La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 17 : Œil pour œil

4356 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/09/2024 19:06

Chapitre 17 : Œil pour œil.



L'humeur du Chef de guerre était des plus maussades. De retour à la Halte de la Domination, il ruminait l'échec de son plan, déjoué par le morveux de Varian qui avait osé se dresser contre lui. Heureusement, il l'avait payé de sa vie, et le roi humain saurait ce qu'il en coûte de le provoquer.


À présent déterminé à mener l'assaut sur le Territoire du Lion et à débarrasser enfin Krasarang de la présence crasse de l'Alliance, Garrosh convoqua ses meilleurs généraux.

  • Positionnez-vous là, et là ! Et ne reculez pas devant les assauts aériens de ces minables gnomes, grogna le Chef de guerre. Les machines volantes gobelines devraient pouvoir les neutraliser.
  • Bien, Chef de guerre, acquiesça Nazgrim.
  • Chef de guerre !


C'était un kor'kron. Halenant, il avait dû gravir les marches en courant.

  • Qu'est-ce qui t'arrive Gabul ?
  • La Plage, les réservoirs à pétrole ! Ils explosent !
  • Ces satanés gobelins ! grommela Garrosh. Incapables !
  • Non Chef de guerre, pas les gobelins...


Une explosion, plus proche cette fois, les obligea à sortir du Fort pour voir d'où provenait la détonation. Garrosh sortit en trombe, suivi de Malkorok et de ses généraux. L'explosion venait de la porte ouest.

Une fois dans la cour, des orcs, gobelins et taurens se ruèrent depuis la porte principale vers l'intérieur du Fort pour se protéger. De loin, l'on pouvait voir la Plage Baille-Fonds brûler.


  • Par les Ancêtres, qu'est-ce qui se passe !? beugla Garrosh. Une attaque de l'Alliance ?


Il poursuivit son chemin, toujours talonné par ses généraux. Arrivés à la porte ouest, ils virent la tour à canons qui penchait, comme attaquée à sa base. Un coup violent finit de briser le mur, et la tour commença à s'écrouler. En revanche, aucun signe de tir de canon ni de machine volante venue percuter la tour.


Alors que le bâtiment s'effondrait, Gabul s'écria :

  • Là, Chef de guerre !


Garrosh suivit le doigt pointé vers la base de la tour. Malgré la poussière et la pierre qui tombaient, il vit une forme qui se tenait là, regardant dans leur direction. Et, tandis que d'autres guerriers couraient vers le Fort, Garrosh s'avança.

La silhouette ne bougeait pas malgré le danger que représentait la tour en chute. Plissant les yeux pour mieux apercevoir le coupable de cette destruction qui ne resterait pas impunie, le Chef de guerre reconnut la femelle malgré son nouvel accoutrement et se figea. Il serra les poings de colère et grogna.


Keera le toisait, le regard dur et rempli de colère.

Un peu plus loin, un orc recroquevillé, qui avait vu la princesse frapper la tour pour la démolir, tentait de s'éloigner, mais fut stoppé par des racines sorties de la terre. Lentement, il fut amené vers la princesse qui ne détachait pas son regard du Chef de guerre.


Une fois à ses pieds, l'orc écouta Keera lui dire en langue orque :

  • Dis bien à ton Chef de guerre qu'il est tombé bien bas pour s'en prendre à un enfant. Comme cette tour, son honneur a bel et bien disparu.


Puis la princesse s'en fut, laissant à Garrosh la primeur du spectacle qu'elle lui offrait à regarder tomber ce qu'il pensait avoir construit avec force et honneur. Des valeurs à jamais bafouées par ses actions perfides et lâches tandis qu'il sombrait un peu plus vers la déchéance.


Et alors qu'il la regardait s'éloigner, Garrosh hurla de rage, se jurant de ne jamais laisser personne l'empêcher de parvenir à ses fins.


