La voix de l'ombre - Livre II : Le destin du monde
Chapitre 3 : Retour aux sources.
Ce qui se dressait devant Keera était incroyable. Elle avait énormément voyagé durant son exil, mais rien n'était comparable à Orgrimmar. Les bâtisses étaient impressionnantes. Les gobelins avaient été fort inspirés, car on pouvait presque ressentir l'essence des valeurs que l'on attribue à la Horde : la force et l'honneur. Les édifices se dressaient fièrement, comme prêts à relever un défi. Les couleurs chaudes et le bois étaient propres à la culture orque, représentant la bannière de la Horde. De nombreux commerces, un hôtel des ventes, une banque, et même un orphelinat composaient la ville. L'on pouvait s'y perdre facilement, malgré la présence d'écriteaux de bois sur lesquels étaient sculptés le nom des quartiers et leur direction.
Depuis l'extérieur, il était difficile de s'imaginer que la cité puisse abriter autant de monde. Et pas uniquement des orcs : l'on croisait des taurens, immenses buffles aussi sages que forts, mais également des trolls, alliés historiques des orcs, des elfes de sang, et, plus intrigant encore, des réprouvés, anciens humains relevés d'entre les morts pour servir le Roi-liche, puis libérés de son emprise.
Toutes ces races composaient à présent la Horde. Et Keera se demanda comment elles pouvaient ainsi cohabiter.
Thrall lui expliqua, durant une visite sommaire, que chacun avait plus ou moins son quartier. Toutefois, les elfes de sang demeuraient à Lune d'Argent, les taurens avaient élu domicile non loin des Tarides, les trolls de la tribu Sombrelance vivaient majoritairement au sud de Durotar, dans les Îles de l'écho, et les réprouvés vivaient dans les ruines de Lordaeron.
- Je suis heureuse que la Horde ait accueilli autant de races différentes, confia la princesse.
- Tous ne s'entendent pas à merveille, je l'avoue, dit Thrall. Et il ne pourrait en être ainsi, nous sommes si différents. Mais nous défendons les mêmes idéaux, et savons nous écouter les uns les autres.
- Je vois. Tu n'as pas peur des défis Thrall, ironisa Keera.
- C'est vrai que c'est un défi au quotidien, mais je mentirais si je te disais que je préfère quand tout se passe bien.
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Ils arrivèrent devant le Fort Grommash, la résidence du Chef de guerre, installé dans la vallée de la sagesse. Eitrigg attendait son chef, tandis que Garrosh, à ses côtés, nettoyait la hache dont il avait hérité de son père.
Keera posa les yeux sur l'arme qui avait appartenu à Grommash Hurlenfer, le regard attendri.
- Montons à la salle des cartes, proposa Thrall. Un grunt va nous apporter de quoi se rincer le gosier.
Tout trois le suivirent. L'intérieur du fort était plutôt sombre, malgré la présence de nombreux braseros. Une partie semblait avoir récemment brûlé, et Keera vit des gobelins et des orcs s'affairer à la reconstruction.
Une fois dans la pièce nommée par Thrall, ils s'assirent et prirent le temps de se désaltérer. Le sol était tapi de peaux de bêtes qui formaient une immense carte. Keera pensa qu'il n'y avait que la Horde pour créer pareille planisphère. Puis, après avoir lancé un rapide coup d’œil aux orcs qui l'entouraient, elle demanda :
- Serais-tu du clan Rochenoire, Eitrigg ?
- Comment sais-tu cela ? la questionna l'orc.
- Le vert de ta peau tire légèrement vers le gris, analysa-t-elle. Et je crois me souvenir qu'Orgrim parlait de la désertion d'un orc et que cela l'avait beaucoup contrarié. Ton nom me dit quelque chose.
- Et tu as raison, admit le vieil orc. Je suis bien un rochenoire qui a déserté après la fin de la Première Guerre.
- Pourquoi ? Orgrim semblait beaucoup t'estimer.
