La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 19 : Les représailles.

Les tentes soyeuses des elfes représentaient une cache pratique pour se dissimuler. Et Ming-Lu était bien décidé à libérer son amie de ses fers. La pauvre était agenouillée dans une cellule entourée de rayons rouges magiques, seule et désespérée. Il devait l'en sortir.

Heureusement, le moine était prévoyant, et ne quittait jamais sa besace de potions afin de parer à toute éventualité. Et ses élixirs de disparition étaient efficaces. Aussi en avait-il fait rouler un flacon près de la cage magique de Rinva, qui l'aperçut lorsqu'il cogna contre une pierre. Furtivement, elle s'en empara, puis lut le parchemin qui y était accroché.

Comprenant que Ming-Lu était dans les parages, elle conserva le flacon dans sa main fermée, puis fit non de la tête.

Le pandaren interpréta cela comme un signe d'incapacité à s'évader malgré l'ingestion de l'élixir, et décida d'utiliser la force pour la délivrer.

Il assomma deux des gardes postés près de la cage, puis contraignit physiquement un magus afin de l'obliger à annuler le sort d'entrave de la cage.

• Ming-Lu, ne faites pas ça ! s'écria Rinva. Je suis ici de mon plein gré !
• Dans une cage ? Tel un poisson-chat dans une marmite ? Je ne les laisserais pas vous faire de mal !

Mais le pandaren fut vite encerclé.

• Ne lui faites pas de mal ! fit la draeneï.
• Ce n'est pas à vous de décider de son sort, rétorqua l'un des gardes qui emmena Ming-Lu.
• Halte là ! Que se passe-t-il ? demanda Aethas qui réapparut.
• Mon seigneur, ce pandaren semble vouloir délivrer notre prisonnière, expliqua le garde.
• Expliquez-vous, ma dame, fit le chef des saccage-soleil en se tournant vers Rinva.
• C'est un ami qui m'a suivi et pense que je suis en danger.
• Vous êtes en danger, confirma l'elfe. Quelque chose a pu vous faire croire le contraire ? Votre histoire sentimentale peut-être ?
• Écoutez, je vous dis la vérité. Avez-vous soumis les documents à Lor'themar ?
• Je l'ai fait, mais rien n'indique que vous ne soyez pas une espionne, continua Aethas. À moins d'une preuve formelle. Seriez-vous prête à nous l'apporter ?
• Je le suis, affirma Rinva. Dites-moi comment ?
• Bien, vous allez rejoindre un groupe d'éclaireurs et nous apporter la tête de tous les membres du Kirin Tor que vous croiserez, ordonna Aethas. Et croyez bien que vous serez étroitement surveillée.
• J'accepte, acquiesça Rinva. Et concernant mon ami ?
• Son sort ne vous concerne pas, objecta l'elfe en lançant un signe de tête à son lieutenant qui emmena la draeneï.

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L’Île du Tonnerre était décidément peu hospitalière. Les créatures que la troupe d'elfes de sang rencontraient, tels que des diablosaures, raptors géants et immensément puissants, étaient à éviter.

La troupe s'engagea dans un sentier marécageux, et s'approcha rapidement de la Cime Pourpre.

Bien décidée à prouver sa bonne foi, Rinva cherchait du regard les mages du Kirin Tor qui étaient censés garder l'entrée du camp et ses environs.

Encore à bonne distance du camp, ils pouvaient apercevoir des forestiers du Concordat Argenté, qu'ils tuèrent discrètement.

• Là ! Les saccage-soleil ! s'écria un sorcelame du Concordat.
• En formation, vite ! ordonna l'elfe de sang responsable du groupe.

Tous se mirent dos à dos et incantèrent leurs sorts. Rinva les imita, se plaçant près de la troupe et levant les mains pour produire ses sortilèges.

