La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Chapitre 4 : Chercher l'équilibre

2243 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/07/2024 18:45

Chapitre 4 : Chercher l'équilibre.



Le chemin vers le Temple du Tigre blanc était encore long, et il fallait regagner le Sommet de Kun-Lai rapidement.

Durant sa découverte de la Pandarie, Keera avait appris à maîtriser la monte de créatures des airs qui servaient de monture aux pandarens de l'Ordre du Serpent-nuage, situé dans la Forêt de Jade.

Elle s'attela donc à appeler le dragon volant qu'elle avait élevé et avec qui elle s'était liée d'amitié, car ceux qui chevauchaient ces créatures, considérés comme les enfants de Yu'lon, le grand Serpent de Jade, étaient ceux qui avaient su créer des liens étroits avec elles.


Keera attendit patiemment que son compagnon ne la rejoigne, tandis qu'elle se remémora le jour où elle avait trouvé l’œuf de serpent-nuage qu'elle apporta à l'Arboretum, auprès de l'Ordre du serpent-nuage. Il était plus sombre que celui des autres initiés, et Anli et Ronce du ciel, les instructeurs de vol et maître-serpent, lui avaient alors déconseillé de s'en occuper. Car il renfermait certainement un serpent-nuage onyx, et ceux-là étaient bien plus agressifs et rétifs que les autres. Et Keera n'étant qu'une initiée, elle ne pourrait maîtriser une telle créature.


La princesse avait néanmoins insisté, arguant qu'elle sentait déjà un lien se tisser entre eux, et que personne ne pourrait les séparer quoi qu'il arrive.

Impressionnés par une telle preuve de volonté et de force, qui plus est de la part d'une étrangère, les instructeurs de vol avaient donc accepté de l'instruire. Et il s'avéra que le serpent-nuage que Keera avait élevé était bien un dragon onyx, mais présentait une autre caractéristique rare : il était fulminant. Keera leur avait donc confié qu'elle avait trouvé l’œuf aux abords d'une île tout au nord, où le ciel était constamment nimbé d'éclairs.


Au début, les craintes des instructeurs s'étaient révélées exactes : la créature encore bébé s'attaquait à Keera et lui pinçait le cou et les mains de sa petite mâchoire déjà dentée. Mais alors qu'ils cherchaient un moyen de convaincre la princesse d'abandonner son dressage, ils réalisèrent que cela l'amusait. En fait, c'était même un jeu entre eux, car Keera aussi l'attaquait et essayait de le mordre. Et, bien qu'elle fût rapidement recouverte de griffes et de plaies, elle ne reculait jamais et réussissait même à le caresser. Le petit aimait cela, et devint plus affectueux.

Anli et Ronce du ciel s'étaient alors demandé lequel des deux était le plus sauvage.


Keera fut tirée de ses pensées par le majestueux Saja, énorme serpent-nuage qui venait de poser sa tête moustachue sur ses genoux, et qu'elle caressa avec tendresse.



Keera demanda à Saja de longer l’Échine du Serpent, immense muraille qui séparait jadis l'Empire mogu des terres mantides, ancienne race insectoïde qui leur livrait une guerre tous les cent ans.

À dos de serpent-nuage, Keera arriva rapidement au Sommet de Kun-Lai, terre située la plus au nord de la Pandarie, et dirigea sa monture plus à l'est, en direction de Binan. D'après ses informations, c'était là qu'avaient été amenés des étrangers blessés durant la bataille du Cœur du Serpent.


Keera connaissait bien le bourg, et retrouva vite le Maire Bâton de Roncier qui la prévint que les Pandashans étaient bien au fait de l'apparition du Sha du doute.

Taran Zhu étant donc informé, elle pouvait s'attarder quelques peu ici, le temps de rencontrer les impudents qui avaient décidé de guerroyer sur une terre inconnue sans se soucier des conséquences.


Elle se rendit donc où les blessés étaient soignés, une demeure située au centre de Binan. Elle rencontra l'apothicaire Cheng à qui elle confia plusieurs bandes d'éolaine ainsi que quelques plantes qu'elle avait récolté sur la route.


  • Merci à toi, Keera, fit Cheng, une pandarène particulièrement douce. Tu ne viens jamais les mains vides.
  • Si je peux aider, dit Keera. Dis-moi Cheng, les étrangers qui vous ont été amenés sont-ils encore ici ?
  • Tu les trouveras à l'étage. Mais prends garde, ils ne cessent de se chamailler, la prévint Cheng.
  • Oh je n'en doute pas, fit la princesse qui entra tout en saluant les soigneurs.


Depuis le rez-de-chaussée, elle pouvait déjà entendre la voix mélodieuse d'un orc lançant une pique verbale à un homme dont la voix était légèrement enrouée.

