il ne comprenne pas les desseins de Garrosh. Thrall avait toujours manqué de grandeur, d'ambition, et même d'amour-propre. Après tout, il avait été élevé en bête sauvage et humilié durant toute sa jeunesse, un tel orc n'aurait jamais l'envergure et les épaules nécessaires à des plans de grande ampleur.
Cairne, ce vieux bouc, disait toujours que son père, Grommash, n'aurait jamais été capable de diriger plus de vingt kodos. Il se trompait. Sa lignée était faite pour conquérir, pour diriger. Pour dominer le monde.
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Keera semblait toujours d'humeur morose. La perte de son ami Hermand la rongeait encore, et elle peinait à trouver du temps pour se distraire, trop occupée, comme chacun, à élaborer des plans d'assaut contre Garrosh.
Encore trop écœurée du piège tendu aux explorateurs de la Ligue au Val, elle s'était mise à penser que Garrosh avait fini par orchestrer son meurtre. Les explosifs avaient certainement été disposés durant la nuit qui précédait leur exploration de la mine, et l'orc ne pouvait pas ignorer sa présence au sein du groupe d'explorateurs.
Elle repensait à ses échanges avec Vol'jin, qui pensait que ni elle ni Garrosh n'étaient décidés à tuer l'autre. Il allait falloir accepter le fait que Hurlenfer était prêt à tout sacrifier.
- Tu broies du noir, remarqua Vol'jin qui s'approchait d'elle. Tu penses encore à ton ami nain ?
- Je n'ai jamais été douée pour affronter la mort, marmonna-t-elle.
- Qui aime affronter ça ?
- Je veux dire, dès que je perds un ami, je suis brisée en mille morceaux. Et ensuite, j'ai du mal à, comment dire... à revenir parmi les vivants.
- Les morts, ils nous hantent, et je dis pas ça parce que je m'y connais en vaudou, fit le troll. Et si je peux me permettre, tu fais ta part du travail comme chacun ici. Pour moi, t'es déjà revenue parmi les vivants.
Keera sourit timidement. Vol'jin ignorait qu'elle pensait aussi à son enfant, qui aurait sûrement vécu, car elle l'avait gardé plusieurs mois dans son ventre, là où ceux qu'elle avait perdu, des années auparavant, n'avaient pas dépassé une saison. Il avait même commencé à l'empêcher de dormir la nuit, convaincu que c'était le meilleur moment pour asséner des coups de pieds et se retourner dans tous les sens. Et son ventre s'arrondissait à vue d’œil.
Vol'jin allait ajouter quelque chose, quand il aperçut des éclaireurs rentrer au village et le rejoindre.
- Chef ! Hurlenfer, il a instauré un couvre-feu, et la loi martiale partout en Durotar.
- Par les Loas, qu'est-ce qui cherche à faire, réfléchit tout haut Vol'jin.
- Et c'est pas tout chef. Il exécute les nôtres tous les jours, et pas proprement.
- Arf, on ne peut pas les laisser comme ça. Je laisserai pas mon peuple être sacrifié par un orc qu'a perdu la raison ! pesta le chef des Sombrelance. L'orc, il accélère la cadence, alors on va bouger. Jorig, monte plus de groupes pour dépouiller les kor'krons dans les Tarides. On va leur voler leurs ressources et les utiliser pour prendre Tranchecolline.
- Tu es sûr, Vol'jin ? demanda Thrall. Nous ne sommes pas assez nombreux !
- Nos alliés, ils arrivent, annonça le troll. Et Baine et ses braves seront bientôt là.
- On a recruté quelques orcs, mais très peu, signala un féticheur du village.
- C'est mieux que rien, on lance l'opération, ordonna Vol'jin.
Tandis que les Sombrelance se préparaient, et chargeaient leurs raptors, monture ancestrale des trolls, la jeune Yarall aidait. Elle avait fait la preuve de sa bonne foi, et s'était avérée efficace pour tuer des kor'krons. Les trolls semblaient lui faire confiance.
Et lorsqu'elle vit la femelle arriver vers Thrall, elle comprit alors. C'était elle, elle avait entendu dire qu'elle avait survécu à l'explosion du Val et rejoint la rébellion du troll. Gracieuse et féline, elle était incroyablement belle, et nul ne la soupçonnerait de pouvoir détruire la pierre à main nue à la voir toute frêle et d'aspect délicat.
Son regard insistant attira l'attention de Keera, qui pivota pour voir qui l'observait. La jeune orque, intimidée, baissa les yeux et rougit légèrement. Ses pommettes vertes s'empourprèrent, tandis qu'elle joua avec ses couettes brunes pour masquer son embarras.
Keera détourna le regard, et poursuivit sa conversation avec Thrall.
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La garce !
Malkorok venait d'apprendre le pillage de trois convois aux abords de Durotar par l'ouest. Le seul survivant rapporta que quelques orcs avaient rallié les trolls, et plus précisément, une jeune orque qui correspondait à la description de Yarall.
