La voix de l'ombre - Livre II : Le destin du monde

Chapitre 2 : L'enfant de la Terre

2033 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/03/2024 10:42

Chapitre 2 : L'enfant de la Terre.



Deux années se sont écoulées depuis la chute de la progéniture d'Aile-de-Mort. Une paix précaire règne entre l'Alliance et la Horde, au retour d'une terrible guerre menée en Norfendre contre le Roi-liche.



Des mains des gardiens ils naquirent

De la Terre et de la Forge ils surgirent

Le peuple guerrier protecteur du monde

De leur force et de leur altérité creusèrent leur tombe


De l'arbre de bronze qui le dissimula

L'enfant du Roi un jour renaîtra

De ses erreurs passées il s'acquittera

Un vent de peur et d'espoir il insufflera

Pour son salut la Terre qu'il protégera



Dans le Hall des explorateurs, à Forgefer, un groupe de traducteurs et d'érudits se tenait devant une table, à la fois fiers et soulagés. Une prophétie, retrouvée sur une tablette vieille de plusieurs milliers d'années dans les terres gelées du Norfendre, venait d'être déchiffrée. Et, comme le disent les nains, « y'a pas d'sign' sans sa racine ». En effet, chacune de leur trouvaille menait souvent à la découverte d'une menace, ou faisait écho à un événement à venir. Celle-ci faisait référence à la Terre, Azeroth, à un peuple qui lui était lié, ainsi qu'à un enfant qui accomplirait ses prédictions. Nul doute qu'elle annonçait la venue d'un élu, d'un protecteur et, de fait, d'une mésaventure.


  • Et c'est dans l'complex' des Titans d'Ulduar que vous l'avez r'trouvée c'te tablett' ? 'cor une trouvaille fort intéressante, dit un explorateur.
  • Toujours plus intéressant qu'l'assaut sur c'foutu Roi-liche ! fit un de ses collègue.
  • J'aurais ben aimé êt' là pour lui envoyer mon marteau dans l'cul tout au fond à c'traître. M'enfin, fallait au moins l'Alliance et la Horde d'réunis pour lui botter l'train tout rouge, lança un troisième explorateur nommé Thalorn.
  • Tu parles toujours d'l'arrière train, Thalorn. Enfin, l'a été vaincu c'monstre, et c'est tant mieux. V'là qu'on peut r'tourner à nos affaires.


De retour du Cratère d'Un Goro, Dagor Futalenfer, à présent Professeur émérite en archéologie, s'était approché de la découverte de ses collègues.

  • Ah, Dagor, tu vas êt' fier de nous, annonça l'un des nains. Grâce à ta découverte d'la langue morte de l'antique nord, on vient d'traduir' des plaques qui cont'naient une prophétie.

Trop curieux pour résister, Dagor tendit la main pour lire la traduction. Après l'avoir lue intégralement, il écarquilla les yeux, et dit :

  • Pouss'toi qu'je regarde ça.
  • Tout va bien, j'te dit, c'est la bonne traduction. On y a passé des jours.


Dagor étudia la tablette de pierre avec attention. Aucun doute, ses collègues ne s'étaient pas trompés cette fois.

  • Par la barbe d'mes couilles ! J'en r'viens pas ! s'exclama Dagor.
  • T'en r'viens pas d'quoi donc ? demanda son collègue.

Le nain frappa son poing dans sa main, et annonça solennellement :

  • Les gars, faudra m'pardonner de c'que j'vais vous confier.
  • Dis-nous voir, qu'on en juge par nous-même, dit l'un des explorateurs.
  • J'connais l'enfant d'la prophétie, admit-il.



À leur retour du Norfendre, les héros d'Azeroth furent témoins de catastrophes naturelles inhabituelles de plus en plus fréquentes. Tremblements de terre, éboulements, raz-de-marée. La Terre grondait. Et les éléments se déchaînaient, demeurant sourds à l'appel des chamans qui tentaient de comprendre ce qui les perturbait.


Il en était de même pour Orgrimmar, la cité orque dressée sur les terres arides de Durotar. La sécheresse était telle qu'il devenait difficile de se nourrir. La capitale avait pris feu, ce que même Thrall, le plus puissant chaman connu, n'avait pu éviter ni contrer. À l'ouest d'Orgrimmar, les terres des elfes de la nuit étaient bien plus fertiles. Mais depuis l'incident d'Orneval, durant lequel des sentinelles elfes avaient été massacrées par des orcs, il n'était plus question de commerce. D'autant que les sentinelles convoyaient du minerai et des vivres dont manquait cruellement la Horde. Le coupable semblait tout désigné.