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Encore en construction, le Territoire du Lion offrait une vue sur l'architecture typiquement humaine. De hauts murs de briques claires surmontés d’échafaudages de bois, des soldats portant l'armure argentée aux couleurs de l'Alliance, et des drapeaux arborant les armoiries de Hurlevent.

Keera marcha en hâte et se dirigea directement vers les quartiers royaux, attenants à la salle servant de quartier général.

Accueillie par une redresseuse de torts draeneï, qui lui indiqua où se trouvait Anduin, Keera courut donc vers les appartements du prince.


  • Anduin ! cria-t-elle en entrant.


Varian était assis auprès de son fils, ainsi que Velen, le prophète des draeneï qui tentait de le soigner.

Le roi pivota vers elle, et lui lança un regard qu'elle n'avait encore jamais vu : un regard profondément accablé. S'avançant lentement vers eux, Keera regardait Anduin, puis s'assied aux côtés de Varian. D'instinct, elle ausculta le corps du prince étendu et inconscient. Sa respiration était douloureuse, comme oppressée par les os brisés qui appuyaient sur ses poumons. Soudain, les larmes lui vinrent.


  • Ses os sont broyés, dit-elle la voix tremblante. Ils sont en miette.


Sans quitter Anduin des yeux, Varian posa délicatement sa main sur celle de Keera. Le regard de Velen passa du roi à la princesse.


Lorsque le prophète se redressa, Varian le dévisagea.

  • Comme vous le dites, dame Keera, les os d'Anduin sont broyés. J'ai apporté les soins premiers, votre Majesté. Mais la Lumière ne pourra ressouder ses os en si peu de temps.
  • Garrosh va payer pour cela ! grommela le roi entre ses dents.
  • La douleur ne disparaîtra probablement jamais complètement, et avec le temps, elle pourrait même croître, conclut le prophète.


Keera leva les yeux vers lui, et le regarda s'éloigner, la mine désemparée. Velen avait été le tuteur d'Anduin, à qui il avait enseigné les préceptes et l'utilisation de la Lumière. Ils étaient proches, et Velen était comme un guide spirituel pour Anduin. De savoir qu'il ne pouvait faire plus pour son élève devait le dévaster, et son pas lourd le confirmait.


À présent seuls, ils restèrent un moment à veiller Anduin, puis Varian prit la parole :

  • Comment as-tu appris ce qu'il lui était arrivé ?
  • Un ami tauren m'a envoyé un messager pour me tenir informée, répondit Keera qui reniflait.

Varian la regarda avec tendresse :

  • Je suis heureux que tu sois là.

Keera leva les yeux vers lui, et serra la main qu'il avait posé sur la sienne.

  • Que t'es-t-il arrivé ? demanda-t-il devant la poussière sur son visage et le sable dans ses cheveux.


La princesse le fixa, tandis qu'un garde entra.

  • Votre Majesté !
  • Pas maintenant, récrimina le roi sans même se retourner.
  • Mais sir, il s'agit de la Horde. Pardonnez-moi, fit le garde en baissant la tête.
  • Eh bien quoi la Horde ?


Le regard du garde passa du roi à Keera. Confus, Varian examina Keera dont le regard devint dur et sérieux.

  • Les réservoirs à pétrole sur la plage, ainsi qu'une tour à canons qui ciblait nos navires à la Halte de la Domination ont été détruits, votre Majesté.


Voyant à son regard que Varian avait compris, Keera leva le menton.

  • Un bien petit prix à payer pour ce qu'il a fait à Anduin, fit-elle simplement.