- Orgrim était un orc honorable, mais pas Main-noire. Et les actes des nôtres me pesaient de plus en plus. Je ne pouvais rester et continuer de me battre dans le déshonneur.
- La fuite est un déshonneur, l'ancien, se permis Garrosh. Rien ne t'empêchait de te battre avec honneur.
- Tu ne sais pas ce qu'ont vécu ceux qui ont ingéré le sang démoniaque, tu n'étais pas là, Garrosh, gronda Eitrigg.
- Saucroc m'en a déjà parlé, je suis au courant, se lassa Garrosh.
- Varok ? coupa la princesse. Il va bien ?
- Aussi bien qu'on le peut quand on perd son unique fils, fit Thrall. Il garde le Bastion Chanteguerre, notre quartier général au Norfendre.
- J'aimerais le revoir, admit Keera. Il a toujours fait preuve de respect, même quand je crachais sur vous tous alors que je venais d'épouser Orgrim.
- Tu crachais sur les orcs !? Alors qu'ils te montraient du respect ! s'indigna Garrosh.
- Toi aussi tu aurais craché sur le peuple de barbares qui massacrait ton peuple, lança Keera qui ne se laissait pas démonter.
- Garrosh, l'interrompit Thrall, Keera a épousé Orgrim de force, pour protéger le peuple qui l'avait élevé. Aucune personne censée n'aurait accepté pareille situation facilement.
- Mais les orcs se sont montrés patients avec moi, à quelques exceptions près, fit-elle l'air pincé. Et nous nous sommes trouvé des points communs. As-tu des nouvelles de Tula ? Et Ethrok ? Ils vont bien ?
- Aux dernières nouvelles, ils campent les Hautes-terres Arathi, se risqua Thrall.
- Pourquoi ne sont-ils pas à Orgrimmar ? demanda Keera.
Thrall hésita, puis finit par annoncer :
- Ils défendent le Trépas d'Orgrim.
Le Trépas d'Orgrim représentait les ruines du camp où Orgrim avait perdu la vie. Une troupe d'orcs y étaient restée pour lui rendre hommage, et défendre les lieux d'invasions humaines. Dans son exil, Keera n'avait jamais trouvé la force de s'y rendre, et Thrall crut comprendre à son air abattu qu'elle n'y était jamais retournée.
Garrosh observa la mine de la princesse qui s'était assombrie. Il trouvait cela étrange qu'une femelle aussi diamétralement opposée à un orc ait pu y être aussi attachée.
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Ce fut une journée chargée en émotions. Thrall avait proposé à Keera de loger au Fort Grommash, près de ses appartements. Il avait fait préparer une épaisse couche de peaux, une table et un tabouret, ainsi qu'une bassine d'eau. La pièce présentait une petite lucarne qui illuminait légèrement la chambre.
Il faisait très chaud entre ces murs. Keera décida donc de sortir prendre l'air. Elle avait repéré les élévateurs qui conduisaient au sommet de la montagne au centre de la cité. De là, l'on pouvait prendre les zeppelins, énormes ballons volants auxquelles était suspendu une sorte de navire conduits par les gobelins. Les zeppelins servaient de transport aérien.
Keera marcha près des tours de zeppelins, et trouva une place d'où elle pouvait apercevoir la Vallée de l'honneur, quartier dédié à la guerre. Elle s'assit en tailleur.
L'endroit grouillait de monde. Totalement absorbée par cette vision, elle ne se retourna pas vers l'orc qui s'était approché.
- Tu vas te perdre si tu montes ici alors qu'il fait nuit.
C'était Garrosh. Elle le dévisagea, puis dit :
- J'aurais juré entendre ton père. Tu as son timbre de voix.
- D'après Thrall, tu l'as bien connu.
- Hum. J'ai une dette infinie envers lui. Et par ma faute, il n'a pas pu tenir une promesse. J'imagine combien cela a dû lui coûter, s'offensa-t-elle.
- Quelle promesse ? demanda l'orc.