À l'étage régnait un certain chaos, bien loin de ce que l'on voyait en Pandarie.


  • Par les Ancêtres, … fit Nazgrim en la voyant, mais fut interrompu par une chaussure lancée vers lui.
  • Tes ancêtres se demandent pourquoi un guerrier aussi lamentable ne les a pas encore rejoints, fit l'homme dont le torse était bandé.
  • Amiral Taylor, je présume, dit Keera le regard blasé.
  • Par la Lumière, seriez-vous...
  • Pah ! cracha Nazgrim. Il ne sait même pas à qui il a affaire.
  • C'est que nous ne nous sommes jamais rencontrés, intervint Keera pour éviter qu'une autre savate ne lui soit envoyée au visage.
  • Restez allongés, les somma le soigneur qui peinait à maintenir le calme. Vos plaies vont se rouvrir.
  • Vous pouvez nous laisser, je veillerai à ce qu'ils se tiennent tranquilles, lui dit la princesse, malgré les deux paires d'yeux qui la foudroyaient.



Le soigneur descendit l'escalier, tandis que Keera s'assit au milieu des belligérants. Aux côtés de Nazgrim étaient étendus une réprouvée et un gobelin. Près de l'amiral dormaient une draenei ainsi qu'un nain qui ronflait bruyamment.

La scène était plutôt cocasse, bien que les événements fussent graves. Et Keera se fit un plaisir de les en informer.


  • Il semble que vous ayez survécu de peu à l'attaque d'un Sha, dit-elle.
  • Peuh ! Il ne perd rien pour attendre celui-là, pesta Nazgrim.
  • Encore faudrait-il qu'un orc soit capable de lever autre chose qu'une foutue hache, critiqua Taylor.
  • En effet, ces entités sont bien plus puissantes et auront besoin de plus qu'une hache pour être vaincues, assura la jeune femme. On ne peut pas tuer le doute avec une épée, ni se protéger de la peur avec une armure.
  • « Ces », la repris l'humain.
  • Oui, c'est ce qui arrive lorsque l'on s'entête à se battre sur une terre inconnue et que l'on détruit l'équilibre qui y règne depuis des millénaires, les rabroua-t-elle.
  • Mais il n'y en avait qu'un, affirma l'orc.
  • J'imagine que ce n'est qu'une question de temps avant que les autres n'apparaissent, étant donné la joie que vous mettez dans vos échanges chaleureux et sympathiques. Comment vous proposez-vous d'en débarrasser les pandarens ?


Taylor se renfrogna.

  • Vous pensez pouvoir enterrer des décennies de conflits avec ces monstres à la peau verte ?
  • Je ne pense pas que vous déteniez toutes les prérogatives pour faire ce qu'il vous chante où cela vous chante, le reprit sévèrement Keera.

Nazgrim pouffa, tandis que la princesse se tourna vers lui et lui lança un regard noir.

  • C'est valable pour toi aussi, Nazgrim !
  • J'obéis à mon chef de guerre, se défendit Nazgrim.
  • Oui, et tout le monde connaît ses motivations, continua Keera.


Elle les dévisagea ensuite calmement.

  • Écoutez, je n'espère pas que vous cessiez vos conflits définitivement, je ne suis pas naïve à ce point. Mais j'aimerais qu'au moins vous entendiez que vos querelles mettent en danger les habitants de la Pandarie qui n'ont rien demandé.


Les deux guerriers se turent un moment, grognant dans leur coin et se lançant des regards mauvais.

Il était évident qu'elle ne ferait aucun miracle. Leurs yeux lançaient des éclairs dignes des pires décharges électriques d'Al Akir.

Soudain pris d'un doute, Nazgrim demanda :

  • Mais et toi, que fais-tu ici ? Tu étais déjà là avant notre arrivée ?


Keera sourit. L'ironie de la situation lui avait échappée jusqu'à présent.

  • Eh bien, crois-le si tu veux, mais je prenais de la distance avec les conflits grandissants entre l'Alliance et la Horde.

Estomaqués, les deux la regardèrent bouche bée.

