La voix de l'ombre - Livre II : Le destin du monde

Chapitre 4 : Une étrange requête

1833 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/03/2024 17:40

Chapitre 4 : Une étrange requête.



Les repas et festivités autour du feu avaient manqué à Keera. Elle remarqua que Thrall était très proche des taurens, et réservait à leur chef une place d'honneur à ses côtés. Elle occupait l'autre place, en tant que veuve du précédent chef de guerre. Thrall évoquait la libération des camps, sans pour autant mentionner le décès tragique de Marteau-du-destin.

  • Et Mukol avait tellement bu qu'en partant se baigner dans la rivière, on a cru qu'il allait se noyer, pouffa le chef de guerre.
  • Grom était hors de lui, ajouta Keera. Il disait qu'il irait le récupérer par la peau du dos, rit-elle.
  • Et il l'a fait ? demanda Garrosh qui s'abreuvait d'histoires sur son géniteur.
  • Il l'a fait ! acquiesça la princesse.


Garrosh avait pris l'habitude de se reculer légèrement et de fermer les yeux après une anecdote sur son père, comme pour la garder en mémoire ou la visualiser.

  • Tu te souviens Keera du discours d'Orgrim où Grom a lancé son cri de guerre ? Mémorable celui-là ! dit Thrall, amusé.
  • Oui, c'est sûr, concéda Keera à contre-cœur.

Elle fermait les yeux et durcit son regard. Après un silence, Eitrigg les interrogea :

  • Que s'est-il passé ?
  • Eh bien, se redressa Thrall en regardant la princesse, Grom a eu la bonne idée de lancer son cri de guerre.... aux oreilles de Keera.
  • Hum, ça a dû coûter cher à tes oreilles, se moqua Garrosh malgré l'air mauvais de Keera.
  • Ça aurait pu coûter encore plus cher à Grom, Garrosh ! fit Thrall comme pour le prévenir d'une menace.
  • Ne te fait pas prier Thrall, dit Cairne. Que s'est-il passé ?
  • Grom avait omis que Keera détenait une ouïe particulièrement développée. Lorsque son cri lui a crevé un tympan, Keera a essayé de lui sauter à la gorge, s'esclaffa le chef de guerre. Il ne s'y attendait pas le pauvre.
  • Et comment ça s'est terminé ? demanda Garrosh.
  • Nous avons dû retenir Keera à plusieurs, dit-il en l'observant tandis qu'elle boudait. Mes pouvoirs de chaman n'ont jamais été aussi utiles que cette fois-là ! rit-il aux éclats. Ma pauvre amie, ton oreille en a même saigné !
  • Ne ris pas Thrall, tu sais que j'entends encore son cri horrible jusque dans mes entrailles ! maugréa la princesse.


Thrall fixa Keera, puis sourit largement en tentant de se retenir.

  • Oh mais je t'en prie, ne te retiens pas Thrall. Ah mais au fait, sont-ils au courant de l'histoire du bras de fer ?
  • Que … ! émit Thrall qui manqua de s'étrangler.
  • Un bras de fer ? dit Eitrigg. Chef de guerre ?

Thrall se renfrogna sévèrement, puis dit :

  • Bon, reste t-il du gibier, je meurs de faim !


Plusieurs des orcs présents rirent de bon cœur devant la mine gênée de leur chef. Ce type d'histoire à propos de légendes du passé galvanisait les foules, et chacun était friand de ce genre de conte.

Après que les rires eurent cessé, Keera fusilla Garrosh du regard :

  • Je te préviens, fils de Hurlenfer, ne t'avise pas d'ouvrir grand la gueule trop près de moi ! Cette fois, il n'y aura pas d'arbres déracinés pour m'empêcher d'étrangler un Hurlenfer !
  • Pah ! Viens-donc, femme, si tu l'ose ! jura Garrosh, prêt à en découdre. Que je fasse trembler tes entrailles !


Et tous rirent à gorge déployée, tandis qu'une légère brise vint timidement rafraîchir le groupe assis auprès du feu dans la nuit noire.



  • Qu'y a t-il Thrall ?

Le chef de guerre avait fait appeler la princesse à Fort Grommash. Cette convocation ne lui disait rien de bon, d'autant que le large front plissé de l'orc en disait long sur son inquiétude.

Thrall lisait un parchemin officiel flanqué du sceau de Hurlevent.

  • C'est à propos de l'affaire d'Orneval, Keera, tu as dû en entendre parler.
  • Oui, le massacre des sentinelles, reprit Keera. Et Hurlevent te demande des comptes j'imagine.
  • Plus que des comptes, j'en ai peur. Varian demande des excuses publiques, et qu'on lui livre les coupables.
  • Je vois, dit la princesse. Il ignore combien un chef de guerre ne peut se permettre d'agir ainsi face à son peuple.
  • Et c'est exactement la raison pour laquelle je t'ai fait demander, mon amie.


Intriguée, Keera fronça les sourcils. Qu'avait-il donc en tête ?