- Peu importe, c'est loin tout ça. Et vivre dans le regret n’arrangera rien. Mais dis-moi, Garrosh, comment t'es-tu retrouvé ici, à Durotar ? Grom disait que tu te trouvais sur Draenor.
Garrosh racla sa gorge, puis s'assit à côté de la princesse.
- J'ai fait partie des orcs retranchés à Garadar, en Nagrand. C'est là qu'ils gardaient ceux qui avaient contracté la peste rouge. Et c'est comme ça que nous avons échappé à la corruption démoniaque. Nous avons pris le nom de Mag'har.
- Ah, et ainsi vous avez conservé votre couleur de peau originelle, comprit Keera. Pourtant, au contact de la végétation corrompue, les orcs qui n'avaient pas bu le sang démoniaque sont quand même devenus verts de peau. Pourquoi pas toi ?
- À Nagrand, les chamans ont réussi à préserver la faune, et nous avons vécu enfermés pendant des années, expliqua Garrosh. Puis la Horde est arrivée en Draenor pour combattre un seigneur démon qui avait rouvert la Porte des Ténèbres. C'est là que j'ai rencontré Thrall.
- Je comprends, dit la princesse. Tu dois être fier alors d'avoir conservé la couleur de peau d'origine des orcs.
- Hum. Je le suis, mais tout le monde n'est pas de cet avis.
- Comment ça ?
- Certains parlaient dans mon dos, à mon arrivée à Orgrimmar. Voire bien en face. À présent, c'est de l'histoire ancienne.
Keera se replongea dans ses souvenirs. Elle pensa au souterrain des Chanteguerre, aux parties de chasse, et surtout, au cri de guerre de Grom qui la faisait encore tressaillir lorsqu'elle y pensait.
- Il ne le disait pas, mais ton père s'inquiétait beaucoup pour toi, assura la princesse.
- En vérité, je ne l'ai pas beaucoup connu. Et je l'ai haï pendant si longtemps.
- Ah oui ? Pourquoi tu le détestais ?
- Pour avoir été le premier à boire le sang du démon. Pour avoir tué des innocents, des enfants, et jeté le déshonneur sur notre lignée, cracha l'orc. Mais Thrall m'a raconté ses exploits, et comme il a délivré les orcs de la corruption en sacrifiant sa vie.
Keera était dubitative.
- Oui, c'est vrai qu'il a tué le démon qui leur avait offert le sang qui les a corrompus, mais je ne dirais pas qu'il ait accompli tant d'exploits.
- Que veux-tu dire ? Que Thrall ment ? Que mon père n'était pas honorable ?
- Ce que je dis, c'est que Grom écoutait plus souvent ses pulsions que sa raison. Orgrim le lui avait reproché lorsqu'il avait mis son clan en danger. Il était impulsif, mais avait un grand sens de l'honneur, et une volonté d'acier, sourit-elle à ces souvenirs.
- Oui, c'est ce qui caractérise tous les Chanteguerre, reprit Garrosh fièrement.
- Grom avait ses défauts, mais il apprenait de ses erreurs. Et il luttait chaque jour contre la léthargie qui les touchait. Il inspirait le respect. Tout comme son cri de guerre inspirait peur et effroi.
Garrosh sourit, dévoilant ses défenses inférieures. Keera se surprit à lui trouver une vive ressemblance avec son père, bien qu'il n'ait pas tout à fait les mêmes traits.
Après un moment, Keera se leva, et dit :
- Bon, raccompagnerais-tu une jeune femme esseulée jusqu'à son logis ?
- Pourquoi ça ? demanda Garrosh. Tu as peur dans le noir ? se moqua-t-il.
- En fait, je ne suis pas sûre du chemin, avoua la princesse.
- Mfr, puisque je n'ai rien d'autre à faire, dit Garrosh.
- Quel honneur tu me fait, fils de Grommash, le railla-t-elle.