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  • Au rapport, votre Majesté.
  • Je vous écoute, maréchal Doublenattes, fit Varian.
  • Les troupes font état d'une tour tombée ainsi que de la destruction de la base pétrolière exploitée par les gobelins, dit le nain.
  • Des pertes ?
  • Très peu du côté de la Horde, et aucune du nôtre sir. D'après nos agents du SI:7, dame Keera les aurait prévenus, ainsi que les gobelins, que tout allait sauter. Ils ont rapporté l'avoir vue invoquer le feu sur du pétrole répandu sur le sol. Concernant la tour à canons...
  • Eh bien, qu'y a-t-il ? demanda le roi.
  • Sir, c'est assez difficile à croire, mais la tour aurait été brisée, comme qui dirait, à coup de poing.
  • Oui et alors ? Elle est tombée, c'est le plus important non ?
  • Hum oui, en effet sir, fit le nain, quelque peu dérouté. Enfin, toujours est-il qu'avec ces pertes pour la Horde, nous prenons l'avantage.
  • Voilà qui est parfait, maréchal. Je compte sur vous pour renvoyer ces chiens de la Horde chez eux la queue entre les jambes. Je vous confie les pleins pouvoirs le temps de mon voyage en Dun Morogh.
  • À vos ordres, sir, se courba légèrement Doublenattes.


Tandis que le maréchal quittait la pièce, un portail apparut.

  • Jaina, que me vaut cette visite ? demanda Varian, encore sur la défensive suite à leur dernière rencontre.
  • Votre Majesté, je pars pour le Nexus, mais avant, je tenais à vous faire part de mon souhait de participer à l'assaut contre Lei Shen, le roi-tonnerre qui aurait été réanimé.
  • Fort bien, j'ai reçu une requête des Pandashans concernant ce point, je vais leur confirmer la participation du Kirin Tor.
  • Ainsi que celle du Concordat Argenté, sir. Nous formerons l'Offensive du Kirin Tor, et ainsi nous représenterons l'Alliance auprès des Pandashans.
  • Je vous remercie, Jaina, fit Varian avec réserve. Et je suis heureux de constater que vous prenez de sages décisions.
  • Inutile de vous montrer complaisant Varian. J'ai fait ce qui devait être fait.
  • Je...
  • Pardonnez-moi, mais je ne suis pas sûre que massacrer sans plus de procès soit la meilleure solution pour préserver la paix.


Keera était entrée et s'avançait vers eux. Incapable de se dominer aux vues des conséquences de la Purge de Dalaran, elle poursuivit :

  • Je doute qu'il ait été judicieux de vous en prendre à chaque membre de la Horde de Dalaran. Un tel amalgame ne vous ressemble pas, dame Jaina.
  • Dame Keera, j'avais défendu ces traîtres, et voilà comment ils m'ont remerciée pour cette confiance. Et je ne me justifierai pas plus auprès de vous que je ne l'ai déjà fait auprès de Varian.
  • Que vous avez manqué de tuer lorsque vous vouliez déchaîner un raz-de-marée sur Orgrimmar Jaina, insista Keera. La haine ne mène qu'au carnage.
  • Vous ignorez ce que cela fait de se voir tout perdre sans autre raison que la haine et l'ambition.
  • Tout le monde souffre, Jaina. Mais vous êtes un dirigeant, vous n'avez pas ce luxe ! Vous ne pouvez pas...
  • Oh oui, vous êtes incorruptible, tout le monde le sait, ironisa l'Archimage.
  • Que voulez-vous dire ? demanda Keera.
  • Jaina, la prévint Varian.
  • Tout le monde n'a pas la chance de se voir conférer les pouvoirs de dragons noirs et d'en user pour étriper et massacrer, fit Jaina. Vos va et vient entre l'Alliance et la Horde ne vous donnent pas le droit de juger, Keera. Et vos amitiés récentes avec Hurlevent ne vous prévalent pas plus ce droit.
  • Jaina ! menaça le roi de sa voix grave.


Keera n'aurait jamais cru contempler pareille transformation. Jaina paraissait si douce et aimable lorsqu'elle fit sa connaissance au mariage de Thrall. À présent, ses yeux durs et froids étaient le reflet du bloc de glace qui avait condamné son cœur. Elle avait certes de bonnes raisons pour haïr la Horde, et surtout Garrosh, mais encore plus de raisons pour espérer la paix.