Thrall se redressa, et annonça :

  • Je vais répondre à Varian, en disant juste que je m'excuse pour la violation du traité de paix, mais je ne peux rien faire de plus.
  • Tu veux t'excuser, mais es-tu sûr qu'il s'agisse d'une attaque de la Horde ?
  • Je suis même presque sûr que non, mais les preuves sont là ! Ce sont des orcs qui sont responsables de ce massacre. Et c'est principalement la race que j'incarne.
  • Hum, il va falloir trouver une bonne tournure pour rédiger ta lettre, sans quoi le roi pourrait bien déclarer ouvertement la guerre, analysa Keera. Et c'est pour cela que tu m'as appelée ?
  • Pas exactement, non. J'ai un service à te demander, dit Thrall solennellement.
  • Je t'écoute.
  • J'ai besoin que tu apportes cette lettre en personne à Varian Wrynn. J'ai besoin de toi pour lui expliquer comment je vois les choses, et pourquoi je ne peux faire ce qu'il demande, dit le chef de guerre.
  • Thrall, je … enfin je suis censée avoir disparu après la guerre, puis après la libération des camps. Crois-tu qu'il serait prêt à écouter quelqu'un comme moi ?
  • Tu es la meilleure garantie pour former le pont qui sépare l'Alliance de la Horde, Keera. Tout comme moi, tu connais aussi bien nos us que les leurs. Et tu n'es pas une orque, se permit-il.
  • Mais je suis la veuve du chef de guerre qui a détruit sa cité ! Aujourd'hui les gens savent combien notre mariage était vrai et sincère.
  • Je comprendrais que tu refuses, mon amie. Mais si je ne te demande pas ce service, je n'aurais pas l'impression d'avoir tout essayé pour préserver la paix.


Il savait combien la paix était importante pour elle, comme pour lui. Il savait qu'elle avait cette capacité à rassembler, à réunir, et à convaincre même les plus belliqueux comme Varian qui, il le savait, lui donnerait du mal. Mais il ne voyait personne d'autre, et il croyait au destin. Keera n'était pas revenue parmi des orcs par hasard, il en était convaincu. C'était un signe.

Keera hésitait. Elle ne se sentait pas vraiment prête à renaître de ses cendres de cette façon. Mais elle voulait aider son ami, et tenait à la paix.

Devant son hésitation, Thrall proposa :

  • Je peux te laisser un peu de temps si tu...
  • Très bien, j'accepte, coupa Keera qui le fixait droit dans les yeux. J'irai à Hurlevent et j'apporterai ta lettre au roi. Après tout, quel meilleur moyen de revenir parmi les vivants qu'en se battant pour la paix.


Quel bonheur de pouvoir compter sur quelqu'un comme Keera. Thrall sourit largement, et agrippa les épaules de la princesse. Il espérait seulement que cette aventure ne la perturbe pas plus que nécessaire, étant donné ce par quoi elle était passée durant son deuil et qui l'avait peut-être plus fragilisée qu'il ne le pensait.

  • Je te remercie du fond du cœur, mon amie. Je sais que je t'en demande beaucoup.
  • Si le roi m'écoute, ce sera déjà une belle victoire.
  • Et il t'écoutera, j'en suis convaincu.



Cette mission devait rester secrète. Il ne s'agissait pas du messager habituel que Thrall envoyait auprès de l'Alliance, et cela devrait amener Varian à comprendre toute la considération que l'orc réservait à la paix entre les deux factions.


Plus tôt dans la journée, il avait rencontré Jaina Portvaillant, son amie humaine, mage talentueuse et dirigeante de l’île de Theramore située plus au sud du continent. Ces rencontres secrètes en compagnie d'une personne partageant les mêmes idéaux de paix étaient fondamentales pour Thrall.

Cependant, Jaina avait conforté l'idée que Varian ne comprendrait pas le contenu de sa réponse. Elle-même, pourtant si compréhensive, ne saisissait pas pourquoi Thrall ne pouvait agir davantage pour rendre justice et préserver la paix.

C'est pourquoi, avec une ambassadrice telle que Keera, Thrall pouvait espérer que le roi écoute, à défaut de comprendre.


Thrall avait également pris une importante décision. Il en avait discuté avec Eitrigg durant son voyage vers Theramore le matin même, et en avait informé Cairne et Keera. Il allait quitter Orgrimmar, et même Azeroth, pour apprendre auprès des chamans de Draenor, aujourd'hui appelée l'Outreterre. Les éléments d'Azeroth ne lui répondaient plus, et même Keera, qui était liée à la Terre, ne se faisait pas entendre. Plus que cela, elle ressentait la souffrance d'Azeroth presque à chaque tremblement de terre, chaque éruption volcanique, et chaque éboulement qui ébranlait la Terre.

Il lui fallait partir et en apprendre plus sur eux, et l'Outreterre, où les éléments se déchaînaient férocement, était le lieu idéal.


Il avait également décidé de nommer Garrosh Hurlenfer pour le remplacer, le temps que durerait son voyage. Il était convaincu que cela lui forgerait le caractère, et, bien que plus âgé que lui, Garrosh n'avait jamais mené plus d'une troupe. Secondé par Cairne et Eitrigg, et accessoirement Keera, même si elle n'appartenait pas à la Horde, il pourrait être conseillé au mieux.

Il savait que la nomination de Garrosh à ce poste ne ferait pas l'unanimité. Car, bien que très populaire depuis ses exploits au Norfendre, il demeurait impétueux, orgueilleux, et surtout obstiné. Il n'était pas aisé de l'obliger à écouter les conseils avisés, mais Thrall espérait qu'il prendrait conscience du rôle de chef et de ses responsabilités en en faisant l'expérience.


De son côté, Keera se préparait à quitter Orgrimmar elle aussi, et, pour la première fois, elle allait voyager à bord d'un zeppelin. Particulièrement excitée par cette idée, la jeune femme se rendit aux pieds de la tour menant aux aéronefs et demanda son chemin à un gobelin. Son laisser-passer lui permettait de voyager sans être inquiétée, et même de loger dans certaines auberges de l'Alliance.

Le zeppelin l'emmènerait jusqu'à Strangleronce, la pointe sud des Royaumes de l'est. De là, elle voyagerait en monture jusque la Marche de l'ouest pour atteindre Hurlevent, au nord.

Elle ne s'était encore jamais rendue dans ces contrées, et gardait espoir d'y faire de belles découvertes malgré l'importance de sa mission.

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