La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 18 : La guerre nourrit la guerre

2765 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/10/2024 17:34

Chapitre 18 : La guerre nourrit la guerre.



Cela faisait plusieurs jours que Keera avait rejoint les Pandashans à la Garnison du Soleil Couchant.

Et elle devait bien avouer que d'entraîner des recrues en plein cœur du Val n'était pas déplaisant. Plus que motivés par les événements, et impatients de participer à la défense de la Pandarie, ces moines en devenir étaient étonnants. Keera savait que n'importe quel pandaren en âge de manger seul savait se servir de ses poings et de ses pieds pour se défendre. Cet art martial était si ancré dans leur culture que cela rendait ses enseignements plus aisés. En revanche, ils manquaient d'endurance et d'endurcissement. Ce à quoi Hai Me Mains de Plomb, qui les entraînait avec rigueur, savait remédier.


La ville Tombe-Brume était la cité la plus proche, offrant divertissements, nourriture, et accueillant de nombreux réfugiés de Kun-Lai. Parfois, un guerrier de l'Alliance ou de la Horde se proposait de suivre l'entraînement des moines, intéressé par ces enseignements qu'ils jugeaient souvent exotiques et différents.

Et depuis peu, une draenei du nom de Rinva campait la ville. Très discrète, elle disait être arrivée avec le débarquement de l'Alliance sur les côtes de Krasarang, et aidait à la construction de la tour de guet que les pandarens du Lotus Doré étaient en train d’ériger.


Grande et élancée, la mage draeneï n'avait pas laissé les habitants de Tombe-Brume indifférents. Peu habitués à côtoyer une telle créature, son accent et son allure avaient charmé Ming-Lu, un moine pandaren originaire de Micolline qui avait migré jusqu'au Val depuis l'ouverture des portes pour y accéder. Il aimait la regarder faire jouer des étincelles de feu entre ses mains expertes pour allumer le feu des fourneaux du cuisinier Tope, et admirait son aisance à se mouvoir, tel un tigre évoluant dans les fourrées.


Mais son air triste l'empêchait de l'aborder, gageant qu'elle devait sûrement se languir du retour de son amant. Or, lorsque les habitants l'avaient questionnée, elle avait juste répondu poliment qu'elle n'attendait plus personne.


Désireux de gagner son amitié, à défaut d'autre chose, Ming-Lu l'interrogea à propos de la nature de la magie qu'elle utilisait.

  • Nous autres moines utilisons notre énergie vitale pour combattre, lui expliqua le pandaren. Nous maîtrisons également le Chi, une autre source d'énergie que nous utilisons pour plusieurs techniques.
  • Vos techniques ne requièrent pas l'utilisation de mana ? demanda-t-elle.
  • Si, pour soigner, nous l'utilisons également. Mais avant tout, nous utilisons ceci.


Le pandaren montra ses mains et tournait ses pieds devant lui pour illustrer ses propos.

Tous deux étaient assis à la lisière de la ville, observant le panorama et discutant de leurs pouvoirs respectifs.

Elle était si belle, si gracieuse, pensait Ming-Lu lorsqu'il l'écoutait évoquer ses dons magiques. Il pensa alors combien ce devait être agréable d'être à ses côtés.


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L'assaut sur l’Île du Tonnerre avait commencé. Trois nouvelles factions avaient été créées : l'Offensive du Kirin Tor représentait l'Alliance, l'Assaut des Saccage-soleil incarnait la Horde, et l'Assaut Pandashan menée par Taran Zhu.

Keera envoyait donc les recrues fraîchement formées qui adhéraient à l'Ordre des Pandashans sur l'île, tenant un bon rythme grâce au nombre croissant de volontaires à la formation initiale. Car l'apprentissage de la voie du moine prenait en fait des années, et cette formation n'était qu'une bonne base pour maîtriser les arts martiaux pandarens.


  • Ceux-là seront bientôt prêts, dit Yumi Patte d'Or. Encore quelques jours et tu pourras les proposer pour le front.
  • J'ai l'impression de les envoyer à la mort Yumi, rétorqua Keera. Avec si peu d'instruction...
  • C'est la guerre, Keera. Et c'est aussi notre refus obstiné à faire la guerre qui nous a conduits à être aussi peu nombreux à suivre un réel entraînement martial.
  • Ainsi que la venue des miens, ajouta la princesse.
  • C'est ainsi, et nous devons à présent faire face, déclara Yumi.
  • Dame Keera, avez-vous réfléchi à ma demande ?


