La voix de l'ombre - Livre II : Le destin du monde
Chapitre 5 : En chemin vers Hurlevent.
Le trajet jusque Grom'gol, le pied-à-terre de la Horde en Strangleronce, fut pour le moins original. Keera, qui avait pris l'habitude de passer inaperçue, encapuchonnée comme toujours, et assise discrètement dans un coin de l'aéronef, s'était retrouvée à jouer aux cartes avec un gobelin, un elfe de sang, et un troll. Durant le voyage, elle avait également admiré le paysage, et posé quelques questions aux gobelins qui restaient intarissables lorsqu'il s'agissait de parler arnaque et argent.
Keera les trouvait particulièrement intelligents et ingénieux, et comprenait pourquoi Thrall s'en remettait à eux pour reconstruire la capitale.
Le zeppelin arriva à Grom'gol après plusieurs jours de voyage.
À l'exception d'un gobelin, Grom'gol n'était habitée que par des orcs. Keera demanda une carte pour rejoindre la Marche de l'ouest ainsi qu'une monture, et une orque du nom de Thysta lui confia une wyverne. La princesse n'en avait jamais chevauché, et elle savait que les orcs les domptaient, et les utilisait pour des voyages aériens rapides. Elle s'avança alors vers la créature ailée à tête de lion, caressa sa crinière, et la chevaucha. Toutes deux partirent au nord-ouest et survolèrent Strangleronce rapidement. La végétation évoquait une savane herbeuse aux plantes herbacées, flore caractéristique des terres sèches et arides.
La princesse fit une halte à la frontière montagneuse au sud de la Marche de l'ouest. Après une nuit au sommet de la montagne, Keera reprit la route à dos de wyverne, tout en observant la contrée verdoyante et fermière. Vue de haut, la région paraissait dorée, tant les champs dominaient.
Tout au nord, un pont de pierre menait à la Forêt d'Elwynn, que Thrall lui avait conseillé de traverser, car il s'agissait du chemin qu'empruntait son messager officiel à Hurlevent. Keera renvoya la wyverne avant de franchir le pont, car cette monture n'était utilisée que par des membres de la Horde. Elle demanda ensuite son chemin aux gardes stationnés de l'autre côté du pont.
Les gardes lui conseillèrent d'emprunter la route principale pour arriver rapidement à Hurlevent, et la princesse accepta leur offre de prêt d'un palefroi pour le voyage. Son laisser-passer avait été fort utile, et Keera dût s'habituer à ne pas être pourchassée ou constamment méfiante dès lors que quelqu'un l'approchait. Elle n'était plus une fugitive.
Elle galopa alors en direction du nord-est, et arriva à Comté-de-l'or au crépuscule. Elle y vit une forge, un terrain d'entraînement, ainsi qu'une auberge. Elle hésita cependant à loger dans l'auberge, qui ne lui inspirait pas confiance. En effet, l'endroit semblait malfamé, et la population qui s'y rendait était apparemment très imbibée, et révélait un comportement dépravé. Elle préféra donc poursuivre son chemin et trouva une maisonnée abandonnée au bord du Lac de Cristal. L'endroit était paisible, et la nuit chaude et parsemée d'étoiles qui annonçaient une belle journée à venir.
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Le soleil se levait à peine, et ses rayons réchauffaient déjà le lac dans lequel Keera se débarbouilla. Elle joint ses mains pour amener l'eau vers son visage, et lorsqu'elle les remonta à la surface, elle y trouva une petite forme bleue. Keera connaissait cette créature aquatique, et la laissa repartir en la déposant sur la surface du lac. Le petit murloc l'observa, puis s'éloigna en marchant sur l'eau.
La princesse reprit la route vers la capitale humaine en retraversant Comté-de-l'or. De journée, l'endroit paraissait moins louche.
Elle poursuivit son chemin en suivant la route principale, et aperçut au loin le portail de pierre menant à la cité. Hurlevent se dressait devant elle, tandis qu'elle descendit de cheval, et décida de terminer le trajet à pieds. En chemin, elle croisa une jeune femme qui lui proposa des petits pains au beurre contre quelques pièces de cuivre. Elle se présenta comme une boulangère itinérante du nom de Kira, ce qui ne manqua pas de faire sourire la princesse qui la dédommagea en pièces d'argent.
La voyant refermer sa bourse, un homme habillé de cuir et au pantalon troué surgit des arbres, et tenta de la lui dérober. Le pauvre vide-gousset s'était malheureusement attaqué à la mauvaise personne : croyant pouvoir maîtriser une femme seule facilement, il se retrouva l'arrière-train en l'air avec quelques dents à ramasser sur le sol. Un garde de Hurlevent vit la scène et s'empressa auprès de Keera :
- Êtes-vous blessée, ma dame ? s'enquit-il.
- Tout va bien, il n'était pas dangereux, le rassura-t-elle.
- Je vois, dit le garde qui pensait bien l'avoir vu l'emporter sur le filou. Souhaitez-vous que je vous escorte jusque Hurlevent ? Vous semblez prendre cette direction.
Encore peu habituée à pouvoir voyager sans avoir à se cacher, Keera accepta l'offre. Cela lui ferait une compagnie.
- La Vallée des héros est notre fierté, dit le garde qui s'était donné pour mission d'instruire sa protégée en chemin. Vous dites ne jamais être venue à Hurlevent ?