D'abord étonnés de voir une draeneï parmi les saccage-soleil, les elfes du Concordat Argenté ne la ciblèrent pas. Puis, voyant qu'elle lançait des boules de feu sur les mages du Kirin Tor venus leur prêter main forte, ils l'attaquèrent.

• Une traîtresse à la solde des saccage-soleil ! Tuez-les tous !

Des renforts du Kirin Tor arrivèrent, submergeant les saccage-soleil. Mais Rinva était téméraire, et ses attaques particulièrement agressives décimaient ses ennemis en nombre.

Dans sa hâte d'en tuer le plus grand nombre, elle ne vit pas le magus posté derrière elle qui incantait un sort arcanique qu'il dirigea droit vers elle. À peine eut-elle le temps de se retourner sur le bourdonnement que le sortilège émettait, qu'elle fut bousculée par une masse imposante et duveteux.

• Ming-Lu ! cria la draeneï devant le corps parcouru d'énergie arcanique de son ami.

Le pandaren titubait, mais prit appui sur son pied pour ne pas tomber.

• Personne ne te... te fera de mal, articula-t-il avec peine.

Le magus lança un second sort que Rinva parvint à contrer, mais un sorcelame arriva par derrière et transperça son dos. La draeneï tomba à genoux, et vit les saccage-soleil s'éloigner sans même chercher à leur venir en aide.

Le magus s'approcha alors.

• Tu vas souffrir, traîtresse, annonça-t-il tandis qu'il faisait jouer une boule de feu dans sa main.

Tout en s'avançant, il fut stoppé par une main énorme et griffue qui l'obligea à pivoter.

• Tu ne lui feras pas de mal, grogna Ming-Lu qui tenta une prise qui visait à mettre le magus à terre en l'emportant par le bras.

Le regard noir du pandaren dénotait de sa détermination, mais le mage ne recula pas, brûlant la main du moine qui hurla de douleur. Le sorcelame coupa l'autre main de Ming-Lu à l'aide de son épée qu'il avait sorti du corps de la draeneï.

• Ces deux-là tiennent l'un à l'autre, fit le sorcelame.
• Dans ce cas, unissons-les dans la mort, poursuivit le mage.

La pluie avait cessé. L'occasion pour Nurong et une autre Pandashan de partir en reconnaissance dans la Morne Lande, garrigue située entre les deux camps de la Horde et de l'Alliance. Une étendue de terre qui portait bien son nom. D'autant que les deux pandarens découvrirent une scène pour le moins choquante : deux corps étaient accrochés contre le tronc d'un arbre flétri. Un pandaren au corps sauvagement mutilé, et ce qui devait correspondre à une draeneï femelle, dont les cheveux blancs maculés de sang restaient collés à l'arbre. Tous deux avaient été violemment écorchés. La scène laissa la Pandashan totalement bouleversée, pendant que Nurong leva la patte vers sa bouche alors que la bile lui montait.

Un tel spectacle amena Taran Zhu lui-même à confronter les dirigeants de l'Offensive du Kirin Tor et de l'Assaut des Saccage-soleil, arguant qu'un tel traitement était tout bonnement inadmissible, et que les coupables devaient être sévèrement punis.

L'enquête qui suivit confirma que Rinva avait bien été membre du Kirin Tor, et entretenait une liaison cachée avec le mage Luell Aubeffroi, un elfe de sang originaire de Lune d'Argent. Et c'est durant la Purge de Dalaran qu'il perdit la vie. Luell avait essayé de sauver ses compatriotes saccage-soleil, et pour cela, Jaina l'avait tué, sans sommation et sous les yeux d'enfants elfes de sang. Rinva avait appris la nouvelle d'un ami draeneï également mage, et depuis, elle avait déserté Dalaran.

Des habitants de Tombe-Brume avaient également apporté leur témoignage à l'affaire, confirmant l'affection grandissante de Ming-Lu pour Rinva, ce qui permit une meilleure compréhension des événements.