Les harpies Terrevent, récemment installées sur les terres orques, posaient également problème. Elles avaient l'habitude d'attaquer les convois et caravanes en partance pour Orgrimmar, chapardant leur contenu et tuant tout individu qui ne pouvait les tuer. Et depuis peu, leurs congénères des Serres-Rocheuses avaient migré jusque Durotar, augmentant leur nombre et obligeant les orcs à lancer des raids pour les repousser.

Créatures au degré d'intelligence suffisant pour évaluer une menace, elles se tenaient plutôt à distance lorsque le chef de guerre en personne se montrait pour les chasser. Thrall pensait qu'il était essentiel pour son peuple que son chef combatte lui-même une menace pour le protéger. D'autant que depuis l'affaire d'Orneval, il sentait son peuple se scinder, divisé entre ceux qui approuvaient l'attaque des sentinelles, et ceux qui défendaient la paix avec l'Alliance.


Lors d'une de ses sorties, Thrall n'avait souhaité s'entourer que de trois guerriers. Ils s'étaient aventurés jusqu'au Canyon de Tranchevent qui comptait de nombreux nids de harpies. Ils broyèrent des œufs sur leur passage, et provoquèrent la colère de ces êtres hybrides qui les ruèrent en nombre. En formation défensive, les orcs ripostèrent, et l'un d'eux s'avança seul pour charger un groupe de harpies rendues frénétiques par la destruction de leurs petits encore dans l’œuf.

  • Tu prends des risques, restons groupés, grogna Thrall, pourtant habitué à l'arrogance de son guerrier.
  • Peuh ! cracha l'orc à la peau brune. Je ne reculerai pas devant ces créatures répugnantes et …


Un bruit sourd retentit près d'eux, et Thrall essaya d'en appeler aux éléments afin de savoir si cela provenait de la Terre. Aucune réponse. Puis, la petite troupe vit l'une des hauteurs du canyon se fissurer. Une section de rocher allait céder. C'est alors qu'ils aperçurent une silhouette encapuchonnée qui se tenait au-dessus du rocher fissuré. Elle avança son pied, et donna un coup sur la roche qui tomba et écrasa un groupe de harpies. Les restes de rocher roulèrent vers les orcs qui reculèrent légèrement, tout en se protégeant de la poussière.


À présent furieuse, quelques harpies s'élancèrent dans les airs pour atteindre leur nouvelle cible, qui recula et donna un coup de poing au reste du rocher sur lequel elle se tenait. La pierre se fissura et l'éboulement provoqué écrabouilla les nids qui pendaient juste en-dessous.

L'inconnue s'élança également vers les harpies et attrapa la lance sanglée dans son dos. Elle planta son arme dans le ventre d'une des créatures, puis prit appui sur le corps mort pour prendre de l'élan et tourbillonner, lacérant de nombreuses harpies dans les airs de sa lance, tandis que les orcs reprirent l'assaut à terre et massacrèrent le reste des créatures.



La troupe orque regardait alentour pour vérifier qu'il ne restait aucune harpie isolée cachée dans les parages. Puis, ils restèrent en alerte face à la silhouette qui se tenait à présent à quelques mètres devant eux.

Thrall s'avança légèrement, et dit en langue commune :

  • Tu nous as aidés, étrangère. Qui es-tu ?

L'inconnue sourit en guise de réponse. Elle portait une tunique de cuir comme deux sangles se croisant sur son buste et laissant entrevoir le bas du ventre. Ses épaulières étaient finement travaillées, et son pantalon était également de cuir. Sa capuche ne laissait entrevoir que le bas de son visage.


Son silence semblait exaspérer le guerrier à la peau brune qui s'impatientait :

  • Répond au chef de guerre ou il t'en coûtera ! s'écria-t-il, l'air mauvais.
  • Celui-ci est stupide s'il croit pouvoir m'intimider, fit-elle en le désignant du doigt.
  • Quoi ? beugla t-il tandis que Thrall tendit son bras devant lui pour l'empêcher de la charger.

Thrall eut une impression étrange. Il connaissant cette voix.