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Les jours passèrent, et Keera prenait ses marques dans la capitale. Elle s'était longuement entretenue avec Thrall, qui lui narra le sacrifice héroïque de Grom qui avait tué le démon Mannoroth en y laissant la vie. En tuant ce démon, qui était responsable de la corruption des orcs, Grom avait libéré son peuple, dont les énergies démoniaques avaient quitté le corps définitivement.
Keera lui apprit qu'elle avait beaucoup travaillé avec la Ligue des explorateurs. Ses amis nains, qui avaient su garder son secret jusqu'à présent, avaient lourdement insisté pour la faire adhérer à la Ligue. Après ses refus, ils avaient fomenté une rencontre avec le roi des nains, Magni Barbe-de-bronze. Son frère cadet et chef de la Ligue, Brann, étant introuvable à ce moment-là.
- Et c'est donc lui qui t'a aidé à forger ta lance ? reprit Thrall. Le roi des nains ?
- Il s'avère que c'est un excellent forgeron, et que les lames demandaient une certaine technique si on veut mélanger de l'obsidienne et de l'acier, expliqua Keera. Il faut forger et refroidir la lame rapidement. Et l'obsidienne lui donne un tranchant efficace.
- Orgrim disait que tu passais beaucoup de temps avec les forgerons. Il est vrai que les orcs Rochenoire sont de remarquables artisans.
- Ça ne fait aucun doute quand on regarde le marteau-du-destin, admit la princesse.
- Eh bien, je suis heureux de constater que tu as réussi à trouver des occupations qui t'ont aidé à supporter ta perte, osa Thrall.
C'était vrai. Il en avait fallu du temps, ne serait-ce que pour pouvoir se projeter à nouveau. Sa vie devait avoir un sens, même sans Orgrim.
- Tu ne croiseras pas Bazol à Orgrimmar, continua Thrall. Il est encore au Norfendre. Il reste auprès de Saurcroc. Il a perdu un œil lors de la bataille du Mont Hyjal.
- Je sais, je l'ai vu au Mont Roche...
Keera s'interrompit. Mais trop tard pour que Thrall ne comprenne pas :
- Au Mont Rochenoire ? demanda le Chef de guerre, l'air inquisiteur. Keera, quand as-tu revu Bazol ?
Keera le fixa sans répondre. Elle resta silencieuse.
- C'était toi la force mystérieuse qui avait facilité l'assaut sur le Repaire de Néfarian ?
- Je ne voulais pas qu'on me reconnaisse. C'était encore trop tôt. Mais lorsque j'ai appris que tu comptais envoyer une troupe d'élites mettre un terme à cette menace, je m'y suis rendue avant leur arrivée.
- Et tu nous a préparé le terrain, poursuivit Thrall. (Keera regarda sur le côté) En fait, tu as sauté sur l'occasion pour te venger ?
- En un sens oui, avoua-t-elle. Mais, si j'avais voulu le tuer, je l'aurais fait. J'ai préféré le tourmenter, faire en sorte que ses derniers jours soient les pires de sa vie. Et si cela pouvait aider la Horde, c'était une bonne raison de plus.
- Je vois, et je comprends pourquoi mes espions n'ont trouvé aucune trace d'alliés potentiels qui avaient œuvré pour les défaire, conclut Thrall.
Keera lui sourit.
- Et ce lieu où tu as retrouvé la paix, et un équilibre, tu ne veux toujours pas me dire où il se trouve ?
- Je ne peux pas, Thrall, assura Keera. Il y a de bonnes raisons pour lesquelles ce peuple se cache. Et je respecterai leur secret, je le leur dois bien, précisa-t-elle.
- Je comprends, dût se résigner le Chef de guerre. Je n'insisterai pas. Ah, Cairne ! Viens mon ami, j'ai quelqu'un à te présenter.
Keera se retourna et vit un immense tauren au pelage grisonnant. De lui exsudait une sagesse certaine, bien que son regard demeurât vif et démentait son âge. Il fit face à la princesse et l'examina.
- Cairne, je te présente Keera, la veuve de mon prédécesseur Orgrim Marteau-du-destin.