C'était Rinva. Elle avait sollicité Keera pour être missionnée sur l’Île du Tonnerre, et avait commencé à suivre les instructions des moines.

  • Rinva, je sais que vous êtes une mage chevronnée. C'est pourquoi je ne comprends pas votre refus de rejoindre les forces de l'Alliance.
  • C'est que ce n'est pas la bannière sous laquelle je souhaite me battre, expliqua la draeneï.
  • Mais vous ne pouvez pas adhérer à l'Ordre des Pandashans, pas avant d'avoir suivi l'entraînement initial et spirituel. Et cela prendra des semaines.
  • Je vois, veuillez m'excuser de vous avoir importunée, fit Rinva qui s'éloigna.


La mage s'était doutée que sa demande échouerait. Personne ne pouvait accéder à l'île sans appartenir à l'une des factions formées pour l'assaut. C'était une manière de vérifier qui s'engageait, et de filtrer de potentiels traîtres.

Elle devait donc trouver un autre moyen d'accéder à l'île.

De retour à Tombe-Brume, l'air maussade, Rinva se dirigea vers la Rose d'or, l'auberge de la ville. Elle salua le tavernier de la tête, puis alla s'asseoir à la petite table à laquelle elle s’asseyait chaque jour. Près de la cheminée, elle écoutait le crépitement du feu, un bruit qui savait l'apaiser.


  • Vous semblez troublée, émit une voix sereine mais tintée d'inquiétude.
  • Oh, Ming-Lu, pardonnez-moi, j'étais dans mes pensées, répondit Rinva sans grande conviction.
  • Si je puis vous aidez, faites-le moi savoir, s'inclina le pandaren qui pivota pour s'éloigner.


Soudain, Rinva eut une idée.

  • Ming-Lu ? Voulez-vous vous asseoir ?
  • Oh, bien-sûr, sourit le pandaren qui s'assied sur la chaise en face.
  • J'allais commander à dîner, voulez-vous m'accompagner ?


Le pandaren accepta avec joie. Pour la première fois, Rinva le sollicitait en lui proposant de partager son repas. Peut-être avait-il une chance ?

Ils furent donc servis, et après un repas à base de légumes cuits à la vapeur et de chèvre grillée, Rinva questionna Ming-Lu :


  • Nous utilisons l'alchimie pour nos potions, mais vos procédés d'infusion sont impressionnants.
  • Eh bien, elles sont surtout redoutables, et permettent l'amélioration de nos conditions physiques sans risques, car les plantes utilisées ne sont pas nocives, argumenta le pandaren.
  • Avez-vous également des breuvages pour accélérer le pas, ou rendre invisible ?
  • Oh oui, beaucoup de moines se sont penchés sur la question depuis des générations, expliqua Ming-Lu.


Rinva réfléchissait. Son ami de fortune pourrait bien l'aider dans sa quête. Et il semblait sous son charme. Elle devait tenter sa chance. Rien n'était plus important que cela.

  • Ming-Lu, si je vous demandais de me préparer une infusion particulière, le ferez-vous sans poser de question ? demanda la draeneï.
  • Eh bien, si elle n'est pas destinée à vous mettre en danger, je vous la préparerais avec plaisir, sourit-il.
  • C'est très gentil à vous, et je puis vous assurer qu'elle symbolisera la justice, ajouta Rinva dont l'ambition touchait au but.


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Le ciel était constamment nimbé de nuages gris sur l’Île du Tonnerre. Le paysage accidenté et en ruine donnait l'impression qu'une guerre venait d'y être menée. L'architecture froide et austère semblait correspondre au maître des lieux : Lei Shen, le Roi-tonnerre.


Rinva avait réussi à traverser le portail de téléportation de l'Offensive du Kirin Tor grâce au breuvage efficace et indétectable de Ming-Lu. Il avait été difficile de le convaincre de ne pas la suivre, mais la draeneï n'avait pas hésité à lui mentir, prétextant qu'elle cherchait à surprendre une de ses amies.


Elle était à présent prête à agir, prête à saboter les plans du Kirin Tor. Prête à se venger.

Le portail l'avait menée directement à la Cime Pourpre, le quartier général de l'Offensive. Toujours sous l'effet de l'infusion, Rinva s'avança vers Jaina Portvaillant qu'elle aperçut à la table de commandement aux côtés de Vereesa Coursevent, la chef du Concordat Argenté.