Fort heureusement, le Chef de guerre venait de mettre tout Durotar sous loi martiale, déclarant ainsi les trolls qui se cachaient au Village de Sen'jin ennemis de la Horde. Cela lui donnait donc carte blanche pour attaquer le village troll.
- Karog, prépare trois troupes de vingt kor'krons. Tu les mèneras sur le Village de Sen'jin. Ces renégats vont savoir ce qu'il en coûte de défier le Chef de guerre. Quand vous serez prêts, attaquez sur le champ !
- Lok'tar ogar ! s'écria Karog.
- Karog, je veux que tu m'amènes la femelle qui nous a trahis. Yarall, je la veux vivante.
- Compte sur moi, fit l'orc dans un sourire sinistre.
Celle-là, elle allait passer un moment des plus déplaisants lorsqu'on lui rapporterait son minois de traîtresse.
Tout à ses pensées des plus plaisantes à propos du traitement qu'il prévoyait pour la félonne, il fut rejoint par Zaela qu'il avait fait appeler.
- Ah, Zaela, nous avons reçu de nouveaux ordres du Chef de guerre.
- Je t'écoute, fit l'orque qui frottait ses mains couvertes de sang.
- Je constate avec plaisir que tu t'occupes de nos prisonniers avec soin, sourit-il.
- Ces traîtres regretteront d'être sortis du ventre de leur mère, cracha Zaela.
- Eh bien, je t'informe que tu as toute latitude pour les bichonner en nombre. Le Chef de guerre exige un exemple, et leur exécution massive le ravira.
- Très bien, j'augmente le rythme des mises à mort, et mes orcs seront heureux d'apprendre qu'ils peuvent les supplicier avec plus d'entrain, fit-elle dans un rictus sournois.
- Pff, si c'était possible, grimaça-t-il.
Zaela s'éloigna, fière de se voir confier une mission des plus divertissantes. Son Chef de guerre, assurément, la récompensait de sa fidélité sans faille, et reconnaissait sa valeur.
Malkorok l'observait. Il n'aimait pas les femelles trop ambitieuses, bien que celle-ci était d'une loyauté à toute épreuve. Cependant, il les préférait serviles, et surtout soumises. Il aimait contempler la peur et la crainte dans leurs yeux, et se délectait de leurs cris et gémissements qu'elles tentaient parfois d'étouffer par pure fierté. Celles-là, il aimait les mater, et s’enorgueillissait d'arriver à les dresser, en usant de la même brutalité dont il faisait preuve en combat. Car la vie était un combat, et ceux qui faisaient preuve de faiblesse ne méritaient pas de vivre.
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Voilà qui était parfait.
Varian reçut la confirmation des dissensions au sein de la Horde, ainsi que des nouvelles de Vol'jin qui s'était remis de ses blessures. Et le message de Keera l'avait rassuré au plus haut point. Il avait lu le rapport concernant la mine exploitée par la Ligue au Val, et les noms de Keera et d'Hermand y étaient notifiés. Aucun survivant ne fut relaté, et d'ailleurs, seuls des bouts de corps avaient été retrouvés ci et là dans les décombres.
Depuis, Varian avait vécu dans l'angoisse, et commençait à sombrer à nouveau vers ses anciennes afflictions. Ses humeurs changeantes avaient rapidement repris le dessus, et il réalisa qu'elles n'étaient jamais très loin, malgré une évolution certaine dans son caractère et son insécurité chronique qui disparaissait peu à peu.
Avec la missive de Keera, il s'était finalement trouvé naïf de penser que cela aurait pu la tuer. Sa constitution physique hors norme était devenue un gage de tranquillité et de réconfort pour lui, et il s'en voulait presque d'avoir douté de ses capacités de régénérations.
Le message était concis et impersonnel, car la princesse savait que les agents du SI:7 lisaient tout ce qui passait entre leurs mains.
Au roi de Hurlevent, Varian Wrynn,
soyez assuré que l'ensemble de la Horde ne cautionne pas les agissements de Garrosh Hurlenfer.
Certains d'entre eux, menés par Vol'jin, s'organisent et rallient toute personne incriminant le Chef de guerre et habitée par le même sens de l'honneur et de la justice.
La révolte s'organise, et nous devrons tous faire front commun, une fois de plus, contre un mal destructeur qui propage sa haine jusqu'aux contrées reculées de la Pandarie.
Dans l'espoir que vous entendrez ce cri du cœur et soutiendrez la cause la plus juste.
Votre amie dévouée à la paix, Keera.
Le propos était aussi très clair : Keera se battrait aux côtés de la Horde, ou en tout cas des rebelles issus de la Horde. Ce rappel de ses amitiés avec les orcs avait le don de raviver en lui cette crainte de la perdre et sa rivalité égrotante pour cette Horde qui lui avait tellement pris par le passé.
De plus, il avait beau avoir confiance en elle, ce n'était pas le cas du troll Sombrelance. Et bien qu'il fût évident qu'il fallait arrêter Garrosh, une telle alliance, franche et assumée, demandait réflexion.