Le vieux buffle s'inclina légèrement, la main posée sur le cœur.
- Je suis honoré de te rencontrer, Keera Marteau-du-destin. Je suis Cairne Sabot-de-sang, représentant du peuple tauren.
- Heureuse de te rencontrer, Cairne Sabot-de-sang, fit la princesse en posant également sa main contre sa poitrine. J'ai été longtemps absente, mais je suis comblée de retrouver mes amis.
- Thrall m'a parlé de toi, jeune princesse, admit le tauren. L'inquiétude s'entendait dans chacun de ses mots.
- Je ne suis pas fière d'être partie ainsi, mais il le fallait, dit-elle.
- Ce n'était pas là un reproche, Keera, juste une affirmation. Tu comptes beaucoup pour lui.
- Et c'est réciproque, dit-elle en direction de l'orc.
Apparemment satisfait de cet échange, Cairne la salua, puis passa près d'elle pour rejoindre ses braves. Et lorsqu'il l'effleura, elle sentit un frisson de plaisir la parcourir. Cette fourrure à la fois douce et soyeuse était si agréable, si délectable, si …
La voyant dans ses pensées, Thrall la rappela à la réalité, tandis qu'elle lui demanda comment se procurer une peau de tauren. Mais la princesse fut déçue de savoir que les taurens aussi utilisaient la crémation pour rejoindre leurs Esprits.
Ce fut donc avec amertume qu'elle considéra le groupe de taurens un peu plus loin, et pensa à la chance qu'ils avaient de bénéficier d'un si beau pelage.
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Keera avait vite campé la Vallée de la Sagesse, dont la quiétude ambiante l'apaisait. Tout comme la présence des taurens, et de leur culture alliant force et respect de la Terre dans laquelle elle se reconnaissait.
Ils lui narrèrent leur vie faite de chasse et d'exode qui prit fin au moment de leur rencontre avec Thrall et sa nouvelle Horde. Ils l'aidèrent à fonder Orgrimmar, et jouissaient à présent d'une place de choix au sein de la Horde.
Rehgar Rageterre, grand guerrier et chaman orc proche conseiller et ami de Thrall, sortit du Fort Grommash, et semblait chercher quelque chose. Il interrogea plusieurs taurens, et finit par trouver ce qu'il cherchait :
- Sagall, le Chef de guerre t'attend depuis … mais …
- Pourras-tu prévenir le Chef de guerre, ainsi que mon grand chef, que j'ai bien reçu sa convocation, répondit le tauren. C'est que je ne saurais dire quand elle se réveillera.
Rehgar gronda, tandis qu'il admirait la scène. Une fois de plus, Keera avait élu domicile dans l'étreinte d'un tauren assis en tailleur pour s'assoupir un moment. Moment qui pouvait prendre quelques heures selon la douceur du duvet recouvrant le corps musclé des taurens, dont Keera semblait apprécier le confort, à défaut d'en obtenir un. Affectionnant particulièrement les peaux de bêtes, elle avait évidemment trouvé son bonheur avec ces buffles au grand cœur.
Sûrement étonné du temps que mettait Rehgar à revenir, Garrosh l'avait lui aussi cherché, et tomba sur le tableau auquel ils commençaient à s'accoutumer.
Bien moins attentionné que son collègue, Garrosh grogna lui aussi, mais osa se pencher pour réveiller la princesse :
- Keera ! Keera ! Debout ! s'écria-t-il, tandis que tous les trois virent la jeune femme bouger et émettre un long soupir.
- Je pense qu'il vaudrait mieux …
- Keera ! cria Garrosh plus près des oreilles de la princesse.
Le sursaut qui la réveilla fit sourire Hurlenfer qui ne chercha même pas à dissimuler son air réjoui face à la mine menaçante de la princesse qui émergeait. Et alors qu'elle se levait tout en frottant ses yeux, elle s'avança lentement vers Garrosh et le détailla.