Rinva se souvenait d'avoir éprouvé de la compassion pour ces deux femmes, l'une ayant perdu sa cité et les gens qu'elle gouvernait et aimait, l'autre faisant le deuil de son époux, Rhonin, qui avait lui aussi disparu à Theramore pour avoir sauvé la première. À présent, il n'était plus question de compassion, ni même de pitié.


Là, les voici, pensa Rinva qui pouvait distinguer les plans d'invasion étalés sur la table. Il lui fallait réussir à en dérober ne serait-ce qu'une partie, et la seconde phase de son plan pourrait commencer.

Elle devait patienter, afin que les deux femmes, si ce n'était une, ne s'éloigne de la table de commandement. Mais Ming-Lu avait bien spécifié que la durée des effets de l'infusion était de quelques heures. Elle devait donc envisager de dérober quelques feuilles de papier malgré la présence de Jaina et de Vereesa. Et cela s'avérerait presque impossible. Jaina était une Archimage chevronnée et de loin supérieurement puissante, et Vereesa étant une haute-elfe, elle pouvait peut-être détecter sa présence.


Mais par chance, elle vit les deux femmes s'éloigner lorsqu'un aventurier les sollicita. Elles tournaient le dos à la table. C'était sa chance.

Elle s'avança à tâtons, lut rapidement le titre des parchemins, et en tira trois du dessous de la pile.

Elle regarda Jaina qui s'était furtivement retournée, comme si elle avait senti sa présence. L'Archimage pivota à nouveau, et Rinva put s'éloigner. Elle se retourna doucement, et se retrouva presque nez-à-nez avec le mage de guerre Yurias, un haut-elfe passé maître en détection des sorts de camouflage. Elle crut même un instant qu'il la fixait.


Paralysée quelques instants, elle se reprit, puis progressa vers les escaliers qui menaient à la sortie du camp militaire.


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Rinva s'engagea vers l’extrémité du camp lorsqu'elle aperçut une elfe de sang prise au piège d'un sort de givre. Une saccage-soleil ! Un peu plus loin, un sorcelame du Concordat Argenté arpentait la butte. Elle poursuivit donc son chemin dans les fourrés sauvages, et s'attela à éviter la faune sauvage en serrant les dents. Car elle ne pouvait pas libérer l'elfe, sa mission primait sur tout.

Et alors qu'elle s'éloignait, elle sentit une main se poser sur son épaule. S'esquivant, elle bondit en arrière, un sort de feu en préparation.


  • C'est moi, Rinva !
  • Ming-Lu ! Mais que faites-vous ici ? demanda la draeneï sans cacher son désappointement.
  • Pardonnez-moi, mais je m'inquiétais pour vous. Et... je vous ai suivie.


Rinva tenta de se ressaisir. Elle ne voulait pas s'emporter contre le pandaren, qui, de plus, lui avait procuré le breuvage d'invisibilité. Et elle ne voulait pas non plus le mettre en danger.

  • Ming-Lu, écoutez-moi et rentrez auprès des vôtres. Et s'il vous plaît, ne vous mêlez pas de mes affaires.
  • Si vous vous mettez en danger, c'est en partie ma faute ! Je me sens responsable Rinva, fit le pandaren. Et je vois bien que quelque chose ne va pas.


Devant l'air abattu de la draeneï, Ming-Lu lui prit les mains.

  • Écoutez, je ne vous connais pas vraiment, et je ne sais pas ce qui a assombrit votre cœur, mais je veux vous aider, Rinva. Je refuse de vous laisser dans la tourmente.
  • Et je refuse de vous mettre en danger, Ming-Lu.
  • Je suis impliqué à présent, fit le pandaren. Et je ne reculerai pas pour aider une amie.
  • Je ne suis pas votre amie, et je n'ai pas besoin de votre compassion, ni même de votre amitié, rétorqua Rinva.


Il fallait qu'il comprenne. Elle ne voulait pas le mêler à ses plans. Mais face au visage inquiet du pandaren, Rinva ajouta :

  • Je vous remercie pour le breuvage, mais je n'ai plus besoin de vous Ming-Lu. Et je ne voudrais pas avoir à user de sortilèges contre vous, alors partez !

La draeneï pivota, puis s'avança en direction du nord.

  • Je ne vous laisserais pas vous embourber, Rinva.


Elle s'arrêta net, tandis que Ming-Lu l'approchait.

  • Parlez-moi, dites-moi ce qui emprisonne votre cœur et vous pousse à vous mettre en danger.
  • Comment pouvez-vous savoir que je me mets en danger ? Que croyez-vous savoir ? fit-elle avec colère. Que savez-vous de l'amour, de la mort, et du vide que cela laisse ? Que connaissez-vous de la trahison de votre chef en qui vous placiez votre confiance et qui...