Soudain, l'inconnue s'avança vers eux, un sourire timide aux lèvres. Puis, à quelques pas d'eux, elle défit sa capuche.

Stupéfait, Thrall resta bouche bée, tandis que ses guerriers plissaient les yeux.

  • Par les Ancêtres, s'écria le chef de guerre, encore sous le choc.
  • Qui est-ce, chef ? demanda l'un des orcs.


Thrall s'avança alors vers la jeune femme, les bras ouverts, et l'étreignit longuement. Ses guerriers, restés en arrière, grimacèrent, peu habitués à ce genre de cajolerie.

Les deux amis se séparèrent pour mieux se regarder. Très ému, Thrall rompit le silence :

  • Nous nous sommes faits tellement de soucis, où étais-tu donc partie ?

La jeune femme posa une main sur l'armure de guerre noire avec tendresse, puis dit :

  • Je devais partir, prendre du recul. Je ne voulais pas vous inquiéter, mais il fallait que je parte.
  • L’important, c'est que tu sois là, et en vie, affirma Thrall.
  • Chef, qui est-ce ? insista l'un des guerriers.
  • Ah oui, il est vrai que vous ne vous êtes jamais rencontrés, réalisa le chef de guerre. Mes amis, je vous présente Keera, une amie de la Horde que nous n'espérions plus revoir, dit-il soulagé. Keera, voici Eitrigg, l'un de mes fidèles conseillers.


Eitrigg, un vieil orc robuste et trapu qui la toisait, hocha la tête. Keera lui rendit son geste, puis observa le second :

  • Ogan, une jeune recrue.

Le jeune orc hocha la tête comme son aîné, quelque peu hésitant sur la procédure.

  • Et voici Garrosh, finit Thrall avec un léger sourire.

Keera le fixa, d'abord très étonnée par la couleur de sa peau, qui était brune, puis par son nom :

  • Garrosh, comme Garrosh Hurlenfer ? demanda-t-elle.
  • Que... comment connais-tu mon nom ? demanda Garrosh, totalement sidéré.
  • Je suis Keera Marteau-du-destin, répondit-elle pour compléter sa présentation. Toi aussi, tu connais mon nom, sourit-elle.


Les trois orcs restèrent éberlués. Tous avaient entendu parler de la compagne de l'ancien chef de guerre, portée disparue après la libération des camps. Ils savaient aussi qu'elle n'était pas orque. Mais ils la trouvaient très étrange. Thrall avait omis le détail de son nom pour jauger leur réaction. Et il n'était pas déçu. Les trois orcs avaient l'air de poissons hors de l'eau, la gueule ainsi ouverte.

Keera semblait s'en amuser, et dit chaleureusement en langue commune orque :

  • Grom'ka !
  • Mok'kra ! dit Thrall pour répondre à la princesse. Sois la bienvenue à Orgrimmar, fit-il fièrement en désignant la cité loin devant. C'est un honneur de t'accueillir.
  • L'honneur est pour moi, chef de guerre, dit Keera.
  • Bien, débarrassons le plancher. Je pense que nous avons nettoyé une bonne partie du canyon aujourd'hui, fit Thrall.


Le petit groupe marcha en direction de la capitale. En chemin, Keera jetait des coups d’œil à Thrall. Il avait plutôt belle prestance avec l'armure de guerre léguée par Orgrim. C'était étrange de voir un autre orc la revêtir, bien sûr, mais on aurait pu dire qu'elle avait été faite pour lui. Ses longues nattes ondulant sur son buste lui donnaient un air plus sauvage et moins dur que lorsqu'Orgrim la portait.

Son regard s'attarda trop longtemps, et Thrall le sentit. Il sourit, puis dit :

  • Nous avons tellement à discuter, à échanger. Je veux savoir tout ce qui t'est arrivé, princesse.
  • Vous avez traversé le continent, battu la Légion Ardente, le Roi-liche, et fondé une cité gigantesque, tu dois avoir plus de choses que moi à raconter, assura-t-elle.
  • Bien des choses ont changé, dit Thrall, l'air pensif.


Quelque chose semblait préoccuper son ami. Évidemment, quand on est chef de guerre, il y a toujours tant de combats à mener.

Garrosh, qui marchait un pas derrière son chef, scrutait Keera du coin de l’œil.

À présent devant l'entrée d'Orgrimmar, Keera ressentit de la fierté et une profonde mélancolie. Orgrim serait fier, si fier.

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