  • Hum ! Les événements t'ont rattrapée il semblerait, sourit Nazgrim.
  • Il n'y a rien de drôle, bouda Keera.
  • Mais vous connaissiez donc la Pandarie ? Depuis longtemps ? demanda Taylor.
  • Depuis quelques années, oui, dit-elle sans plus de détails. C'est pourquoi je sais combien il est important que l'équilibre soit préservé ici.
  • Et alors quoi, je retourne voir Garrosh et je lui dis que nous devons décamper sous prétexte que l'équilibre ici est perturbé ?
  • Pas si tu tiens à ta tête, s'amusa Keera. Mais un rapport sur la puissance des entités que vous avez réveillées serait un bon début.
  • Pff, il ne sait pas écrire, se moqua Taylor.
  • Et toi tu ne sais pas garder ton prince et le protéger, renchérit l'orc.
  • Il me semble qu'il s'est vite esquivé quand tu l'as capturé, fit l'humain.
  • Attends voir...
  • Calmez-vous, intervint Keera en haussant le ton. Le prince de Hurlevent doit être en sécurité. Il est malin et plus fort que vous ne le pensez, dit-elle à l'encontre de Taylor. Contentez-vous de guérir et d'aider vos sauveteurs. Il y a de quoi faire ici à Binan. Le bourg est constamment attaqué par les yaungols, aidez-les et rendez-vous utiles.


Elle se leva, hocha la tête dans leur direction, puis descendit les escaliers, les laissant ruminer ces échanges qu'elle espérait constructifs.



  • Dame Keera !


Alors qu'elle allait quitter la masure qui servait d'infirmerie, Keera fut rejointe par l'amiral.

  • Pardon ?
  • Dame Keera, fit Taylor, essoufflé.
  • Vous devriez rester allongé, le gronda la princesse.
  • Je voulais vous parler loin des oreilles indiscrètes, fit-il en désignant l'étage de la tête.
  • Je vous écoute.
  • Si vous le permettez, j'aimerais vous entretenir au sujet des projets de mon homologue postée à la Forêt de Jade. Il s'agit de l'amiral Catherine Rogers.
  • Vous craignez quelque chose à son sujet ?
  • Je crains qu'elle ne fasse preuve de zèle, si vous voyez ce que je veux dire.
  • Je ne vois pas bien non, admit Keera. Vous pensez qu'elle pourrait s'en prendre aux pandarens ?
  • Non, pas directement. Mais puisque vous parlez d'équilibre, la connaissant, elle va essayer d'éradiquer toute trace de la Horde de la Forêt de Jade.
  • Vos propos pourraient être pris pour de la trahison amiral, dit-elle en regardant autour d'eux.
  • Je le concède. Mais j'ai vu cette horreur qui est apparue juste devant nous. Si vous dites qu'il y en a d'autres, mieux vaut éviter de les réveiller.


Keera le regarda avec incrédulité.

  • Pourquoi me confiez-vous cela ? Je ne crois pas avoir mérité votre confiance, dit-elle le regard suspicieux.
  • Vous n'avez peut-être pas conscience de la portée de vos actes héroïques pendant le Cataclysme, ma dame, mais sachez que beaucoup reconnaissent vos qualités, et de nombreux rapports font état de votre désir de paix entre l'Alliance et la Horde.


En effet, Kera n'avait pas mesuré l'ampleur de ses succès, comme le montrait son expression de surprise qui n'échappa pas à l'amiral. Elle savait que l'on retracerait les événements du Cataclysme, mais sans plus d'artifice.


Devant la mine étonnée de la princesse, Taylor ajouta :

  • Il semble que vous soyez une personne de confiance qui ne cherche à intégrer aucune des deux factions. Votre intérêt est ailleurs, et étroitement lié à la paix, comme notre prince.
  • En effet, le prince Anduin est un fervent défenseur de la paix, admit Keera qui souriait.
  • Beaucoup de voix s'élèvent contre ses partis pris, dont l'amiral Rogers, qui est un des généraux les plus influents de Hurlevent, la prévint Taylor.
  • Je gage que cela n'aide pas le roi Varian à prendre position en faveur de la paix, s’indigna-t-elle.
  • C'était le cas jusqu'à présent, en effet. Mais le roi semble tendre une oreille plus attentive à son fils ces derniers temps. C'est pourquoi il serait dommage qu'il lui arrive le pire, finit-il en plissant les yeux. Mais comme vous semblez croire qu'il est en sécurité...


L'amiral avait relevé les dires de Keera un peu plus tôt. Une fois de plus, elle ne s'était pas méfiée et avait parlé à tort et à travers.

Cependant, l'homme ne semblait pas vouloir la mettre dans une position délicate, et prit congé d'elle :

  • J'ai cru bon de vous faire confiance en vous faisant part d'informations confidentielles, ma dame. Tout comme je ne doute pas que la sécurité du prince vous importe, car il représentera un allié de poids une fois roi. J'espère pouvoir confirmer au roi qu'il va bien, comme son Altesse l'a précisé dans un parchemin arrivé par oiseau messager.
  • Vous le pouvez, amiral. Et je vous remercie de votre confiance.


Finalement, cet homme lui redonna espoir. Si tant est qu'elle serait capable de raisonner une personne aussi tranchée que l'amiral Rogers qu'il dépeignait comme une femme aussi intolérante que Garrosh.


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