Cependant, aux vues des actes de barbarie dont avaient fait preuve certains membre de l'Offensive du Kirin Tor, ainsi que de l'attitude des saccage-soleil, Taran Zhu dût les avertir que de tels comportements ne seraient plus tolérés.

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Accablée par la nouvelle du sort de Ming-Lu et de Rinva, Keera, qui rendait visite à Vol'jin au Monastère des Pandashans, ne put contenir sa colère.

• Comment ont-ils pu ?
• C'est la guerre, mon amie, fit le troll de sa voix enrouée. Et la guerre, elle est sale.
• Quand bien même, c'est impardonnable, s'indigna la princesse.
• Si tu savais tout ce que Garrosh il s'est amusé à faire, t'en dormirais plus de la nuit.
• J'en sais déjà suffisamment Vol'jin, et je suis heureuse de savoir que tu ne figures pas sur la liste de ses « dommages collatéraux », ironisa Keera.
• C'est sûr, et je dois la vie aux pandarens. Très attentionnés ils sont de me laisser aux mains d'un humain.
• Vous semblez pourtant bien vous entendre, Tyrathan et toi, sourit Keera.
• Ouais, il en a dans la caboche, avoua le troll. Et sous le ceinturon.
• Eh bien, il y a de l'espoir.
• T'as toujours tes rêves de paix entre nous tous, mais tant que Garrosh il sera au pouvoir, tu sais que c'est impossible. Et le roi Wrynn est pas mal non plus dans le genre.
• Je ne crois pas qu'ils soient comparables, le reprit la princesse. Et de très loin même.
• Ah pour sûr, tu connais bien le roi humain à ce qu'on dit. T'as tes entrées à Hurlevent maintenant, et t'es bien vue de l'Alliance.
• Mais je n'ai plus les faveurs du Chef de la Horde, sourit-elle.
• Tous ceux qui vont pas dans le sens de Garrosh, ils sont des morts en sursis, déclara Vol'jin. T'as de la chance que Hurlenfer il t'ai pas encore fait tuer. Remarqué, pas qu'il y arriverait, mais bon, pas sûr qu'il ai tenté le coup.
• Il ignore peut-être combien j'ai aidé l'Alliance dernièrement.
• Compte bien sur Malkorok pour t'avoir fait suivre, t'as bien vu ce qui est arrivé à Bazol !
• J'ai vu, oui, s'offensa Keera. Nous n'avons pas été assez prudents, et il l'a payé au prix fort.
• Et pas toi, ajouta le troll.

Keera fronça les sourcils.

• Que veux-tu dire Vol'jin ?
• Keera, tu as menacé Garrosh plusieurs fois, tu l'as agressé au Fort Grommash à ce qu'on dit, et là, t'as détruit plusieurs de ses constructions en Krasarang. Et t'es là, devant moi, la tête qui tient toujours sur ton cou, alors que pour moins que ça, j'ai eu la gorge ouverte.
• Penses-tu qu'il soit si facile de l'en arracher ? plaisanta-t-elle.
• Je pense qu'il rechigne à te tuer, ouais. Et la raison elle m'échappe.

Vol'jin scruta minutieusement Keera. Il percevait dans son regard une étincelle de vérité qu'elle gardait pour elle. Ses espions ignoraient ce qu'il s'était passé lors de sa dernière visite à Orgrimmar, lorsque les kor'krons avaient retrouvé le Chef de guerre blessé au front, et Malkorok inconscient et le nez cassé.

Keera n'était sûre de rien, car elle n'était pas dans la tête dure et bornée de Garrosh. Même si la forme de compassion qu'elle avait perçu de lui, la dernière fois au Fort Grommash, était en effet troublante. Il avait semblé désolé pour ses souffrances après Theramore. Cependant, il serait dangereux d'en tirer des conclusions hâtives.