Rinva s'interrompit. À l'évidence, les mots suivants étaient trop douloureux à prononcer.

À présent quelque peu renseigné sur ses tourments, Ming-Lu dit doucement :

  • L'eau ne reste jamais sur la montagne, ni la vengeance dans un grand cœur.

Les yeux remplis de larmes, la mage susurra, la voix brisée :

  • Mais c'est tout ce qu'il me reste, Ming-Li. Je suis désolée.


Le temps pour le moine de comprendre, et il perdit connaissance.


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  • Ne pouvez-vous donc pas faire avancer vos troupes plus en amont ?
  • Malheureusement non, seigneur Aethas, répondit son lieutenant. L'Alliance y a progressé de façon significative. Et leurs protections sont efficaces.
  • Et alors ? Détruisez leur garde-périmètre et ne laissez pas le Kirin Tor prendre l'avantage.
  • Bien, mon seigneur.


Lorsque le seigneur régent des elfes de sang, Lor'themar Theron, avait décidé de lancer un assaut sur l’Île du Tonnerre à des fins militaires, l'Archimage Aethas Saccage-soleil avait proposé ses services. Suite à la Purge de Dalaran, et à son évasion du Fort Pourpre, il était bien décidé à venger son peuple, et à faire payer à Jaina Portvaillant pour le meurtre des siens.


  • Seigneur Aethas, au rapport, fit un gardien cherchelaube.
  • Dites-moi ?
  • Un membre du Kirin Tor nous a abordé, seigneur. Une draeneï qui dit détenir des informations sur les plans du Kirin Tor pouvant nous aider.
  • Une espionne, rectifia Aethas. L'avez-vous soumise à la question ?
  • Elle dit vouloir vous rencontrer en personne, mais nous l'avons mise aux fers.
  • Bien, menez-moi jusqu'à elle, ordonna Aethas. S'il s'avère qu'elle détient en effet des informations cruciales, nous allons les lui arracher.


Le gardien guida l'Archimage jusqu'à l'extrémité du Promontoire de Cherchelaube, où pouvaient être gardés les quelques rares prisonniers qui étaient faits. La cage magique renfermant la draeneï était très étroite et ne lui laissait aucune possibilité de s'échapper, ni même de se lever.


À présent face à la mage, Aethas, qui avait déjà vu ce visage, la questionna :

  • Se pourrait-il que nous nous connaissions ?
  • En effet, répondit la prisonnière. Je suis Rinva ancien membre du Kirin Tor. Et je viens à vous en toute bonne foi.
  • Oui, je me souviens de vous, avoua l'elfe de sang. Et vous prétendez détenir des informations qui nous seraient utiles ? En quel honneur ? Et pourquoi devrions-nous vous faire confiance ?
  • Je n'appartiens plus qu'à mon désir de vengeance ! J'ai quitté le Kirin Tor après la Purge de Dalaran. Après avoir vu de mes propres yeux ce que Jaina Portvaillant avait fait.
  • Trop aimable de votre part de compatir ainsi pour nous autres, se moqua Aethas.
  • Les vôtres m'importent peu, à vrai dire, fit la draeneï. Celui qui compte n'est plus, et m'a été enlevé ce jour-là.
  • Je vois, la personne à qui vous teniez a été tuée par Portvaillant, et vous avez soudain changé de bord, reprit l'Archimage.
  • Il s'agissait de l'un d'entre vous, seigneur Aethas, affirma-t-elle sur un ton dur.
  • Vous voulez dire, ma dame, qu'un saccage-soleil se serait pris d'affection pour vous ? Permettez-moi d'en douter.
  • Vous insinuez qu'un elfe de sang ne pourrait aimer une draeneï ?
  • J'insinue que je n'étais pas au courant d'une telle liaison, corrigea Aethas.
  • Ce qui ne me surprend pas, mon seigneur. Personne n'était au courant de notre histoire. Ou presque.
  • Et voilà tout le drame, ma dame. Comment vous croire ?
  • J'ai sur moi une partie des plans d'action de l'Offensive du Kirin Tor. Enfin, l'un des gardiens me les a pris, assura-t-elle.


Aethas Saccage-soleil pivota et fit signe au gardien de lui apporter les dits documents. Après une lecture en diagonale, il alla rejoindre Lor'themar afin de lui montrer les manuscrits, et de décider du sort de la mage soi-disant désertrice.

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