Mais l'aridité de son cœur cachait autre chose. Quelque chose de profondément enfoui, mais encore présent : son humanité.


  • Jaina, j'ai des raisons d'en vouloir à l'Alliance, au-delà d'un père qui m'a vendue et d'un frère qui m'a trahie.


L'Archimage écoutait avec attention.

  • Mais, voyez-vous, j'ai encore plus de raisons d'en vouloir à la Horde. Ce que certains orcs m'ont fait restera gravé dans ma chair, et dans mon âme, fit Keera avec sincérité. Et pourtant, j'ai renoncé à ma colère, car elle est trop puissante et peut nous détruire.
  • Vous avez pourtant cédé à votre colère lorsque votre amie orque a été tuée par une abomination au Temple du Repos du Ver, reprit Jaina. Beaucoup ont été témoins de votre transformation, et du massacre malaisant qui a suivi.
  • En effet, concéda Keera. Il y a encore peu, je ne maîtrisais pas tous mes pouvoirs. Mais j'ai toujours su diriger ma colère vers la personne, ou la chose, qui en était à l'origine.
  • C'est sûrement pour cela que vous n'avez pas tué Hurlenfer pour venger Anduin ! cracha Jaina.
  • Ni pour venger Theramore, ajouta la princesse, ce qui questionna Varian qui fronça les sourcils.
  • Comment ça pour venger Theramore ? s'enquit le roi.


Keera fit non de la tête, puis reprit :

  • Jaina, ne soyez pas ce que vous condamnez chez Garrosh.
  • Vos paroles se veulent sages, Keera, avoua l'Archimage. Mais c'est égal, je maintiens que les saccage-soleil ont eu ce qu'ils méritaient. Je protège le Kirin Tor, et je protège l'Alliance, fit-elle en se retournant pour franchir le portail qu'elle avait créé.


Varian soupira longuement, pendant que Keera restait pensive.

  • Jaina est devenue aussi belliqueuse que je l'étais, il y a encore peu, avoua Varian. Cela prendra du temps pour guérir de ses blessures.
  • Oui, les blessures rouvertes mettent du temps, confirma Kerra. Et cela ne se surmonte pas seul.
  • Non, en effet, fit-il en posant son regard sur elle.


Comprenant où Varian voulait en venir, Keera poursuivit tout-de-même :

  • Ne penses-tu pas que nommer une personne à la tête du Kirin Tor qui a tenté d'ensevelir toute une cité sous un raz-de-marée sous l'effet de la colère était une mauvaise idée ?
  • Il est vrai que certaines décisions sont discutables, mais le fait qu'elle ait arrêté son bras avant le désastre les a enjoints à la désigner. Tout comme une sorte de prophétie que Rhonin aurait retrouvée dans un vieux coffre, ajouta le roi.
  • Hum... Elle a volé l'Iris de focalisation pour amplifier son sort destructeur.
  • Je sais.
  • Elle a aussi volé un recueil de sortilèges interdits dans Dalaran-même.
  • Je sais, fit le roi en montant le ton.
  • Et elle t'a insulté devant Anduin...
  • Je sais ! fit dangereusement Varian pour couper court à la discussion.


Keera le fixa alors, l'air contrarié. Elle savait qu'il n'avait pas son mot à dire concernant la gouvernance du Kirin Tor. Mais le fait de laisser Jaina aux commandes du Kirin Tor l'inquiétait.

  • Et Jaina est l'une des mages les plus puissantes d'Azeroth, fit-il sur un ton plus calme pour la rassurer.
  • C'est vrai, et je lui souhaite de retrouver la paix, conclut sincèrement la princesse. Afin qu'elle prenne les bonnes décisions.