- Hmm, excuse-moi Sagall. J'ignorais que tu étais attendu… Je te laisse rejoindre Thrall, et lui annoncer par la même occasion qu'il va lui manquer un de ses conseiller, fit-elle en fixant dangereusement Garrosh qui élargit son sourire. Je vais devoir aussi m'excuser auprès de l'esprit de Grom pour avoir éteint sa longue lignée de guerriers inconscients et bêtement souriant.
Garrosh soutint son regard et la toisa. Puis, il l'approcha jusqu'à lui faire face, répondant à la provocation, comme cela devenait leur habitude :
- Hin ! Quel orc pourrait craindre un petit brin de roseau tel que toi ? se moqua-t-il.
- Un orc avisé à qui il va falloir inculquer les bonnes manières, dit sévèrement Keera.
- Nul besoin de bonnes manières quand on est un guerrier, grommela-t-il. Nous ne sommes pas à la cour de Hurlevent, ni même chez ces elfes maniérés, dit-il en désignant un elfe de sang qui passait au loin.
- Le respect, alors, proposa Keera sans prendre ombrage de l'offense faite à une autre race. Mais comment t'en vouloir de manquer d'éducation. Après tout, tu n'as pas été élevé par ton père, osa-t-elle en arborant un air insolent.
La pique aurait dû remplir Garrosh d'indignation, voire même de colère. Or il commençait à la connaître. Elle jouait avec lui, comme avec son père autrefois. C'est pourquoi il leva le menton, et dit :
- Tu frappes sous le ceinturon, femme ! fit-il en retroussant les babines. Mais je ne tomberai pas dans ton piège.
- Hum, tu résistes mieux que ton père à la provocation, admit Keera. Très bien, fils de Hurlenfer, j'accepte tes plates excuses, fit-elle en se détournant de lui.
- Quoi ? Qu'est-ce que... Eh ! Reviens donc, et aies le cran de m'affronter ! beugla-t-il tandis qu'elle s'éloignait d'un pas langoureux, feignant de ne pas l'entendre, comme pour prolonger la provocation.
Tout en l'observant s'éloigner, Garrosh fulmina, pendant que Rehgar le rejoint.
- Une fière femelle que celle-ci ! avoua Rehgar qui l'observait également. D'après la légende, elle possède une force supérieure à la nôtre. Et de l'honneur. (l'orc semblait réfléchir) Une femelle digne d'un Chef de guerre.
- Peuh ! Une femelle étrange à la force anormalement grande tu veux dire, rectifia Garrosh, dont le rictus se transforma en un air espiègle, tandis qu'il la vit disparaître au loin.
- Je me souviens d'elle, quand nous avons été libérés des camps, reprit Rehgar. Elle se trouvait aux côtés de Marteau-du-destin. J'ai trouvé cela très curieux, voire même anormal qu'un orc puisse s'accoupler avec une étrangère, avoua-t-il. Mais l'osmose entre eux, tout comme leur cœur qui battait à l'unisson, tout ça m'a fait oublier leurs différences.
Garrosh écoutait avec une certaine attention. Lui aussi avait été choqué de la voir, et de penser qu'elle avait été la compagne d'un orc. Il le laissa cependant poursuivre :
- Je me souviens de la mort du chef, et de ce que ça lui a fait. Je me souviens de ton père, Garrosh, fit-il en se tournant pour lui faire face. Et de la promesse qu'il a faite à Marteau-du-destin.
- Quelle promesse ? demanda-t-il.
- Marteau-du-destin lui a fait promettre de veiller sur Keera, répondit Rehgar. Mais elle a disparu le lendemain, et Grommash était fou. Elle était son amie, de ce que j'ai compris ensuite. Il a même osé défier Thrall pour partir à sa recherche, sourit-il. Et voilà qu'elle est de retour parmi les orcs.
C'était donc de cette promesse dont lui avait parlé Keera, pensa Garrosh. Elle semblait s'en vouloir que Grom ait rejoint ses Ancêtres sans avoir pu la tenir. Rehgar avait peut-être raison lorsqu'il disait qu'elle avait de l'honneur.