- Jamais, confirma la princesse. Mais votre ville semble déjà impressionnante vue d'ici.
- Elle l'est ! Ah, nous entrons.
Ils passèrent le portail, et Keera réalisa à quel point le garde disait vrai : la Vallée des héros présentait cinq gigantesques statues qui encadraient le passage jusqu'à l'entrée dans la ville. Le garde lui narra le nom et l'histoire de ces héros qui s'étaient sacrifiés pour Azeroth.
Arrivés devant la cinquième statue, représentant le Général Turalyon, le garde s'adressa au commandant en chef de la garnison :
- Mon commandant, j'escorte cette dame jusqu'à l'entrée de la ville, avec votre permission.
- Permission accordée, soldat, lança le commandant du haut de son cheval.
Ils prirent alors le chemin de droite et passèrent une arche qui débouchait sur le quartier des commerçants.
- C'est ici que je vous quitte, ma dame, dit le garde. Partout dans les rues vous trouverez d'autres gardes qui seront à même de vous indiquer votre chemin.
- Je vous remercie pour votre temps, répondit Keera. Et pour vos explications.
- À votre service, ma dame.
Le soldat tourna les talons, et pivota en sens inverse pour ajouter :
- Je longe la route principale jusque Comté-de-l'or, ma dame. Si par hasard, vous auriez besoin d'un guide, je puis être à votre disposition, dit-il les joues empourprées.
- C'est très aimable de votre part, s'inclina légèrement Keera qui retrouvait peu à peu ses manières princières.
Puis le garde s'en fut.
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Après avoir traversé le quartier marchand, dont chaque bâtisse était recouverte de toits bleus, Keera poursuivit sa route vers le donjon de Hurlevent, où siégeait le roi. Elle n'eut aucun mal à trouver son chemin, car le donjon surmontait la ville et était visible depuis l'entrée de la cité. Elle entra dans la Vieille ville, d'après l'écriteau disposé à l'entrée. Là encore les toits étaient d'une couleur différente des autres quartiers. Ici, ils étaient d'un rouge rouille. Keera aimait ce quartier, plus militaire, quoique flanqué de quelques ivrognes.
Elle en sortit et longea les canaux jusque le pont-levis qui menait au donjon. L'un des gardes postés devant l'arrêta :
- Halte ! Vous entrez dans le donjon de Hurlevent. Sans autorisation ou affiliation à la Maison des Nobles, je ne peux vous laisser passer.
- Je crois que cela devrait suffire, dit-elle en lui montrant son laisser-passer.
Le garde le lut, puis la scruta. Rien d'étonnant avec un laisser-passer sur lequel était apposé le sceau de la Horde.
- Vous n'êtes pas le messager habituel que le Chef de guerre envoie, soupçonna le garde.
- Non, en effet. Je suis bien porteur d'un message du Chef de guerre, mais pas le messager officiel.
Après étude du document, le garde rejoint son homologue et revint après que son collègue fut parti en direction du donjon.
- Toutes mes excuses, ma dame. J'ai fait appeler le comte Remington en charge des affaires du royaume. J'ai besoin de son autorisation pour vous faire entrer.
- Je comprends, dit simplement Keera qui s'impatientait malgré tout.
L'homme que le garde partit chercher était de toute évidence un noble. Il lui rappelait son père adoptif.
- Ma dame, puis-je voir votre laisser-passer, je vous prie ? demanda poliment le comte.
- Le voici, dit Keera en lui tendant le document.
Après vérification, le comte escorta la princesse jusqu'au donjon. Tandis qu'ils gravissaient les marches entourant une fontaine, Keera fut saisie par la statue qui la dominait. Un homme se tenant bien droit, l'épée positionnée devant lui, et portant une armure très élaborée. Voici donc le roi de Hurlevent. La posture de la statue, ainsi que l'expression de son visage envoyaient un message fort : « Je maintiens l'ordre ». La plaisanterie n'était pas de mise lorsque l'on entrait dans le donjon.
Cela présageait une rencontre intéressante.
Une fois dans le donjon, Keera fut accueillie dans une pièce sur la gauche, appelée la chambre du requérant. La princesse n'aimait pas cet intitulé, il signifiait davantage « les gens qui viennent importuner le roi de leurs requêtes insignifiantes ». Cela donnait une idée du caractère du souverain. D'autant qu'elle fut invitée à s'asseoir sur un banc près d'autres badauds qui attendaient leur tour pour rencontrer le roi.
Un vieil homme lui expliqua la procédure. Il prit son arme qu'il installa sur un râtelier à l'entrée extérieure de la pièce. Très avenant, l'humain au regard doux prenait soin des solliciteurs.
Au centre de la pièce carrée était installée une table entourée de chaises, ainsi que des livres, que le vieil homme semblait avoir aménagé pour les hôtes. De la boisson était également proposée.
Selon la procédure, que Keera connaissait plus ou moins d'après son éducation, elle devait attendre que le roi parle en premier, et se présenter à visage découvert. Elle ne devait pas l'approcher, ni chercher à le toucher. Le comte l'escorterait et l'annoncerait, la postant de fait à distance protocolaire du roi.
Il restait encore trois personnes avant que Keera ne soit présentée au roi de Hurlevent. Elle prit patience.