La pièce servant à élaborer les stratégies était ouverte de part et d'autre, et chacun pouvait entrer et sortir. Ce qui ne laissait pas beaucoup de place à l'intimité. C'est pourquoi Varian proposa :

  • Je pars demain à l'aube, veux-tu rester ici cette nuit ?
  • Je pense pouvoir rester, oui, acquiesça Keera. Taran Zhu m'a confié la charge du camp d'entraînement du Soleil Couchant au Val, j'y serai rapidement. Et je voudrais rester un peu au chevet d'Anduin.
  • Préviens-moi s'il se réveille, ajouta le roi.
  • Varian, m'autorises-tu à appeler un ami soigneur ? C'est un tisse-brume, il utilise les énergies vitales pour guérir et des infusions pour apaiser. Je suis sûre que cela aidera Anduin à aller mieux.
  • Nous avons essayé la Lumière, essayons les arts pandarens, acquiesça le roi, reconnaissant qu'elle prenne soin de son fils.


Keera lui sourit, pressa sa main et partit rejoindre le jeune prince.


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Alors que la construction de la Halte était presque terminée, il fallait de nouveau faire appel aux gobelins pour établir les plans d'une autre tour à canons, et trouver un moyen de prélever le pétrole des environs en creusant des souterrains.

L'intervention de Keera avait mis le Chef de guerre hors de lui, menaçant de couper sa langue à l'orc qui lui avait servi de messager. Ce qu'il lui avait rapporté confirmait les doutes de Malkorok à propos des accords de la princesse avec l'Alliance, et pire encore, avec Varian. Car, pour se montrer aussi menaçante après l'agression du prince de Hurlevent, Keera devait être devenue leur alliée, si ce n'est une amie proche.


Tandis que Garrosh fulminait, Malkorok lui proposa de s'occuper lui-même d'un groupe de soldats de l'Alliance qui se croyaient assez malins pour croire que les kor'krons ne les avaient pas découverts. Car ils s'étaient postés près de la reconstruction de la zone d'exploitation du pétrole.


  • Tu as raison, Malkorok, je vais pouvoir me défouler sur ces pitoyables crétins de l'Alliance, fit Garrosh qui avait empoigné Hurlesang.
  • Ils sont sur le site d'abattage des arbres, Chef de guerre, sourit le kor'kron. Ils n'attendent que vous pour les cueillir.


Garrosh choisit un autre kor'kron pour les accompagner, puis tous trois sortirent du Fort. Malkorok désigna l'endroit du doigt, puis le Chef de guerre opina et s'avança, le haut du corps légèrement voûté.


Un peu plus loin, ils pouvaient apercevoir le groupe composé de deux elfes de la nuit et de cinq humains. Ils surveillaient le chantier, et semblaient compter les gobelins.

Bien. Ils allaient pouvoir les charger sans être vus. Cachés derrière un rocher, ils les voyaient parfaitement bien, et étaient assez proches. Sur un simple signe de leur Chef de guerre, tous trois chargèrent sans crier gare. Garrosh occit un humain dont l'armure émit un craquement lorsque Hurlesang s'y enfonça. Le sang sortit par la fente, et le soldat hurla lorsqu'il vit l'orc massif aux épaulières et aux tatouages si reconnaissables qu'il ne riposta même pas. Hurlesang sonna le glas d'un second humain qui avait eu le malheur de le ruer, et fut décapité d'un seul coup de hache. Malkorok s'attaqua aux deux elfes de la nuit, dont l'un d'eux disparut puis réapparut derrière le kor'kron.


Étonnamment rapide pour un orc aussi imposant, Malkorok réussit à défaire le second elfe lorsque l'autre kor'kron acheva un autre humain et lui trancha les jambes. Le soldat hurla de douleur, essayant instinctivement de récupérer ses jambes. Affolé, il déglutit difficilement tandis que le kor'kron lui ouvrit la gorge et le regarda mourir, le visage bien en face.


L'affaire fut réglée en quelques minutes à peine. Le corps en charpie des soldats de l'Alliance furent décapités, pour ceux qui comptaient encore une tête. Les crânes sanguinolents furent emmenés au Fort et placés sur une pique.