• Vol'jin, j'ignore ce que tu essaies de dire, mais je n'en sais pas plus que toi. Je ne connais pas ses motivations, et malgré ce que tu sembles penser, je n'ai aucune influence sur Garrosh.
• J'en suis pas aussi sûr que toi. Mais enfin, si y'a un espoir de le bouter hors d'Orgrimmar à coup de pied dans le train, on le fera.
• C'est donc vrai, tu organises une rébellion ?
• Et pas des moindres, répondit Vol'jin. On rassemble des ressources à Durotar, maintenant que Thrall a libéré les îles de l’Écho. On y stocke des denrées, et on recherche des alliés. J'ai contacté Lor'themar, et tu sais quoi ? L'assaut qu'il a monté contre le Roi-tonnerre, tiens-toi bien, Garrosh il est pas au courant.
• Pardon ? Comment peut-il l'ignorer ?
• C'est qu'il est occupé, l'orc. Entre son entêtement à bousiller le roi Varian en Krasarang, et ses excavations dans le Val, l'a pas une minute à lui, sourit le troll.
• Oui, j'ai travaillé avec les explorateurs et les chroniqueurs au Val, ils craignent que la Horde ne déterre des secrets mogus enfouis sous le Val. Je retourne d'ailleurs auprès de mon ami Hermand pour enquêter sur ces pouvoirs enfouis.
• Eh ouais, il peut pas être partout.

Vol'jin fixa Keera. Il avait hésité à lui faire une proposition, mais il devait tenter le tout pour le tout.

• Keera, je sais que tu tiens à ta neutralité. Mais tu sais qu'on aura besoin de toi si on doit marcher sur Orgrimmar.
• Et je serai là, confirma la princesse.
• Merci, je savais qu'on pouvait compter sur toi, dit Vol'jin qui élargit sa gueule.

Il y avait également une question qui taraudait l'esprit du troll depuis un moment. Se redressant encore davantage sur sa couche, il demanda :

• Keera, je peux te poser une question ?
• Je t'écoute.
• T'as remonté les bretelles de Garrosh après Theramore, t'as détruit ses fortifications à la Halte de la Domination. C'est moi ou t'hésites à le tuer ?

Vol'Jin touchait un point sensible. En effet, elle avait eu maintes occasions de le tuer. Ainsi que de très bonnes raisons.

• Tu sais, je vais te dire ce que je lui ai dit, juste après Theramore. La seule raison pour laquelle il est encore en vie, c'est par respect pour la mémoire de Grommash.
• Par respect pour son paternel ? Keera, tu te rends compte qu'il est mort, et que là où il est, ça changera rien.
• Vol'jin, j'avais une lourde dette envers lui. Une double dette, car il a rejoint ses Ancêtres sans avoir pu tenir une promesse faite à Orgrim. Et je sais combien cela lui a pesé.
• J'entends bien, et je me souviens de Grommash. L'était pas des plus sympathiques, mais il faisait le boulot que Thrall lui ordonnait. Mais Garrosh, c'est pas Grommash.
• C'est vrai. Grom était plus sauvage, mais il avait un grand cœur, et un sens de l'amitié qu'on ne retrouve plus chez les Chanteguerre aujourd'hui, dit-elle avec nostalgie.
• T'es une drôle Keera. Chaque fois que tu parles des plus belliqueux et des plus farouches, comme Grom ou même Orgrim, on dirait que tu parles des taurens les plus doux. Manquerait plus que tu parles de Malkorok avec une certaine tendresse.
• Alors là, si un jour tu m'entends parler de lui ainsi, c'est que je serai possédée ou sévèrement touchée à la tête, cracha Keera.

Tous deux rirent de bon cœur. Les événements à venir s'annonçaient plus que dangereux. Ils savaient que Garrosh n'en resterait pas là, et poursuivait ses recherches de pouvoir à dérober aux mogus et à s'approprier pour sa propre gloire. Tandis que Varian concentrait son énergie à garder la Horde à distance, et cherchait un moyen d'arrêter Hurlenfer une bonne fois pour toute.