  • Une joute pitoyable ! L'Alliance se bat mollement, avait pesté Garrosh en rentrant au camp.


La séance avait revigoré le Chef de guerre, qui rentrait couvert de sang. Et tandis qu'il se léchait les doigts avec délectation, Malkorok eut un rictus de satisfaction. Il savait comment aider son chef à évacuer sa frustration. Il connaissait aussi d'autres façons de l'expulser, et qui requérait le concours d'une autre personne. Il chercha d'ailleurs la jeune orque du nom de Yarall qui avait cru pouvoir disposer de reconnaissances et d'égards en courtisant le chef des kor'krons, quelques mois plus tôt.


D'un commun accord, elle se glissait sous la tente de l'orc rochenoire avec qui elle passait la nuit, en attendant la partie de chasse offerte aux futures conquêtes. Car, selon les rites orcs, le jeune mâle conviait sa future compagne à une partie de chasse durant laquelle ils faisaient la preuve de leur agilité et de leur endurance. À cette occasion, le mâle se déclarait, et la femelle, ayant accepté la chasse, se devait d'accepter de se lier à lui.

Cependant, la jeune orque avait rapidement déchanté. Car offrir ses charmes à Malkorok était à double tranchant. Bien évidemment, il ne fit jamais la promesse de se lier à elle, mais surtout, lors de leurs ébats des plus rudes, il prenait plaisir à la maltraiter, si bien qu'elle sortait de sa tente couverte de contusions, si ce n'était en boitant.


Yarall regretta amèrement d'avoir été aussi naïve, car l'orc faisait appel à elle selon son gré, pour la rejeter ensuite sans considération. Elle comprit également qu'elle ne pouvait se soustraire à son emprise, car Malkorok tenait à son jouet qui devait rester à sa disposition. La privant de fait de la possibilité de se lier à un autre. La quête de gloire de la jeune orque s'était finalement soldée par une décadente descente aux enfers dont il n'était plus possible de s'échapper.


Lorsqu'il la vit enfin, près des forges de la Halte, il attendit qu'elle l'aperçoive pour lui lancer un coup de tête signifiant qu'elle pouvait le suivre. La pauvre savait ce qui l'attendait. Levant fièrement le menton, car il lui était inconcevable qu'à sa souffrance s'ajoutent des moqueries, elle le suivit, et supporta tant bien que mal les va-et-vient brutaux de l'orc dont elle espérait qu'il tomberait au combat, occis de préférence par une femelle qui lui ferait regretter d'être venu au monde.


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Anduin avait repris conscience, et narra à Keera sa rencontre avec le Chef de guerre. Et devant la mine dégoûtée du prince, Keera n'eut pas le cœur à le sermonner pour les risques qu'il avait pris.


  • J'ai tenté de le raisonner, de lui faire comprendre qu'il faisait plus de mal que de bien, mais il n'écoute pas. Certainement parce que je suis encore trop jeune pour qu'il me considère réellement.
  • Oh non, Anduin, fit Keera. Si cela peut te rassurer, personne ne peut faire entrer autre chose dans sa tête dure que ce qu'il veut entendre. Et crois-moi, même si j'ai cru un temps qu'il pouvait m'écouter, ce n'est plus le cas depuis longtemps.
  • Alors si même toi et Thrall ne pouvez le convaincre, tout est perdu, se résigna Anduin.
  • J'en suis à cette conclusion, effectivement, confirma la princesse.


Après un moment de réflexion, Anduin, qui était assis sur son lit de convalescent, se redressa.

  • Non, je refuse de croire qu'il n'y a aucun moyen de lui faire entendre raison !
  • Nous n'avons sûrement pas tout essayé, mais je doute qu'il se laisse amadouer par des récits, ou même par des charmes féminins, si tant est qu'une femelle normale tente de l'approcher.


Ces dires firent sourire le jeune prince.

  • Tu as même pensé à cela ? Le faire manipuler par une femme qui userait de ses charmes ?
  • Oh tu sais, beaucoup d'hommes y sont sensibles lorsqu'ils se retrouvent face à ce qui leur plaît. Et je pense qu'au fond, je m'en veux de ne pas avoir réussi à le persuader qu'il n'empruntait pas le bon chemin. Alors j'ai commencé à envisager toute sorte de plans.
  • Tout de même, qui accepterait un tel rôle ? rit Anduin.
  • Oh j'ai réfléchi à la question, expliqua Keera. Il aurait fallu trouver une orque aux charmes irrésistibles et qui lui vouerait une telle haine qu'elle serait prête à tout pour se venger de lui.
  • Mais elle aurait préféré le tuer plutôt que le manipuler, ne crois-tu pas ?
  • Si, c'est vrai, fit-elle, contrite. Et donc ce plan tombe à l'eau.


Anduin rit aux éclats, et Keera fut rassurée de le voir reprendre des couleurs. Et surtout sain et sauf. Elle le laissa alors se reposer, puis sortit de sa chambre. Et alors qu'elle regagnait l'antichambre, une voix gutturale la fit tressaillir.


  • Je te suis vraiment reconnaissant de prendre soin de mon fils.
  • Oh Varian ? Tu étais là ?
  • J'attendais pour venir le voir, et je vous ai entendu discuter.
  • Hum, tu nous écoutais, l'accusa-t-elle.
  • Je savais avant même que vous vous rencontriez que vous vous entendriez comme larrons en foire. Vous êtes deux idéalistes si épris de justice et de paix que je ne comprends toujours pas comment Garrosh ait pu vous résister, sourit-il.
  • C'est qu'il a la tête dure, fit-elle en l'enserrant. Tout comme toi.
  • Mais je sais écouter, contrairement à ce pourceau. (il referma son étreinte sur elle)
  • C'est vrai, et contrairement à lui, tu as un grand cœur, et une âme.


Varian plongea son regard bleu dans le sien, et pressa ses lèvres contre les siennes. Avec une extrême douceur, Keera caressa le visage de son amant, et répondit au baiser langoureux.

Très vite emporté par cet échange passionnel, le roi plaqua la princesse contre le mur, tenant ses mains en l'air et l'embrassant fougueusement. Il n'était pas toujours aisé de refréner les ardeurs du roi, mais l'endroit était mal choisi.


  • Varian ! Je ne crois pas que ce soit l'endroit... fit-elle tandis qu'il s'engouffrait dans son cou.


Le roi se calma quelque peu, humant l'odeur de sa compagne et appuyant son front contre le sien.

  • Tu as raison, n'importe qui pourrait entrer et nous surprendre, reconnut-il.
  • Le roi de Hurlevent et chef suprême de l'Alliance entretenant une relation avec la veuve d'un chef de guerre de la Horde. Imagine un peu la tête de tes conseillers, se moqua-t-elle.
  • Et celle de tes amis de la Horde ! répliqua-t-il. Et Thrall qui a bien connu ton époux.
  • J'ignore ce qu'il en penserait, en fin de compte. Le seul qui accepterait l'idée reste Anduin, pensa Keera. As-tu déjà songé à lui en parler ?
  • Non. Enfin si, à vrai dire. Mais il est encore jeune. Pourra-t-il comprendre qu'un homme, ou plutôt que son père puisse aimer une autre femme que sa propre mère ?
  • J'en suis convaincue, dit la princesse avec certitude. S'il ne le sait pas déjà.
  • Et comment le saurait-il par la Lumière ?
  • Ton fils est perspicace Varian. Il se peut qu'il ait compris, l'avertit Keera.
  • Qu'il le pense encore, je veux te garder pour moi seul encore quelques temps, fit le roi en déposant un baiser sur son front.


Un dernier geste d'une douceur que les yeux qui observaient la scène ne lui connaissait pas.

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